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D . degree in French / 1 flflZ/m/ ”/2 {”25 Major professor Date "‘2 lil/cfll/flwz” 7226.) M5 U is an Affirmative Action/Equal Opportunity Institution 0-12771 .5- - - "-o—g‘uv" 7 — ~-— ——— PLACE IN RETURN BOX to remove thle checkout from your record. TO AVOID FINES return on or before dete due. DATE DUE DATE DUE DATE DUE 1% W MW 2 5 ‘QCM l %‘l——*‘—7 i Msu Is An Affirmative galorvKuaI Opportunity lnethgion TYPOLOGIB DES course FANTASTIQUB on uaueassanr BTUDBS concnnrns 9008 our runonln By Daniel Francois Ferreras A DISSERTATION Submitted to Michigan State University in partial fulfillment of the requirements for the degree of DOCTOR OF PHILOSOPHY Department of Romance and Classical Languages 1990 é¢5~ “7/62. ABSTRACT TYPOLOGIE DES CONTES FANTASTIQUES DE HAUPASSSANT ETUDES CONCRETES POUR UNE THEORIE By Daniel Francois Ferreras The Fantastic is a very much alive literary genre today, and its importance is widely studied and discussed. However, a functional and convenient definition of this specific literary genre has not yet been found; it remains difficult to distinguish a fantastic tale from a marvellous narration or from an uncanny type of fiction. The word "fantastic" has been quite overused, and it has become an equivalent of "fantasy", which tends to prove the urgent need for a more precise definition. In order to contribute toward a clearer conception of what can be considered a fantastic narration, this 'dissertation studies the characteristics and peculiarities of Haupassant's fantastic tales. When analysed according to basic parameters - such as characters, situation, narrative points of view and narrative structures - the fantastic tales of Guy de Haupassant present a set of characteristics that seem to be highly relevant as far as the mechanism of a fantastic text is concerned; the reality represented in the narrative universe is always extremely common, and does not escape in any way from the perception of reality that the reader may have, until the appearance of a supernatural element that will pervert reality and provoke the fantastic ”effect". This super—natural element is not susceptible to be understood within the physical laws of our universe and it clashes with the extreme realism of the rest of the narration. It can be therefore deduced that the Fantastic tends to appear as a result of the confrontation between two theoritically opposed semiotic codes, the one of reality and the one of supernatural. By establishing the typology of Haupassant's fantastic tales and applying it to a contemporary tale at the end of the analysis, this study attempts to define the importance of this semiotic opposition, that seems to be a characteristic of fantastic literature, and that will constitute a useful tool in order to conceptualize fantastic literature as an independant literary genre. Copyright by Daniel Francois Ferreras 1990 To John Henry Hagen, "parce que c'est lui et parce que c'est moi". ACKNOWLEDGMENTS I wish to acknowledge the members of my dissertation committee for their help as well as for their patience and dedication which have allowed me to complete this work. I am particularly greatful to my dissertation director, Professor Laurence M. Porter, whose guidance has been precious as well as indispensable, not only with this specific project, but for the inspiration he has given me throughout my studies at Michigan State University. I specially thank too Professor Eugene F. Gray , whose vast knowledge of the field has been very helpful, and who was the first one to initiate me to Maupassant's fantastic tales as a subject of study. I also would like to express my gratitude to Professor Malcolm Compitello for his unconditional support and advising all along