Afr. j . polit. set. (2000), Vol. 5 No. 1,46-91 Ethnicite et Multipartisme au Nord-Cameroun Ibrahim Mouiche * Resume Le «Nord-Cameroun» renvoie au depart a une entite administrative pluriethnique, mais ce pluralisme sera transcende par le regime du President Ahidjo, pour constituer sa region natale en un bloc quasi-monolithique,veritable base-arrierepolitiquea trovers une action regionalisante.Neanmoins, cette action regionalisante, dans la mesure oil elle reposait sur I 'hegemonie peul-musulmane sur les Kirdi (populations pa'iennes), des Kotoko sur les Arabes choa (pourtant appartenant tous a la Umma), ne s'etait pas operee dans le sens d'une bonne gestion de Vethnicite qui auraitpu prendre en compte les veritables interits des populations locales en privilegiant les solidarites et les complementarites. La demission du President Ahidjo et I'avenement de M. Biya en 1982 ont determine de mutations profondes au niveau de la superstructure dont I 'impact sur les differentes composantes du Nord-Cameroun a ete evident. Surtout, a I'ancien «projet hdg&nonique peul-musulman», Biya va opposer un «contre projet kirdi» en emancipant ces derniers. Et avec le retour au multipartisme au Cameroun en 1990, le Nord va etre soumis a un retournement dans la gestion de I 'ethnicite, les elites des differentes communautes tentantde trouver une nouvelle rationalite, de definir des objectifs et d'appricier I'ensemble des ressources leurpermettant de benefwieravantageusementdelarentepolitiqueetdesepositionnerstrategiquement au niveau local et national. Cette etude qui est une sociologie electorate du Nord-Cameroun est articulee sur deux parties: d'une part, nous nous efforgons de montrer comment I'instrumentalisation de I'ethniciti dans la vie politique du Nord-Cameroun trouve son historicitedans la consecration precoloniale, coloniale etpostcoloniale de I'hegemonie musulmane (sous la houlette de I'ethnie peul) sur les Kirdi et des 1027-0353 © 2000 African Association of Political Science Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 47 Kotoko sur lesArabes. D'autrepart, il estquestion des regroupementspolitiques et des facteurs qui determinent le comportement electoral des populations du Nord-Cameroun du Nord-Cameroun en rapport avec Vethnicite. Cequel 'on peut retenir, est que la crise economique rampante etla crise de la succession prisidentielle de 1982,couplee de la politisation de Vethnicite etde la democratisation autoritaire du regime du President Biya, a conduit a la bipolarisation de la vie politique de cette region mais aussi et surtout a la perturbation de ses tendances ilectorales.Ainsi, alors que le Nord etait considere comme le fief du parti de I'UNDP du Peul Bouba Bello Maigari, chaque consultation electorate voit son electoral se «volatiser» au profit du RDPC du President Biya, lequel est en passe de devenir un parti dominant dans cette region du pays. Le MDR, petit parti «tribunitien» toupouri localise dans les zones toupouri de I 'Extreme-Norda subi le meme sort pourperdre son role tribunitien. Tous ces facteurs de perturbations posent le probleme de la creation des conditions politiques, tconomiques, socialesetculturelles, d'unancrageprofondet irreversible de la democratie. Introduction En Afrique noire contemporaine, anteiieur au fait 6tatique existe le fait ethnique. Paradoxalement, celui-ci trouve dans celui-la un terrain privilege de resurgence et d'expression. C'est a tort que Ton pretendait minimiser la vivacity importante de cette donnee sociologique. De 1'Afrique, il explique certains comportements auxquels s'interesse la science politique. L'observation deM. Nicolas s'impose ici avec force lorsqu'il ecrit: «si lefait ethnique n 'etait qu 'une trace du passe, on ne comprendrait cette obstination de ceuxqui visenta V adapter sans cesse au present le plus brulant, ni qu 'il provoque la mise en cause des systemes modemes »' (voir Pambou Tchivounda, 1982: 92). En fait, le contexte ethnique constitue une dimension essentielle des modes d'organisation et de perception de soi en Afrique puisque, sur le plan historique, c'est le cadre ethnique qui a assure1 (et continue a assurer) la structure fondamentale de l'heritage culturel, spirituel et artistique des populations africaines. Le bagage ethnique de 1'Africain moyen consiste essentiellement en un mode de vie et une conception du monde, comme peuvent l'etre les structures del'Etatdans les society ou lanationalitg etF element ethnique ont fusionn6 en une entity commune (Balogun, 1993: 61). Et dans la mesure ou l'ethnie a vocation a promouvoir Fintegritg politique, economique et culturel de chacun des groupes constitutifs de la societe dont elle releve, h. y favoriser le retour a la confiance, a 1' initiative, a la creativite sociale, a plus de solidarity, et a conjurer ce faisant les forces anomiques, anthropiques et centrifuges de la structure globale, elle apparaft comme un argument indispensable pour la mise en oeuvre et la promotion d'un developpement harmonieux et par consequent durable de l'Etat (Nkoth Bissek, 1994: 236).2 48 Ibrahim Mouiche Done l'Etat moderne en Afrique ne pre"sente pas le monopole du controle de la nation, des structures politiques, des structures administratives et de la soci&e' civile. II ne parvient meme pas a gdrer les « identites tribales » qu'il pretend connaitre. Au contraire, nous nous trouvons en face d'un ensemble de structures et de comportements politiques originaux qui ne se laissent pas ais6ment d6finir et qui donnent du fil a retordre tant aux dirigeants africains qu'aux chercheurs. Ces structures et comportements politiques s'enracinent en tant que praxis politiques, construites et inscrites dans l'histoire locale et non officielle; ils tiennent en e"chec l'Etat moderne weberien, puisque sur la scene nationale, il intervient avec d'autres lieux de pouvoir qui le forcent a respecter leur espace vital, cre'ant ainsi une nouvelle structure de pouvoir, l'Etat et ces lieux de pouvoir se pre"sentant comme deux types de pouvoir tantdt opposes et concurrents, tant6t conciliants, mais entrained dans une forme nouvelle de relation d'Etat et de pouvoir local dans la modernity (Biaya, 1998: 106). Mais, si l'experience africaine peut nous apprendre quelque chose, e'est bien que ridentite" ethnique est toujours plurielle, Evolutive, transformable. Elle n'est dans cette situation de modernit6 ou meme de modernisation qu'une expression particuliere (parfois survalorise'e, parfois sous-valorised) d 'une gamme tres large d'adh6sions identitaires multiples dont l'activation est liSe a la fois a la configuration propre des enjeux sociaux du moment, al'efficacitd comparee des diffSrentes formes d'action et de mobilisation sociales disponibles et aux options des « porteursdesdiscours»(Darbon, 1995:11). DSslors, Marco Martinello(1995:18- 19) a raison pour deiinir Fethnicit6 comme «une des formes mqjeures de differentiation sociale et politique et d'inegalite structurelle dans la plupart des societes contemporaines et qui repose sur la production et la reproduction des definitions sociales et politiques de la difference physique, psychologique et culturelle entre groupes dits ethniques qui developpent entre eux des relations des differents types (cooperation, conflits, competition, domination, reconnaissance, etc....». Done, elle ne se definit absolument pas par un ensemble de caracteYistiques physiques, psychologiques et culturelles objectives des groupes mais bien par la perception de leur importance pour les relations sociales, qu'elles soient «• reelles » ou non. En une phrase elle est un aspect des relations sociales entre des acteurs sociaux qui se considerent et qui sont considered par les autres comme &ant culturellement distincts des membres d'autres groupes avec lesquels ils ont un minimum d'interactions regulieres. Mais, que Pethnicite' ou le « tribalisme » soit« une invention et une arme de I'imperialisme et du neocolonialisme pour diviser et mieux regner » (cette these historiquement vraie jusqu'a un certain niveau)(voir Bayart,1996:43-44) ne doit pas empScher d'envisager rethnicite" comme une valeur politiquement positive et ldgitime; puisque les gens peuvent revendiquer ouvertement une identity ethnique quelconque, s'en montrer fiers et en bien des cas se mobiliser activement en faveur Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 49 de la suppression des ine"galites dont ils estiment etre victimes (Bjorklund, 1992). Mamdani (1996: 184-186), analysant les rapports Etat-societe civile en Afrique coloniale et postcoloniale d6nonce aussi cet immobilisme theorique se cachant derriere les theories explicatives du «tribalisme » comme une invention coloniale etdePimperialismeetdesclassesdirigeantespostcoloniales.Memelechangement des concepts «tribalisme comme une pathologie » en « ethnicite », terme neutre et imposant l'analyse des identites n'a change ni l'objet d'etude, ni les approches en place (voirBiaya, 1998). Aujourd'hui et cela depuis le debut de la decennie 90, les Etats africains subsahariens chacun selon les modalite's dictees par sa propre histoire, se sont engage's dans le processus de democratisation. Compte tenu de la diversity des situations cre'e'es par un tel processus, de leur complexity, du caractere parfois inedit des problemes qu'il pose, de l'ampleur des enjeux voire des passions qu'il suscite, ces quelques ann6es peuvent s'averer somme toute insuffisantes pour donner a l'analyse, la visibilite et le recul n6cessaire. Neanmoins, une constante se degage; c'est l'institutionnalisation insuffisante des procedures et de la culture democratiques, la systematisation des pratiques frauduleuses de tous ordres, edge's en « ethos » electoral, et le souci par dessus tout des tenants des «• majorites electorates » de se maintenir coute que coute en position de pouvoir y compris en utilisant l'alibi des competitions electorates. Ce qui constitue des motifs de disqualification ou de pejoration des voies quotidiennes de la democratisation telle qu'elle se pratique aujourd'hui (Ossebi, 1995: 4; Mbembe, 1996; Adejumobi, 1998). Voila pourquoi des auteurs qualifient ce processus de « liberalisation politique » plut6t que de d6mocratisation (voir Diouf, 1995; Naomi chazan, 1992; Comi Toulabor, 1991;Mouiche, 1996). Par ailleurs, avec le renouveau des conflits ethniques, des rebellions arme'es et des replis identitaires qui accompagnentce processus de democratisation, se pose le probleme du rapport entre l'ethnicite et la democratisation. Ce qui est certain, c'est que Fethnicite intervient dans toutes les diff6rentes phases dudit processus (conferences constitutionnelles, elections de transition et de F apres-transition). De meme, le processus de democratisation influence Fethnicite" et peut me"me aller jusqu'a alimenter des conflits ethniques puisqu'il conduit generalement au changement de regime d'acces au pouvoir et a l'accumulation, et a l'irruption-au sein de FEtat de nouveaux clients politiques. En ce sens, son issue demeure incertaine et c'est dans cette incertitude qu'emerge Fethnicite, la communaute ethnique etant un chenal par lequel est revendiquee la redistribution ainsi qu'un instrument d'accumulation. Neanmoins, cette liaison ne va pas jusqu'a faire du multipartisme une g6ne pour la democratic En effet, une distinction doit 6tre faite entre la democratisation qui est un processus de mise en cause du regime autoritaire et la democratie qui en est le resultat. Alors que dans son cheminement la democratisation est confrontee a de nombreuses pressions et resistances, a 50 Ibrahim Mouiche l'incertitude et a rinsecurite, la d6mocratie suppose plutot la paix et la concorde, la s6curite, le respect mutuel et la jouissance des libertes publiques (Nnoli, 1995). D'ailleurs, les rapports entre l'ethnicite' et le processus de democratisation ne sont pas force'ment dysfonctionnels. Des Etats multiethniques a 1' instar du Botswana et de 1'Ile Maurice ont v6cu le multipartisme sans heurts au contraire du Nigeria meme sous le regime militaire. Done certains facteurs doivent e"tre pris en compte dans la dialectique ethnicite'-de'mocratisation. Ces facteurs renvoient au r61e de l'Etat dans la socie'te civile, aux rapports de classe au sein de cette socie'te' civile et a l'histoire des relations entre les groupes ethniques a 1' interieur des Etats. Car, en Afrique, 1'Etat est un Etat interventionniste. Et puisqu'il intervient dans plusieurs secteurs de la vie sociale , son contr61e constituesouventpour les groupes ethniques unpre'texted'accumulation.Seulement, dans 1'allocation des ressources, l'Etat africain a toujours brille' par son arbitraire, en organisant la domination et la repression de certains groupes sur d'autres comme au Nord-Cameroun3 ou sous le regime du President Ahidjo, les musulmans sous la houlette de son groupe ethnique, les Peul, dominaient les non-musulmans communement appeles Kirdi.4 Cette etude est une sociologie electorate du Nord-Cameroun, le Nord de par sa surface demographique, constituant un reservoir electoral, le vote etant par ailleurs un indice fort de participation politique. Ce qui est important pour l'analyse, e'est la capacity qu'a pu dgvelopper le regime du President Biya pour instrumentaliser a son compte l'ethnicite' dans cette partie du territoire jadis pre'earre de son predgcesseur Ahidjo, malgre le deficit de legitimite" dont souf frait (et continue a souffrir) ce regime et nonobstant pour le Nord-Cameroun que, la crise de la succession presidentielle de 1982 qui prit une tournure dramatique avec le coup d'Etat avorte1 du 6 Avril 1984, conduit essentiellement par les elements «nordistes» (sauvagement re'primes pour la circonstance) ne manquait pas de nourrir des rancoeurs qui constituaient davantage des motifs de disqualification dudit regime. Au contraire, le Nord est devenu a terme un precarre de soutien au parti du RDPC (Rassemblement democratique du peuple camerounais) du President Biya et la survie de son regime depuis l'avenement du multipartisme depend largement de ce que Ton appelle au Cameroun «I'axe Nord-Sud », e'esta- dire une alliance tacite entre les populations du Centre, du Sud et de l'Est dont les ethnies (les Beti) sont apparentees a celle du President Biya et celles du Nord- Cameroun en vue du contr61e de l'espace politique camerounais. Cet axe (s'il existe) est egalement celui qui avait permis a M. Ahidjo d'acce'der a lamagistrature supreme au Cameroun en 1960 pour passer le t6moin a M. B iya, un homme du Sud en 1982. Ce travail sera articule' sur deux parties: d'une part, il sera question de montrer comment l'instrumentalisation de l'ethnicite' dans la vie politique du Nord- Cameroun a une historicity. D' autre part, 1' on parlera des identifications partisanes Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 51 et des variables pr€dictives du comportement electoral du Nord-Cameroun en rapport avec I'ethnicit6. I- LES ORIGINES HISTORIQUES DE L'INSTRUMENTALISATION DE L'ETHNICITE DANS LA VIE POLITIQUEDU NORD-CAMEROUN la consecration precoloniale, coloniale et postcoloniale de I'h6g6monie peul-musulmane sur les Kirdi5. Le Nord renvoie au depart a une entity administrative regroupant des peuples divers; mais le pluralisme ethnique va fondre dans le glacier du logo administratif. Du terme « Nord » dgsignant une region, une province on glissera vers le type « nordiste » renvoyant a un peuple distinct, a un peuple transcendant les clivages culturels et historiques reels. Malgre1 son caractere artificiel decoulant de la volont6 du President Ahidjo (1960-1982) de constituer sa region d'origine en bloc monolithique, le terme « nordiste » est devenu un