de Hannah Olsen LES INFLUENCES SOCIOLINGUISTIQUES SUR L’ÉVOLUTION D’UNE LANGUE : UNE ÉTUDE DU GERMANIQUE DANS L’ANCIEN FRANÇAIS BASÉE SUR LES INFORMATIONS DES EMPRUNTS LEXICAUX MODERNES UN MÉMOIRE Soumit à Michigan State University en accomplissement des exigences pour le diplôme de Français – Maitrise ès Arts 2018 LES INFLUENCES SOCIOLINGUISTIQUES SUR L’ÉVOLUTION D’UNE LANGUE : UNE ÉTUDE DU GERMANIQUE DANS L’ANCIEN FRANÇAIS BASÉE SUR LES INFORMATIONS DES EMPRUNTS LEXICAUX MODERNES RÉSUMÉ de Hannah Olsen La chute de l’Empire Romaine au Ve siècle a initié des migrations partout l’Europe de l’ouest. Les tribus germaniques, spécifiquement les francs, ont conquis les terres en Gaule, un bouleversement qui a créé un espace unique pour l'évolution de la langue dans cette région. Au lieu d’imposer leur propre langue, les germains ont adopté la langue du peuple qu'ils ont conquis mais ils ont gardé certains mots du germanique selon Ayres-Bennett (1996). Alors que la plupart des études sur ces emprunts datent du XXe siècle, notamment les études de Posner (1997), Walter (1988) et Wise (1997), des nouvelles études sur les emprunts lexicaux des langues modernes avaient apparus pendant le XXIe siècle. Cette étude examine les emprunts du germanique dans l’ancien français dans certains textes et les compare avec les nouvelles informations sur les emprunts lexicaux. Ces analyses sur les emprunts lexicaux des langues modernes peuvent éclairer sur cette période de changement lexical. THE SOCIOLINGUISTIC INFLUENCES ON THE EVOLUTION OF A LANGUAGE: A STUDY OF GERMANIC BORROWINGS IN OLD FRENCH BASED ON STUDIES OF MODERN LEXICAL BORROWINGS By Hannah Olsen A THESIS Submitted to Michigan State University in partial fulfillment of the requirements for the degree of French – Master of Arts 2018 ABSTRACT THE SOCIOLINGUISTIC INFLUENCES ON THE EVOLUTION OF A LANGUAGE: A STUDY OF GERMANIC BORROWINGS IN OLD FRENCH BASED ON STUDIES OF MODERN LEXICAL BORROWINGS By Hannah Olsen The fall of the Roman Empire initiated migrations throughout Western Europe. The Germanic Tribes conquered the lands in Gaul which created a unique space for the evolution of language in this region according to Ayres-Bennett (1996). This study examines lexical borrowing from Germanic languages into Old French in the Middle Ages and compares this case study with new information on lexical borrowing. Previous studies by Posner (1997), Walter (1988) and Wise (1997) have revealed the reasons for certain borrowings between these two languages but others remain either unexplained or based on speculation. New analyses on lexical borrowing between modern languages can shed a new light on this period of lexical change. SOMMAIRE LISTE DES TABLEAUX ………………………………………………………………………iv Introduction………………………………………………………………………………………1 1.Études précédentes…………………………………………………………………….…….…3 1.1. Le contexte historique et la langue du Moyen Âge……………………………….……...…...3 1.2. Les mots empruntés du germanique……………………………………………………….….8 1.3. Résumé des théories modernes sur les emprunts lexicaux.…………………………………..10 2. Méthodologie …………………………………………………………………………………16 2.1. Les textes………………………………………………………………………………….…16 2.2. L’identification des mots germaniques.…………………………………………………..….19 2.3. La comparaison avec les cas d’emprunts modernes………………………………………....20 2.4. Calcul du pourcentage des mots empruntés………………………………………………….20 3. Résultats et analyse…………………………………………….……………………………. 21 3.1. La guerre et la chevalerie………………………………………….…………………………23 3.1.1. Les armes…………………………………………………………….…………….26 3.1.2. La cavalerie …………………………………………………….….………………27 3.1.3. La hiérarchie et les titres…………………….……………………………………. 27 3.2. Les couleurs.………………………………………………………………………...…...…..31 3.3. La vie quotidienne …………………………………………………………………………...33 3.4. Les verbes …………………………………………………………………………………...36 4. Conclusion.……………………………………………………………………………………38 APPENDICE ….....……………………………………………………………………….……. 40 BIBLIOGRAPHIE .………….………………………………………………………………....50 iii Tableau 1. Repère du développement du français …….………………………………………4 LISTE DES TABLEAUX Tableau 2. La guerre et la chevalerie …………………………………………………………..8 Tableau 3. La vie des champs ……………………………………………………………….….8 Tableau 4. La vie artisanale …………………………………………………………………….9 Tableau 5. La vie maritime ……………………………………………………………………..9 Tableau 6. Les couleurs …………………………………………………………………………9 Tableau 7. La vie domestique ………………………………………………………………..…9 Tableau 8. Les champs sémantiques d’emprunts lexicaux selon Tadmor et Haspelmath (2009) …….…...............................................................................................................................15 Tableau 9. Les textes analysés dans cette étude ………………………………………..…….17 Tableau 10 : Les pourcentages des mots empruntes du germanique dans chaque texte ……………………………………………………………………………………………..……..21 Tableau 11. : Les pourcentages des mots empruntes du germanique de totale des mots dans chaque champ sémantique …………………………………………………………………….22 Tableau 12. Les emprunts germaniques de champ lexical de la guerre dans chaque texte ………………………………………………………………………………………………..…..24 Tableau 13. Le lexique de la guerre, la chevalerie et la mer…………………………………25 Tableau 14. Pourcentage de présence et d’absence des couleurs empruntés du germanique………....……………………………………………………………………….…..31 Tableau 15. Fréquence de présence et d’absence de chaque couleur emprunté du germanique ...…………………………………………………….………………….…….……32 Tableau 16. Le lexique de la vie quotidienne …………………………………………………33 Tableau 17. Pourcentage de présence et d’absence des mots du champ lexical « la vie des quotidienne » dans chaque texte …………………………………………………………...….34 Tableau 18. Les mots qui remplacent le mot germanique bois dans Le conte du Graal et leurs origines ……………………………………………………………………………………35 iv Tableau A. i. : La guerre et la chevalerie ……………………………………………………..41 Tableau A. ii. : La vie des champs ………………………………………………………….....41 Tableau A. iii. : La vie artisanale ……………………………………………………………...41 Tableau A. iv. : La vie maritime ……………………………………………………………....42 Tableau A. v. : Les couleurs …………………………………………………………………...42 Tableau A. vi. : La vie domestique …….....