my studies at Michigan State, to the Department of Romance and Classical Languages for giving me the opportunity of pursuing my degree at Michigan State University, and to Pilar Bellver and to John H. Hagen for everything. vi TABLE OF CONTENT Preface Chapitre I: Maupassant anti-réaliste et la critique Chapitre II: Le Fantastique selon 1'auteur Chapitre III: L'oeuvre fantastique de Maupassant Chapitre IV: Les modalités narratives Chapitre V: Les acteurs du Fantastique Chapitre VI: Les décors du Fantastique Chapitre VII: L'intrigue fantastique Chapitre VIII: Les structures narratives Chapitre IX : Une nouvelle fantastique Conclusion Bibliographie vii 10 31 50 71 90 .108 .124 .144 .163 .175 .183 PREFACE Le Fantastique est un sujet d'actualité, du moins en paroles; les colloques et les études se multiplient et 1'"effet fantastique" est present dans différents domaines de l'expression artistique, tels que la litterature ou le cinéma. Pourtant i1 semblerait que, comme tout mot dont on a trap abuse, le signe "fantastique", adjectif et substantif, a perdu son signifié: tout est devenu ”fantastique", depuis Superman jusqu'au Hobbit; dans la langue courante, on emploie cet adjectif des qu'on veut exprimer notre total enthousiasme envers quelque chose an quelqu'un, at a man avis plus fréquemment qu'il ne faudrait, puisqu'a force d'en élargir 1a signification, nous avons fait perdre a co mot beaucoup, sinon l'ensemble, de sa valeur intrinseque. On retrouve cet abus dans le domaine de la critique littéraire, miroir de l'evolution linguistique: ainsi, la collection d'articles Ihe_5gnna_g£ the___2antastic‘ aurait tendance a prouver que les 1 2 distinctions entre le Fantastique, 1e Merveilleux et l'Etrange, jadis établies par Todorov? , ont été effacées, Ce recueil presents bien quelques études sur des oeuvres fantastiques, comme le sont celles de Cersoweky et de Butler, mais on y trouve également bon nombre d'articles mentionnant des oeuvres appartenant plutOt a la "Fantasy" qu'au "Fantastic", ainsi que des études trop panoramiques pour arriver a donner une idée precise du fantastique en littérature, hors des domaines philosophiques ou mystiques. Nous sommes bien loin d’une definition fonctionnelle lorsque Plank declare que la seule definition absolue du fantastique se trouverait dans les declarations de l'auteur: si es dernier affirms avoir écrit une oeuvre fantastique, alors nous devons la tenir pour telle.3 Il suffit de se rappeler la vogue du fantastique en France au XIX‘"' siecle pour comprendre que cette definition "absolue“ n'en est pas une. 0n peut citer a co propos 1e cas de Jules Janin, qui ne craint pas d'avouer dans la preface de ses Qantas, fantastique: qu’il n'y a de fantastique dans ses contes que “le hasard avec lequel ils ont été faits, sans plan, sans choix, sans but." I1 se plaint par la suite des exigences de la mode contraignant les auteurs a créer du fantastique "comme s'il était donné au premier venu de s’appeler Hoffmann."4 La definition de Plank est plutOt 1e contraire d'une definition et elle ne prouve que l'inexistence d'un systeme permettant de classer et d'expliquer cette forme de narration particuliere. 3 Ainsi, le- genre fantastique est devenu un creuset dans lequel se fondant la plupart des tendances narratives qui, pour une raison ou pour une autre, s'écartent de la representation fidele ou soi-disant telle, de la réalité: qu'il s'agisse d'un conte de fees, d'un recit de science- fiction ou d'un texte d'aspect realiste admettant un element surnaturel. Baronian, en tete de son anthologie La_Eranca ianLaaLiana_d£_flalzac_A_Lnu!s, reconnait que certaines des nouvelles qu'il a choisies pour figurer dans son volume n'appartiennent pas "vraiment“ au genre fantastique; selon lui, 1a distinction entre les genres