ensemble significatif. Mais, compte tenu de la complexity et de l'imbrication des groupes, il n'est possible de s'en tenir ici a une population isolee. Les ethnies qui occupent rarement leur territoire d'origine sont difficiles a d^finir et si Ton peut accepter l'idee qu'elles constituent un groupe d' indi vidus qui partagent momentanement une communaut£ linguistique, culturelle et sociale plus elevee que celle qu'elles partagent avec ses voisins, les groupes batards sont nombreux; ce d'autant plus que l'histoire des peuplements du Nord suggere d'innombrables emprunts et assimilation, les populations ay ant de profondes affinit£s dans le domaine de 1'organisation sociale et religieuse (Pontie', 1973: 3). Et pas plus qu'il n'est possible de considerer les socie'te's comme des monolithes, il n'est possible de s'en tenir ici a des limites geographiques rigides. II est bien certain qu'une tentative de reconstruction historique de cette partie de l'Afrique doit prendre en consideration des regions voisines. Ce qui implique une Stroke collaboration entre le Cameroun, le Tchad, la Republique centrafricaine et le NigeriaD'ailleurs, la territorialit6 qui est V un des fondements de FEtat-nation, est remise en cause ici par des populations qui, dans leur quete pour la survie dans un contexte de crise economique rampante font fi des frontieres etotiques (voir de Carne, 1981: 171; Bah et Issa, 1997: 285). A - Diversite ethnique et consecration precoloniale et coloniale de Vhegemonie peul-musulmane au Nord-Cameroun La population du Nord-Cameroun est abusivement divisee en musulmans d'une part et de Kirdi de l'autre. Mais contrairement a l'idee communeinent admise, les Kirdi constituent Tossature numerique de la region puisqu'ils representent le 70 a 73% de la population (ORSTOM, 1984). Les ethnies musulmanes sont: les Peul qui constituent le plus grand groupe, les Mandara, les Kotoko, les Arabes choa, les Bornouan et les Haoussa. Elles sont 52 Ibrahim Mouiche localises al'Extreme-Nord dans les lamidats (chefferies peul) de Dumru, Guidiguis, dans les plaines du Diamar6 et de Mora et dans les abords sud du lac Tchad (de"partement du Logone et Chari). Dans le Nord, les Foulbe' se trouvent dans les lamidats de Golombe et de Mayo oulo. Les Kirdi quant a eux, ne constituent pas un peuple, mais cette multitude de communaute's ethniques fort distinctes que sont les Mafa, les Mousgoum, les Toupouri, Guiziga, Moundang, Fali, Mada, Guidar, Mofou, Mousey, Mboum, Laka, etc. ... qui peuplent les montagnes, les plaines et les plateaux du Nord- Cameroun. Jean Yves Martin (1973), les estime a un ensemble de vingt trois ethnies diffgrentes. Mais ce chiffre nous semble approximatif quand on connaft le fractionnement ethnique extreme de cette region (voir Beauvilain, 1989). GrSce aux recensements administratifs qui avaient l'habitude d'indiquer 1'appartenance ethnique, pratique malheureusement abandonnee depuis 1'accession du Cameroun a l'independance, nous allons tenter a la suite du professeur Jean- Louis Dongmo (1997: 261-264), de donner une idee du poids nume'rique des differentes ethnies. Dans l'actuelle province de FExtreme-Nord, vivaient 707.265 habitants dont 38,99% des musulmans et 61,01% d'animistes. Les premiers secomposentprincipalementdes Peul (23,10% du total et 59,24% des musulmans et des Arabes choa (8,08% du total et 20,74% des musulmans). Parmi les seconds, se de'tachent, en plaine les Toupouri (9,18% du total et 15,07% des animistes), les Massa (7,31 % du total et 13,98% des animistes) les Mousgoum (5,69% du total des animistes), les Guiziga (4,86% du total et7,97% des animistes), et en montagne, les Mafa (9,99% du total et 16,37% des animistes), les Mofou (4,17% du total et 6,83%). A lamBme epoque, l'actuelle province du Nord comptait 26.162 habitants dont 41,81% des Peul et captifs, 12,94% des Fali, 8,54% des Guidar et 4,93% des Ndourou. L'on ne dispose pas de donnees pour l'actuelle province de FAdamaoua, mais, il est probable que les Foulbe et les animistes (Mboum, Gbaya, Voute, Niem Niem, etc ) y coexistaient dans des proportions comparables. Ce qu'on peut retenir, c'est que les Peul ou Foulbe se repartissent sur la quasitotalite" du territoire en question (notamment dans les zones urbaines), tandis que les autres ethnies ont une implantation spatiale reduite. De mSme, dans chacune des regions distingu&s ci-dessus, ils constituent le groupe le plus nombreux mais pris isolement, les peuples kirdi sont de loin majoritaires. Seulement, ces Kirdi concentres en majorite" a 1' Extreme-Nord subissent les contrecoups de 1' hegemonie peul-musulmane ou ils ont 6t6 domines culturellement, politiquement et economiquement (voir Van Den Berg, 1997; Schilder, 1997; Van Santen, 1997; Mouiche, 1997). C'est pour cette raison que Luc Sindjoun (1994: 372), qualifie l'ethnie peul d' «ethnie charismatique» au Cameroun a l'instar des Duala, des Bamiieke, des Beti, c' est-a-dire une construction ethnique qui ne tient pas a une superiority intrinseque, Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 53 mais plut6t celle dont les agents sociaux qui s'en reclament, l'imposent dans la vie publique, la font exister dans le marche1 politique, dans l'agenda national et communautaire. Cet acces des Foulbe' a la noblesse ethnique est ne'e a la vitality de leur classe politique. II s'agit originairement d'une heg6monie r6gionale precoloniale qui prend sa source dans la guerre sainte declenchee par Ousman Dan Fodio a partir de Yola au de"but du XIXe siecle ou les clans peul assujettissent les populations locales. C'est une hSgemonie qui s'e'nonce a travers la maitrise de la religion « legitime », l'islam et la production de l'ide'ologie de la distinction et de la superiority culturelle des Peul, le « Pulaaku ». Cette he'ge'monie symbolique se conjugue avec le controle de l'espace territorial ou les terres les plus fertiles et les plus vastes appartiennent aux chefs peul (les lamibe') qui gardent leur systeme f6odal ou les Kirdi, pauvres travaillent comme des metayers. II n'est pas inutile de mentionner que les rapports Peul/Kirdi £taient g£neralement emprunts du sceau de 1' esclavage.6 La colonisation en considerant les Peul comme leurs principaux allies locaux, comme les interme'diaires avec les populations paiennes,7 va renforcer la prdgnance du modele peul au niveau de 1'organisation politique, de 1'architecture, de la langue, de la religion et du vetement. L'accession a I'ind6pendance en 1960, vacontribuer arenforcer le processus de «foulbeisation », c' est-a-dire le changement de l'identite ethnique d'un non- Foulb^ et d'un non-musulman, l'inculcation de la culture peul islamisee aux Kirdi dans la mesure ou le President est Ahmadou Ahidjo, un Peul. La «foulbeisation » devient un investissement social car elle offre des avantages de distinction et de promotion sociale. II en decoule une he'terogene'ite' de l'ethnie peul. C'est cette reconduction postcoloniale de la pr£gnance r^gionale du modele peul qui va entratner 1'identification entre les Peul et la partie septentrionale du Cameroun. D'ou l'invention de l'ethnie « nordiste », construction qui marque la satellisation des autres groupes ethniques par les Peul (Sindjoun, 1994: 375-376). B - Regionalisation du Nord-Cameroun et marginalisation des Kirdi etArabes sous le regime du president Ahidjo Partout, en Afrique, au lendemain des independances, l'Etat s'etait engag6 d'emblde dans un processus unificateur et centralisateur, et dans une logique de deVeloppement planifi€, integrant autoritairement l'ensemble du territoire national. Une telle mystification aujourd'hui devenue mythe, a 6galement anime' le Cameroun. II nous semble pertinent au niveau du Nord-Cameroun, de tenter une lecture de la gestion de l'ethnicite par les autorites politiques centrales. Ainsi, au lendemain de 1' independance, le regime instaure par A. Ahidj o prone 1' integration nationale et pour y parvenir, d^veloppe le concept d'fiquilibre regional; mais cela n'empechera nullement Ahidjo, homme de grande habilete politique, de placer I'ethnicite' au coeur des strategies d'alliances (Bah et Issa, 1997: 281). Comme 54 Ibrahim Mouiche l'affirme le professeur Maurice Kamto (1994:226-227),: « Ahmadou Ahidjo faisait illusion; derriere le discours d'unite' nationale, il a d'une part entretenu le clivage Nord-Sud au Cameroun, en limitant au strict necessaire les contacts entre le Nord islamise sous Fhege'monie peul et le Sud christianise' tente" par l'occidentalisation, il est reVelateur a cet e'gard qu'apres _ de siecle de regne sans partage, il n'ait pas de'cide' de relier ces deux parties du pays par des routes modernes(.. .)• D'autre part, il a cherche" par une assimilation par soumission des populations non peul et non islamise'es du Nord a l'he'ge'monie foulbe afin de presenter le Nord a l'apparence homogene face a un Sud dont il reconnaissait fort bien les divisions. En fait, il a davantage manoeuvre, entre les ethnies qu'il ne s'est reellement attel6 a 1 'e'dification de la nation qu'il exaltait dans ses discours ». Voila pourquoi le concept de «• projet hegemonique » de Bayart (1985) nous parait plus approprie pour rendre compte de cette relation de l'Etat aux diffe'rentes regions. D'ailleurs, le concept d' «• equilibre regional » presente beaucoup d'impertinences. II suppose que les regions en tant qu' unite's, sont bien determine'es et que leurs frontieres sont flexibles du fait qu'elles sont le produit des multiples negotiations. Au contraire, le Cameroun est traverse par des clivages r^gionaux et, a l'interieur de chaque region existent des tensions ethniques que ne peut occulter 1'analyse. S'agissant du Nord-Cameroun, ce terroir (notamment les provinces du Nord et de 1'ExtrSme-Nord) fait figure des regions pauvres de l'Afrique sahelienne; cette situation est renforce'e par le desert, la secheresse, la faible production agricole, etc.. Or, pendant la colonisation, l'esprit jacobin et centralisateur qui a toujours anim6 les diffeYents Hauts commissaires dtablis a Yaounde, avait relegue le Nord danslamarginalite;etlalogiquedelaconcentrationdelatotalitedesinvestissements dans les grandes villes du Sud et le developpement du « Cameroun utile » avaient egalement induit des graves desequilibres ainsi que le stigmatise Philippe Gaillard (1994:19-20): «Jamais dans aucun pays, l'dgalitarisme ne s'est traduit en une action publique pareillement syste"matique et obsessionnelle. A cela, il fallait ajouter les desequilibres initiaux entre le Nord et le Sud qu'on ne pouvait resorber en une ge'ne'ration. Ahidjo voulut aller le plus vite possible. II comprit qu'il faudrait recourir a des artifices pour obtenir les resultats rapides; il n'h&ita pas a tricher. II savait bien qu'originaire de la region la plus attarde'e tant sur le plan e'conomique que sur celui de Finstruction, il serait accuse de favoriser son fief. II assuma 1'opprobre. Ouvrant avant l'inde'pendance, un concours pour faire acceder a un grade administratif convenable des hommes auxquels il avait deja confie des responsabilites, il fit organiser une fuite des sujets au beneTice de quelques compagnons du Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 55 Nord dont les qualites etaient indeniables, mais la capacity a passer l'examen incertaine.Ensuite les dosages regionauxetmemedepartementaux, proportionnels aux populations representees atteignirent la perfection au sein du gouvernement, des administrations, des 6tablissements publics, des entreprises d'economie mixte et des grandes 6coles, le secteur priv6 fut fermement incit6 a suivre cet exemple». L' inconvenient du systeme etait 6vident: du haut en bas de la hierarchie, les candidats les plus qualifies pouvaient se trouver elimines par le jeu des quotas. Evidentetaccept£ par Ahidjo. La construction nationaleetantl'imperatifprioritaire, il fallait endurer les dysfonctionnements qui s'ensuivaient. Et apres tout les quotas en faveur des minorites, principalement ethniques n' ont-ils pas 6t6 institutionnalises aux USA, dans les administrations, les entreprises et les universites par les Presidents Johnson et Nixon avant de l'etre au Cameroun? En outre, sur plan de P integration et du developpement, le Nord plus que toute autre region au Cameroun avait be'ndficie' sous le regime du President Ahidjo de nombreux projets de developpement et de nombreuses infrastructures (voir Dongmo, 1997:273). Commencons par le developpement rural qui, au Nord-Cameroun, est pris en charge sous forme de projets d' operation integres par des organismes paraadministratifs ou des societ6s de developpement. Ces derniers sont au nombre de trois: la SEMNORD, la Mission de la vallee superieure de la Be'noue', la SODECOTON. La SEMNORD (Secteur experimental de modernisation du Nord) est un heritage de la colonisation. Entre 1957 et 1974, il a encadr£ les actions de developpement dont deux operations principales: • Des casiers de colonisations cr66s pour faciliter la descente des montagnards depuis les secteurs surpeuples des Monts Mandara vers les plaines voisines aux density humaines beaucoup plus faibles; les principaux casiers se situent pres de Mora (Mokyo, Doulo-Gaze') et de Garoua (Sanguer6). • Le «ProjetGuider» (1960-1973) a eu pour but le developpement agricole de 1' arrondissement de Guider (actuel departement du Mayo Louti) en amfliorant les infrastructures socio-economiques et en favorisant 1'installation de migrants.. Sondomained'interventiona6t66tenduapartirde 1970au canton de Be (B^noue). La «Mission d 'amenagement de la vallee superieure de la Benoue» cr6ee en 1974 a eu deux domaines principaux d'intervention: • T out d'abord, elle est chargee d'&udier, les ametiagements a realiser dans la vallee de la Benou6 en aval du barrage de Lagdo pour profiter des possibility nouvelles d'irrigation. • En second lieu, elle est mattre d'oeuvre du «Projet nord-est B4noue» qui cherche a d6velopper Iar6gion enclavee comprise entre la frontiere tchadienne 56 Ibrahim Mouiche et le cours de la Bdnou6 et du Mayo-Ke"bi: modernisation de 1'agriculture, creation des gquipements sociaux, construction des routes, installation des migrations. La SODECOTON qui en plus de 1'encadrement de la culture du coton dans le Nord et l'Extreme-Nord est maltre d'oeuvre de trois projets de deVeloppement. • Le premier, c'est le « Projet sud-est Benoue » qui couvre la majeure partie du departement du Mayo Rey. II a permis de d£velopper la culture du coton en liaison avec une operation de motorisation 16gere, d'ameliorer les infrastructures routieres et de creer des e"quipements a caractere socio-e"conomique, le tout accompagne', d'une installation des migrants. • Lesecond,c'estle«fe/)ro/e?cgnfre-rton/*lanc6en 1981 avec pour objectif de favoriser le d6veloppement agricole des secteurs cotonniers de FExtrSme- Nord et du Mayo Louti en les d£senclavant et en ame'liorant les £quipements socio-6conomiques. • Le troisieme, c'est le «Projet ouest-Benoue* dont le demarrage dtait preVu en 1983 et qui devait concerner la partie occidentale du departement de la Be'noue' et de la majeure partie du departement du Faro. Malheureusement, il n'a jamais 6\£ mis en execution. Le second domaine qui a eu un impact determinant est celui des voies de communication8. En effet, depuis 1965, un effort tres important pour le d£senclavement de la region a 6t6 entrepris: construction du chemin de fer « transcamerounals » Yaounde'-Belabo-Ngaounde're' qui compte quatre gares sur le territoire de la region (Ngaoundal, Makor, Bawa et Ngaounder6); bitumage de 1150 km de routes (axe Sud-Nord Ngaounde're'-Garoua-Maroua-Mora-Motam, 720 km; la route Meidougou-Ngaoundal-Tibati 250 km; troncon de