…………………………………………………...42 Tableau B : La vie de St. Alexis………. ……………………………………………………….42 Tableau C : La chanson de Roland ……………………………………………………………43 Tableau D : Le chevalier de la charrette ………………………………………………………45 Tableau E : Le conte du Graal …………………………………………………………….......46 Tableau F : La vie de Saint Eustache …………………………………………………………47 v Introduction Au moment de la chute de l’Empire Romain au 5e siècle, il y avait beaucoup de mouvement de peuples. Selon Ayres-Bennett (1996) et Walter (1988), les Germains, spécifiquement les Francs, ayant combattu en Gaule pendant des centaines d'années, ont conquis les terres vaincues par l’Empire Romain toujours peuplées par les Gaulois au le Ve siècle. Ce mélange des populations parlant des langues différentes y comprît le gallo-roman et le germanique a créé un espace unique pour l'évolution de la langue dans la région. Selon Ayres- Bennet et Walter, alors que les Germains ont adopté en général la langue gallo-roman, les Gaulois ont adopté certains mots germaniques. La période entre le IXe siècle et le XIe siècle est considérée comme l'époque de « Early Old French » avec la langue d'oïl dans le nord, la région d’origine de la plupart des textes dans cette étude, et la langue d’oc dans le sud (Ayres-Bennett, 1996, p. 9). Il est surprenant que les Germains ont adopté la langue du peuple qu’ils avaient conquis mais Ayres-Bennett explique ce paradoxe : « while the Franks were the ruling class, they were a minority and adopted much of the Roman system of administration ; the cultural prestige of Latin was great and the conversion of Clovis to Christianity in AD 496 was also significant. » (Ayres-Bennett, 1996, p. 8). L’importance de ces mots germaniques empruntés est évidente dans la langue d’aujourd’hui ; parmi les mille mots les plus fréquents en français moderne, trente-cinq sont d’origine germanique (Wise, 1997). Le fait que ces emprunts ont résisté à l'épreuve du temps nous montre qu’ils apportent une signification importante à la langue française et c’est la raison pourquoi cette étude m'intéresse. Je vais examiner les emprunts lexicaux entre l’ancien français et le germanique pendant la période du IXe siècle au XIIIe siècle et comparer ce cas avec des cas d’emprunts lexicaux modernes. Spécifiquement le but de cette étude est d’analyser mots germaniques ont été 1 empruntés par les gaulois pendant que certains mots latins ont été gardés. S’il est évident pour que certains mots ont été empruntés grâce aux études précédentes sur l’ancien français, pour d’autres il est moins clair. Les emprunts du germanique sont-ils similaires aux emprunts modernes dans d’autres langues comme elles sont analysées par Tadmor et Haspelmath (Tadmor et Haspelmath, 2009) ? Je vais présenter certaines études précédentes par Walter (1988), Wise (1997) et Posner (1997), parmi d’autres, pour avoir une compréhension du contexte historique du Moyen Âge et de l’influence du germanique sur l’ancien français. Je vais aussi utiliser certaines études sur les emprunts lexicaux y compris lesquelles de Hock et Joseph (2009) et de Tadmor et Haspelmath (2009). Ces analyses sur les emprunts lexicaux, et les raisons pour ces changements de langue, nous donnent des nouvelles informations. Je vais présenter mes données sur les emprunts germaniques dans certains textes en ancien français et les analyser pour poser des raisons possibles pour ces emprunts. 2 1. Études précédentes « L’histoire d’une langue dépend avant tout de l’histoire des gens qui la parlent ou qui ont choisi de la parler. » (Henriette Walter, 1988, p. 25) Afin d'étudier et de comprendre comment les mots sont empruntés d’une langue à une autre. Il est nécessaire de consulter des textes sur la sociolinguistique, spécifiquement les études des cas de rencontres de langues. Ces études, étant plus modernes que la plupart des études de l’ancien français, nous fournissent une base de compréhension des emprunts lexicaux qui pourraient appuyer les théories pour expliquer pourquoi certains mots germaniques ont été empruntés et ont donc remplacé des mots latins alors que certains mots latins ont été gardés. Pour avoir une compréhension plus profonde de l’ancien français et de son contexte historique j’ai consulté plusieurs textes publiés par des historiens. En outre, puisque les emprunts lexicaux que j’ai examinés sont les résultats d’une rencontre des différentes cultures, chacune avec sa propre idéologie, langue et histoire, j’ai consulté plusieurs volumes sur la grammaire de l’ancien français, l’histoire du moyen âge et l'évolution de la langue française. Finalement, comme je l’expliquerai dans la section 2 j’ai consulté des livres avec les textes primaires que j’ai analysés avec la version originale en ancien français et une traduction soit en français moderne, soit en anglais. 1.1. Le contexte historique et la langue du Moyen Âge La conquête et la chute de l’Empire romaine en Gaule et les migrations des tribus germaniques et d’autres cultures jouent un rôle fondamental dans le développement de la langue dans la région. Le contact entre les Gallo-Romains, les Francs, les Burgondes, les Wisigoths et les Normands et leurs rapports sociaux représente la base de l’ancien français. Walter décrit cette période comme « entourée de mystère » (Walter, 1988, p. 14). Car comme l’expliquent Hock et 3 Joseph, il existe peu des textes avant le 9e siècle dont la plupart sont venus de la région de la France actuelle (Hock et Joseph, 2009, p. 45). Ils affirment que « the Romance languages clearly developed out of spoken Latin by undergoing divergent linguistic changes, we cannot trace these developments directly » (Hock et Joseph, p. 45). Cette étude va essayer de rendre plus claire un de ces développements, le cas des emprunts lexicaux à une troisième langue. Walter décrit l'évolution du français comme contenant « dix points de repère », qu’elle organise dans le tableau suivant, dont six concernent cette étude sont présentés dans le tableau ci dessous (voir Walter, 1988, p. 27 pour la liste complète) : Tableau 1. Repère du développement du français Idée directrice Epoque Événements Le temps des Gaulois 800 av. JC à 500 ap. J.-C. Après la conquête de Jules César au 1er siècle avant J.-C., le latin devient progressivement la langue de la Gaule. Le temps des « Barbares » IIe - VIe Le temps des Chrétiens IIe - IXe Ce latin parlé par les Gaulois est influencé par les envahisseurs germaniques, en particulier par les Francs. Diffusion du christianisme et naissance de « L’ancien français ». Charlemagne restaure l’enseignement du latin. L'intermédiaire des Vikings IXe - Xe L’installation des Normands entraîne peu de changements dans la langue. Le temps des dialectes Ve - XIIe La vie féodale favorise la fragmentation dialectale. L’affirmation du français XIIe - XVIe Diffusion du français. Ordonnance de Villers-Cotterêts, François 1er impose le français écrit, qui détrône le latin. 