fantastique, etrange et merveilleux est si récente qu'il n'y a pas grand mal. a 1'oublier°. Cependant, cette distinction me parait primordiale: il faut distinguer les types de narratione afin d'en faire une etude perspicace, car tous ne fonctionnent pas de la meme facon. La premiere demarche a euivre si l'on veut etablir les caractéristiques du conte fantastique, et en comprendre 1a signification et la motivation, est bien sOr de dissocier ce genre des autres genres voisins, avec lesquele il pourrait etre confondu: 1a definition du genre fantastique ne se fera qu'a cette condition. 11 me eemble evident qu'un conte de fees differe radicalement d'un conte fantastique, d'un récit étrange ou d'une nouvelle de science-fiction; l'auteur n'emploie pas les memes procédes et le texte provoque chez 1e lecteur une reaction spécifique, etablissant avec lui une relation particuliere: dans le cas du récit fantastique, le lecteur reconnatt sa 4 realité dans-l'univers narré, ce qui rapproche ce type do texte de la catégorie de 1'Etrange, mais 1e dissocie radicalement du Merveilleux ou de la Science-Fiction. De plus, le texte fantastique tend a introduire un événement inexplicable au sein de l'action, alors qu'en principe 1e recit étrange se contents de presenter l'inexpliqué plutOt que l'irrationnel. De plus les destinataires de chaque genre s'opposent presque dans leur diversite: les contes de fees peuvent etre appréciés par un enfant, et, sans contester 1a valeur de 1'exp1ication psychanalytique de ces textes, force nous est de reconnaitre qu'ils intéressent plus le jeune age que l'fige adulte. Par contre, le conte fantastique tendrait a s'adresser a un lecteur plus age: je suis persuade qu'il sera plus facile a un adulte de lire “vars" qu'a un enfant, et un adulte choisira de lire "Le petit chaperon rouge" a sa progéniture plutOt que “La Vénus d'Ille". Ce qui precede etablit deja une distinction fondamentale entre le Fantastique et le Merveilleux, mais elle releve du sens commun: elle ne nous apporte que la preuve de l'existence de ces differences entre les genres, que Castex et Todorov avaient deja percues. Nous savons tous que le rOle du Merveilleux n'est pas le meme que celui du Fantastique, et donc, que les elements entrant dans la composition respective de chacun de ces genres narratifs . doivent différer entre eux; en deduire que d'autres differences, a la fois plus subtiles et plus significatives, existent entre le Fantastique et les genres similaires est 5 la conclusion logique du simple exemple qui precede. Nous sentons "l'effet fantastique", tout comme nous sentons ”l‘effet strange" et "l'effet merveilleux"; pourtant, la definition du Fantastique est encore en gestation. Qu'est- ce qu'une oeuvre fantastique ? Quels sont les elements constitutifs de ce genre narratif particulier ? Pourquoi la critique nous laisse-t-elle perplexe quant a la definition pure et simple du Fantastique ? L' un des plus recents ouvrages de critique sur la question, le numéro special do L;Espzit_gzéatanr consacré aux theories sur le Fantastique° contient maints articles qui contrastent entre eux et aucun ne nous donne l'impression de reposer sur une description précise de 1'“effet fantastique”. Ainsi lorsque Harter7 prend pour exemple "Le chef-d'oeuvre inconnu" de Balzac afin d'illustrer sa theorie de la "fragmentation“ de la narration typiquement fantastique, nous sommes en droit de demander pourquoi cette nouvelle est considérée comme fantastique; a mes yeux, elle appartiendrait plutOt a la catégorie de l'Etrange, car elle ne présente aucun phénoméne échappant aux lois naturelles; elle met an scene un genie d'artiste touchant a la folio, prefiguration perspicace de la peinture moderne on general et abstraite en particulier, mais non un personnage