la «transafricaine» Logon-Mombassa), construction des routes permanentes dans le cadre des differents projets de developpement inte"gre, bitumage des pistes des ae"roports de Ngaound6r6 et de Maroua en 1971, etc.... Tout ceci a permis a la region de consolider son unite et son identity et surtout d'eloigner definitivement la menace de secession brandie au moment de l'independance. II est difficile de croire que Faction regionalisante de M. Ahidjo n' a pas 6t6 essentiellement inspired par son appartenance a 1' aristocratie peul. Cette action peut Stre interpretee comme le prolongement de la mainmise des Peul sur le Nord-Cameroun au XIXe siecle, a la faveur de la guerre sainte declench6e par Ousman Dan Fodio a partir de Yola, renforc6e sous la colonisation allemande et fran§aise. Cette regionalisation s'est accompagn^e sur le plan culturel par son islamisation, plus precisement par sa «foulbei'sation» et sur le plan politique par Phegemonie de Taristocratie peul qui deiient avec d'autres groupes ethniques musulmans (Kotoko, Mandara, Bornouan, Haoussa et Kirdi islamis^s), l'essentiel Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 57 des postes affectes dans cette region dans le cadre de la politique d'equilibre r6gional(Dongmo, 1997: 273; Mbembe, 1993: 352). Seuls en etaient exclus les Arabes choa9. «Le Memorandum des Kirdi de 1991» (voir Mouiche, 1997: 198-199) est formel la-dessus: « La tyrannie d'Ahidjo sur le plan regional 1 - LE COMMANDEMENT Le tout-puissant gouverneur de la tres grande province du Nord, 99,93% des presets, sous-preTets et chefs de districts sont musulmans et regnent en patriarches sur une population a tres forte majority Kirdi. Leurs sinistres missions A - Promouvoir la propagation et la diffusion de l'islam sur 1'ensemble du grand Nord(...) B - Etouffer dans l'oeuf toute velle'ite' visant a promouvoir les valeurs culturelles traditionnelles (...) C - Prot^ger et etendre les inte"rets economiques des musulmans dans tout le Nord D - Exploiter au maximum la vigueur des population kirdi tout en developpant le moins possible leurs regions (...) E - Retarder au maximum la scolarisation des population Kirdi. F - Une politique sanitaire inadaptee aux realties demographiques. G - Canaliser la police (...) IV - La meme tyrannie sur le plan national Ahidjo a voulu presenter le Nord-Cameroun totalement integre' jusqu'a a en faire croire a une race». Cette politique de segregation et d'exclusion visait surtout a susciter l'apathie politique de la forte population Kirdi et Arabe. En effet, dans les annees 50, les Arabes avaient largement soutenu l'adversaire politique d'Ahidjo, Andr6-Marie Mbida, un homme du Sud. De meme l'importance politique de la forte population Kirdi inquietait le regime Ahidjo et la colonie musulmane car, 1' on admet de fagon g£nerale que si les Kirdi exergaient le droit de vote dont ils jouissaient, la domination peul dans les fonctions eiectives risquaitd'etre s6rieusementinquiet6e. La possibility leur fut offerte en 1959 lors du plebiscite du Nord-Cameroun britannique dont les resultats (rejet de 1'association avec le Nigeria du Nord apres l'independance en octobre 1960) ne pouvaient etre expliques que par le vote des electeurs Kirdi qui avaient exerce leur droit. Apparemment, un nombre suffisant de Kirdi avaient vote contre l'association (pensant peut-etre qu'une association continue avec le Nigeria du Nord devait entrainer une prolongation de la domination peul) pour rejeter 1'incorporation proposee. II est significatif d'observer que 58 Ibrahim Mouiche c'est lors du plebiscite de 1959, au Nord-Cameroun britannique que les Kirdi avaient vote pour la premiere fois en nombre aussi eleve'. Entre les plebiscites de 1959 et de 1961, le gouvernement du Nigeria avait men6 une campagne politique d'envergure, leur lourde artillerie visant particulierement les Kirdi, cette strategic avait portd des fruits et lors du plebiscite de 1961, ce furent toujours les Kirdi qui avaient fait pencher la balance electorate en faveur de 1' integration avec le Nigeria. Ce potentiel politique des Kirdi faisait done de leur 6 veil, un sujet de preoccupations pour le regime Ahidjo (Le Vine, 1970: 124, tl). Ne'anmoins, les choses vont changer rapidement a partir de 1982 quand M. Ahidjo va ceder le pouvoir a M. BIYA, un catholique du Sud. En effet, la crise qui va suivre cette succession va amener M. Biya a s' acti ver a demanteler l'he'ge'monie musulmane, prenant prdtexte de la surface demographique des Kirdi pour les propulser au devant de la scene nationale. Done, au projet hegemonique d'Ahidjo, Biya va opposer un « contre-projet Kirdi» sui vant une expression de Kees Schilder (1997). Ainsi, des 1983, le Premier Ministre Bouba Bello Maigari, un Peul, est limoge et remplace' par un Kirdi, le Toupouri Ayang Luc, suite a la ddcouverte au mois de Juin d'un complot ourdi contre M. Biya et visant a assassiner ce dernier. En outre le Nord sera divis€ en trois provinces (Adamaoua, Nord et Extreme- Nord), ce qui va offrir aux Kirdi un pole d'expression de leurs exigences, l'Extreme-Nord ou ils sont localises en majorite. Des ce moment, l'ancien axe politique Nord-Sud, fruit de 1' alliance des aristocraties du Nord et des elites du Sud qui avait permis a Ahidjo de s'imposer sur l'echiquier national pour gouverner pendant un quart de siecle, se d6placait vers l'Extreme-Nord (done amput6 de l'Adamaoua et du Nord administratif) (Mouiche, 1997: 208). Le coup d'Etat avorte du 6 Avril 1984 conduit essentiellement par les elements de l'ancienne garde d'Ahidjo, la « Garde republicaine » forme'e en majorite d'elements Kirdi (et on avance que c'est l'une des causes de l'echec de cette mutinerie) encadre's par les officiers musulmans a commencer par son chef, le colonel Saleh Ibrahim (execute pour la circonstance) amenera de"finitivement le President Biya a sceller un pacte avec la majorite Kirdi, brisant de ce fait l'ancien « bloc de pouvoir regional » qui reposait essentiellement sur l'he'ge'monie musulmane, exceptde des Arabes choa (Mouiche, 1997: 208). En definitive, au Cameroun, comme dans la plupart des pays d'Afrique noire, une saine gestion de l'ethnicite' n'a pas eu lieu faute d'avoir pris en compte les veritables interets des communaute's locales, en privile'giant les solidarites et les comple'mentarite's. Bien au contraire, les antagonismes ont 6t€ instrumentalists par des interme'diaires se definissant comme des elites, dans leur ambition pour se positionner dans les hautes spheres de l'Etat. La demission d'Ahidjo en 1982 et l'avenement de Paul Biya ont determine' des mutations profondes au niveau de la superstructure, dont 1'impact sur les differentes composantes de la societe camerounaise, jusqu'au niveau local est eVident; une donne^e nouvelle au niveau de Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 59 l'articulation et des rapports entre le centre et la p6riph£rie fut le demembrement de l'immense province du Nord, qui fut scindee en trois nouvelles provinces. Le tout-puissant gouverneur Ousman Mey fut e'carte' du cercle dirigeant. Dans cette nouvelle configuration, le Nord va etre soumis a un retournement dans la gestion de Pethinicite, notamment a partir de 1990 avec le retour au multipartisme. Les elites des diff€rentes communaute's, par rapport aux nouveaux enjeux politiques vont tenter de trouver une nouvelle rationality, de deTmir des objectifs et d' apprecier l'ensemble des ressources leur permettant de bendficier avantageusement de la rente politique et de se positionner strate'giquement au niveau local et national. Le r6gime Biya, en depit d'une rh&orique pronant Funite, la justice et la paix, sera enclin, dans une strategic de dislocation de Fancien «bloc de pouvoir» et de consolidation de ses bases, a instrumentaliser les antagonismes historiques entre les Peul et les Kirdi, les Arabes et les Kotoko, etc (voir Bah et Issa, 1997:282- 283). II - ETHNICITE, IDENTIFICATIONS PARTISANES ET VARIABLES PREDICTIVES DU COMPORTEMENT ELECTORAL DU NORD-CAMEROUN II existe trois approches du comportement electoral. D'abord, Papproche sociologique; celle-ci considere les re"sultats des Elections comme une expression des attitudes des groupes d'appartenance des individus. La tendance la plus representative de cette approche est Pecole marxiste ou la decision electorate s'analyse en termes de classe sociale a laquelle appartient Pelecteur. Ensuite, Papproche psycho-sociologique qui lie les comportements politiques aux processus de socialisation. Elle est une Emanation du groupe de recherche de PUniversitd du Michigan qui, en 1960, va mettre au point le celebre « paradigme du Michigan » qui inspirera de longues ann6es durant, la plupart des recherches electorates sous le concept d' «identificationspartisanes». Ici, le milieu familial y apparalt en effet comme le lieu de transmission privilegie' des attitudes politiques, cette socialisation prdcoce contribuant par la meme a cristalliser les identites et a maintenir P equilibre g^n6raldusysteme(VonBeyne, 1985:293;Baudouin, 1991:64). C est ceque Paul Lazarsfeld, Bernard Berelson et Hazel Gaudet (1978: 201) qualifient d' «homogeneite politique des groupes sociaux», le vote 6tant essentiellement une experience de groupe. De ces deux 6coles, l'on peut degager les variables suivantes predictives du comportement Electoral: • les variables d6mographiques: l'Sge, le sexe, la g6n6ration. Existe-t-il un vote specifique des «jeunes» ou des *femmes»l • les variables socio-6conomiques: P appartenance sociale, la mobility scxiiale, la conjoncture economique, etc.... • les variables socio-culturelles: les systemes des croyances notamment 60 Ibrahim Mouiche religieuses et ethniques, re'agissent-ils sur le vote? Cependant, la tentation reste forte de distinguer entre variables « lourdes » et variables «• conjoncturelles », autrement dit d'isoler celles qui e'clairent les regularities electorates al'instarde lareligion, del'ethnie. Neanmoins, si l'approche sociologique peut expliquer les tendances a long terme du comportement Electoral, elle demeure inapte a rendre compte de la volatility du comportement Electoral, des perturbations a court terme des tendances electorates. De meme, le concept d' ^identifications partisanes* de l'approche psycho-sociologique n'est autre chose qu'une construction the'orique d'ailleurs adapted au contexte americain ou l'appartenance a un parti n'est pas formalisee et peut se ramener a une simple manifestation de sympathie vis-a-vis dudit parti. En plus, elle ne rend toujours pas compte de nouveaux elements du processus electoral tels que les abstentions, les ecarts des voix entre les partis, la creation et l'avenement de nouveaux partis, etc. ...Pour toutes ces raisons, de nombreux chercheurs preierent le concept d' «orientations emotivespartisanes» (emotiveparty orientation) (Von Beyne, 1985: 293-297). En re'sume', ces deux ecoles ne rendent compte que de la proximity entre un groupe social et un parti, des intentions de vote au niveau du groupe sans 6gard a la situation de l'individu en tant que citoyen eclaire', en tant que, acteur rationnel. Ces lacunes sont comblees par la troisieme approche qui est celle du choix rationnel, encore qualified de amethode deductive* (voir Iain Mclain, 1982: 68- 69). Cette approche s'inspire des travaux de Joseph Schumpeter (1954) et plus prdcisement de ceux d'Anthony Downs (1957). Ici, le champ politique devient l'equivalent d'un «marche» ou les partis politiques sont assimites a des oentrepreneurs », echangeant des «produits» specifiques (programmes plus ou moins abstraits, promesses plus ou moins respecters) contre des « especes », d'un genre particulier (suffrages electoraux, adhesions partisanes, dons), en vue de conquerir et si possible d'accumuler des «capitauxpolitiques» (mandats electifs, postes de responsabilit6 politique, emplois publics, etc....). C'est pour cette raison qu'un certain nombre de variables dues principalement aux choix individuels des electeurs qu'une interpretation socialisante considerait comme r^siduelles ou conjoncturelles doivent Stre prises en compte pour mieux rendre compte des tendances electorates, des identifications partisanes et de la volatility du comportement 61ectoral. C'est le cas du facteur historique dans la mesure ou la survenance d'elements historiques particulierement intenses peut constituer un element de parasitages des donne'es sociologiques. C'est le cas egalement du facteur politique. Par exemple, le regime politique particulierement le regime des partis et les modes de scrutin en ce sens qu'il existe une forte probability pour que les votes expriment de reelles preferences personnelles dans un systeme multipartisan r€gi par un scrutin majoritaire a deux tours; a fortiori par Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 61 un scrutin proportionnel10. Par contre, dans un systeme partisan ou alternent r^gulierement au pouvoir deux grands partis, les alternatives electorates sont reduites. De mSme, l'intensite de la conjoncture politique constitue un second facteur de structuration de preferences electorates. A cet e"gard, trois sortes d'effets me'ritent d'etre soulign6s: • l'effet-enjeu: les analystes sont plus attentifs aux effets exerce" par le surgissement d'enjeux d6cisifs susceptibles de modifier la distribution modale des votes. • 1' effet-leader: 1' analyse electorate est egalement attentive au r61e perturbateur jou6 par les leaders de type charismatique dont la personne et 1'action peuvent modifier les habitudes de vote. Feffet-media qui tend a doubter les deux autres. Par exemple quand a la radio ou a la television, on privilege les personnes, les candidate que les programmes. En definitive, il existe une certaine hierarchie des bases de clivages dans chaque systeme politique et ces ordres de priorite politique non seulement varient selon les regions, mais tendent encore a subir des changements au cours du temps. De telles differences, de tels changements dans le poids politique des clivages socioculturels posent des problemes fondamentaux pour la recherche comparative ainsi que le demontrent si bien Seymour Martin Lipset et Stein Rokkan (1970: 201); a quel moment la region, le langage ou le fait ethnique ont-ils plus de chances de provoquer la polarisation? A quel moment la classe aura-t-elle la primaute et a quel moment les engagements confessionnels et les identites religieuses constituerontils egalement d'importantes bases de clivages? Quels ensembles de circonstances ont le plus de chances de favoriser des compromis entre de telles oppositions au sein des partis et dans quels cas sont-ils les plus susceptibles de creer des problemes entre les partis? Quels types d'alliance ont tendance a accroftre la tension qui s'exerce sur le systeme politique et quels sont ceux qui s'exerce sur le systeme politique et quels sont ceux qui permettent de l'integrer? Avant de repondre a tout ce questionnement sur le cas particulier de la vie politique du Nord-Cameroun, il est important de presenter les tendances electorates de cette region. Et pour cette analyse, nous emprunterons mutatis mutandis au «paradigne du Michigan», le concept d' «identifications partisanes». A - Les identifications partisanes du Nord-Cameroun Des quatre elections competitives et discutees qui ont en cours au Cameroun depuis 1992, la presidentielle du 12 octobre 1997 ayant ete boycottee par les tenors de l'opposition (le SDF, l'UNDP et l'UDC)11, seuls trois partis (L'UNDP, le RDPC et le MDR) controlent effectivement les suffrages des populations du Nord- Cameroun. Neanmoins, la vie politique de cette region se reduit essentiellement a un duel entre le RDPC du