4 On dit souvent que le français est issu du latin mais il faut faire la distinction entre la langue parlée par ces Romains et la langue écrite dans l’Empire Romain. Selon Posner et beaucoup d’autres, l’ancien français, et les autres langues romanes, viennent du latin vulgaire, « celui que parlaient les Romains dans leur vie quotidienne » (Walter, 1988, p. 14). Posner précise qu’on peut dire qu’il y avait une étape intermédiaire entre le latin vulgaire et l’ancien français : « Early Old French » qui date des XIIe et XIIIe siècles (Posner, 1997, p. 17). Parce que le latin vulgaire n’était ni écrit ni aussi régulé que le latin écrit, il y avait des variations régionales. Comme l’explique Walter, le latin parlé en Gaule n’a pas abouti à une forme unique mais s’est diversifié au cours des siècles en parlers différents. Il s’est fragmenté en variétés régionales, dans toute l’Europe de l’ouest selon Posner, pour donner naissance aux dialectes : « on dit qu’il s’est dialectisé » (Walter, 1988, p. 15). La période dans le tableau qui concerne principalement cette étude est ce que Walter appelle « Le temps des ‘Barbares’ ». Les invasions germaniques, particulièrement les Francs dans le Nord, ont marqué l’introduction importante de mots germaniques dans la langue des Gaulois et « la langue de ces envahisseurs a eu des effets particulièrement sensibles sur ce qui est devenu plus tard le français » (Walter, 1988, p. 45). Hock et Joseph décrivent en détail les migrations des tribus germaniques : « During the early historic period, the Germanic peoples rival - perhaps even surpass - the Celts in mobility and in the best area over which the range. The Goths, the Burgundians, and the Vandals, originating in the Scandinavian area, migrate as far east as the Caspian Sea, temporarily make common cause with the Iranian tribe of the Alans and with the dreaded Huns, then turn west again, to besiege and - temporarily - conquer parts of the 5 Roman Empire. Ostrogoths (‘East Goths’) establish a short-lived empire in Italy; Visigoths (‘West Goths’) rule over parts of Spain; the Burgundians eventually settle in a part of France which even today bears their name - Burgundy; and the notorious Vandals, after sacking Rome and wreaking havoc all over the empire, establish a kingdom in North Africa. In the meantime, a southern expansion brings the Alemannic tribes into Switzerland, and the Frankish tribes into present-day France, whose name is derived from that of the Franks. Although they had help from such non-Germanic peoples as the Alans and the Huns, the migrating Germanic tribes bear much of the responsibility for the collapse of the Western Roman Empire. Ironically, it was a Germanic ruler over the French - Charlemagne - who, having been crowned emperor by the Pope of Rome, reestablished in the Western Roman Empire » (Hock et Joseph, p. 46). Selon Walter, ce sont les Francs qui ont eu l’influence la plus forte sur les changements de langue. Puisque les textes examinés dans cette étude viennent principalement du Nord de la France, on peut supposer que cette influence des Francs est présente dans les données de cette étude. « En effet, bien avant les invasions du Ve siècle, les Francs avaient déjà été constamment présents sur le sol gaulois. On en trouve très tôt dans les rangs de l'armée romaine, dans laquelle ils s'étaient enrôlés comme mercenaires » (Walter, 1988, p. 46). La rencontre de ces cultures a créé une hiérarchie des langues qui est rendu plus compliqué, comme l’explique Ayres-Bennett, grâce au fait que les plusieurs tribus germains, surtout les Francs, qui ont envahis la Gaule ont adopté le gallo-romain à cause des systèmes d’administration et l’influence de la religion dans la région (Ayres-Bennett, 1996, p. 8). Il faut noter que pendant cette époque d’influence germanique, il y avait aussi l’influence du christianisme. C'est le roi Clovis qui a marqué le début de cette influence religieuse. « Clovis, 6 roi des Francs, avait compris l’importance politique de cette nouvelle religion et, après avoir épousé Clotilde, une princesse burgonde chrétienne, il fait de sa conversion un ‘événement’ : son baptême est célébré en grande pompe par Rémi, l'évêque de Reims, le jour même de Noel (probablement en 496) » (Walter, 1988, p. 61). L'Église est devenue une telle importance culturelle « qu’en 813 le concile de Tours demande que les homélies soient traduites à la fois en rustica romana lingua et en germanique » (Walter, 1988, p. 61). Cette demande indique à la fois au quel degré le bilinguisme était endémique dans la région. Cette période de mélange des langues a nécessité la traduction des textes pour communiquer avec les populations locales, soit en roman parlé soit en germanique des Francs. Walter appelle la période entre les VIIIe et IXe siècles « l'époque des glossaires » dont les plus connus sont le Gloses de Reichenau et les Gloses de Cassel. Ces deux glossaires comptent plus de 1 500 mots et leurs définitions en roman, en latin et en germanique (Walter, 1988, p. 63). Ces glossaires sont utiles pour ceux qui habitaient en Gaule pendant cette période de changement et reflètent la rencontre de ces langues et donc les emprunts lexicaux. Grâce à ce mélange de populations, il y avait une longue période de bilinguisme selon Ayres-Bennett (1996), Walter (1988), Posner (1997), et Wise (1997). Posner avance que le bilinguisme et le codeswitching durent jusqu’au XVIe siècle (Posner, 1997, p. 19). Walter suggère que cette période de bilinguisme n’est pas étonnante car on voit aujourd'hui des régions d’Europe bilingues ou même trilingues (voir la frontière entre la Suisse et l’Italie, l’Allemagne et la France) (Walter, 1997, p. 52). Il est quand même exceptionnel que les Francs on adopte la langue du peuple qu’ils ont conquis car normalement on voir l'opposée (voir la conquête des Allemands en Alsace après la guerre franco-prussienne ou l’imposition de l’anglais sur les tribus natifs d'Amérique). 