se trouvant confronté a un élément surnaturel. Ce n'est pas parce que l'idéal esthétique de Frenhofer depasse de beaucoup celui de ses contemporains, et que l'élaboration de sa “Belle-Noiseuse" l'a tenu écarté du public et des goats de ce dernier pendant dix ans, que es peinture est 6 ”fantastique",‘ non plus que son personnage; de meme, le fameux "secret" de Mabuse ns pourrait-i1 pas consister en un procédé purement technique plutOt que surnaturel ? "Donner la vie" a uns peinture est plutOt un secret de maitre qu' uns revelation divine, comme tenderait a le prouver 1a demonstration du maitre dans l'atelier de Porbus au debut de la nouvelle. Je ns fais pas ici 1e procés de Harter, ni ne contests la validité ds sa théorie; simplement, cette derniére repose sur l'analyse pénétrante d'une nouvelle qui précisément ne me semble pas appartenir au genre fantastique. On pourra m'objecter que la nouvelle parut en 1831, avec le sous—titre de "Conte fantastique"; mais nous savons que Balzac était assujetti aux capricss de la mode et de son éditeur, et que dans les années trentes du siecle dernier, 1e fantastique était pour ainsi dire au gout du jour. Un rsproche analogue pourrait stre fait a Bonifazi qui, dés 1e debut de son ouvrage”, préssnte "The Purloinsd Letter" comme un exemple typique st classique du conte fantastique. Pour ma part, je ne crois pas que es conte de Poe soit fantastique, je 1e rangsrais plutOt dans le genre ds 1' Etrange. En effst, nous ns doutons a nul moment au cours de la lecture de cette nouvelle de la possibilité d’une explication rationnelle, a la portée de l'intslligencs humaine, dont Dupin est ici 1a personnification; 1e_ministre a cache 1a lettre, et 1e fait qu'elle ait échappé aux fouilles minutieuses du préfet ds police ns prouve rien: ce 7 personnags est bien incapable d'une subtilité aussi profonds que cells du ministre. Dupin éclaircit l'énigms d'une facon logique, sinon réaliste, st bien que 1e cas soit pour la moins hors du commun, l'aventure n'est pas fantastique, car elle ns presents pas de detail inexpliqué capable ds plongsr ls héros et ls lecteur dans le douts; bien au contraire, on observera a quel point Dupin parait sflr ds lui st ne doute a aucun moment ds pouvoir résoudre 1e mystsre. La préssnte studs est motives par la situation actuslle ds la recherche et a pour but de tenter d'établir une definition fonctionnelle du genre Fantastique, un systems qui permette de classer ou du moins ds reconnaitre les oeuvres appartenant a cs genre, dans l'sspoir d'en faciliter l'étuds. J'ai choisi de fonder mon étude sur l'analyse des contes st nouvelles fantastiques de Guy de Maupassant et cs choix ne devrait causer aucune surprise, malgre 1a reputation de conteur realists sinon naturalists que possede cet ecrivain; plusieurs anthologies de ses contes fantastiques sont déja parues, et nous savons que cette partie de son oeuvre est importante, sinon en quantité, du moins en qualité. Comment Maupassant définit-il 1e fantastique, dans ses contes comme dans sss chroniquss ? Quels sont les procédés qu'il applique st leurs implications? Ou, plus directsment, quels sont les facteurs qui font du "Horla" et de "Qui sait ?" des textss d'une troublante actualité ? Cette étuds s'sfforcera de rspondre a ces questions, st d'etablir une typologie de la nouvelle 8 fantastique selon Maupassant, laquelle sera par ailleurs utile a 1'61aboration future d'une théorie de la narration fantastique. NOTES 1)- Ihs_Scone_Qf_ths_Eantastic. New York: Greenwood Press, 1985. . 2)- Tzvetan Todorov, lntraduction_a_la_littsraturs_fantastigue. 3)- Plank. The_chpe_nf_ths__2antastic, p 81. 4)- Castex, Ls__cQnte__fantastisns_en_Erancs__de__Nndiar__a Maupassant, Paris: Corti, 1951. p.68-69. 