President Biya et l'UNDP du Peul Bouba Bello Maigari, 62 Ibrahim Mouiche 1'audience du MDR etant localised dans les zones toupouri de l'Extre"me-Nord, l'ethnie de son Coordonnateur national, Dakoie Daissala (voir Mouiche, 1997: 211:216). Seulement chaque consultation electorate voit Pelectorat de l'UNDP et du MDR se «volatiser» au profit du RDPC qui est en passe de devenir le parti dominant dans cette region considdre'e comme fief de l'UNDP. 1 -La consecration de 1' UNDP aux legislatives et a la presidentielle de 1992 Au legislatives de 1992, l'UNDP etait sortie sans conteste vainqueur des urnes dans les trois provinces septentrionales du Cameroun en remportant tous les neuf sieges de l'Adamaoua, les douze du Nord et une perce"e a 1'Extreme-Nord avec douze deputes sur les trente en competition. Pendant ce temps le RDPC et le MDR se contentaient de douze et six sieges respectivement gagnes a l'Extreme-Nord comme Fillustrent ces tableaux synoptiques (voir Mouiche, 1997: 211 - 212) ai La province de l'Adamaoua b - La province du Nord c - La province de l'Extreme-Nord 2 - Les municipales du 21 Janvier 1996 et I'enlisement de l'UNDP Avec ce scrutin s'amorce la chute de 1'UNDP. D'abord, dans 1'Adamoua, le parti de Bello n'a pu remporter que douze communes contre quatre pour le RDPC12, contraint au partage de voix avec le RDPC suite a la majorite relative obtenue dans la commune rurale de Mbe, departement de la Vina (voir Cameroon Tribune n° 6026 - n° 2315 du lundi 29 Janvier 1996). Ensuite, dans la province du Nord, sur dix-neuf communes, l'UNDP n'est sortie victorieuse que dans huit d'entre elles contre onze pour le RDPC; d'ailleurs l'UNDP n'a obtenu la majorite' absolue que dans cinq de ces communes et reduite au partage avec le RDPC en conc£dant la majorite relative a Poli, Guider et Lagdo13 (Cameroon Tribune n°'6O29 - n° 2318 du jeudi ler feVrier 1996). Enfin, 1'ExtrSme-Nord consacre les raz-de-marree du RDPC qui sort victorieux dans trente communes contre sept et huit respectivement pour l'UNDP et le MDR. Alors que le RDPC gagne les communes dans tous les departements de la province, 1' UNDP n' a connu de bonheur que dans le departement du Diamare, plus precisement dans la commune urbaine de Maroua avec une majorite absolue de 60,38%, la commune rurale de Maroua avec une majorite relative de 44,59% (et done au partage de voix avec le RDPC qui obtient un score honorable de 41,08%), la commune rurale de Bogo avec 51,35%, Dargala avec une majorite relative de 38,14% contre 32,62% pour le RDPC et Gazawa avec 51,29%; le departement du Mayo Dan'aif, soit une majorite relative de 40% contre 27 pour le RDPC et 26 pour le MDR dans la commune rurale de Maga et enfin le departement du Logone et Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 63 Chari oil ce parti a eu 53,44% a Blangoua. Parcontre, les huitcommunesduMDRonteteremportees dans lesdepartements du Mayo Kani et du Mayo Danai, done la commune rurale de Guidiguis (47,47% contre 25 pour l'UNDP), la commune rurale deMoulvoudaye (48,62% contre 25% pour l'UNDP), Touloum (74,77%) et Dziguilao (76,90%) dans le Mayo Kani; et Kalfou (61,35%), Datchaka (58,83%) et la commune rurale de Chatibali (61,35%) et Kar-Hay dans le Mayo Danai'. 3 - Les legislatives du 17 Mai 199714 et la perc6e spectaculaire du RDPC au Nord-Cameroun Ces elections consacrent une deculotte"e severe de 1' UNDP et du MDR en ce sens que ces deux partis qui recrutent pour l'essentiel dans le Septentrion n'ont pu obtenir que douze et un siege respectivement, tous les autres sieges revenant au RDPC. Ainsi, l'UNDP n'a eu que six sieges dans FAdamaoua, contre quatre pour le RDPC, trois sieges contre neuf pour le RDPC dans le Nord et trois sieges contre vingt quatre RDPC et un MDR dans l'Extreme-Nord. ai La province de l'Adamaoua b) La Province du Nord c) La Province de l'Extreme-Nord Done, par rapport aux legislatives de 1992, l'UNDP a perdu quatre sieges dans l'Adamaoua, neuf dans le Nord et neuf dans l'Extr&ne-Nord tandis que le MDR, reduit a un seul eiu qui se trouve 6tre son Coordonnateur national, Dakole Daissala, perd cinq sieges dans les departements du Mayo Danai et du Mayo Kani. Cette perturbation a court terme des tendances electorates du Nord-Cameroun nous interpelle a la recherche des facteurs qui influencent la vie politique de cette region en rapport avec l'ethnicite. B - Ethnicite et variables predictives du comportement electoral du Nord-cameroun Les partis sont des mediations de legitimation democratique des gouvernants. Leur emprise sur les peripheries fractionnees est consacree par la notion du fief electoral et elle rivalise avec les pretentions hege"moniques de l'Etat dans la mesure ou leur institutionnalisation dans la vie politique font d'eux des vecteurs de socialisation de leurs militants et des eiecteurs en general. Pour cette raison, Faeces a la peripherie peut Stre davantage aise dbs lors que les gouvernants appartiennent au parti le mieux implique localement et fl est rare qu'un parti soit entierement dans la dependance d'un seul groupe, qui, a lui seul, tiendrait toutes les cies de la puissance electorate et politique de ce parti. Ce dernier a gentsralement d'autres clienteles stables et il s'appuie aussi sur des electorate plus ou moins stables pour lesquels 1'identification au parti l'emporte sur 1'identification au groupe social 64 Ibrahim Mouiche (Lavau, 1973: 183). De ce fait, la reduction des partis politiques au statut d'expression des ethnies, des te"moins des conflits ethniques ne peut pas permettre de comprendre les relations dialectiques entre un groupe ethnique et un parti politique; ces relations e"tant a l'image des notions de partis et d'ethnies et de l'absence de correspondance entre le nombre de partis et celui des ethnies complexes. Done les clivages ethniques n'existent pas par eux-m8mes, ils sont dans une large mesure construits par les partis politiques (Sindjoun, 1994:413). S'agissant de notre e"tude, les facteurs qui servent des variables pre"dictives du comportement electoral sont a la fois culturels, socio-economiques, historiques et politiques. Les facteurs culturels tiennent aux clivages ethniques et religieux au Nord-Cameroun, notamment entre les musulmans et les Kirdi, et entre les Kotoko et les Arabes Choa dans le Logone et Chari. Les facteurs socio-e'eonomiques renvoient a la crise e"conomique rampante qui traverse le Cameroun et a la crise de la succession presidentielle de 1982 qui ont pu disqualifier le regime du President Biya aux yeux des populations du Nord-Cameroun. Les facteurs historiques ont trait ala rehabilitation des antagonismes historiques entre les differehtes composantes sociologiques du Nord-Cameroun suite a la manipulation de Fethnicite par des elites en quete de positionnement. Les facteurs politiques tiennent a la nature clienteliste et autoritaire du regime politique camerounais, qui a contribue a la perturbation des tendances electorates du Nord-Cameroun. 1 - La relativite du facteur ethnico-religieux Le Nord-Cameroun est parcouru de clivages sociaux dont il est simpliste de require a une contradiction entre une minority dominante peul et une majority kirdi dominie. Certes, ces distinctions existent et elles jouent un role indeniable dans la constitution des identite"s culturelles et politiques. Mais dans les faits, ces identite"s sont multiples tout comme les loyautes qu'elles appellent et les formes de rinegalite" dont elles s'accommodent. II est vrai qu'aucun Peul ne se dirait nonmusulman, mais I'adh6sion de certains d'entre eux (les pasteurs bororo par exemple) a la foi du prophete reste superficielle. Quant aux Kirdi, ils representent une mosaique humaine socialement heterogene dont l'insertion au systeme d'ine"galites varie d'un groupe a l'autre. Liquation du Nord se laisse plutot ramener a l'hege'monie d'un «bloc aupouvoir», ethniquement heteroclite puisque Ton y retrouve les grands notables peul, les commercants haoussa, les Kotoko, les Mandara, les Kanouri et les «elites» converges kirdi (Bayart, 1989: 17). Par ailleurs, meme s'il est mu par les inte"re*ts communs, le «bloc» musulman est loin de presenter Fhomoge'ne'ite' qu'on lui prete: la competition entre les lamidats, les milieux d'affaires de Ngaounde're', de Garoua et de Maroua precede la colonisation. Rey-Bouba a toujours marque" son autonomie contestant de fait la preeminence des grands centres urbains. De meme, dans le Logone et Chari, 1'heritage des appartenances aux anciens empires et aux vieilles principaute"s du Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 65 Baguirmi et des pourtours du lac Tchad pese encore d'un poids important et nourrit non seulement l'imaginaire politique, mais aussi les antagonismes entre Kotoko (allies des Peul) et Arabes choa, musulmans mais ayant €t€ marginalises (Mbembe, 1993:351). En outre, la succession presidentielle et le retour au multipartisme en 1990 ont contribue' a laminer dans une certaine mesure l'hege'monie musulmane dans la region a travers 1'emancipation des personnalites kirdi, tandis que la dissociation entre ethnie peul et islam est de plus en plus revendiquee par les groupes ethniques musulmans naguere soumis a l'instar des Mandara, des Kanouri, des Haoussa, etc. ... Et meme si 1' on peut considerer que le fait d' adherer a 1' islam cree entre les islamises une communaute' de pense'es, d'attitudes, de «civilisations» et relegue au second plan les particularismes ethniques, le seul fait de s'opposer a Pislam et de resister a toute forme d' assimilation ne suffit pas a creer la meme uniformite entre les groupes kirdi, qui, sou vent s' ignorent parfois s' opposent (comme les Moundang et les Toupouri dans le Mayo Kani, les Toupouri et les Massa dans le Mayo Danai) et dans tous les cas s'efforcent de preserver leur originalites (voir Pontie, 1973:7). Par ailleurs, gnice au sy steme des lamidats et aux divers mecanismes de contrSle et d'assujettissement herit6s du XIXe siecle et renforces sous la colonisation allemande et frangaise, puis sous le regime du President Ahidjo, le pouvoir peul dispose de solides relais au sein des populations kirdi. II y maintient son emprise a travers un tissu des relations clientelaires (dimes, impots divers, formes diverses de servage, controle des terres et des paturages, de l'eievage, de rartisanat, quasimonopole des reseaux de la contrebande avec le Nigeria et le Tchad et du commerce des tissus, voitures, radio-cassettes et des produits industriels revendus sur le marche local). Dans la plupart des cas, ces relations clienteraires et la structure de domination dont elles sont l'expression sont plus decisives que le sentiment d'appartenance ethnique. Les reseaux d'obligations et de reprocite' dans lesquels ces relations enserrent les paysans Kirdi pesent au niveau local, d' un poids particulier sur la definition des appartenances politiques et sur le comportement electoral (Mbembe, 1993: 353-354). Par exemple, lors des legislatives du ler mars 1992, le MDR de M. Dakol6 Daissala pre'sente comme le parti des Kirdi de l'Extreme-Nord, n'a pas pu monopoliser tous les sieges mis en competition dans les circonscriptions electorates du Mayo-Tsanaga, de Kaele et du Mayo Danai ou il avait presents les candidats. Sur seize sieges, il n' avait obtenu que six contre cinq pour l'UNDP de Bello Bouba Maigari pre'sente' comme un parti «peul» ou «musulman» et cinq sieges pour le RDPC de Paul Biya pre'sente' comme un parti «sudiste». Dans la circonscription electorale de Kaele reputed Stre le fief electoral du MDR, ce parti n'avait obtenu qu'une majority relative de 27410 suffrages contre 21645 pour l'UNDP. Le MDR non seulement n' avait pas eu d' elus dans le Mayo Tsanaga mais davantage n' avait eu de majorite absolue nulle part (voir Sindjoun, 1994:410-413). De mSme, Kees 66 Ibrahim Mouiche Schilder(1997:186)apuobserverquel'electoratmoundangpendantlapresidentielle de 1992 etait plus favorable a Bello Bouba Maigari qu'a Paul Biya, malgre le soutien a lui apporte par le MDR dans le Mayo Kani comme le demontre si bien ce tableau. Mais si les recrutements politiques du RDPC et de l'UNDP permettent de relativiser les clivages ethnico-religieux ainsi que l'attestent les scores et pourcentages enregistres par ces partis dans diffiSrentes consultations que nous avons e'tudiees plus haut, force est d'admettre que celui du MDR suit les liens de clientages ethniques. Nous avons qualifie ce parti de «parti tribunitien toupourh dans la mesure ou il recrute principalement ses adeptes dans les zones toupouri du Mayo Kani et du Mayo Danai. Tel a e'te le cas des legislatives de 1992 et de la pr6sidentielle de la mSme anne"e quand ce parti a accorde" son soutien au candidat Paul Biya (voir Mouiche, 1997: 215-216). Meme aux municipales de 1996, le MDR n'a gagne" des communes que dans les zones a population majoritairement toupouri (Guidiguis, Moulvoudaye, Touloum, Dziguilao, Kalfou, Datchaka, Chatibali, Kar-Hay). Neanmoins le RDPC est soutenu par les Kirdi et Arabes choa en majorite au contraire de l'UNDP dont l'electorat est a dominante peul-musulmane. C'est ce qui explique par exemple les succes du RDPC dans le Logone et Chari ou la population Arabe Choa est majoritaire, les Kotoko etant en principe infe'ode's dans l'UNDP; c'est le cas egalement du Mayo Sava et du Mayo Tsanaga, milieux kirdi par excellence (Mafa, Mofou, Podoko, Vame, Zouglo, Guemzok, Mbokou, Mbre"me, Mouyeng, Ouldeme, Mada, Mokyo, etc. ...) Les succes de l'UNDP dans le Mayo Oulo, departement du Mayo Louti, s'expliquent egalement par des raisons ethniques, dans la mesure oil Ton a affaire ici a une zone a dominante peul. On peut multiplier d'autres exemples avec les regions telles que: Gazawa, Bogo, etc. ... Mais, si les reseaux ethniques et religieux interviennent ainsi dans les recrutements politiques au Nord-Cameroun c'est qu'a la base, d'autres facteurs travaillent la region pour transcender et parasker ces facteurs culturels. 