Afr.j. petit. ,ci. (1996), Vol. 1 No. 2, 176-201 Mutations Socio-Politiques et Replis Identitaires en Afrique: Le Cas Du Cameroun Par Ibrahim Mouiche* 15 aout 1995: Miguel TROVOADA, premier President democrat iqucment 61u dc l'archipcl de SaoTome" et Principe, est renverse p;ir des miliuiircs. Sous unc forte prcssion de lacommunaute inleniatioiiiile, les pulschistes rendent Ic pouvoiraux civils le 21 aout contre une loi d'ainnislie voice par lc parlcmcnt. 28 septembre 1995: Said Moh;uned JOIIAR esl dcsliluc dc scs ibnciions presidcnlicllcs aux Comores p;ir un groupe de mercenaires conduits p;ir Ic rencgat Bob Dcnard. 16janvicr 1996: le capitainc Valentin STRASSKR, Ic jcunc chcl'du gouvcnicincni miliuiire de Sierra Leone est renvcrsc piir un coup d'Htal mcn6 par son vice- president, le gdneral dc brigade Julius MAADA BIO. 27 Janvier 1996: Mahiimanc Ousmane, premier President issu des elections pluralistcsau Niger, est ddposd par uncoupd'lilalinililiurcopcTcpjirlecliel'd'l'Jai- major gdndral des armees, Ibrahim Bard MAINASSARA. 2 fevrier 1996. rarmee lance un assaut sur le palais presidenliel a ('oiiakry ((iuincc), decidee a y dcloger Ic general Uinsana CON'li;, donl le caractere deinocralique de 1'election a la lelc de I'lJat, il ya quelques amices, I lit vivcineni coniesie. Autcrmedequarantehiiilheurcsdcnegotiations. lcstiiilii;«ircsroj;;ij:nciii leurs casernes. Cinq coupsd'Ktat reussisou inanqiiesen six inois, iirlmlcvraii auxprocessu.sde l'cstimcM. PIUS NJAWI-^duquolidiencainerouiiiusLe Message/ democralisalion en Afrique (voir l.d en cours depws inquivivr tfuunt ainsi i|uc six nns» 1027-O.IH.i <•• ;y*5 AJnian Assmuilum nj l'nlm,,// .V, un, r LeCasdu Cameroon \T1 du no 477 du 6 fevrier 1996); ce d' autant plus que Alain Touraine (1990) peoae que lc XXe siecle n'a pas aimg la democratic Le retour aux commandes au Benin du dktateur d'hier, «l'homme-cam£lion» Mathieu KEREKOU nc fait que conforter cet etat d'esprit D en est egalement de la mutinerie des soldats centrafricains qui a failli degenerer en coup d'Etat, n'eut 6\& l'intervention de l'annee francaise au mois de mai. Ensuite, le renouveau de conflits ethniques, des rebellions annees et les replis identitaires qui accompagnent le processus de democratisation, fait des politiques de construction nationale en Afrique noire une question incontoumable. C'est un sujet qui exige une inflexion lucide et approfondie apres (rente ans d' independance qui ont suscite des phenomenes nouveaux dans le domaine politique, ecooomique, social, cultural, linguistique et religieux. Aussi les problemes relatifs a la question nationale ne peuvent-ils plus 6tre poses de la meme maniere aujourd'hui qu'ils etaient pendant la colonisation (Amady Dieng Aly, 1995:1). Les pages qui suivent tournent autour de ces deux problematiques de deinocratisation et de la question nationale en Afrique. Hies tentent de repondre a la question du Professeur Georges NZONGOLA-NTALAJA (1995:1-5) qui se demande «sila democratic est possible en Afrique: Question pertinentede «gouvernance» qui se ramene a *la crisede I'Etat, de la dimocratie et du diveloppement* et qui exige une vision «holiste et historique* de 1'autopsie de l'Etat africain post-colonial au risque de toumer en derision. Le choix du Cameroun ddnote (Tune certaine symbolique.Car en Cut, situ6 geographiquement a la chamiere de 1'Afrique occidentale, centrale comme des ensembles sahelien et equatorial, culturellement a la jonction des mondes francophone et anglophone, aussi bien chrgtien que musuunan, ce pays a tout pour animer ce que le President Ahidjo reprenant la formule de Senghor appelait les « cercles concentriques de solidarity c'est-a-dire vu de Yaoundfc l'Afrique equatoriale francophone et hispanophone entre Zaire, Soudan et Nigeria; 1* Afrique atlantique au sud du Sahara et a 1'Ouest des grands lacs, l'Afrique continentale (Gaillard, 1989:193, t2). En ce sens, il est le carrefour des trois importantes