5)- Jean-Baptiste Baronian. La_Erancs_fantastigus_da_flalzac_a Louis. Paris: Marabout, 1973. On constats dans ce volume la présence de textss de genres trss divers: un conte d'anticipation tel que “La ville musicals" de Berlioz y voisine avec un conte merveilleux, ”Raves d'enfer” ds Flaubert et un récit étrange, "La fausse Esther" ds Louys. Baronian justifie cette diversité ds textss dans son introduction en expliquant: [...] (mais la distinction des genres est si récente que je n'ai pas cru nécessaire de les écartsr ds ce recueil). (preface, p.14). 11 est vrai que Baronian publia son anthologie en 1973, c'est-a-dire seulemsnt trois ans aprés l'étude ds Todorov, mais on rsmarqusra toutefois que Castex avait déja fait ces distinctions primordiales dés 1963, du moins entre le Fantastique et le Merveilleux, st l’unité ds cette anthologie aurait sans doute moins souffert si Baronian avait tenu compte des recherches effectuéss dans ce domains. 6)- LiEsnrit_Créatsnr, 1988. 7)- Deborah Harter. "From Represented to Literal Space: Fantastic Narrative and the Body in Pieces", L'Esprit Creatsnr.(Fa11 88). p.24. 8)- Neuro Bonifazi, Isgzia_dsl_fiantasticg” Longo: 1982, p.9. Cl 'I I' H I |._ a 1. I | J 'l' Depuis ls livrs magistral ds Castsx sur le conte fantastique, 1s nom de Maupassant est incontestablement associé a co genre st l'oeuvre fantastique de Maupassant a inspire bon nombrs d'études, de tendances trés différentes, allant du commentairs historico-biographiqus, telle que 1'6tude d6 Cocnyl. a l'analyse textuslle structuraliste. comme l'article de Delabroy.2 0n ne saurait nier les apporte de ces différsntes ' études, csrtaines etant toutefois plus reussiss que d’autres lorsqu'on les observe sous l'angle d'une typologie du conte fantastique de Maupassant, servant a établir une decription fonctionnelle du Fantastique. Maintenant asssz ancienns, l'étuds de Pierre-Georges Castsx sur les textss fantastiques de Maupassant, constituent 1s dernier chapitre de son histoirs du conte fantastique en Frances, demeure pourtant l'une des plus utiles: Castsx posssds une definition du Fantastique4 st l'établissemsnt de son corpus en vue de retracer 1'histoire 10 11 littéraire fantastique de la France au XIX‘"'siscle est parfaitement justifiable. Il presuppose la difference fondamentale entre le Fantastique st “l'affabulation conventionnells des recits mythologiques", c'est-a-dire 1a narration typiquement merveilleuss, st ceci represents un grand pas vsrs uns distinction générale entre les genres. Malgre tout, son studs de Maupassant, bases principalement sur des criteres biographiques st psychologiques‘ ne peut evitsr la "tentation historique"; ainsi, l'on s'intéresse a “Maupassant et son mal" (titre du chapitre), a grand renfort d'informations cliniquss tirées de l'examen attentif du courrier personnel de 1'6crivain, st l'on considers comme fondsment de son oeuvre fantastique sa tare héréditaire, doubles d'une syphillis contractée entre "la vingtieme et la vingt-sixisme année" comme 1e precise Castex°. (11 no mentionne pas toutefois qu'il exists la possibilité que cette maladie ait ete transmiss a Maupassant par celui que certains croient etre son vrai pere, Gustave Flaubert). Quoiqu'il en soit, ce point do vue est a non avis un psu limits, mais va de pair avec la conception propre a Castsx du Fantastique: "[le Fantastique] est lié généralemsnt aux stats morbides de la conscience qui, dans des phenomsnes de cauchsmar ou ds delirs, projette devant elle des images ds ses angoisses ou de sss tsrreurs."