2 -Crise de la succession presidentielle de 1982, crise economique et disqualification du regime Biya au Nord-Cameroun Comme 1'affinne Philippe Gaillard(1994: 16): «L'histoire finit mal. Apres une demission en toute magnificence signee Ahidjo dans sa soudainete' et sobriete", prepared de longue main dans ses details - contrairement a ce que 1'on crut alors - le jeune retraite fut traumatise par le cours que prirent les affaires publiques. Convaincu d'etre investi a titre personnel de la legitimite", il se dressa contre la Idgalite. Afin d'enrayerunepousse"edetribalismed'Etat,rapologistedeFunitenationale commit l'erreur cardinale de s'appuyer sur sa propre ethnie. II sous-estima Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 67 la force des structures politiques qu' il connaissait mieux que personne pour les avoir cre'ees, il se brisa contre elles, moralement et physiquement. II se compromit ou se laissa compromettre - on ne peut pas encore determiner avec une parfaite certitude la mesure de son engagement dans des complots qui finirent en trag6die». Ainsi, des le 18 Juin 1983, un remaniement ministeriel inopin6 par lequel M. Biya congecliait quatre «barons» du regime: MM. Sadou Daoudou, Ay issi Mvodo, Guillaume B wele et Samuel Eboua, faisait apparaftre au grand jour la rupture entre l'ancien President de la Republique et son successeur. Le fil des evenements des lors s'accelera. Le 22 Aoflt, M. Biya annoncait solennellement au pays la decouverte d'un complot. Le m6me jour, il debarque du gouvemement le Premier Ministre Bouba Bello Maigari et le ministre de la defense Maikano Abdoulaye (deux Peul). Us sont remplace's par Ayang Luc (un Kirdi toupouri du Mayo Danai") et Gilbert Andze Tsoungui respectivement (voir Bayart, 1986: 7; Ndi Mbarga, 1993: 33 et SS). Quels sont les auteurs de ce complot? Quels sont leurs mobiles? Les soupcons portent bien eVidemment sur les Nordistes et surtout sur Ahidjo; encore que quelques mois plus tard, ce dernier installe en France a Fepoque, avait engage une virulente polemique sur les ondes de RFI ou abordant la question des individus anete's au Cameroun et accuses de conspiration, il reveia qu'il s'agissait de son intendant le commandant Ibrahim Oumarou et de son aide de camp, le capitaine Salatou Adamou tous des musulmans du Nord. A dire vrai, il n'y avait aucun mystere quant a Tissue du proces d'Ahidjo. Des lors que Salatou et Ibrahim ontreconnu les faits qui leuretaient reproches15 et qu'ils avaient plaidS coupables, la suite allait de soi, l'affaire 6tant jugee par un tribunal militaire. La decision prononcee le 28 fevrier 1984 est conforme a la tradition martiale: les trois accuses sont condamne's amort, peines commutes le 13 mars en detention a perpe'tuite. Entre temps, M. Ahidjo avait d&nissionne" de la pr&idence de PUNC (Union Nationale Camerounaise), parti unique a 1'^poque afin d'eViter 1'humiliation d'un limogeage. Le proces de fSvrier etait-il le debut du calvaire des Nordistes et des musulmans aux mains des Beti, l'ethnie du President Biya? Beaucoup dans le Nord-Cameroun et dans les milieux nordistes au Sud avaient cre"dite cette these, envenimee d'ailleurs par les mouvements de personnels dans les Forces armees, notamment dans la Garde republicaine", interpre'tees comme une chasse aux sorcieres. En consequence, cette mesure se heurta a une opposition farouche des Nordistes et, dans la nuit du 5 et 6 avril 1984, la Garde republicaine allait se mutiner, en tentant sans succes de s'emparer du pouvoir a Yaounde. Cette tentative de putsch va couter la vie a plusieurs personnes. En effet. le bilan officiel de 70 morts, 52 blesses et 265 gendarmes disparus etait irrealiste. Les combats de rue, les balles perdues, les 68 Ibrahim Mouiche meurtres crapuleux, les executions extrajudiciaires expliquent le nombre eleve de victimes civiles et militaires. Les proces se deroulent entre avril et aofit et le bilan est lourd a en croire la bouche du President Biya: «1205 personnes ont ete interpellees, 491 ont ete poursuivies en justice. II y a eu 28 relaxees, 205 condamnations a temps, 51 condamnations a mort, une action eteinte par deces» (Ndi Mbarga, 1993:50). Comme la Garde Republicainee'taitfonneeessentiellementd'e'Ie'mentsnordistes, les Kirdi (Toupouri, Moundang, Fali, etc) encadres par des officiers musulmans, la liste des personnes inquires au lendemain du soulevement n'e'tait que trop suggestive, par la proportion d'originaires des d^partements du Nord qu'elle comprenait. En outre, un grand nombre de responsables politiques et de chefs des grandes socie'te's, ressortissants du Nord soupconnes dans cette tentative de putsch connaltront les memes d^boires. II en est ainsi de MM Issa Adoum, Directeur general du FONADER (Fonds national dedeVeloppement rural) a l'epoque. II e"tait apparu comme l'un des cerveaux de 1'insurrection dans la mesure oil il se murmurait que c'est lui que la garde republicaine se preparait a installer sur le fauteuil du President de la Republique. Arrete\ il sera rapidement juge, condamne a mort et pass6 aux armes; Ahmadou Bello, President directeur general de la Cameroon Airlines a l'6poque sera lui aussi arrSte; BobboHamatoukour, Directeur g^n^ral de l'Office national de commercialisation des produits de base sera arr6t6; Dakole' Daissala (actuel leader du MDR), Directeur general de la Societe des transports urbains (SOTUC) se retrouvera £galement en prison, etc.... De meme, la deuxieme moitie des annees 70 avait abrite la montee en puissances des milieux d'affaires musulmans assez peu regardants quant aux moyens de leur enrichissement et marque's r6gionalement autant que religieusement, par 1'opinion en tant qu'Aladji ou Haoussa. Le brusque depart de M. Ahidjo prdcipitait ceux-ci dans le desarroi en meme temps qu' il sonnait le glas de la regionalisation du Nord- Cameroun qui cessait de ce fait d'etre une region a part, une region privilegi^e pour devenir de'sormais une region comme les autres, une region ordinaire ne pouvant plus ben^ficier de dotations speciales en equipements et en infrastructures, ce d'autant plus que la crise £conomique frappait la porte. Car en effet, pendant que le pays 6tait secou€ par les drames de la succession, les indicateurs viraient au rouge, secheresse et €pizooties se combinant pour faire baisser la production agricole et pastorale et meme faute d'eiiergie hydraulique, d'aluminium. Tout s'enchaine, et la chute de la production industrielle atteint 6% au dernier trimestre de 1983, tandis que Finflation flotte les 20%. Des greves se produisent dans les etablissements publics. En 1984, une tentative de relance parlademande (relevement des salaires, des allocations familiales et des prix agricoles a la production) pallie les consequences de cette situation sur le pouvoir d'achat, mais son principal effet macro-e'conomiqueestd'entretenirrinflation.Certes,jusqu'enl986,leCameroun faisait encore bonne figure et les Camerounais attendaient un miracle avec une foi Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 69 intacte. Seulement, cette annfe-la, le voile devait se dechirer, la production du p&role commenc,ant a baisser au moment ou le prix du baril s'effondrait, les cours des denre"es suivant le mSme mouvement. En un an, le manque a gagner sur le pe'trole, le cafe\ le coton et le cacao s'elevait a pres de 300 milliards de F CFA. La production industrielle chutait de 12% en valeur courante. Les Ame'ricains durent de'sinvestir. L'administration pay ait ses fournisseurs dans des d61ais qui commencaient a se compter en semestres, entratnant des faillites. On compte 2000 licenciements gconomiques. Les traitements des fonctionnaires sont payes en retard (Gaillard, 1989: 128-129). Face aux causes naturelles ou conjoncturelles que sont l'epuisement des reserves du p€trole et la baisse des cours des produits d'exportations, les gouvernement est desarme'. Les maux end£miques que sont la fraude, le gaspillage, le pl&hore des fonctionnaires, la faillite d'etablissements publics et des soci6t6s d'&onomie mixte appellent des remedes drastiques. Les avantages en nature sont supprime's ou diminue's dans Fadministration: logements et voitures de fonction, telephone, electricite", des fonctionnaires sont mis a la retraite d'office. Et, difficilement applique"e, la rigueur va s'installer. Elle ressemble a s'y mdprendre au tableau de l'ajustement structurel rendu classique par le FMI. Le Cameroun est depuis 1986, dans la situation typique qui amene les Etats africains les uns apres les autres a se mettre sous la tutelle du FMI pour obtenir les moyens exterieurs d'une restauration financiere, or, il refuse de recourir aces fourches caudines. Mais dans un dernier retranchement, il y passera en 1988 (Gaillard, 1989: 129). Or,si les politiques d'ajustements structurels ont dans certains cas permis d'etablir les grands equilibres,ellesse sont egalementtraduites par l'appauvrissement de nombreuses categories sociales.Ses consequences sociales ont 6t6 particuliement severes en milieu urbain;d'abord,les remunerations en ville qui en ont 6X6 tres affectees dans la mesure ou elles ont impliqud une baisse du taux de change r£el;ensuite la liquidation des entreprises publiques deTicitaires et la reduction des effectifs de la fonction publique qui ont enframe' des licenciements massifs.Cette reduction de la capacity d'absortion du secteur moderne a conduit a une augmentation du chSmage et a une expansion des activit^s informelles.Ces politiques d'austerite ont eu des repercussions majeures sur la vie des d£munis qui constituent souvent plus de la moiti6 des des habitants des villes.En outre,la reduction des d£penses publiques.imposees par les mesures de stabilsation en vue de 1' attenuation des deficits budgetaires,a conduit les Etats adimunuer la part des budjets nationaux consacree aux services sociaux de base (sante,education).De meme,le retrait des subventions et la privatisation de ces services,re"sultant de la transition brutale vers l'6conomie de marche ont partiellement exclu l'acces aux populations les moins bien plao^es pour se diriger vers des alternatives priv6es.Et cet affaiblissement de l'Etat a eu pour consequence d'accrottre sa deiegitimation aupres des populations (Peemans et Laurent, 1996:229). 70 Ibrahim Mouiche Ainsi,les politiques qui visent a favoriser le marche" au detriment de la capacite d'intervention de l'Etat en faveur des groupes qui le composent,aboutissent a la destruction des relations sociales centres sur une participation socialement et economiquement be'ne'fique a une dynamique de modernisation,et a ses retombe'es,suppose'es positives.sur le statut et le bien-etre des individus.Plus gravement encore.elles tendent a acce'le'rer la degradation des relations anciennes de solidarity deja fortement e'rode'es par la phase ant6rieure du processus chaotique de modernisation. O r,la destruction des liens sociaux constitue le me'canisme a travers lequel se renforce l'instabilit^ sociale et poltique. II est done Evident que dans un tel contexte de crise sociale et e"conomique, PUNDP et le MDR ne pou vaient que trouver un contexte favorable a la detegitimation du regime Biya dans le Nord-Cameroun. Ainsi «l'electeur du Nordpouvait tout choisir saufle RDPC du President Biya, surtout qu 'il y avail un consensus sur le sort reserve auxputschistes nordistes du 6 avril 1984». C'est fort de cette crise de legitimite que le regime du President Biya va verser dans 1'instrumentalisation de l'ethnicite, en rehabilitant les antagonismes historiques entre Kirdi et Peul, entre Arabes choa et Kotoko voire entre les ethnies kirdi. Ceci va lui permettre de diviser l'electorat du Nord-Cameroun d'une part entre partisans d'une renaissance de l'he'gemonie peul-musulmane regroupes derriere FUNDPet de l'autre les Kirdi et Arabes choa, farouchement opposes a ce retour au statu quo ante et d'ailleurs emancipes jusqu'a a un certain point sous son regne. En consequence, en majorite, ceux-ci vont soutenir le RDPC au contraire des musulmans et des Kotoko. 3 - Succession presidentielle de 1982, integration socio-politique des Kirdi et Arabes, politisation de l'ethnicite, revanche des societes arabes17 et kirdi et popularity grandissante du RDPC au Nord-Cameroun Sous le regime du President Biya, les musulmans (notamment les Peul et les Kotoko) ont perdu beaucoup de leur pouvoir non seulement a Yaounde mais aussi et surtout dans le Nord du pays. L'arrogance musulmane, la repression culturelle et la discrimination ont nettement diminue a tel point que beaucoup de non musulmans etd'Arabeschoaparlentaujourd'huide«-//foe/-a/«ariort», pour designer ces changements. Et depuis quelques ann&s l'inteYSt des fonctionnaires nonmusulmans pour 1 'histoire et les traditions ancestrales de leurs ethnies va croissant. Cette renaissance culturelle parmi les populations se traduitau niveau de 1'initiation «traditionnelle» de leurs enfants et des comites de developpement cantonaux et villageois qui sont controles et initie"s par l'administration. Elle prend la forme d'explosion culturelle et de semaines culturelles (voir Schilder, 1993: 119). En outre, les associations d'entr'aide des fonctionnaires non-musulmans dans les grandes villes du Cameroun sont responsables de lapolitisation de ce «mouvement cultureh. Beaucoup de ces «groupes de ressortissants» en 1991 ont d£battu des changements politiques en cours, ce qui a eu comme resultat, la creation a Yaounde Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 71 de la DCK (Dynamique culturelle kirdi)18, une tentative de re\mir les elites nonmusulmanes du Nord-Cameroun. Les personnalite's de la DCK liees au RDPC ont jou6 un r61e important dans la diffusion des sentiments anti-musulmans parmi la population non-islamise'e du Nord, ce qui a contribu6 a renforcer la mSfiance a l'^gard de l'UNDP du Peul Bouba Bello Maigari (Schilder, 1993: 119). L'integration du terme Kirdi dans le discours politique illustre ce processus. Contrairement a ce qui se passait encore il y a quelques ann6es, beaucoup ont aujourd'hui ce mot a la bouche. Les elites non-musulmanes ont adopte et popularise ce mot; ils en ont fait un terme politique qui reflete une protestation contre l'exclusivisme et la discrimination du cote des musulmans et une prise de conscience croissante que les non-musulmans peuvent repr6senter une force politique importantes'ilss'unissentC'est ainsiquedanscemouvement«cw/fwre/» dit de la «kirditude», les forces vives kirdi prennent conscience de leur caractere majoritaire et demandent a jouer a 1' e'chelle nationale un role conforme a leur poids numeYique, voire a etre considers dans les alliances politiques comme une alternative auxFoulW (Dongmo, 1997:275). Ce qui ad'ailleurs regu 1' assentiment du President Biya puisque beaucoup de Kirdi aujourd'hui ont eu acces au pouvoir politique." Autre chose est la creation d'unites administratives opere'es par le regime du President Biya dans le Nord-Cameroun. En effet, durant le regne du President Ahidjo, le Nord qui represente 33,3% du territoire national etait sous-administre avec une province et six departements (Benoue, Vina, Margui Wandala, Logone et chari, Mayo Danai et Diamare) au contraire du Sud qui en avait respectivement six et trente quatre. L'un des premiers actes de M. Biyaa consiste des 1983 a diviser le Nord en trois provinces dontl'Adamaoua,anciendepartementde la Vinaavec quatre departements (Vina, Mayo Banyo, Mbere et Faro- et -Deo); le Nord, ancien departement de la Benoue avec quatre departements (Benoue, Faro, Mayo Rey et Mayo Louti) et l'Extreme-Nord avec six departements (Diamare, Mayo Sava, Mayo Tsanaga, Mayo Kani, Mayo Danai et Logone-et-Chari). Or, accumulation et enrichissement sont devenus les maftres mots de l'ultime justification du processus de creation de nouvelles unites administratives puisqu'elle signifie traditionnellement l'etablissement d'une fonction publique locale, la distribution d'infrastructures, d'hSpitaux, d'ecoles, de logements, etc. ... et atteindre de tels objectifs passe generalement par la recherche voire Finvention des fondements historiques et culturels susceptibles de conferer aux communautes concernees une identite face aux autres. L'appel a l'ethnicite" constitue done pour le pouvoir un moyen de susciter loyaute et mobilisation locales (voir C. Bach, 1991: 124). Cette emergence de 1' identite politique kirdi est un phenomene nou veau qui met un terme au mythe du «bloc de pouvoir regional musulman» en meme temps qu'elle fait des Kirdi une force politique importante au niveau regional et national 72 Ibrahim Mouiche (Schilder, 1997: 186). Ainsi, Jose' Marie Van Santen (1997:253) a pu ddceler les germes des vieilles rivalries Mafa-Peul dans la Mayo Tsanaga aux elections legislatives de 1992, les Mafa votant le RDPC et les musulmans, l'UNDP. Ce qui a assure auxdits partis une parity de trois eius chacun, dans cette circonscription electorate. Pour les Mafa, il fallait definitivement tourner le dos au passe' et Bello Bouba etant de souche peul, symbolisait ce passe" fait de mSpris et d'oppression du segment mafa. L'on peut multiplier d'autres exemples avec le militantisme ouvert de certains membres du MOINAM (Mouvement d'investissement et d'assistance mutuelle), association des Gbaya du Cameroun, qui a pour objectifs «defavoriser I'entr'aide, la solidarity et I'epargne des membres, ressusciter, entretenir et