regions culturelles: la cdte de Guinee avec ses peuplades ndgritiques, le Soudan occidental avec les Peul et les pleuplades arabes, le Congo avec les peuples de langue bantoue. L'extr6me complexity ethnique est a l'image de celle de l'Afrique. Raison pour laquelle, son dtude est particulierement bendflque pour qui veut s'initier aux problemes africains. I. Mutations socio-politiques et crise de I'Etat en Afrique Apres un peu moins de trois ddcennies de regimes autoritaires et repressifs, l'amorce des annees 80est marquee en Afrique par des bouleversements politiques, economiques et sociaux G^iouf, 1995:1) qui ont pouss£ les Etats nto-patrimoniaux subsahariens tels des dominos aux portes de la democratisation, chacun selon ses 178 Par Ibrahim Mouiche tenii^sespartkMlmi&etSvenaiell^^ dc laconstniction auloritairc (MBEMBE.1992: 37-64) revele une malaise social intensify par les effets de la faillite du modele neb-colonial de croissance et de gouvemementalit£. A — Lcs changements des structures des societes africaines Ainsi que l'affinnent Jean Francois Bayart, Comi Toulabor et Achille Mbembe (1992:16; voir Peter Gibbon, 1992;G.Conac, 1993:11-41), le role declencheurdes *dynamiquesdu dehors* (l'arrivee de la gauche au pouvoir en France en 1981, la chute des partis communistes en Europe de l'Est, et notamment le renversementde ladictature familiale de Ceaucescu a 1' issue de 1' une des manifestations spontanees de soutien que les Africains connaissent bien, la liberation de Nelson Mandela en Republique Sud-africaine) a 6te patent au point d'avoir &\& surestim£ par des nombreux acteurs. Mais cette poussee ddmocratique a 6te d'abord une pulsation propredessystemespolitiquessubsahariens. D'ailleurs, avantmeme laperestroika plusieursdirigeantsafricainsavaientddjaamorcd des processus de deconcentration du pouvoir pour tenter de sortir leur pays de 1'impasse ou les avail conduits un moDopartisine bureaucratique ou une militarisation toiale de leurs structures gouvemementales. Mais ces experiences dtaient isolees (Cqnac, 1993: 11-41). Done, cede Afrique a change depuis les independances. En premier lieu, pres des 2/3 de ses habitants sont nes apres la fin de la colonisation; elle appartient a un passe consigne dans l'environnement, les livres et les mdmoires; ils n'ont connu leurs pays que dirigds par les Africains. Ces moins de trente ans sont en moyenne plusinstruitsque leurs aines: ils ontbeneficie des ddveloppements de la scolarisauon apres l'independance. Ils sont plus nombreux a habiter les villes quelle que soil la facon dont ils vivent. Enfin, ils sont touches par une circulation Internationale de l'infonnation rendue plus intense par suite des changemenLs techniques favorisant sa diffusion. Or, jeunesse, urbanisation, instruction, communication sont des facteursd'ouverture au monde venusde 1'exterieuren meme temps qu' ils suscitent de nouvelles manieres de percevoir et de juger des societes d'appartcnance. Dans cette optique, la contestation surgie au grand jour a la Tin de la decennie 80 et au debut des annees 90 n'est pas si fortuite; loin d'etre la negation du «bdti» des independances, elle est au contraire son prolnncs sociales et dconuiniqucs Le Cas du Cameroun 181 pour succdder aux normes en crise. Apres le vote-sanction urbain lors des municipales du 21 Janvier 19% au Cameroun, le Secretaire General du Comitd Central du parti au pouvoir (le RDPC) M.Joseph Charles Doumba (voir Cameroon Tribune n 6031-n 2320 du lundi - Monday 5 fdvrier /5 February 1996: 6) a pu reconnaitre avec humility la fragility du tissu social camerounais: «Si je devais tout de suite tirer des lemons, je dirai que le message est bien compris. En fait, les grandes villes nous adressent un message que nous connaissons. Elles nous dcinaiident d'etre plus attentifs aux problemes des chomeurs. Ceux-ci demandent a retrouver des activity's qui leur procurent des revenus. Les fonctionnaires, les retraites