Book Reviews Guy Martin Pierre Pean, L'Argent Noir: Corruption et Sous-developpement, Paris, Fayard, 1988,279 p. Depuis la publication fracassante d'Affaires Apicaines (Fayard, 1983), dans lequel il exposait sans complaisance les turpitudes du "Clan des Gabonais" et d6montrait 1' ambiguity des relations d'"interd6pendence" France-Gabonaises, Pierre P6an s'est rapidement impos6 comme l'un des meilleurs journalistes frangais sp6cialis6s dans la r6v61ation des*dessous de la politique 6trangere de la France. DansL'ArgentNoir, P6an s'attaque a un sujet d61icat - la corruption politique - qui, si il a donne lieu a de nombreuses et fort int6ressantes 6tudes en anglais (cf. par exemple Victor T. LeVine, Political Corruption: The Ghana Case, Hoover Institution Press, 1988) n'a guere, a de rares exceptions pres (dont Hyacinthe Sarassoro, La Corruption des Fonctionnaires en Afrique, Economica, 1980, cit6 par l'auteur p.185) inter6ss6 les politologues francophones. D'embl6e, P6an d6nonce la corruption comme 6tant "l'un des facteurs essentiels du sous-deVeloppement" (p.9). Pour de nombreux pays en voie de deVeloppement (PVD), la corruption est un veritable fteau qui "a perverti le choix de dirigeants et ruin6 dans la soci6t6 tout esprit d'entreprise" et qui, "en minant la confiance des masses, ... conduit in61uctablement a la violence" (pp.12,273). S'appuyant sur une abondante documentation, l'auteur demonte minutieusement le mecanisme infernal par lequel, sous pr6texte d' "encourager les exportations", l'Etat francais incite - a 1' aide de toute une panoplie de bonification de credits et d'asssurance a l'exportation - les grandes firmes multinationales frangaises des travaux publics (Dumez, Fougerolles, Spie-Batignolles) et de 1'armement (A6rospatiale, Dassault, Matra, Snecma & Thomson-CSF) a vendre a des pays pauvres aux ressources financieres limit£es "des armes, des avions, des routes, des a6roports, des centrales electriques et des systemes de t616communications" (p. 74) sans qu'il soit tenu compte ni de leur capacit6 de remboursement, ni de l'impact de tels achats sur leur 6conomie. L'Afrique est ainsi jonch£e de cimetieres d'usines et de couteux et inutiles "616phants blancs" dont la liste est longue: Cit6 de rinformation (cout: 450 millions de francs) et complexes hydro-electriques d'Inga I & II (1,5 milliard de dollars) au Zaire; complexe sucrier de la "Sod6sucre" (35 milliards de francs CFA) et basilique de Yamoussoukre (37 milliards de F CFA) en Cote d'Ivoire,.et bien d'autres ecnore. L'irrationalite 6conomique de ce systeme est flagrante. D'une part, les pays acqu6r eurs sont g6n6ralement pauvres, sinon insolvables, et les projets industriels qui y sont 100 GUY MARTIN implant6s sont caracteris6s par "l'absence de justification 6conomique" et le "surdimensionnement" (pp. 128-137), ce qui contribud a aggraver un endettement exterieur deja critique. D'autre part, c'est l'Etat francais - done en d6finitive le contribuable - qui, par le m6canisme de l'assurance a I'exportation, supporte le risque de non-paiement par le client (cout annuel total: 30 milliards de FF, cf. p. 95). Les principaux ben6ficiaires de ce marchfi de dupes sont quelques industriels francais (les membres du "Club"), les d6cideurs politiques du Tiers monde b6n6ficiaires des "bakchich" (qui repr6sentent 5% du montant total du contrat pour les pays d'Afrique, et 7,5% pour les autres PVD), et enfin less partis politiques francais auxquels ces memes pays (tels le Gabon & la Cote d'lvoire) ristournent une partie de leur bakchich. Comment, des lers, sortir de ce cercle vicieux de la corruption et du sous-d6veloppement? Selon Pean, hors d la d6mocratie, point de salut: "seule la d6mocratie - permet de limiter le fleau de la corruption... la d£mocratie pluraliste reste ou sera le plus moderne outil du developpement" (pp. 273, 278). En pres de 300 pages denses, truff6es de noms, de faits, de chiffres et d'anecdotes et ecrties dans un style alerte et prenant, Pean ddmonte le mecanisme infernal de la promotion des exportations franchises; etablit le lien entre celuici et les couteux et inutiles "safaris industriels" du Tiers monde; analyse la complexe dialectique corrupteur-corrompu; et pr6sente finalement un tableau exhaustif et revelateur du phdnomene de la corruption et de ses effets socio-economiques pervers sur les PVD. Ceci dit, cet ouvrage pr6sente un certain nombre de d6fauts qu'il convient de souligner. Au plan mdthodologique, tout