promouvoir leurs cultures, sans distinction d'age de sexe, de religion ou d'ideologie», mais qui s'est e'loigne' de ces objectifs pour embrasser la politique, donnant des consignes de vote, en faveur du RDPC en periode electorate et cela depuis le congres de Meiganga de 1996. C'est ce qui justifie la popularity du RDPC dans le Djerem et le Mbe're' qui sont des departements d'origine des communaute's gbaya. Le Logone et Chari nous offre e'galement un exemple eloquent qui merite d'etre etudie. C'est en Janvier 1992 que la ville de Kousseri, chef-lieu du Logone et Chari fut le theatre des conflits sanglants entre les deux principales composantes de la region: les Arabes choa et les Kotoko. Les analystes ont avance differentes causes a ce drame: volonte d' affranchissement des Arabes de ce qu' ils considerent comme une tutelle pesante des Kotoko, perce'e de 1'inte'grisme, manipulation politique, lutte pour le leadership, etc... Ce qui est important, c' est que les revendications des Arabes vont trouver dans le multipartisme une opportunity pour s'exprimer. Leur poids demographique dans le Logone et Chari, plus de la moitie' de la population du d^partement va determiner une alliance objective avec le regime Biya soucieux de trouver une tegitimite a travers les suffrages. C'est ce qui explique la victoire du RDPC, parti au pouvoir aux elections legislatives et pre"sidentielle de 1992, aux municipales de 1996 et aux legislatives de 1997. II n'est pas etonnant que l'UNDP, parti d'opposition sense" incarne une certaine continuite avec le regime Ahidjo, trouve l'essentiel de son electoral chez les Kotoko. II y a la theoriquement une dichotomie qui fait se chevaucher appartenance ethnique et obedience politique. De part et d'autre, des interme'diaires ethniques, sortes de «seigneurs» de leurs groupes servent de courroie de transmission pour re"percuter des doteances au niveau central ou conforter les alliances e'tablies (Bah et Issa, 1997: 280-283). D' ailleurs, avec la dissociation entre ethnie peul et islam, d' autres communaute's musulmanes ont pris leur distance vis-a-vis des Peul et partant soutiennent le RDPC sous la houlette de leurs leaders. C'est le cas des Haoussa dans le Mayo Banyo dans la mesure ou leur alliance avec les Tikar ont permis au RDPC d'assurer sa victoire sur l'UNDP aux legislatives de 1997 malgre' les irre'gularite's qui ont Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 73 entache les Elections dans cette circonscription. C est le cas egalement des Kanouri qui, dans le cadre de 1' Association des Kanouri du Catneroun oeuvrent pour le RDPC en soutenant l'actuel ministre de la defense, cacique du regime Biya, M. Amadou Ali. L'on ne saurait egalement oublier de mentionner la peur qu'eprouve l'aristocratie peul, notamment celle de la province du Nord de perdre le controle de la region suite a l'emancipation des ethnies jadis domine'es, qui amene celle-ci a soutenir le RDPC. Ce qui explique dans une certaine mesure le revirement electoral de la province du Nord depuis l'election pr€sidentielle de 1992, confirme" aux municipals de 1996, pourgcrouerl' UNDP aux legislatives de 1997 ou ce parti est sortie diminu6e avec trois deputes contre neuf pour le RDPC. Done le probleme est politique, celui du controle de l'espace regional et a impost aux differentes communautes ethniques, des solutions politiques et au parti au pouvoir, des artifices politiques qui sont alles jusqu'a 1'autoritarisme afin de rester au pouvoir au Cameroun. 4 - Les facteurs politiques de perturbation des tendances electorates du Nord- Cameroun: le clientelisme et rautoritarisme etatiques «Quel est ce dieu qu' on appelle «suffrage universel»? demandait Pareto au debut de ce siecle finissant. Et il repondait: «I1 n'est pas plus deTmissable, pas moins mysterieux en dehors de la r6alit6 que tant d'autres divinites et sa theologie ne manque plus qu'une autre de contradictions eVidentes. Les fideles du suffrage universel ne se laissent pas guider par leur dieu. Ce sont eux qui le menent - et par le bout du nez, lui imposent les formes sous lesquelles il doit se manifester. Souvent, tout en proclamant le caractere sacr6dela«loidelamajorit€»,ilss'yopposentparrobstruction,memes'ils ne forment qu'une petite minority et, tout en brulant de l'encens aux pieds de la deesse Raison, ils ne dedaignent nullement en certains cas, le secours de la chicane, de la Fraude et de la corruption*. Quel que soit le nom qu'on lui donne, un gouvernement est toujours dirige d'apres le sociologue italien, par une elite quelconque, par une minority qui regne soit par la ruse, soit par la force. Beaucoup d'intellectuels aujourd'hui seront d'accord avec ce jugement. Toute throne selon laquelle la democratic prend ses racines dans la reality objective est rejetee comme on ecarte une interpretation d'une naivet6 desarmante, une chimere dont celui qui etudie le domaine de la politique doit chercher a se Hb6rer (Hallowell, 1970: 11-12). Face & ce dilemme, la recherche des variables qui servent a 6tablir les facteurs de perturbation des tendances electorales du Nord-Cameroun s'avere une tSche difficile et cette difficult^ tient au caractere autoritaire des regimes africains et ici camerounais, qui va jusqu'k la criminalisation de la politique, defiant ainsi les 74 Ibrahim Mouiche theories explicatives du comportement electoral en vigueur dans les democraties liberates. «Sans doute affirme leprofesseurPierre-Frangois Gonidec (1978:201), I 'Afrique n 'apas leprivilege defaire voter les morts, mais, dans un certain nombre de pays, les mouvements migratoires importants des populations ont pour consequence de rendre rapidement caduques les listes electorates. En fait le principe de lapermanence de la liste electorale, heritedes systemes electoraux des pays developpes, n 'aplus dans ces conditions grande signification. Ce qui compte, c 'est la revision de la liste electorale a laquelle on procede avant chaque election, ce qui permet les manipulations de la part de I'autorite administrative». Certes, il n'existe pratiquement aucune election incontestee. Mais si la contestation des resultats est une arme politique dont les perdants usent et abusent, il faut bien reconnaitre que les manoeuvres de toutes sortes sont frequentes au Cameroun. Ainsi, d'autres facteurs expliquent la tenacite du RDPC sur l'echiquier politique du Cameroun comme le voit si bien Achille Mbembe (1993:348 - 349). II y a d' une part le controle administratif (pesant) que le gouvernement exerce sur les structures dites traditionnelles (chef feries, sultanats, lamidats); et d' autre part la clientelisation - acceleration de leurs responsables, soit par le biais des Iiberalit6s qu'il est encore capable de redistribuer, soit par leur cooptation directe dans les instances dirigeantes du RDPC. La seule affiliation ethnique ne suffit done pas a rendre compte de l'ampleur des appuis dont beneficie encore 1'actuel chef de l'Etat. Dans les colonnes d'un opuscule inedit que viennent de rediger les elites de la DCK: «Le grand Nordface a lui-meme», M. Marcel Rodo (Anonyme, 1998) tire de cette maniere les lecons de l'election presidentielle de 1997: «Le grand Nord que nous appelons vivement de tous nos voeux n'est contre personne, ni contre un groupe. Tout au contraire, nous gagnons tous, au plan individuel, ethnique que religieux, a cultiver la paix et l'unite nationale. Nous ne jouons pas a une recuperation politique, mais nous disons que e'est une question de survie de l'Stre humain (...) «Nous en appelons a laconscience de tous pour une responsabilisation permanente et gene'reuse. Toutes les conditions sont r^unies aujourd'hui pour que, derriere son Excellence Paul Biya, nos doieances soient examinees favorablement. II nous faut nous en feliciter. Nous avons plus que toutes les autres regions, contribue d'une maniere decisive et sans condition a sa glorieuse victoire lors des dernieres presidentielles, 1997. Nos ministres, nos hommes politiques, nos responsables des grandes societes et hauts fonctionnaires doivent leurs postes de responsabilite a notre engagement parce que le grand Nord est ancre definitivement et sans hypocrisie dans le RDPC. Leur sort depend uniquement et directement de son Excellence Paul Biya et non de qui que ce soit (...)». Par ailleurs, le gouvernement exerce un controle total sur la definition des regies du jeu, sa capacite a les changer a sa guise, a les violer, a refuser de les respecter et l'absence totale de recours pour les opposants (loi electorale, decoupage des Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 75 circonscriptions, monopole absolu sur les moyens de communication audiovisuelle et sur la presse 6crite). Cette extraordinaire marge d'arbitraire s'applique £galement aux fmancements. Ni le gouvernement, ni le RDPC ne sont tenus par aucune regie de comptabilite'. Un tel pouvoir de coercition et de corruption ouvre d'immenses espaces a la fraude ainsi que 1' ont r6vel6e les differentes consultations electorales qui ont eu cours au Cameroun depuis 1992 (Mbembe, 1993: 349).20 Aux municipales de 1996, les griefs suivants ont €t€ articul6s contre 1' administration: les electeurs potentiels et les sous-preTets ont joue a cache-cache avec les cartes, les listes electorates et les bureaux de vote n' ayant 6t6 affiches nulle part comme l'exige la loi 61ectorale. Aucune liste du RDPC n'a pu e"tre prise en deTaut quand meme elle 6tait depose'e en retard. Alors que la commission communale de supervision est de par la loi souveraine pour la qualification des resultats deTinitifs, les presets et le ministre de 1' administration territoriale avaient souverainement de'cide' de confisquer ou de rejeter des multiples listes d'opposants quand la «securite» du RDPC 1' exigeait. Une «cellule d'information» non prescrite par la loi pour rassembler et triturer les diffierents verdicts des urnes consignes dans les proces-verbaux avait 6t6 dgalement cre'e'e au ministere de 1'administration territoriale. Les responsables administratifs sont alles jusqu' a refuser de signer des documents importants rendant ainsi certains dossiers de l'opposition incomplets. On a assist^ dans certaines circonscriptions a des mesures d'autorite prises pour supprimer une commission communale de supervision. On a egalement connu beaucoup d'intimidations dans les zones rurales (Mouiche, 1996:136-197). De ce fait, le RDPC 6tait souvent seul en lice dans certaines circonscriptions comme a Rey-Bouba, Mandringring et Touboro dans le departement du Mayo Rey, repute fiefdel'UNDP. Comme 1'affirme Yeyang Silas, secretaire general du MDR (voir le Messager n° 608 du vendredi 30 avril 1997), «Le RDPC voulait a toutprix remporter des mairies dans les zones qui votent traditionnellement pour le MDR. Pour cela le parti au pouvoir a tout mis en oeuvre pour I 'emporter. En Janvier 96, des enfants de moins de 17 ans ont vote, les urnes ont passe la nuit en brousse, et les representants des partis d'opposition n'ont pas ete autorises a assister aux operations de depouillement. C'est done a cause de la fraude et des intimidations du RDPC et des autorites administratives que le MDR n 'a pas pu confirmer en 96 ses succes de 92». Et Dakole Daissala disabuse (voir Mouiche, 1996: 186), de rencherir: «En ce qui concerne le MDR, je dois dire que notre parti s'est retrouve en face d'un acharnement incomprehensible et de la part du parti au pouvoir (...) «Nous nous sommes rendus compte qu'une machine de guerre a 6t6 mise en 76 Ibrahim Mouiche place pourecraser le MDR au moment de l'admission de nos listes. C'est ainsi que partout ou le MDR pouvait repre"senter une concurrence serieuse pour le parti au pouvoir, des consignes ont 6t€ donnees aux autoritfe administratives pour refuser nos listes (...)Ces gens (...) ne formentpas un parti politiquemais un syndicat de fonctionnaires allies a des homines en mal de fisc. C'est pour ca qu'il n'y a pas de dialogue possible avec eux (...). Le MDR et tous les autres partis cr&libles doivent s'organiser de telle maniere que nous n'ayons plus a faire a une fraude de ce niveau». Bello Bouba devait d'ailleurs abonder dans le mSme sens pour reteguer ces municipales dans la preliistoire de la democratic, les qualifiant de «rendez-vous manque avec la dimocratie» et posant la probldmatique de la creation d'une commission nationale electorate inde"pendante. «Je vous dirais que les municipales du 21 Janvier 1996 auront €t€ un rendez-vous manque1 avec la de"mocratie parce que comme je l'ai dit, on a connu beaucoup d'intimidations surtout dans les zones rurales. Pendant la campagne electorate et le jour du scrutin, on aura vu certaines autorites administratives s'immiscer dans la conduite des elections. Or, ce jour-la, elles devraient s'effacer devant les Presidents des commissions communales de supervision. On a dgalement vu des sous-preTets venir enlever des urnes par la force pour tromper les electeurs qu' elles annulent les elections. Alors ceci explique que le RDPC qui a 6t6 largement vaincu dans nos capitales provinciales et dans bon nombre de chef s-lieux de departements ait pu se declarer vainqueur dans les communes rurales. Tout ceci nous renforce dans notre conviction qu'il y a n&essite d'adopter un nouveau code electoral dans notre pays et de cr£er une commission nationale electorate independante. Sans cela, nos elections vont difficilement 6tre transparentes, libres et democratiques» (Cameroon Tribune n° 6031-2320 du lundi 5 fevrier 1996). Et comme pour «punir» ces deux leaders du Septentrion, un de"coupage special, taille sur mesure, tenant compte des r&ultats des municipales et sur fond de reTeYents ethniques devait porter un coup fatal au MDR et a l'UNDP aux legislatives de 1997, r&iuits qu'ils sont aujourd'hui a un et douze deputes dans le Nord-Cameroun21. Ce ddcoupage special concerne le Diamare', le Mayo Kani, le Mayo Danai', le Mayo Louti et la Be'noue'. Eyoum Ngangue du Journal Le Messager (n° 608 du vendredi 30 avril 1997:6) devait crier au scandale, et parler des «Bantoustans dans le Diamare*: «Le gouvernement est venu alourdir la suspicion sur ses options d&nocratiques en proc&lant au ddcoupage Electoral qu'on qualifie de scandaleux. En effet, le Diamare (...) a e"te plie" en 4 circonscriptions electorates a savoir: Diamare' - centre urbain (Maroua - ville), Diamare' - centre - rural (Gazawa, Ndoukoula), Diamarenord (Meri), Diamare'-sud (Dargala, Bogo, Pett6). Selon le president de la section UNDP du Diamare, ce d6coupage participe de la volont^ du gouvernement de creer des bantoustans dans 1'ExtrSme-Nord. Car de toute Evidence, ceux qui ont pratiqu^ Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 11 cette chirurgie se sont appuyes sur les scores realises par les uns et les autres dans divers arrondissements lors des demieres municipales. Le cote vicieux de la chose est que le RDPC table sur un vote tribal des Kirdi et de montagnards qu'on presente souvent comme des adversaires naturels de l'UNDP et partant des allies objectifs du RDPC. C est pourquoi les localites ou ces populations sont majoritaires ont e"te regroupees comme s'il s'agissait de reserves d'indigents et de reserves de voix pour les candidatures du parti au pouvoir». Camerounisation de 1'Apartheid? De toutes les manieres, l'injustice dans le partage de sieges par circonscription est criarde: Maroua-ville qui compte 200.000 habitants n'a qu'un siege, c'est-a-dire la meme chose que Men qui n'abrite que 50.000 ames. La circonscription du Diamare" centre- rural qui est pratiquement inhabitee se taille la part du lion avec deux sieges, alors que les arrondissements de Dargala, Bogo, Pete qui totalisent 120.000 personnes