et les autres deflates nous demandent de mieux les accompagncr pour qu'ils trouvent des moyens de subsistance. Les responsables des communes eux-memes attendent de nous de mcilleures possibility pour rendre plus viables leurs locality's, en matiere d'61cctricit£, d'eau, de s£curit£, d'hygiene, de transport public, d'habitat, de scolarisation ( . . . ). En fait, je dirai que nous payons le prix de la crise cconomique ( . . . ). Nous avons perdu dans quelques grandes villes. J'ai la conviction que e'est la consequence negative de la baisse du pouvoir d' achat, du niveau de vie el incmc de la quality de la vie des populations dans ces localite.s.» On comprend pourquoi l'Etat africain post-colonial a die" violemment contestd ces anuses et cela dc deux manicrcs. D'une part il subit la contre-offensive des elites nou velles qui en ont assez de la bourgeoisie bureaucratique au pouvoir depuis trcnle ans; d'autre part, il est conlestc avec beaucoup plus de violence par des groupes marginalises pour des raisons a la Ibis sociales, ethniques et qui en ont assez d'etre lues et marginalises (G. Prunicr, 1991 : 9-14). Sous les expressions bien abstrailes de democratic el de l'Etat de droit, ces populations revendiquent plus exactemenl un respect effectif des pluralismes culturels, une protection cfficacc contre l'arbilraire, un partage plus Equitable des droits a 1'inslruction et aux acquis de la modern ile, une participation aux processus des decisions les concernant leplus direclcinent. II ne faul done pas s'£tonnerquecesmouvements aienl parfois mobilise des masses urbaines insensibles aux slogans repetitifs des propagandas officielles. Le feu ne prend et ne se propage que si la s6cheres.se a rendu la brousse inllammable a la inoindre ctincelle (Conac, 1993: 11-41). Ces lutles populaires el contestalaircs des regimes autoritaires ont continue a se radicaliserjusqu'aujourd'hui. Ces mouvcmcnLs ont mis dans les rues des capi tales africaincs de nouveaux acteurs sociaux, de nouvelles procedures de mobilisation el une nouvelle thematique ideologique dont la demoralisation apparait comme la matrice. Ces mouvemcnis soul essentiellement uibains4; animes par les jeunes chomeurs ou scolariscs, les enseignanls el les eieves, et etudiants, les jounalistes 182 Par Ibrahim Mouiche eUvocals lesmouvementsde defense des Droitsderhomme.les deflates, etc.. Le resultat en est la coexistence de l'autorite centrale avec des foyers plus ou moins autooomes, la fin du monopole de l'emploi legitime de la violence, la multiplica- tion des espaces bautement surveiltes auxquels s'opposent des marges support&s par des pratiques iUicites et des identity xenophobes qui font exploser les cadres et du territoire et de la citoyennete rationale. D'ou la proliferation des espaces sociaux echappant totalement a l'autoritd et a la tutelle de l'Etat, au service des strategies politiques des mouvemcnls sociaux et populaires (Diouf, 1995:32-34). H - Crise de legitimite, mouvement pour la democratic et liberalisation politique au Camerciun. Comme le font remarquer Albert Bourgi et Christian Casteran (voir Bruno Ehui Koffi, 1993:14), *pour la premiere fois en 1990,I 'Afrique est descendue dans la rue non pas pour ripondre sous contrainte d des slogans qui se voulaient mobilisateurs et qui n'itaient que dehiles, mais pour crier sa haine des regimes aussiarbitrairesqu'incapables*. Or, si cette Emergence dCmocratique empmnte dans les champs et marchds politiques africains (Bourdieu, 1987 : 3-24) des chemins divers compte tenu de I'amplcur des revendications libertaires el la situation de pr6carit6 momentnnde dans laquclle se trouvent les groupes au pouvoir, les strategies de regulation du ddsgquilibre entre 1' Etat et la societe civile qu'elle induit ddbouchent plutfrt sur refflorescence d' une nou velle conflictualitl. Ces conflits sont qualifies par Onana Renner (1995) de «conflits de la seconJe giniration» ainsi appel6s en raison de