7 1.2. Les mots empruntés du germanique Certains mots ont été empruntés par les Gallo-Romains lors de l'invasion des Germains car après le chute de l’Empire Romaine, ce sont les Germains qui ont gardé le pouvoir politique dans cette région. Bien que cette intrusion progressive ait commencé avec la présence des guerriers germaniques, combattant pour l’empire romain. C’est donc pendant cette période de bilinguisme que certains mots germaniques ont été empruntés en ancien français. Walter nous donne une liste des mots germaniques empruntés, qui sert de base le corpus pour cette étude et qu’on voit dans les tableaux suivants. Ces tableaux comprennent les mots de Walter (Walter, 1988, p. 53) et d’autres viennent spécifiquement des Normands ajoutés par Posner (Posner, 1997, p. 163 - 165). Voir les Tableaux A. i. - A. vi. pour les définitions de ces mots. Tableau 2. La guerre et la chevalerie Noms et adjectifs bande bannière baron bière blason brandon bride convoi crosse échanson éperon épieu étrier félon fief flèche gain gant garçon gars gonfanon guerre guet hache hanap Tableau 3. La vie des champs framboise frelon gerbe germe grappe haie Noms blé bois bord bûche caille chouette Verbes blesser choisir éblouir épargner fournir gagner garder guetter haïr honnir souiller harangue haubert heaume honte lice maréchal marquis meurtrier orgueil rang riche (adj) sénéchal trêve jardin laie marais mésange osier roseau 8 Tableau 3 (cont’d) crapaud fange forêt fourrage fourrure hameau hanneton héron hêtre houx Tableau 4. La vie artisanale Noms alène étai feutre filtre houille maçon tuyau Tableau 5. La vie maritime Noms bateau bouée écume est falaise Tableau 6. Les couleurs flot nord ouest sud vague Adjectifs blanc bleu blond Tableau 7. La vie domestique brun fauve garance Noms banc beignet bille buée crèche cruche écharpe fard fauteuil flanc froc hanche housse lanière louche poche quenotte soupe sapin saule touffe trappe troène gris saur vermeil Adjectifs fluet frais gai laid long 9 Verbes bâtir broyer découper gratter graver râper Verbes cingler Verbes broder danser guérir héberger lécher regarder rôtir téter trépigner Tableau 7 (cont’d) flacon téton Selon Walter, la moitié de ces mots ont été empruntés avant l’invasion des Francs du 5ème siècle et un tiers existent toujours en français moderne (Walter, 1988, p. 52 - 53) ce qui fait que : « French possesses more words of early Germanic origin than any other Romance language » (Wise, 1997, p. 34). En ancien français, on voit à peu près mille mots empruntés du germanique dont la plupart, surtout dans le domaine féodal, ont disparu mais il nous reste entre 300 et 400 dont 150 sont utilisés en français moderne (Wise, 1997). L'arrivée des Francs a apporté certaines nouveautés en Gaule, ce qui expliquent clairement, selon Wise (1997) et Walter (1988), certains emprunts. Selon Wise, après le VIe siècle les Francs avait conquis les Wisigoths et les Burgondes et les fermiers francs sont venus en Gaule, apportant avec eux beaucoup de mots liés à l’agriculture, la chasse, la vie domestique, et l'élevage. De même l’apparence physique de ces nouveaux venus a influencé la langue : « blond was borrowed because of the typical hair color of the new comers » (Wise, 1997, p. 36). Certains de ces emprunts reflètent les éléments politiques et culturels des Germains à l'époque. Ainsi la majorité des termes nouveaux sont liés au système féodal, a la guerre et la chevalerie, comme baron, marquis, maréchal, and sénéchal (Wise, 1997). 1.3. Résumé des théories modernes sur les emprunts lexicaux Zenner et Kristiansen expliquent que « ‘lexical borrowing’ has become the established term to describe the process of the transfer of lexical material from one language (the donor, source or model language [SL]) to another language (the receptor or replica language [RL]) » et ajoutent que « the most prototypical type of lexical borrowing consists of the introducing of both form and meaning from the SL in the RL » (Zenner et Kristiansen, 2014, p. 1 -2). Cette définition ne précise pas comment un mot peut être emprunté. D’une manière similaire Hock et Joseph 10 décrivent un emprunt lexical comme « the adoption of individual words or even of large sets of vocabulary items from another language or dialect » et ajoutent que les emprunts lexicaux sont très fréquents dans les situations de contact entre deux langues.(Hock et Joseph, 2009, p. 241 - 243). Ils suggèrent que c’est possible aussi pour les mots empruntés d’exister avec les mots desquels ils étaient dérivés (Hock et Joseph, p. 243). Selon Zenner et Kristiansen il est aussi possible d’emprunter un mot de la SL au RL avec une signification partielle ou même de donner une nouvelle signification à une forme de la SL pour créer un nouveau mot dans la RL (Zenner et Kristiansen, 2014, p. 3). Selon l’analyse de Backus citée dans Zenner et Kristiansen, « [loanwords] have figured prominently in historical linguistics and in the literature on bilingual code switching, but their impact on general linguistic theory has been negligible… in particular, they provide valuable data for understanding language change » (Zenner et Kristiansen, 2014, p. 19). Hock et Joseph et Posner soulignent l'importance des facteurs sociaux sur l'évolution d’une langue : « Indeed it can be claimed that all language change, as distinct perhaps from linguistic change, must be triggered by changes in the community in which the language is spoken » (Posner, p. 57). Hock et Joseph décrivent aussi les conditions qui sont convenables aux emprunts linguistiques ; à commencer, il faut une contacte entre entre les locuteurs des deux langues (Hock et Joseph, 2009 p. 241). « Extended bilingual or multilingual contact between languages can lead to an increase in structural similarities… many areas of the world are notorious for developments of this sort, for instance the Balkans, South Asia, Southeast Asia, and the adjacent areas of Canada » (Hock et Joseph, 2009, p. 13). Dans ce contexte de contact, certains emprunts sont les résultats des développements technologiques. Comme l’expliquent Hock et Joseph, il est relativement facile d’emprunter les mots qui appartiennent d’un champ 11 lexical spécialisé, comme la technologie ou d’autre phénomène, qui changent souvent (Hock et Joseph, 2009, p. 246). On voit clairement ces types d’emprunts aujourd’hui avec les développements des réseaux sociaux. Bien que les technologies soient modernes, ces types d’emprunts sont anciens. Ils relèvent aussi les raisons pour que les emprunts lexicaux peuvent expliquer des phénomènes linguistiques dits « bizarre ». « The work of historical and comparative linguistics