d'abord, le traitement du sujet est beaucoup plus descriptif et anecdotique qu'analytique, et les 6tudes regionales et par pays (Moyen-Orient, Mexique, Afrique) alternent avec les chapitres historiques et thematiques dans un ensemble dont le moins qu'on puisse dire est qu'il manque nettement de cohesion. En outre, l'absence de r6f6rences syst6matiques, ainsi que la longueur excessive de certaines citations (cf. pp. 142-45, 175-9) pourront rebuter le lecteur averti. Par ailleurs, on pourrait reprocher a l'auteur a la fois un choix presque exclusif de cas africains, et une concentration particuliere sur certains pays africains (Zaire, Cote d'lvoire, Sierra Leone) au d6triment d'autres. C'est ainsi par exemple que le cas Nig6rian est exp6di6 en moins d'une page (p. 229), alors que le cas K6nyan, oh Spie-Batignolles a decroche, en janvier 1986, un contrat de 270 million de dollars pour la construction du complexe hydro-electrique de Turkwel dans des conditions 6minemment suspectes - cf. Africa Confidential, Vol. 28, No. 7/ler avril 1987 - n'est meme pas mentionng. On denote 6galement une certaine partialite de la part de l'auteur dans le traitement accord6 aux divers chefs d'Etat africains. Alors que les malversations du Zairois Mobutu Sese Seko ou du Gabonais Omar Bonge sont justement d6nonc6es, celles de 1 "Ivoirien Houphouet-Boigny sont, curieusement, quelque peu occult6es par des propos lenifiants du genre: "Houphouet... reste l'un des seuls a mettre la Cote d'lvoire avant ses int6rets BOOK REVIEWS 101 particuliers" (p. 189), ou "la v6rit6 suffirait a faire de Houphouet-Boigny un leader africain exemplaire. II a impose la stability la paix civile. II a permis a son pays un v6ritable d6collage 6conomique" (pp. 205-6). Sans doute s'agit-il la d'une attitude d'616mentaire prudence, a la suite des dem616s homeriques d'un autre "empecheur de coop6rer en paix", Jacques Baulin, avec le Gouvernement ivoirien a la suite de la publication d'ouvrages tres critiques sur le regime d'Houphouet (La Politique africaine, et La Politique intirieure d'Houphouet-Boigriy, Eurafor-Press, 1980 & 1982). On peut dgalement se demander si le modele occidental de d6mocratie pluraliste que Pean propose aux pays du Tiers monde comme panac6e a la corruption (pp. 269-278) est bien adapt6 aux r6alit6s historiques, sociologiques et culturelles de ces pays. Mais la critique la plus s6rieuse que l'on puisse formuler a l'endroit de cet ouvrage est qu'il 6vacue totalement tous les facteurs du sous-developpement autres que la corrutpion (causes historiques, sociologiques et 6conomiques, notamment). Bien que l'auteur s'en explique dans l'introduction (note 1, p.13) il lui est bien entendu impossible de d6montrer (comme a pu le faire David J. Gould in Bureaucratic Corruption and Underdevelopment in the Third World, Pergamon Press, 1980) que la variable "corruption" a une part d6terminante dans le processus de sous-developpement, comme le suggere le sous-titre de Pouvrage. En definitive, on peut deplorer le fait que le contenu de cet ouvrage - au demeurant fort intdressant - ne soit pas tout a fait a la hauteur des esp6rances 16gitimes suscit6es par un titre all6chant et la signature d'un auteur consciencieux et courageux. Sankara le Rebelle, by Sennen Andriamirado. Paris: Jeune Afrique Livres, 1987. Pp.237. Burkina Faso: Processus de la Revolution, by Babou Paulin Bamouni. Paris: L'Hartmattan, 1986. Pp. 190. La Revolution Burkinabe, by Pierre Englebert. Paris: L'Harmattan, 1986. Pp. 264. Thomas Sankara: Un nouveau pouvoir africain, by Jean-Philippe Rapp & Jean Ziegler. Lausanne & Paris: Pierre-Marcel Favre/ABC, 1986. Pp. 176. The Populist Revolution ushered in Burkina Faso (formerly Upper Volta) by the military coup d'etat of August 4,1983, led by the late Thomas Sankara and a small group of radical junior army officers (Blaise Campaor6, Jean-Baptiste Lingani and Henri Zongo) had, unquestionably, raised much hope for radical political change in West Africa among the African masses and sections of the leftist intelligentsia in Africa and elsewhere. Such great hopes for a measure of socialist transformation in a region hitherto characterised by political apathy and economic stagnation were dealt a crushing blow when, on October BOOK REVIEWS 103 against colonial and neo-colonial oppression. Bamouni then proceeds to outline the duties of each social class (working class, peasantry, lumpen-proletariat and "revolutionary" petty bourgeoisie) in the