leur lien avec «la transition liberate et la post-moderniU» et parce qu'ils *ont la particularity de se derouler entre le marteau a"une liberalisationpeu satisfaisantei et I 'enclume d'une guerre civile*. A - Le mouvement pour la democratic au Cameroun6. Tel que lenote le professeur Maurice Kamto (in Conac 1993:209-238), en maticre de transition vers la democratic pluraliste, le Camcroun comme en bien d'autres domaines a pu cultiver une certaine «singularite»: «Ne voulantpasfaire comme les autres, son evolution parait plus couteuse politiquetnent et economiquement. Apres avoir brocarde le multipartisme, les autoritts gouvernantes ont fini par s'y re signer. En s'opposant a I 'organisation d 'une conference nationale, elles confirment leur volonte de sedimarquerdu mouvement general en cours en Afrique noire francophone. Face a une opposition inexperimentee mais resolue. parfois excessive, le pouvoir se radicalise et affiche une arrogance a peme voilee (...). Contraint par les demandes sociales de democratie et la pression de I'environnement international, on dut se diriger vers le multipartisme mais sans enthousiasme. Chaque acquis democratique a ete arrachi par la Le Cos du Cameroun 183 «soci6tt civile* en Emergence el par consequent concede' par le pouvoir dont V ambition dimocratique s 'est avirie plus lunate que Vannoncaient lesdiscours*. Aussi l'annee 1991 reste-t-elle gravee dans la memoire des Camerounais. C'est celle de la constitution de nombreux partis politiques et des groupes de pression avec les lois de decembre 1990 libdralisant la vie politique camerounaise. Mais, avant d'en arriver la, c'est la ville de Douala qui avail donnd le ton en plein monolithisme en fevrier 1990 avec la tentative de citation d' un parti politique dont l'6touffement dans l'oeuf occasionna la poursuite de ses initiateurs notamment Mr. Yondo Black, Ekane Anicet et Feko Vincent devant le tribunal militaire de Yaounde pour ^subversion et atteinte a la sicuritide l'Etat»\ A la ville de Douala s'&ait succ&ie en mai la ville de Bamenda, capitale de la region anglophone du Nord-ouest ou eut lieu le 26 la marche de lancement d' un parti d'opposition, le SDF malgrd 1'interdiction formelle du gouvernement, marche qui se solda par de nombreuses victim es. Mais les choses devaient aller (res vite en 1991. Des le mois de mai, 1'opposition dans le cadre de "La coordination des partis politiques et associations* engagea une vaste dpreu ve de force sous la forme d'« Operation villes-mortes* (desobdissance civile, manifestation de rue, refus de s'acquitter de Timpot, greves sporadiques, boycott des activites administratives, etc.) face au refus du gouvemement de convoquer la conference natioiiale sou veraine. Depuis Tin avril, des manifestations de rue plus ou moins controiees par les partis avaient 8M : 70; 190 Par Ibrahim Mouiche Memofandumdes Kirdi, 1993; Achille Mbembe, 1993: 345-347; Kees Schilder, 1991) L'avteement du President Biyal4 en 1982 et la liberalisation politique des M^ft 90 ont sonnd Ic glas de l'hdgdmonie musulmane et Ton assiste a une veritable integration socio-politique des Kirdi infeodds au parti au pouvoir, le RDPC Us iedoutentunretourau pouvoir des Peul.Raison pour laquelle Us sow firoochement opposes au parti «nio-ahid)oXste», l'UNDP du leader peul Bouba Bcllo MaYgarL Dans cede entreprise. Us sont aides par la Dynamique Culturelle KinH (DCK) et meme mutatis mutandis par le parti du MDR. Aujourd'hui, la plupart d'entre eux occupent les hautes spheres de l'Etat jadis I*apanage et la dttue-gardee des musulmans (Ministeres, Presidence et Vice-Presidence de 1'AstemMte Natknale, Presidence du ConseU Economique et Social, etc.). Mais, let Peul demeurentecooomiquementpuissants face aux Kirdi souventtrespauvres ct complexes. Le *probUme Bamiltkt* resulte de la vigueur ddmographique et du contrdle qo'exerce ce peuple sur certains secteurs de 1'dconomie urbaine qui ont suscitd contre eux deux