n'en ont qu'un. Ainsi, Maroua-ville plus Dargala - Bogo - Pette qui composent les 4/5 de la population du Diamare' ne b6ne'ficient que d'un seul siege (...). Ce qui est sur est que l'TJNDP et le MDR ont ete frappe"s de plein fouet dans leurs bastions traditionnels. D' abord 1' UNDP dans le Diamare, la Benoue et le Mayo Louti oil 1' on peut bien se rendre compte de ce decoupage «ethniciste». Prenons le Diamare22. • Le Diamare centre-urbain englobe Maroua-ville, cite cosmopolite regorgeant des populations peul, guiziga et Mofou, un siege qui sera gagne par l'UNDP. • Diamare-nord comprenant Pete (ville peul et arabe), Bogo (peul) et Dargala (composantes peul, mofou et kera), un siege remporte par l'UNDP. • Diamare' centre-rural (terroir guiziga),deux sieges remportes par le RDPC. • Et le Diamare-sud, concernant Meri, cite mofou, un siege, gagn6 par le RDPC. Le Mayo Louti eclatera en deux circonscriptions en confinant la zone peul du Mayo Oulo a un depute' revenu a l'UNDP et trois sieges pour le monde guidar et daba, le Mayo Louti-est, gagnes par le RDPC. La B enoue subira le meme sort et 1' on aura Benoufi-est acquis au RDPC puisque, englobant Bibemi, Pitoa et Lagdo, zone cosmopolite a dominante kirdi (Fali,, e'migre's moundang, toupouri, guiziga, etc), deux sieges remportes par le parti au pouvoir et Benoue-Ouest fief de Bello Bouba (Garoua, Dembo, Demsa, Bascheo, Touroua et Tcheboa), deux sifeges revenus a l'UNDP. Ensuite le MDR (et dans une certaine mesure l'UNDP) dans le Mayo Kani et le Mayo Danai'.23 Le Mayo Kani comprendra deux poles: Mayo Kani-nord (Kaele, Mindif et Moutourwa), trois sieges et Mayo Kani-sud (Guidiguis, Moulvoudaye, Porhi et Taibong), deux sieges. Si Mayo Kani-nord est un terroir a dominante guiziga et moundang done hostile a l'UNDP, conside're' comme une incarnation du passe et le MDR consider^ comme un parti toupouri, le Mayo Kani-sud est surtout un milieu toupouri (avec une fraction importante de la communaute" peul) d'ailleurs 78 Ibrahim Mouiche region natale de Dakold Dai'ssala, leader du MDR. C'est surtout dans cette circonscription du Mayo Kani que l'effet-leader va beaucoup jouer dans l'imaginaire des populations. En designant Hele Pierre, (leader moundang), tete de liste de l'UNDPdans le Mayo Kani-nord, l'UNDP s'est au moins assured d'un siege a Kaelg contre deux pour le RDPC. De mSme, le RDPC a su fragiliser la base electorate du MDR dans le fief de Dakole' Daissala du Mayo Kani-sud en pre'sentant contre ce dernier, 1'elephant du coin, Adama Modi, Peul, mais, populaire. Ce qui a assure' a ces deux partis une paritd d'un 61u chacun, dont Dakole' Daissala pour le MDR et Adama Modi pour le RDPC. Ainsi, en cinq ans de legislature (1992-1997) il convient de le dire, Dakole aura de^u son eiectorat toupouri du Mayo Kani et du Mayo Danai'. Outre que les danses toupouri dans les meetings ont davantage eloigne leurs voisins massa, mousey, guiziga et moundang entre autres facteurs, Dakold en 1992,6tait alie tres loin pour balayer dans lacourdes autres en proposant un Ndourou de 1'Adamaoua, un Guidar du Mayo Louti et un Mafa du Mayo Tsanaga comme ministres de la coalition RDPC-MDR. Certes, il voulait se positionner en leader kirdi mais c'etait une aventure gratuite en ce temps de replis identitaires. Ensuite les promesses non tenues pour un parti sans structures de base et qui se ramene a son leader, qui repugne a proce'der a sa structuration. Enfin et fait majeur Dakol€ n'est alie sur le terrain qu'une seule fois, a la veille du scrutin de 1997 pour «remercier» son eiectorat de 1992 et sollicker de nouveau leurs suffrages. Une fois cette parenthese sur le MDR fermee, l'analyse peut se tourner vers les oripeaux des chefs traditionnels. En effet, au Cameroun, ceux-ci sont des allies du pouvoir central dont la marge de manoeuvre locale permet eventuellement d' exercer un chantage conservateur, qui ne met done pas en cause la structure inegalitaire des relations mais permet plut6t une meilleure retribution. C'est la these de Finstrumentalisation monopolistique des chefferies traditionnelles. La tradition d'emprise bureaucratique est maintenue en ce qui concerne la nomination, la sanction bref le regime disciplinaire des chefs traditionnels. D'ailleurs, en 1959, Amadou Ahidjo, alors Premier Ministre du Cameroun oriental avait destitue le lamido de Maroua; en 1963 le lamido de Ngaoundere' etait a son tour releve de ses fonctions. Les chefs traditionnels sont en fait des operateurs hege"moniques associes a l'Etat. Dans laterminologie officielle, ils sont considers comme des «auxilliaires de I'administration*. En fait, les chefferies traditionnelles et l'Etat au Cameroun ont participe' et continuent a participer dans une certaine mesure de la meme nature autoritaire et patrimoniale. Celles-la etant associees a celui-ci accomplissent une performance he'ge'monique au profit du souverain etatique. La parente prebendiaire est aussi forte et se manifeste par la confusion entre le public et le prive, par l'extorsion des ressources publiques. A litre d'illustration de la cooperation patrimonialiste, Ton peut citer la remise en 1984 aux lamibe de la province de Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 79 PExtreme-Nord par Abdoulaye Babale (alors ministre de l'urbanisme) au nom du chef de l'Etat la somme de 17.200.000 FCFA au titre de la fete de ramadan, ou encore la facilitation d'acces au credit bancaire, autre modality subtile de distribution de pre"bendes. En septembre 1992, le liquidateur du FONADER faisait etat des difficultes a recouvrer les cre"ances aupres du lamido de Rey Bouba M. Bouba Adoulaye (24 266 937 F), du lamido de Tourwa, M. Ahmadou Hayatou (13.247 211), etc (Sindjoun, 1994:132-133). La logique de l'instrumentalisation est implacable. Elle permet de comprendre en partie le refus des lamibe' de la province du Nord de soutenir la candidature de ropposantM.BelloBoubaMaYgariarelectionpre'sidentielledel992.L'argumerit d' «auxilliaire d'administration*, de fidelite" au regime et a celui qui l'incarne a notamment €l€ utilise par le frere dSn& de M. Bello Bouba, le lamido de Batscheo, par ses cousins le lamido de Dembo et celui du Rey. Ici la logique des intSrets politiques Pemporte surla parente" clarique: tous appartiennent au clan peul hillaga. Leur option pour l'Etat est un choix rationnel qui lew permet de pene'trer l'Etat et d' obtenir en ^change de leur collaboration des gages bureaucratiques de reconnaissance, de security et d'autonomie. Le chef traditionnel est un acteur interesse" qui recherche des profits dans le jeu de 1'accumulation hegemonique du pouvoir central. C'est ainsi que dans le Nord-Cameroun, le systeme de commandement traditionnel peul (les lamibe) s'est affermi en s'impliquant dans les strategies de domination politique et economique de 1'administration coloniale franc, aise. Les lamibe" aidaient a la collecte des impots, a 1' orientation des paysans vers la culture du coton, etc.. II s'en est suivi un renforcement de la dependance du paysan (Kirdi) vis-a-vis du lamido (Akam, 1990). L'entreprise coloniale dans le Nord-Cameroun a parfois permis aux lamibe grSce a leur position d'interm&liaires entre 1'administration et les populations locales, de faire «avaliser les pretentions de suzerainete qu'ils nourrissaient sur leurs voisins kirdi». Les chefs traditionnels foulbe" acceptent la collaboration pour mieux mattriser la region (Sindjoun, 1994: 135-137). Mais dans cette collaboration, beaucoup versent dans la criminalisation, en violant de maniere flagrante les droits de l'homme les plus fondamentaux. C'est le cas notamment a Rey Bouba. Ici, la justice de l'Etat est absente. Elle n'y a d'ailleurs jamais fait son entree. Toutes les affaires se reglent chez les dogaris (doungourous du lamido) et 1' instance supreme se trouve aRey chez «/ 'Empereur». Le lamido sait qu'il ne peut y avoir opposition de pouvoir entre l'Etat camerounais et lui parce que c'est le lamido qui preleve les taxes et les impots sur le commerce. Certains fonctionnaires juge"s trap z6\6s par le lamido perdent tout simplement leur poste, voire leur emploi, etc.... C&lons plutfit la parole ace gendarme de Touboro, s'adressant aux militants de l'UNDP de Gay Toukoulo bastonnes par les dogaris de qui ils durent arracher le fusil: 80 Ibrahim Mouiche «Vous avez bien fait de ne pas tuer un des dogaris, sinon l'arme'e serait intervenue pour detruire votre village. Comprenez que c'est de la part du lamido que les dogaris ont recu l'ordre de porter des armes. Et ceci est connu et admis du president Biya. Vous auriez mieux fait d'apporter le fusil arrache au grand dogari et non a la gendarmerie. Moi je suis un Stranger, un jour, je partirai et vous laisserai avec votre lamido. Si le lamido agit ainsi, ce n'est pas pour rien, c'est qu'il a rec.u l'ordre du President Biya». Pour Stayer davantage ses propos, il cite des exemples bien connus a savoir Andre" Birda et Laomaye Dogofan, tous deux tu6s a Touboro par les dogaris qui n'ont jamais 6l6 inqui^s (voir L'oeil du Sahel n° 005 mars 1998). Depuis l'avenement du multipartisme, les partis d'opposition notamment I'UNDP sont interdits dans ce lamidat. Aux legislatives de 1992, ce parti avait ete interdit de battre campagne dans ce territoire par le lamido. II en a 6t6 de meme aux legislatives de 1997 ou 1'intervention des dogaris dut entrainer la mort de cinq militants de I'UNDP. Aux legislatives de 1992, ses deputes eius avaient ete contraints a 1' «exil» pour echapper aux foudres assassines du monarque. Le depute Haman Adama de I'UNDP devait mourir des coups et blessures des dogaris, venu qu'il etait en 1996, battre campagne pour les municipales alors mSme qu'il avait recu l'aval du lamido. Ainsi, le RDPC se retrouvait seul en lice a Rey Bouba, Touboro et Mandringuing ou il remportait un score significatif de 99,95%, 90,65 et 100% respectivement. Venu e"galement battre campagne pour les legislatives de 1997, le depute UNDP Nana Koulagna devait se retrouver en prison a Garoua, a la suite d'une altercation avec les dogaris; et, se fondant sur toutes ces violations, FUNDP devait intenter un recours en annulation du scrutin legislatif dans cette circonscription remporte par le RDPC, recours auquel ce parti eut gain de cause. Seulement le scrutin annuls et renvoye pour le 3 aout ne fut toujours pas glorieux pour le parti de Bello.24 Au plan national, toutes ces manoeuvres autoritaires du RDPC devaient amener l'opposition camerounaise notamment le SDF, I'UNDP et l'UDC a boycotter 1'election presidentielle du 12 octobre 1997, convaincus qu'ils etaient de Tissue dudit scrutin. C'est ce qui ressort de la substance de ces propos liminaires de Bello Bouba Maigari lors de la conference tripartite (SDF-UNDP-UDC) annonc.ant ce boycott rapportes par le journal Le Messager (n°675 du 10 octobre 1997): «... Je rappelle tout cela pour dire que dans notre pays depuis le retour au multipartisme, et depuis que nous organisons des elections, non seulement le gouvernement ne veut pas changer les lois parce que cela 1 'arrange, parce que cela facilite ses fraudes mais plus grave, le gouvernement du Cameroun est toujours le premier a vider la constitution et les lois de la Rdpublique. Et nous qui avons fait 1'expdrience de cinq elections toutes entach&s Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 81 d'irregularit6s, de fraudes massives, parce que nous voulions donner une chance devolution pacifique, d&nocratique au systeme politique du Cameroun, nous sommes arrives a la conclusion que, a confirmer, nous ne faisons qu'encourager le gouvernement. C'est pour cela que nous avons d&ude' puisqu'il n'y a aucune volont6 politique d'ouverture, de progres en face de boycotter l'election prSsidentielle du 12 octobre, pour ne pas apporter notre caution a la fraude, la force qui se prepare». Le boycott de cette 61ection pr6sidentielle n' a pas empSche' le lamido de Demsa, sa majesty Moustapha Moussa, Directeur de l'agence de la BEAC (Banque des Etats de l'Afrique Centrale) de Garoua etmaire de Gashiga, adepte des methodes du lamido de Rey Bouba, de sequestrer six militants de l'UNDP partis de Garoua la veille pour s'enquerir de la situation des militants de l'UNDP de Demsa detenus dans les gebles du lamido pour avoir prone1 ledit boycott. Mais le pire est surtout venu du Mayo Sava dans la cour et aux abords de la chefferie mada, dont le chef est 1' actuel President de 1'Assembled nationale, le tres Honorable Cavaye Yeguie Djibril. L'hebdomadaire catholique d'information, PEffort camerounais (n° 83 du 23 au 29 octobre 1997) rapporte le temoignage de MgrPhilippeStevensO'EvSquedeMaroua-Mokolo), des Chretiens, desmusulmans et des animistes sur la torture exerce'e par des militaires sur des paisibles citoyens, pour avoir boycotts cette presidentielle. Ainsi, au m6pris des libertes el6mentaires, ces populations ont subi des pires brimades et des atrocites incroyables de la part des autorite's qui leur exigeaient de voter contre leur gre, et de la maniere qui leur a 6t6 impos6e, contrairement a la l(ji: «Les tortionnaires sont des militaires presents pour,maintenir l'ordre en pe'riode electorate a risque. Des notables leur indiquent les plus recalcitrants' des "opposants" pour lesquels il faut " adapter le traitement". Certains' autres notables, effrayes de la situation, demandent clemence pour leurs freres. Les victimes, une quinzaine au moins, sont des personnes de 17 a 50 ans. Parmi elles, des musulmans, des chre'tiens, des gens de la religion traditionnelle. Ils sont accuses par leurs chefs de quartier ou leurs freres de village, de n'avoir pas vote' ou pas voulu voter ou d'avoir eu des attitudes provocantes. Certains ont 6t6 convoque's a la chefferie. D'autres ont 6t6 "ramasses" chez eux par les militaires. «A tour de r61e, les hommes en tenue les frappent des dizaines et des dizaines de f ois, de toutes leurs forces, sur la plante des pieds avec de gros rondins de nimier. On leur demande de se relever, de sauter ou de danser sur place. On les conduit tout en courant et en les frappant sur la tete dans la cour de 1' ecole publique. Des femmes sont la, en pleurs. Ce n'est plus sur le dos qu'ils couchent, mais sur le ventre et les 82 Ibrahim Mouiche rondins s'abattent rageusement sur les fesses jusqu'a casser l'avant-bras de Tun entre eux qui essaie de se proteger. La plante de leurs pieds est devenue rouge, molle et tellement gonflde qu'ils ne tiennent plus debout. Alors on s'amuse a pietiner les pieds et les jambes avec les "rangers" jusqu' a ce que cela devienne bien noir. Cela ne suffit pas ! II va falloir aller puiser l'eau au forage. Et alors le supplice devient horrible. Comment pomper avec des pieds mutiies? Tant pis, ils puiseront jusqu'a 7 ffits d'eau. Demain, ils balayeront la cour avant que la stance ne recommence. Le "cafe'" comme dit! Pour certains, le traitement durera plus de deux jours et ne s'achevera qu'apresrpaiement d'une rancpn "ne'gocie'e" avec les notables ou les bourreaux. Certains se sont mSme vu de'pouille's a domicile de leurs chevres pendant qu'ils etaient enferm^s. «Le jour des elections, on a vu 8 d'entre eux conduits en car devant le bureau de vote de leur domicile puis obliges a voter apres avoir e'te' rosses publiquement par les militaires devant les membres du bureau de vote, impuissants». Des lors AchilleMbembe (1996:68; Willame,1996:17) araison pour dire dans un ton extremiste que la democratic en Afrique et ici au Cameroun reste un <>:«Premierementetcontrairementarillusiong6n6rale,iln'existe aucun regime democratique en Afrique noire. Par regime d6mocratique il faut entendre celui qui, par principe entend n'exclure personne au benefice