revolutionary process. His intimate conviction is that all the progressive elements in the country should unite within a proletarian "Communist Party" led by the working class, the only truly revolutionary class in society. Unfortunately, Bamouni's rigidly orthodox Marxist-Leninist approach results in an unimaginative and stereotyped analysis far removed from any observable social reality (for instance, the almost non-existent Burkinabe proletariat can hardly constitute a significant "revolutionary vanguard"). Following the untimely death of its author in the bloody October 1987 coup d'6tat, this essay should essentially be viewed as the political manifesto of a faction of the Burkinabe revolutionary forces which is now totally marginalised, but which might well resurface in the future. Pierre Englebert's La Revolution Burkinabi is an exhaustive and well documented study by a Belgian political scientist who, as Jean-Pierre Cot says in the preface, "already admits his sympathy for Burkina Faso, its Revolution and Head of State" (p. 5). Yet this sympathy does not prevent die author from providing us with a detailed, carefully argued and at times critical analysis of the Burkinabe Revolution. First of all, Englebert provides a lucid and revealing account of the complex and ambiguous civilian-military relationship in Burkinabe politics. Thus, he convincingly argues that the army has progressively gained control over the state apparatus, the political process and even internal social dynamics to such an extent that socio-political change can only be initiated from within its ranks (p. 67). Indeed, according to the author, the army has become "the main channel through which the revolutionary forces had gained access to power" (p. 88). While the post-August 1983 revolutionary regime is careful to present itself as a broadly-based popular regime, the fact remains that the military continue to strictly control the process of socio-political change in the country. Englebert then skillfully unravels the complex pattern of intra-leftist political struggles and of civilian-military competition over control of the state and political institutions. The author's analysis of the internal democratic process prevailing within the Revolutionary Defence Committees (CRDs) - the main revolutionary political structure - where debate is strictly controlled and decisions coming from above are practically imposed on the base, is particularly revealing. Thus, according to Englebert, the government's progressive mobilisation of all major age, sex and occupational groups (women, youth, elders and peasants) within national institutions, clearly foreshadows dangerous- totalitarian tendencies (pp. 143-150). The author concludes his analysis by indicating that, in his opinion, one of the main threats to the Burkinabe Revolution is the danger inherent in the increasing concentration of power within the hands of the "PF" (Faso President), Thomas Sankara (pp. 207-208). Indeed, as Englebert so presciently remarked, "contrary to his own wishes, President Sankara has in fact a quasi-monopoly 104 GUY MARTIN of political power. This state of affairs is in contradiction with the objective of popular participation and dangerously links the fate of the Revolution to that of Thomas Sankara as a person" (p. 208). Although Sankara himself had warned that "if you kill Sankara today, tomorrow twenty Sankaras will reappear" (in Andriamirado, p. 226), recent press reports on the Compaore' r6gime seem to indicate that indeed, the BurkinabS Revolution might well have died with Sankara (see West Africa, 10-16 October 1988, pp. 1883-5). While the studies by Andriamirado and Rapp and Zi6gler offer valuable insights into Sankara's personality and certain aspects of the Burkinabe Revolution, Bamouni's account enables us to view it from within, through the eyes of one of its main protagonists. While Bamouni focuses on the ideological foundation, inner logic and concrete tasks of the Revolution, Englebert provides us with a fascinating analysis of the internal political dynamics of this Revolution in what may well be one of the best studies on Burkinabe politics to date. Ultimately, all four books nicely complement each other and, taken together, provide us with an overall picture which enables us to better understand the underlying causes of the dramatic October 1987 "d6nouement" and the subsequent "rectification" process initiated by the Compaord regime.