has yielded interesting and illuminating results and can explain many things that are otherwise ‘strange’, such as the ‘silent’ k in Engl. knee » (Hock et Joseph 2009, p. 17). Donc, ils soulignent le fait que la sociolinguistique a une influence importante sur la langue que les linguistes ne peuvent pas ignorer : « Speakers attitudes, whatever their historical or linguistic justification play a significant role in language change. » (Hock et Joseph, 2009, p. 18). Tadmor et Haspelmath ont compilé plus de 40 études sur les emprunts lexicaux dans les langues modernes. Grâce à cette base de données sur les emprunts lexicaux, ils tirent des conclusions pour expliquer pourquoi certains mots sont enclins à être empruntés, pourquoi certains résistent à être empruntés et les conditions sociales qui conviennent aux emprunts lexicaux. Ces généralisations m’aideront à contextualiser les emprunts du germanique à l’ancien français en donnant des informations pour expliquer les raisons pour certains emprunts du germanique à l’ancien français. Tadmor et Haspelmath ont divisé les langues en quatre différents catégories : a. « Very high borrowers » : un taux de plus de 50% de mots empruntés b. « High borrowers » : un taux de 25 à 50% de mots empruntés c. « Average borrowers » : un taux de 10 à 25% de mots empruntés d. « Low borrowers » : un taux en dessous de 10% de mots empruntés 12 Ils se focalisent leur analyse sur les cas d’emprunts les plus hauts (comme le selice romani) et les plus bas (comme le mandarin). Le selice romani est un dialecte parlé par 1350 personnes dans le sud de la Slovaquie et par une minorité non dominante (Tadmor et Haspelmath, 2009, p. 57). Le mandarin, par contre, est resté pendant longtemps la langue dominante de la région et, par conséquence, les locuteurs du mandarin n’avaient ni besoin ni beaucoup d'opportunités d’emprunter (Tadmor et Haspelmath, 2009, p. 58). Ces descriptions des conditions sociolinguistiques rendent plus claires les raisons pour certains emprunts ou, dans le cas du mandarin, la manque des emprunts. Les études des emprunts linguistiques modernes ont trouvé que tous les mots ne sont pas empruntés dans la même façon et certains types des mots sont plus susceptibles d’être empruntés que d’autres. Pour des raisons de comparaison, Tadmor et Haspelmath ont divisé les mots dans le lexique collectif entre les catégories suivantes : « les noms », « les verbes », « les adjectifs » , « les adverbes », et « les mots de fonction » (Tadmor et Haspelmath, 2009, p. 59). Selon les analyses de Tadmor et Haspelmath, la majorité des mots empruntés sont des mots avec contenu sémantique (i.e. les noms) plutôt qu’une fonction (i.e. verbes) (Tadmor et Haspelmath, 2009, p. 59,). 31% des noms analysés dans ces études sont des noms alors que seulement 14% des verbes sont empruntés (Tadmor et Haspelmath, 2009, p. 61). Selon Tadmor et Haspelmath, les raisons pour lesquelles les verbes sont plus difficiles à emprunter se trouvent dans les limites de structure d’une langue (Tadmor et Haspelmath, 2009, p. 63). Ainsi les langues qui ont moins de marques de conjugaison des verbes ont tendance à emprunter de verbes car elles peuvent emprunter des verbes sans ou avec peu de modifications morphosyntaxiques (Tadmor et Haspelmath, 2009, p. 63). Cependant, les emprunts de verbes dépendent aussi de facteurs sociaux et il est donc possible pour les langues considérées comme 13 isolées, comme le berbère par exemple, d’emprunter un grand nombre de verbes grâce au contact proche avec l’arabe (Tadmor et Haspelmath, 2009, p. 63). Hock et Joseph ajoutent une dimension sémantique plus précise disant que « from a purely linguistic perspective, the most important fact is that different spheres of the vocabulary are borrowed more easily, others significantly less easily. The most successful resistance to borrowing is offered by basic vocabulary, words referring to the most essential human activities, needs etc., such as eat, sleep; moon, rain; do, have, be or function words essential in syntax, such as the demonstrative pronouns this and that, the definite article the, or conjunctions like and, or, if, and when » (Hock et Joseph, p. 245). Hock et Joseph admettent aussi que les emprunts de verbes et de vocabulaire de base ne sont pas impossibles : « The relative resistance of verbs and especially of basic vocabulary does not mean that they are totally impervious to borrowing. Under the right social circumstances both types of lexical items can be borrowed » (Hock et Joseph, p. 246). Tadmor et Haspelmath ont aussi divisé les mots empruntés dans leurs champs sémantiques. Ces taux seront un point de départ pour une comparaison avec les différents champs lexicaux qui sont représentés par les mots germaniques empruntés à l’ancien français. Ils ont trouvé que dans le champ lexical de la religion et la foi représente le champ sémantique le plus souvent emprunté (Tadmor et Haspelmath, 2009, p. 64). Les restultats des etudes de Tadmor et Haspelmath sont presentes dans le Tableau 8. 14 Tableau 8. Les champs sémantiques d’emprunts lexicaux selon Tadmor et Haspelmath (2009) Champ sémantique Pourcentage des mots empruntés de totale des mots dans chaque champ sémantique La religion et la foi Les rapports sociaux et politiques 41.2% 31% L’agriculture et la végétation 30% La guerre et la chasse Le monde physique Les verbes 27.9% 19.8% 14% 15 2. Méthodologie 2.1. Les textes Les textes examinés dans cette étude ont été choisis, en partie, pour les dates auxquelles ils ont été écrits. J’ai sélectionné des textes qui couvrent la période entière entre la chute de l’Empire Romain et à la fin du Moyen Âge, c’est-à-dire du IXe siècle jusqu'au XIIIe siècle. En général, l’ancien français date du IXe siècle mais il y avait une grande différence entre la langue écrite et la langue parlée (Wise, 1997, p. 41). Il faut donc étudier des textes qui représentent tout la période du Moyen Age. Il y a au moins un texte pour presque chaque siècle dans cette période pour avoir un texte en ancien français de chaque siècle. Il n’y a pas un texte du Xe siècle tout simplement que je n’ai pas pu trouver un texte en ancien français de ce siècle. J’aurais pu utiliser Le sermon sur Jonas ou La vie de Saint Léger mais je n’avais pas accès à leurs versions entières en ancien français. Les régions d’origines de ces textes varient. Les textes ont cependant été écrits dans des régions du