types de ressentiment tels que le decrit AcbiUe Mbembe (1993: 345-377, Mouiclie, 1995 b): L' an decoule de la cndnte exprimde par les autres ettanies, de voir les BamUeke aMeoirdeiniitiveinentleurbeg6nKMiiepoUtiqueenusantsimultanementdelaforce du ncmbre, de teur puissance financiere et de leurs capacit£s d'organisation et de Eu egard a cette crainte, ces etbnies n'bdsitent pas a se liguer ensemble p g knqu'U faut, afin de lew barrer l'acces a l'Etat, c'est-a-dire aux diverses rentes (caioa^equipements, nances import-export, emploU, faveurs et liberalites, etc.) qui servent a batir l'essentiel des reseaux de patronage (voir egalement Ndi Mbarga: 1993). fraudesdouanieres.b^ l' l'E ' di di L'autre forme de rcssentiment est nourrie par les BamUdkd eux-memes. EUe se taduk par une frustration montante, relative a 1'incapacity du groupe a convertir et surface demographique et economique en dividendes politiques. Cette frustra- tioB natt aussi d'un sentiment croissant de persecution contre la «diaspora» ooaunercante bamUelc^ dispersee dans les principaux centres urbains du pay s et qui a A6, favoris^ par les flambees d'hosdlitd nees de la liberalisation politique. Plus grave est que dans sa tentative de faire surgir, de toutes pieces une 'bourgeoisie* bed capable de servir de socle a son regime et de raire contrepoids a l'emprise des Bamil6k6 sur d'importantt secteurs de l'economie, le President Biya s'&ait lance* entre 1983 et 1987 dans une entreprise d'octroi des credits massifs a ses *freres», Aumeme moment, U depouillait les Bamiieke et les Peul de la part des rentes qu' Us controlaient sous Ahidjo. D'ou la grogne des Bamiieke enrolls dans l'association culturelle du Laakam etl'opposition dite eradicate* sous la banniere du parti SDF, Le Cos du Cameroun 191 voire les Peul dans l'UNDP. - Le «probleme anglophone* qui a connu un coup d'accelerateur avec la liberalisation politique, est lid a la Reunification et a la forme unitaire de l'Etat Camerounais qui constitue pour cette communaute un *malaise» du fait de son «icrasement» par la majority francophone: «Notre problems... vient du fait que les dirigeants francophones ont trabi notre conflance et qu'il n'y a pas de transparence dans les affaires publiques. Au cours de ces 32 anndes, notre accord a 6t£ viol6. On nous a prives de droits electoraux, marginalises, traites avec suspicion; on a cantonnd a des fonctions non essentielles notre participation a la vie de la nation.. . A la suite de manoeuvres et manipulations, nous sommes passes au statut de partenaires 6gaux a celui de peuple sous le joug» (Declaration de Buea, Politique Afrkaine no 51:141). Des k>rs on o)mprendpouniuoi, suite a l'aniwnceofTicielkd'unde^at national en vuede la revision de la constitution le 25 mars 1993, s'estreuni a Buea les 2 et 3 avril 1993 le congres anglophone («All anglophone conference*). Congnts doot le but officiel dtait *d'adopter une position commune a tous les anglophone* & ie'garddude'batnatioMlsurlare'formeconstitutionnellequivas'ouvrirainsique d'examiner d'autres sujets qui concernent notre bien-itre et celui de notre descendance , de notre territoire et de la nation camerounaise toute entiire* (Declaration de Buea in Politique Afrkaine, 51,1993:140). Aujourd'hui Ton assiste a la proliferation des joumaux prives de langue anglaise tels Cameroon Post, Today,The Herald, etc. et des lobbies politico- identitaires a l'instar du Cameroon Anglophone Movement (CAM), Free West Cameroon sans oublier la base rggionale du parti du SDFdu leader anglophone Nl John Fru qui vont jusqu'a reclammer le retour au ffrtfralfonK! quand ce n'est pas 1'option secessionist en vue de l'Etat d' Ambazonie du nom de la bale d'Ambw. - Outre le «probleme anglophone*. Ton a assists apres les municipales du 21 janvier dans la ville de Douala a une marche dite *Sawa» organisee par les chefi traditionnels duala le 10 fdvrier 1996. Cette marche baptisee *Marchedel'espoir» avait pour objectifs de protester contre la ^confiscation des quatre Mairies de Douala par les originates de I'Ouest* (Principalement les BamileJcd) (voir Challenge Hebdo n 229 du 12 au 15 fevrier 1996; EMkalo du 15 au 16 f«vrier 1996 ; Generation no 62 du 4 au 10 mars 1996; Cameroon Tribune du 14 fevrier 1996). ..