° Cette definition du Fantastique ne tient pas vraiment compte de l'effet esthetique calculé de es genre 12 littéraire: 'le lecteur de "Dr. Jekyll and Mr. Hyde" n'éprouvs pas les memes sensations que dans un mauvais revs et la coherence de la narration situe sans aucun doute cette derniére hors de l'espace onirique. Je n'ai pas choisi cet exemple au hasard: le bon doctsur Jekyll projetts probablement la cause de ses "angoisses et de sss terreurs" (st encore faudrait-il s'entsndrs quant a la signification de ces deux mots) sur le monstrusux Mr.Hyde, mais cs n'est pas 1a thématiqus qui produit ls Fantastique: dans ce cas, lagk_ths_fiippsn serait un roman fantastique, au meme titre que MW du marquis de Sade. La definition de Castsx, et je crois que c'est 1a son defaut principal, limits le Fantastique a un delirs pathologiqus, c'est-a-dire involontaire st indomptable, prenant sss racines dans l'inconscient: si 1e Fantastique n'est qu'une hallucination, produite par un cerveau malads ou surmené, parfaitement explicable d'aprés des criterss scientifiquss voire ‘médicaux, dont ls lecteur tisndra compte, alors 1e Fantastique cesse d'etre fantastique car l'élément irrationnel, pisrre de touche du Fantastique, en théorie introduit "dans 1s cadre de la vie réells", st done contrastant avec cette derniere, cesse d'etre irrationnel: il s'inscrit dans un code culturel répertorié, celui ds la maladie mentals. Castsx insists sur l'aspsct auto- biographique de "Sur l'eau“ et de "La main d'écorché" entre autres, commsttant d'ailleurs une petite erreur quant a la date et aux circonstances de la rencontrs entre Maupassant 13 st ls poets Swinburne, durant laquelle Maupassant vit pour la premiere fois cette fameuse "main" momifiee qui l'inspira dans deux de ses nouvelles’. Ce ne fut pas en 1864 que Maupassant rencontrs Swinburne, mais en "1867 on 1868". selon Maupassant lui-namea st il ns devint propriétairs de cette main momifiee que deux ans plus tard, lors d'une vente du mobilier de la villa "Chaumiere Dolmance", ou habitaient les deux Anglais, et non pas "grAce a la bienveillants intervention de Swinburne" comme l'ecrit si joliment Castex.’ Les lignss qui precedent possnt evidemment la question desormais banale du lien entre la maladie de Maupassant et sa production litterairs fantastique: etaitril fou ? Ses ecrits sont-ils 1e resultat d'un delire mental autoscopique? .Qusllss sont les consequences de l'usage continu ds l'ether sur un cerveau deja atteint de mal hereditaire et souffrant des effets d'une maladie venerisnne incurable ? Bien evidsmmsnt, il serait vain de ne pas considerer l'importance ds ces divers elements dans la gestation des contes fantastiques; il s'agit d'une source d'inspiration incontestable et i1 faut en tenir compte: Maupassant a certainement mis des sensations et des visions personnelles dans sa prose, mais cette simple constatation ne nous apprend rien ds plus sur les contes fantastiques, st elle a pour objet d'etude l'homme plutOt que l'oeuvre. De plus, si l'explication des contes fantastiques ss trouve dans la maladie individuelle, nous nous trouvons alors dans l'impossibilite d'en tirer une conclusion quslconque du 14 point do vue theorique general. On observera d'ailleurs qu'on psut aisemsnt situsr Maupassant dans une tradition litteraire du fantastique en France: i1 ne s'agit pas d'un cas isole dont l'etude ne peut etre que strictemsnt individuelle, et je suis donc sur cs point en total desaccord avec l'etude de Nahissa Schasch, st sa recherche psychanalytique du "Fantastique tenebreux" chez Maupassant. A non avis, Schasch abuse de citations qui ds par leur diversite (de Baudelaire a Bachelard) ne facilitent pas toujours 1a coherence de son texte. L'auteur explique l'oeuvre fantastique de Maupassant par des concepts psychanalytiques fondes sur les manifestations psychiques st physiques de son mal. Non seulemsnt Schasch ne nous donne aucune definition specifique de ce qu'elle qualifie de "fantastique", mais csla 1a conduit egalement a admettre dans son corpus d'etude des oeuvres ds Maupassant aussi eloignees du "Fantastique" que peut l'etrs par exemple 1e roman Bel;Ani. 0n retire de la lecture ds Maupassant_at_la Eantastigne_1enehnenx_dss impressions tres vagues, et pour ainsi dire "poetiquss", mais la demarche qui l'inspire me semble etre a la fois trop limitee st trop generals; limitee en ce qui concerns l'explication st la motivation ds l'oeuvre fantastique, et trop generals quant a la definition du corpus d'étude, qui a force d'admettrs des textss finit . par brouiller les limitss du genre, de facon radicals st definitive. 