nord de la France. Il était difficile de limiter les origines régionales des textes car il n’existe pas beaucoup de textes de cette période. Pour certaines périodes, l'accessibilité des textes en ancien français a dicté le choix des textes analysés. En effet, afin de faciliter la lecture et l’identification des mots germaniques j’ai choisi des textes en ancien français dont il existe des traductions en français moderne ou en anglais. De plus, j’ai choisi des textes qui représentent deux thèmes culturels importants de l’époque : la religion et la guerre. Les chansons de geste et les épopées présentent les thèmes de la guerre alors que les textes sur les vies des saints correspondent au champ religieux. Pour chacun des textes choisis, j’ai analysé les textes entiers et non pas des extraits pour avoir un portrait complet de ces textes. Ceci permet d’analyser les différences des mots empruntés qu’on 16 trouve dans les textes religieux et les textes de la guerre, mais aussi, les différences des pourcentages des mots empruntés dans chaque champ lexical. Tableau 9. Les textes analysés dans cette étude Texte Date Cadre littéraire Région d’origine1 La séquence d’Eulalie 9eme siècle La religion Picard, Wallonie, Champagne La vie de St. Alexis La chanson de Roland 1e moitié de la 11eme siècle 1e moitié de la 12eme siècle La religion Normandie La guerre Normandie Le chevalier de la charrette 12eme siècle La guerre Le conte du Graal 13eme siècle La religion/la guerre Champagne Champagne La vie de St. Eustache 13eme siècle La religion Hauts-de-France2 La séquence d’Eulalie est un texte court qui décrit la vie d’une fille qui est devenue une martyre. Elle résiste les tentation des ennemies de Dieu et du roi Maximien, qui lui demande d’abandonner le christianisme. Parce qu’elle a gardé sa virginité, elle ne brûle pas quand ses ennemies la jette dans un feu donc elle est décapité. Elle va au ciel comme une colombe. Ce texte religieux, le plus ancien de tous les textes analysés dans cette étude, montre l’influence du latin sur l’Eglise à l'époque. De même, La vie de St. Alexis est aussi un texte religieux qui décrit la vie d’un saint. Alexis, le fils d’un homme puissant de Rome, refuse de se marier parce qu’il veut servir Dieu. Face au désaccord entre les désires de sa famille et son désire de consacrer sa vie à la religion, il 1 Le Fèvre, Yves. Manuel Du Français Du Moyen Age: Systèmes Morphologiques De L'ancien Français . Vol. 3, Sobodi, 1983. 2 Fisher, John R. « La Vie De Saint Eustache Par Pierre De Beauvais. » Romanic Review 8 (1917): 1. ProQuest. Web. 27 Feb. 2018. 17 s’en fuit juste avant ses noces. Alexis voyage à Edesse et il reste là comme mendiant pendant dix-sept ans avant revient à Rome où il meurt. Ses parents, ne l’ayant pas reconnu lorsque son retour à Rome, pleurent la mort de leur fils et Alexis est universellement accepté comme sainte. La chanson de Roland, par contre, est une épopée qui suit les aventures de Roland, le neveu de Charlemagne, qui combatte les Sarrasins en Espagne pendant sept ans. Lors de la trahison de Ganelon, u beau-père de Roland, Roland et ses soldats francs sont décimés par les Sarrasins. La bataille continue entre Charlemagne et Baligant, un allié du roi des Sarrasins, et Charlemagne s’en sort comme les vainqueurs. Dès que le retour à Aix, Ganelon est assigné en justice et les Francs le trouve coupable de trahison. Ganelon est écartelé et Roland est reconnu comme martyr. Le chevalier de la charrette est aussi une épopée qui décrit le secours de la reine Guenièvre par Lancelot, le chevalier. Au lieu des scènes de bataille comme lesquels de La chanson de Roland, les aventures de Lancelot sont plutôt amusantes. Lancelot fait face à plusieurs obstacles avec d’autres chevaliers et des jeunes filles qui aboutissent au combat avec Méléagant, l’homme qui a kidnappé Guenièvre. Lancelot, qui était impressionné lors du tournée avec Méléagant, se trouve encore en prison après la tournée. Le conte du Graal, une épopée écrite aussi par Chrétien de Troyes, suit la vie de Perceval, un jeune chevalier, qui va au cour du roi Arthur et se marie avec une jeune fille, Blanchefleur. Pendant une visite au château d’un roi, il voit plusieurs objets fantastiques au banquet, y compris un graal. On voit aussi Gawain, un chevalier qui est le neveu de Charlemagne, qui a libéré sa mère et sa grand-mère d’un château. Cette histoire n'était jamais finie par de Troyes. 18 Finalement, Le roman d’Eustache le Moine décrit une année de la vie d’Eustache qui était une pirate et, puis, un moine. Pendant cette année il fait face à son ennemie, Renaud, et il trouve un refuge dans la forêt. Holden et Monfrin considèrent cette histoire comme “une œuvre de fiction, mais il met en scène des événements historiques.” (Holden et Monfrin, 2005, p. 1). 2.2. L’identification des mots germaniques J’ai choisi les mots germaniques sur la base des études précédentes par Posner (1997), Walter (1988) et Wise (1997) des mots germaniques qui sont présents en français moderne et qui étaient employés en ancien français (voir les Tableaux A. i - vi.). J’ai lu les textes soit en français moderne, soit en anglais pour identifier les mots germaniques puis j’ai vérifié que le mot était présent dans le texte original. Si le mot germanique n'était pas présent, soit parce qu’il était remplacé par un pronom ou un synonyme latin, j’ai noté le vers et l’orthographe du mot pour pouvoir examiner les mots latins qui étaient présents où il aurait pu y avoir un mot d’origine germanique. Si le mot germanique était présent dans sa forme d’ancien français j’ai aussi noté le vers et l’orthographe. Par exemple, j’ai noté « blanche ad la barbe » comme une présence du mot germanique blanc alors que j’ai noté « Uns chevaliers auques chenuz, » comme une absence du mot blanc car la version en français moderne traduit cette phrase comme « les chevaliers avec les cheveux blancs ». Pour cette étude j’ai inclus tous les mots d’origine germanique que j’ai trouvé, même s’ils ne sont pas employés en français moderne car un nombre important de ces mots sont du lexique de la guerre de l'époque et ont donc dès paru aujourd’hui. Exclure ces mots aurait réduit considérablement le corpus des mots empruntés. En terme des verbes germaniques qui ont été empruntés, j’ai noté toutes les conjugaisons y compris l’infinitif et le participe présent. Pour certains verbes, plusieurs formes du même verbe ont été présents dans le même texte mais pour des raisons de simplification et de comparaison je 19 vais compter chaque conjugaison comme un emprunt. Par exemple dans Le chevalier de la Charrette j’ai noté « esgarder » et « gardee » comme des emprunts du mot germanique garder. L’ensemble de ces données, dans le contexte d'études précédentes sur ces emprunts, sert comme la base de comparaison avec les cas d’emprunts modernes. Les données pour chaque texte individuellement se trouvent dans les tableaux dans les appendices. 