^Neanmoins, tout conune en Afrique du Sud (voir Daniel Surprenant, 1995) roire partout dans le monde, ces identites au Cameroun (Nordistes, Kirdi, Musulmans, Bamil6k6, Anglophones, Beti, Anglo-Bami, etc.) sont multiples et lew charge est variable et contingente. B - La charge plurielle et contingente des identites au Cameroun Les identites (ethnies, regions, etc.) n'existent jamais a l'etat pur. Elles sont 192 Par Ibrahim Mouiche toujoun en rapport avec d'autres considerations qui peuvent eired'ordrepolitique, ecooomique, juridique, social ou religieux qui constituent leurs composantes esseotielles.SinouspfenonsparexeinplelecasduNordCaineroun,ronserendia a l'dvidence que cette vaste region est plutdt parcourue de clivages sociaux dont il est simpliste de require a une contradiction entre une minority dominante Peul et one majoritf Kirdi dominee. Certes ces distinctions existent et elles jouent un fWc indeniaMe dans la constitution des identity culturelles et politiques. Mais dans les faits, ces identites sont multiples tout comme les loyautes qu'elles appellent et les formes de l'inlgalitd dont elles s'accomodent. II est vrai qu'aucun Peul ne se dirait noo musulman, mais 1'adhesion de certains d'entre eux (les pasteurs bororo) a la foi du prophete reste superficielle. Quant aux Kirdi, ils reprdsentent une mosaique bumaine socialement hdidrogene dont 1'insertion au systeme regional d'indgalitds varie d'un groupe a l'autre. L'equation du Nord se laisse plutot ramener a rhdgemonie d' un bloc au pouvoir, cimente culturellement par V* islam way of life* mais etbniquement heteroclite puisque Ton y retrouve les grands notables Peul (ou Foulbe), les commercants haoussa, les Kotoko, les Bomouan et les *£lites» converties kirdi (Bayart, 1989:17). Par aUleurs, meme s'il est mu par des intdrets communs, le *bloc» musulman est loin de presenter l'bomogdnditd qu'on lui prete. La competition entre les lamidats (cbefferies Foulbe), les millieux d'affaires de Ngaounddrd, de Garouaet de Maroua prdcede la colonisation. Rey-Bouba a toujours marqud son autonomie contestant de fait la preeminence des grands centres urbains. De meme, il est des musulmans comme les Arabes Choa de rExtrSme-Nord qui ont dtd marginalises etn'occupentpas une position privildgieeaujourd'hui, ils sou tiennentfan>uchement le rtgime du President Biya contre leurs freres ennemis Kotoko qui sont dans l'UNDP. Et avec la liberalisation politique, la dissociation entre ethnie Peul et islam est de plus en plus revendiquee par des groupes ethniques naguere soumis a l'instar des Mandara, Bomouan, Haoussa etc... Etmcme si Ton peutconsiddrer que le fait d'adherer a 1"islam cree entre les islamisds une communautd dc pensdes d'attitudes de * civilisation* et relegue au second plan les part icu larismes ethniques] le fait de s'opposer a 1'islam et de resister a toute forme d" assimilation ne suffii pas acreer la meme uniformity entre les groupes Kirdi qui, souvent s' ignorent, parfois s'opposent et dans tous les cas s'efforcent de preserver leur originalite. Et le voic dtant essentiellement un phdnom6ne de groupe, Ton ne saurait parler de leur «bomog6ndit6politique». Au contraire la plupart d'entre eux soul acquis a lacau.se du parti du RDPC du President Biya dans un rdscau de prcdation, d'accumulalkm et de redistribution. Ce qui fragilise et r&luit I'equalion de populariic des leaders de partis Kirdi a l'instar du MDR de Dakole Daissala qui est moins uu parii Kirdi qu'un parti «tribunilicn» toupouri, son ethnic (Mouiche, 1995 a). Sous un autre angle, le lerme 0. Warnier (J.P.), L'esprit d'entreprise au Cameroun. Paris, Karthala, 1993.