0n pourrait de meme reprochsr a M.C. Bancquart d'smployer trop souvent l'adjectif "fantastique", a travers 15 sss differents écrits sur l'oeuvre de Maupassant, sans vraiment en donner une definition assez precise pour qu'ells soit utilisable a un niveau superieur que l'etude specifiqua da cet auteur; de plus, pour elle, les frontieres entre textss "fantastiques" at textss “cruels”, "étranges" ou “r6alistes” sont bien difficiles a délimiter“, dans le cas precis ds Maupassant, ca qui explique l'inclusion dans son corpus de contes at ds nouvelles n'appartanant nullsment au genre fantastique ("La pére“, "Garcon! Un bock!".) Pour elle, ls Fantastique chez Maupassant a toujours comma origins l'observation d'un phenomena natural at c'est la regard da l'ecrivain qui par son insistance 1e transforms en phenomena fantastique. On objectera que "Le Horla” ne deviant fantastique qu'a partir du moment ou le protagonists observe precisement dss phenomenss non-naturals (dans les deux versions) at i1 an est da meme pour la derniere nouvelle de Maupassant, "Qui sait ?“, recit indeniablsment fantastique, dans lequel 1e heros, rentrant du theatre une nuit vars une heura du matin, voit tous sss msubles quitter sa maison l'un apres l'autre, depuis la piano jusqu'au presse-papisr la plus modssts. Effraye, ls narrateur s'en va dormir a l'hOtel et recoit 1e lendamain une depechs de son valet de chambra qui l’informe que sa villa a ete cambrioles ds haut-en-bas. Cette nouvelle est fantastique parce qu'ells nous plonge dans l'insxplicable, at il faut soulignsr 1a fait que le narrateur n'est pas le seul temoin de l'aventure fantastique: il est sans doute le soul a avoir 16 vu les msubles quitter la maison d'eux-memes, mais autant son serviteur que la police observant un cambriolage 31 total qu'il n'en demeure pas moins "fantastique“. Le phenomena dont 1e recit est a l’origine de la narration est donc inexplicable, at franchement non-natural, contrairemsnt aux affirmations de Bancquart. Contrairemsnt au merveilleux, si bien cs recit est base sur une hypothese initials, cette derniere une fois poses continue a se presenter comme une enigma: ls mystere non seulemsnt demeure insoluble, mais 1a vaine recherche d'une explication constitue le moteur principal de la narration. Dans son article, " Un réalisme fantastique, Maupassant“‘=, on trouvera donc plus de references a des textss de tendances realistes, sinon naturalistes, qu'a des textss propremant fantastiques. Bancquart se garde bien da donnar una quelconque precision quant a ce qu'ells nomme 1e fantastique avec tant de frequence, ce qui lui permet d'etendre son etude a das considerations apparamment hors du sujet. Sans doute, la theme du recuail dans lequel son article fut insere, “Paris fin-de-siecle", an influence ls contenu; on y trouve si psu de reference a une oeuvre definie comma fantastique, que le titre lui-meme en pourrait paraitre trompeur. Si d'une part on observe cette tendance assimilative qui fait des contes st nouvelles fantastiques da Maupassant un corpus indefinissable parce que sans limitss precises, on constats egalement la tendance opposes, qui consists a ne 17 s'interssser qu'a un nombrs extremement reduit de textss fantastiques dans l'oeuvre de cet