2.3. La comparaison avec les cas d’emprunts modernes Le but de cette étude est une analyse d’emprunts lexicaux du germanique en ancien français basée sur les informations sur les emprunts lexicaux dans les langues modernes par Tadmor et Haspelmath (2009). Leur travail aborde les raisons pour lesquelles certains types de mots sont empruntés à travers des comparaisons de 40 cas d'études des langues dans le monde. Alors que les études précédentes sur l’ancien français nous donne des explications sur certains emprunts germaniques, elles n’ont pas effectué une comparaison aussi vaste et moderne que celle de Tadmor et Haspelmath (2009). Ces cas d’emprunts lexicaux modernes servent comme point de comparaison avec les pourcentages de mots empruntés dans tous les textes de mon corpus. 2.4. Calcul du pourcentage des mots empruntés Pour comparer plus facilement avec les cas d’emprunts modernes avec ceux de mon corpus, j’ai calculé le pourcentage des mots empruntés du germanique par rapport au nombre totale de mots dans un texte. Pour estimer ce nombre de mots j’ai choisi au hasard trois pages de chaque texte et j’ai compté le nombre des mots sur ces trois pages. J’ai multiplié la moyenne de ces trois chiffres par le nombre total pages dans le texte pour trouver une estimation du nombre de mots dans le texte. J’ai ensuite compté le chiffre total des mots empruntés et les mots empruntés les plus fréquents à travers les textes. 20 3. Résultats et analyse Comme on peut voir dans le tableau suivant, il y a en moyenne moins de 1% des mots empruntés du germanique dans les textes du moyen âge analysés dans cette étude. Les pourcentages des mots empruntés du germanique du nombre total des mots dans chaque texte sont montrés dans le tableau suivant : Tableau 10 : Les pourcentages des mots empruntes du germanique dans chaque texte Texte: La vie de St. Alexis La chanson de Roland Le chevalier de la charrette Le conte du Graal La vie de St. Eustache Pourcentage des mots empruntés du germanique: 0.001336% 0.01187% 0.00202% 0.0037% 0.00443% Il faut noter qu’il n’y avait aucun mot emprunté du germanique dans La séquence d’Eulalie et, par conséquence, ce texte n’est pas représenté dans les tableaux suivants ni dans l’analyse. Si on suit les classifications de Tadmor et Haspelmath, l’ancien français se trouve dans le cadre du « low borrower » comparé aux autres langues. Ceci veut dire que l’ancien français avait un taux d’emprunts bien moindre que la moyenne de 24.2%. Il pourrait sembler remarquable qu’une langue comme l’ancien français avec un contact fréquent entre deux cultures et une longue période de bilinguisme, ait une tendance à emprunter similaire à celle du mandarin, ou on voit très peu d'opportunités et de besoin d’emprunter. Cependant, il faut souligner qu’avant la chute de l’Empire Romain, le germanique a eu un statut plutôt comme celui du selice romain ; une langue orale par une minorité. Dans ce contexte il est possible que les locuteurs du germanique auraient été habitués aux emprunts lexicaux venant du latin. 21 Après les invasions germaniques, les Germains, au lieu d’imposer leur propre langue, ont adopté la langue des peuples qu’ils ont conquis. Cette situation est unique dans le sens que normalement quand un peuple conquis un autre, la population qui est conquise doit normalement adopter la langue des nouveaux venus mais ici il est le contraire. De même, comme on voit dans le tableau suivant les champs sémantiques empruntes du germanique dans ces textes diffèrent de ceux de Tadmor et Haspelmath (2009). Tableau 11. : Les pourcentages des mots empruntes du germanique de totale des mots dans chaque champ sémantique Champ sémantique Pourcentage des mots empruntés du germanique de totale des mots dans chaque champ sémantique La guerre et la chasse 45.5% L’agriculture et la végétation 19.4% Les rapports sociaux et politiques Le monde physique Les verbes La religion et la foi 11.7% 11.7% 11.7% 0% Comme on voit dans le tableau 11 les mots du champ sémantique qui décrivent la guerre et la chasse sont empruntes le plus souvent du germanique alors qu’il n’y a pas des mots du champ lexical liés à la religion et la foi emprunte du germanique. Une raison pour ces différences avec les résultats de Tadmor et Haspelmath s’agirait du fait que cette étude est basée sur des 22 textes viennent d’une langue ancienne alors que les études de Tadmor et Haspelmath incluent des langues parlées. Autrement dit leurs données viennent des locuteurs et les données de cette étude viennent des textes écrits qui ne reflètent pas la réalité de l’ancien français en toute sa complexité. Pour une analyse plus détaillée il faut donc analyser chaque texte individuellement pour relever quels mots dans chaque champ lexical : la guerre, la chevalerie et la mer, les couleurs, la vie quotidienne et les verbes. Il faut analyser spécifiquement les mots germaniques qui ont été empruntés le plus souvent dans chaque champ lexical pour poser des raisons possibles pour les emprunts ou les absences des emprunts. 3.1. La guerre et la chevalerie Il n’est pas surprenant, comme le mentionnent Wise (1997) et Walter (1988), que beaucoup de mots empruntés du germanique viennent du champ lexical lié à la guerre car il y avait une longue période de combat entre les tribus germaniques et l’Empire Romain et les Germaniques travaillaient aussi comme mercenaires pour l'armée romaine. Il faut noter que les épopées sont par nature répétitives pour les rendent plus facile à mémoriser et les répéter donc ces mots ont une forte présence dans les textes analysés dans cette étude. Comme on s’y attendrait, il y a beaucoup moins de ces mots dans les textes religieux que dans les chansons de geste : on voit 29 mots différents du champ lexical de la guerre et la chevalerie dans les chansons de geste alors qu’il n’en y a que 12 dans les textes religieux. Parmi ces 29 mots du champ lexical de la guerre et de la chevalerie, 4 sont verbes : épargner, gagner, garder et honnir. Il n’y a pas un verbe de ce champ lexical dans les textes religieux. On peut voir les emprunts dans ce champ lexical dans chaque texte individuellement dans le Tableau 12. 