de la liberty. Ramen6e a sa plus simple expression, un regime de liberty est un regime dont la pierre angulaire est le respect de toute vie, la volonte de la proteger, de la preserver et de la multiplier. C'est ce souci de durabilite de la vie qui recoit ensuite une traduction des lois, des institutions et une culture. Si ceci ne signifie en rien, la fin perp&uelle des exclusions et des violences, il n'en reste pas moins qu'un regime de liberty est aussi un regime au sein duquel toute legitimite est toujours susceptible de remise en cause». Aujourd'hui, l'UNDP reduite a douze deputes dans le Septentrion et contrainte ce faisant a entrer dans un gouvernement de large union avec le RDPC, s'illustre et s'est toujours illustrfie comme un parti de legitimation du regime Biya et done de stabilisation du systeme politique camerounais, ne respectant jamais ses engagements vis-a-vis de l'opposition dite radicale. D'ailleurs cette entree qui conforte V«Axe Nord-Sud», symbolise le retour de la plupart des forces politiques qui ont gouverne le Cameroun de 1958 jusqu'a la rupturebrutale op6r6e par le coup d'Etat du 6 avril 1984. Le MDR ramene" a un eiu, a perdu sa fonction tribunitienne toupouri. Le RDPC, malgr6 sa position dominante souffre.toujours d'un deficit de l^gitimite. L'electeur nordiste demeure toujours pauvre et sous-scolarise. Et Ton ne doit pas oublier cette maladie infantile du processus de democratisation que constitue l'incivisme qui a souvent amene les militants de l'opposition a defier les autorit£s, allant parfois meme jusqu'a refuser de s'inscrire sur la liste electorate, sabordant de ce fait la base electorate de leurs partis. Tout ceci pose le probleme Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 83 de la creation des conditions politiques, economiques, sociales et culturelles d'un ancrage profond et irreversible de la democratic, avec tous les corollaires que comporte la realisation d'une telle tSche, a savoir la constitution des puissantes forces democratiques, la mise en place de solides institutions de meme nature et la diffusion plus large dans les mentalites et les comportements quotidiens des populations, des valeurs d'une culture democratique (voir Path6 Gueye, 1995:1; Moukoko priso, 1994: 152;Quantin, 1997:14-16). Notes * Charge des cours, Departement de science politique, University de Yaounde II-Soa. 1 D'ailleurs, pendant plus de 30 ans, les partisans d'un Etat a parti unique ou de regime militaire en Afrique se sont deploy^s a juguler l'ethnicite et de promouvoir 1'unite nationale, pour justifier le monopole du pouvoir par une poignee de personnes. Cette position a engendre dans la plupart des cas l'avenement des dictatures et le regne de la terreur. Ces inconditionnels du monopartisme ont pense a tort qu'il serait possible d'etouffer l'ethnicite soit par la persuasion, soit par la contrainte afin de modeler une nation servile. Us se sont lamentablement trompes (Oyowe, 1991 : 69). Et le renouveau des conflits ethniques, des rebellions armees et les replis indentitaires qui accompagnent le processus de democratisation est la pour l'attester. Aussi les problemes relatifs a la question nationale ne peuvent plus etre poses de la mememaniereaujourd'huiqu'ilsetaient pendant la colonisation (DiengAly, 1995; Martin, 1995; Mouiche, 1996). 2 TshikalaK. Biaya(1998:110)parlememe d'un « pouvoir ethnique »fond6 sur l'ethnie et sa culture politique. Celui-ci nourrit un projet de soci&e et dispose d'une organisation socio-politique minimale qui gere son espace de pouvoir qu'il negocie avec l'Etat central h£gemonique. Ce dernier, tout en organisant et codifiant la vie de ses membres par son ideologic s'exerce a travers un ensemble d' institutions (politiques, economiques, sociales, culturelles et religieuses) articulees entre elles par un systeme de rationalites endogenes. Ces rationalites endogenes constituent une doctrine coh€rente relative a 1' organisation, a la gestion et au fonctionnemen t de la soci6t€. Elles sont perceptibles aussi bien dans les actes, les pratiques sociales et les rituels que dans les structures sociales, politiques et religieuses. Ce systeme constitue le lieu d' ou emergent la society civile et ses pratiques politiques qui en sont les contre-strategies. Enfin enracind dans la culture politique locale, le pouvoir ethnique a integre' selon sa logique interne, 1' experience coloniale et postcoloniale et se donne commc formalitd, des pratiques complexes qui s'imposent dans l'Etat et contre lui au sens ou il constitue un corps. 84 Ibrahim Mouiche 3 Le Nord-Cameroun, est une zone de prairie tropicale au climat soudanosahe'lien ne prdsentant pas d'unit6 g£ographique. II comprend depuis 1983 trois provinces: 1' Adamaoua avec une population £valuee en 1991 a 471.000 habitants, le Nord avec 672.900 et 1'ExtrSme-Nord avec 1.896.000. Cette zone est comprise entre les paralleles 6° N et 12°N et repr&ente 34,53% de la superficie du Cameroun avec 164.055 km2 et 30,3% de la population nationale. 4 Kirdi est un terrne de langue arabe choa du Ouadai et du Baguirmi signifiant «infid&le», c'est-a-dire non musulman. II est usit£ par les Peul (Kaado ou HaW) pour designer les ethnies paiennes du Nord-Cameroun. Mais cette appellation ancienne n'est plus exacte puisque beaucoup de Kirdi se sont convertis a l'islam et au christianisme. 9 A ceci, il faut ajouter la domination Kotoko sur les Arabes choa. C'est par vagues successives et par petits groupes que les Arabes, venus de la valle'e du Nil a travers le couloir du Darfour-Kordofan, s'implanterent aux abords sud lac Tchad. Le phe'nomene sporadique au depart, prit de l'ampleur au XIXe siecle. Les Arabes choa deTerlent alors sur le pays Kotoko et font all£geance a El Kaneni, l'autorite centrale des Kotoko. Mais, pendant toute cette peiiode precoloniale, la gestion de l'ethnicite sera si tu^e dans une logique preTerentielle et de manipulation au profit de l'autorite centrale . Ce qui va compliquer a souhait la cohabitation dans un meme espace territorial de deux communaute's appartenant toutes a la Umma. De mime, dans son aventure coloniale, la France a manifeste essentiellement une politique de defiance vis-a-vis de l'arabisme et de 1' islamisme en d£pit de quelques compromis a caractere contingent. Dans le Logone et Chari, leur preference ethnique se portera done sur les Kotoko. Et, pendant les six de'eennies que dura la colonisation, les Arabes furent victimes d'injustices et d'humiliation. Us se constituerent de plus en plus en un groupe marginal, fige\ autarcique, refusant 1 'e'eole moderne (Bahetlssa, 1997:281). 6 Sur les limites et les formes d'expression de l'hege"monie musulmane, Ton peut se reporter a mon article sur «Ethnicit£ etpouvoirau Nord-Cameroun», in Law and Politics in Africa, Asia and Latin America, n°2,1997. 7 II a fallu attendre 1924 en plaine et 1940 en montagne, pour que les Francais instaurent le systeme d'administration directe et relevent les Kirdi de la tutelle peul. 8 Dans ce domaine, le Nord avait beaucoup de difficult^, par exemple Kousseri,Maroua,GarouaetNgaound6r6sontrespectivementa 1690,1430, 1220 et 945 Km de Douala a la cdte. Ensuite, les hautes terres de 1' Adamaoua genent les communications Nord-Sud, le gonflement des cours d'eau et l'inondation des plaines du Logone interrompent les liaisons en saison de Ethnicite Et Multipartisme^Au Nord-Cameroun 85 pluie et le seul cours d'eau navigable jusqu' a la cote, la B£nou6 (prolong^ par le Niger) n'est navigable que deux mois en moyenne par an et coule en majeure partie en territoire nigerian. Au lendemain de l'independance, par realisme surtout, le President Ahidjo va se rapprocher du groupe kotoko qui, bien que numeriquement moins que les Arabes, offrait l'avantage d'une structure socio-politique traditionnelle structured et hierarchisee ainsi qu'une elite formee a l'occidentale susceptible de se positionner strate'giquement dans 1' appareil £tatique mcxierne. Au sein de l'ethnie kotoko, Ahidjo trouvaen OusmanMey, un collaborateur z€\6 et fidele en m6me temps qu'un compagnon. Pendant plus de deux decennies, il aura &t6 Inspecteur federal puis Gouverneur inamovible de l'ancienne province du Nord oil il agissait en veritable proconsul. Ce positionnement dans les hautes spheres de l'Etat, la quasi-intimite' qui r^gnait entre lui et Ahidjo ont eu, au ni veau local, un impact que d' aucuns ont jug6 prejudiciable dans les relations entre Arabes choa et Kotoko. Ces derniers l'ont accus6 de pratiques partisanes dans la promotion politique, administrative et dans 1'allocation des ressources qui be'neiiciaientpresque, exclusivement il fautle dire aux Kotoko. II est 6tabli qu'a a la t6te des deux arrondissements qui composaient le Logone et Chari a l'6poque, deux Kotoko 6taient souspreTets- administrateurs municipaux. A l'Assemblee nationale, les deputes representant la region 6taient en majority des Kotoko. C 6tait le meme son de cloche en ce qui concernait l'UNC (Union nationale camerounaise) parti unique a l'e'poque. Et se sentant ainsi exclus, les Arabes choa manifesterent des lors des sentiments de repli identitaire et de contestation de 1' ordre 6tabli. Des conflhs sanglants eclaterent dans le Logone et Chari, et les Arabes furent 1' objet d'une violente repression de la part des Forces armees qui massacrerent en 1979, la quasi-totalit6 des habitants du village de Dolle (Bah et Issa, 1997 : 281-282). Le scrutin municipal et 16gislatif au Cameroun est un scrutin mixte, c'est-adire un scrutin de liste majoritaire a un tour ou intervient la representation proportionnelle pour d6partager les partis lorsque, a Tissue du scrutin, aucune liste n'a obtenu la majorite absolue. Ce partage ne concerne que la moitie' des sieges, l'autre moitie' revenant d'office a celui des partis arrive' en tete avec la majorite' relative. SDF (Social Democratic Front), UDC (Union Democratique du Cameroun), UNDP (Union Nationale pour laDemocratie et le Progres), MDR (Mouvement D6mocratique pour la Defense de la R^publique). Une analyse de ces resultats fait apparattre que trois formations politiques se partagent les 479 sieges de la province dont 365 pour l'UNDP, 110 RDPC et quatre MDR. Dans le Mayo Rey, le RDPC a &X& seul en lice dans les communes de Rey- 86 Ibrahim Mouiche Bouba, Touboro etMandringring avec des scores de 99,95%, 90,65 et 100% respectivement 14 Les Elections avaient 6t6 annutees par la cour supreme dans le Mayo Banyo, le Mayo Rey et dans le Nd6 et renvoye'es au 03 aoflt. 15 Pour M. Ahidjo, Ton avait fabrique" un dossier mensonger et extorque' par tortures. 16 Sous le regime Ahidjo, la plupart des officiers superieurs des forces arme'es e"taient originaires du Nord-Cameroun. Dans une Afrique en proie a des coups d'Etat, il vaut mieux confier la se'curite' aceux en qui Ton a confiance. M. Ahidjo n'y 6tait pas alls' de main morte: le lieutenant-colonel Saleh Ibrahim, commandant de la Garde re'publicaine'7, le colonel Oumaroudjam Yaya, commandant de la se'curite' pr&sdentielle, le colonel Ousmanou Daouda, chef du cabinet militaire du President de la Rdpublique, le colonel Abdoulaye Oumarou Garoua, commandant des forces d'intervention de Koutaba, Ibrahim Wadjiri, de'le'gue' general a la gendarmerie nationale dont d^pendait la Garde republicaine, le colonel Abba Kaka Bourkou, intendant des Forces arme'es, le colonel Ngoura Belladj, responsable de la security militaire et le ministre de la defense, le Dr Mai'Kano Abdoulaye etaient tous originaires du Nord et musulmans. II semble que les Arabes choa voulaient s'associer a ce mouvement n'eurent 6t6 les clivages religieux. De meme que le Premier Ministre Sadou Hayatou, un peul voulait saborder la creation de cette association n'eurent €t€ les instructions de la hierarchic. Pierre Souman,DakoleDaissala,BavaDjingoer,DawayRou,TikelaKemone, Jean Baptiste Baskouda etc. sont des anciens minnistres. Aujourd'hui aumoins 25 deputes a 1'Assembled nationale sur 51 ressortissant du Nord- Cameroun son t kirdi; II en est egalement du President du Conseil e'conomique et social, M. Ayang Luc, des ministres H616 Pierre, Zacharie Peve", Denis Oumarou, du President de 1'Assemble nationale qui n'est autre qu'un Kirdi islamise" (Cavay6 Yeguie' Djibril), etc. Aux municipales de 1996,103 recours avaient €t€ ported devant la chambre administrative de la cours supreme statuant comme Conseil constitionnel. De m§me, apres les legislatives de 1997, 243 recours avaient 6t€ egalement formulas devant cette chambre demandant Fannulation du scrutin dans certaines circonscriptions. L'expose' des motifs 6tait presque le meme. II avait trait au non-respect de certaines dispositions de la loi avant, pendant et apres le vote, le refus d'afficher les listes electorales et les bureaux de vote avant le scrutin, rarrivee tardive du materiel electoral, l'existence des bureaux de vote fictifs, la surinscription sur les listes electorales, la Ethnicite Et Multipartisme Au Nord-Cameroun 87 fabrication et la confiscation des proces-verbaux par les representants de 1'administration, 1'absence de certains partis politiques dans les bureaux de vote, etc. Sur la trentaine des requetes de l'UNDP qui exigeait l'annulation du scrutin dans le Nord-Cameroun, pres de 20 avaient €\& rejetees, souvent de maniere f antaisiste par les juges pour f avoriser le parti au pou voir, quand meme toutes les preuves justifiant l'annulation etaient fournies, ou alors parce que lacour profitait des insuffisances de la defense pour prononcer le rejet. Ces requetes concernent le Mayo Sava, Mayo Tsanaga, Mayo Danai-nord, Mayo Kaninord, Mayo Danai-sud, Mayo Louti-est, le Diamare' centre-rural, le Mayo Banyo et le Mayo Rey. Celles du MDR portaient sur le Mayo Danai-nord, Mayo Danai-sud, Mayo Kani-nord, Mayo Tsanaga, Mayo Sava, Be'noue'-ouest, B6nou6-est et la Vina. Sur l'ensembleduterritoire national, l'UNDP totalise 13de'pute'set unpour leMDR. Dans cette circoncription, l'UNDP avait introduit une requete en annulation. Le parti de Bello se fondait sur le d£cret signe le jour du scrutin par le chef de l'Etat et qui proc&lait a une nouvelle repartition des sieges, au moment ou le vote avait deja commence dans les circonscriptions du Diamare'-sud, Diamare-nord et Diamare-rural. Cette circonscription a 6t6 egalement sectionne'e en trois dont Mayo Danaiest (Veie, Gobo, Wina, Yagoua et Guere), pays massa et dont hostile au MDR consider comme un parti toupouri, trois sieges; Mayo Danaif Sud (Kar-Hay, Tchatibali, Datcheka et Kalfou), milieu toupouri et peul, un siege et Mayo Danai Nord (Maga et Kaikai), zone mousey, un depute. Tous ces sieges ont 6V& remportes par le RDPC. Comment oublier la destabilisation de l'UNDP par la nomination dans le gouvernement RDPC de Hamadou Moustapha et Issah Tchiroma Bakary (apres selection presidentielle de 1992), respectivement premier vicepresident et secretaire ge"ne"ral de l'UNDP a l'dpoque, contre les positions de la hidrarchie dudit parti, laquelle nomination leur vallut une expulsion de l'UNDP par un communique en date du 27 Juillet 1994, expulsion qui allait amener ces derniers a cr£er au mois d' aoOt 1995 le parti de 1'ANDP (Alliance Nationale pour la Democratic et le Progres), qui recrute egalement dans reiectorat jadis acquis a l'UNDP (Voir Mouiche, 1997: 213). iibliographie ««dejumobi, S. (1998). "Elections in Africa: AFading Shadow of Democracy?" in Africa Development, Vol XXIII, n° 1. Jkam, M. (1990). Le defi paysan, le lamido et le paysan dans le Nord du Cameroun, Paris, l'Harmattan. 88 Ibrahim Mouiche Anonyme, (1998). Le grand Nord face a lui-me*me, texte In6dit de la DCK. Bah, T. et Issa, S. (1997). 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