23 Tableau 12. Les emprunts germaniques de champ lexical de la guerre dans chaque texte Texte Nombre de mots sur la guerre différents Nombre total d’utilisations Pourcentage d’utilisation du mot germanique La vie de St. Alexis La chanson de Roland Le chevalier de la charrette Le conte du Graal 2 21 12 15 La vie de St. Eustache 10 3 285 76 101 31 44.4% 98.5% 97.5% 84.2% 69.7% Il est clair qu’il y avait la présence la plus forte de ce champ lexical dans La chanson de Roland et dans Le chevalier de la charrette et Le conte du Graal. Non seulement il y a un plus grand nombre des mots empruntés dans ces textes il y a plusieurs variations et répétitions de chaque mot germanique dans ces trois textes. Cela rend la comparaison entre l’ancien français et les langues modernes (voir Tadmor et Haspelmath) compliquée car en disant qu’il y a moins qu’un pourcent des mots empruntés du germanique on dénie le fait qu’il y a en fait beaucoup d’emprunts dans certains textes. En examinant les textes individuellement, on voit que le pourcentage global des emprunts cache le fait que les mots germaniques sont empruntés plus souvent dans certains types de textes, dans ce cas les épopées. Les mots de ce champ lexical qui sont présent dans les textes sont représentés dans le tableau suivant : 24 Tableau 13. Le lexique de la guerre, la chevalerie et la mer Noms et adjectif baron bateau bière blason bride éperon épieu étrier félon fief flèche gant garçon gonfanon guerre hache hanap haubert heaume honte marquis meurtrier orgueil riche (adj) sénéchal Verbes blesser épargner gagner garder guetter honnir Dans les deux autres textes, La vie de St. Alexis et La vie de St. Eustache, les mots germaniques sont plus souvent absent dans les autres textes. Cela est certainement grâce au fait qu’ils sont des textes religieux et, donc, il n’est pas prévu d’utiliser beaucoup des mots liés à la guerre. Pourtant il faut analyser individuellement les mots germaniques qui sont présents dans ces textes religieux car leur présence relève certaines raisons pour les emprunts germaniques. Dans les deux textes religieux il y a que dix mots germaniques différents. Il faut noter l’absence du mot bateau dans La vie de St. Alexis et dans La vie de Saint Eustache (voir les Tableaux B et F). On ne voit qu’une seule présence de ce mot germanique dans La vie de Saint Eustache mais ce mot est absent sept fois dans La vie de St. Alexis et La vie de Saint Eustache. Dans les cas d’absence le mot nef (sagitta, latin)3. Le mot « traire » est employé deux fois : une fois avec un article défini ( « un bozon traire », v. 201) et une deuxième fois avec le mot « saiete » ( « Javeloz ou saietes traire », v. 265). Il y a un autre cas du mot « saiete » avec un article défini (« d’une saiete », v. 1875). Les autres emplois du mot « saiete » sont sans article : « saietes » (v. 5637, v. 7749, v. 8608). Le mot flèche est aussi absent dans La vie de St. Eustache. Au lieu de flèche on voit trois verbes qui décrivent tirer une flèche ; jeter, lancer et bercer (v. 2277- 2278, Mela). Ces absences indique que le mot flèche en ancien français n'était pas encore approprié pour décrire les archers. De plus la préférence pour le mot « saietes » montre que les locuteurs utilisaient ce mot latin pour décrire 3 Selon le dictionnaire du moyen français de l'Université de Lorraine. Voici le site internet: http://www.atilf.fr/dmf/ 26 une flèche alors que la traduction moderne de Le conte du Graal emploie le mot « flèche ». Cela indique que l’emprunt du mot flèche est apparu plus tard dans l'évolution du français car aujourd’hui on n’emploie pas ce mot latin. Il est possible que le mot « saietes » décrivait un type de flèche spécifique à l'armée romaine alors que le mot flèche décrit un innovation germanique qui était diffèrent d’un « saietes ». 3.1.2. La cavalerie Dans cette etude, on ne voit pas beaucoup de mots qui decrivent la cavalerie en dépit du fait qu’il y a plusieurs emprunts selon les études de Walter (1988). Dans La chanson de Roland le mot germanique éperon est absent plusieurs fois. On voit dans sa place les adjectifs « brochent », « brochet » , « puignant » et « puignent » qui veut dire piquant ou éperonner. L’adjectif « puignant » vient du verbe poindre ( « conte ») (voir le Tableau B). Cette présence de ce mot qui indique la hiérarchie sociale qui existait avant les emprunts des mots germaniques. Pourtant on voit la présence le mot gonfanon dans ce texte (« gunfanun »), qui aurait montré le blason d’un conte, d’un baron ou d’un marquis. On voit aussi le mot riche (« rice » et « riches ») qui a montré la puissance d’un homme dans les hauts rangs de la société médiévale. Ces deux mots, gonfanon et riche, sont les mots germaniques uniques dans ce texte. La présence des mots germaniques et latins ensemble dans ce texte montre que ces titres existaient en même temps. De plus le fait qu’ils apparaissent dans un texte religieux montre que ces titres n'étaient qu’employés dans le contexte de la guerre, mais aussi dans le contexte de la religion. En outre, on ne voit pas des mots germaniques qui décrivent les armes et la cavalerie dans ce texte. Cela suggère que ces mots n'appartenant pas du champ lexical de la guerre en générale mais ils doivent être séparés du champ lexical des armes et de la cavalerie. Dans les autres textes on voit plusieurs autres mots pour décrivent la hiérarchie et les titres. Il n’est pas surprenant qu’on voit plusieurs mots de ce champ lexical dans les épopées car ils mettent en scène le combat et les rapports entre les soldats, les barons et les chevaliers qui ont fait la guerre. Dans La chanson de Roland il y a plusieurs mots germaniques pour décrivent la hiérarchie sociale et les titres comme baron, fief, garçon, gonfanon et marquis. Les mots garçon, gonfanon, et marquis apparaissent dans leurs formes germaniques, autrement dit ils ne sont pas absents et on ne voit pas des synonymes latins. Le titre du baron est utilisé le plus souvent que tous ces mots avec quelques absences. Les absences du baron inclurent les mots « vassal » 28 (dérompre). Au lieu du verbe germanique haïr on voit le participe passé « enhadithe » (