ecrivain, et en particulier a "La Horla", dont la derniere version surtout a suscite de nombreuses etudes, telles que celles de Delabroy13 et de Ropars-Huillemier‘“, toutes deux structuralistes. La minutieuse analyse de Delabroy est particulierement bien reussia pour ce qui est d'une explication de texte purement formalists, at souligne l'importance de cartains elements formels recurrents et pouvant aider a une lecture du "Morla". Delabroy toutefois ne mentionne pas certains faits interessants qu'une etude compares des deux versions du recit fait surgir, autant du point de vue des employee par l'ecrivain que de celui de la signification maximale du texte. Il n'en demeure pas moins qu'en tant que commentairs textual, l'article de Delabroy me parait plus reussi que celui de Ropars-Huillemier. En affet, cette derniere choisit de considerar "Le Horla“ comme "ecriture de la folia" at ca parti-pris de depart appalle une reserve; on peut sans doute qualifier 1e narrateur du "Horla" de fou et en faire 1e diagnostic psychiatrique: Il souffrirait d'une nevrose, en termss psychanalitiques, at ds schizophrenia an termss psychiatriques‘”. Pourtant, il s'analyse constamment st fait preuve d'un esprit rationnel, se trouvant confronte au fantastique st donc pour ainsi dire desarconne, mais neanmoins capable ds tenter l'explication rationnel d'un phenomena incomprehensible: il multiplie les experiences afin de se convaincre lui-meme de la presence du 18 Horla, et 'chacuna de ses reactions est justifies, relevant d'un fonctionnement "normal" de la raison. Ainsi l'examen du texte est d'apres moi quelque peu fausse par ce point ds vua d'un naturalisme force: si la personnags est fou, la narration deviant realiste et pour ainsi dire naturalists, car les actss du personnags sont alors determines par sa maladie mentala, elle-mama responsable de ses hallucinations at ainsi de suits. Je n'affirme pas que le narrateur soit totalement innocent at digne de confiance; cependant, son discours doit etre suffisament credible pour que s'instaure 1'"effet fantastique", at le delire d'un schizophrene ne peut l'etre en aucun cas. Par contre, .le heros du Horla est accepte par le lecteur, car nous comprsnons son discours, base sur une connaissance du monde et de ses lois physiques que nous partageons, at sa logique est la nOtra; nous sommes bien eloignes ds la logique "personnelle" qui apres tout pourrait etre l'un dss traits caracteristiques de la maladie mentals. I1 me semble par ailleurs que Ropars-Muillemier abuse un psu trop de “figures da style", metonymies st antitheses, qu'ells voudrait explicativss, mais qui an fait nuisent a la clarte de sa prose“. L'etuds de csrtains textss fantastiques de Maupassant a egalement inspire une critique da type historique, at meme theorique, dans laquelle nous pouvons ranger les articles d'Andre Vial, de Sima Godfrey at de Ross Chambers". La grand exegeta de Maupassant, Andre Vial, etablit des 19 relations fort judiciausas entre quelques textss fantastiques de Maupassant at leurs sources possiblss d'inspiration, directes ou indirectas, tels que la petit roman da Lepelletier La:1;LQn et Les__nyatszes__ne__flazis d'Eugene Sue. Il retrace en meme temps l’itineraire des themes principaux, en particulier, de celui de la presence du double indesirable st dominatsur, que l'on peut retrouver a travers une grands partie de l'oeuvre fantastique de Maupassant, at autour duquel est centres 1e commentairs qui precede l'edition de P.Cogny du "Horla". Dans une meme optique mais centres sur un objet d'etude different, l'etuds ds Chambers examine l'autorite textuelle dans "Spirits" at dans "Le Horla", at conclut que ce dernier montre un refus de l'autorite textuelle, contrairemsnt a "Spirits”, apologie de cette derniere. Il voit dans "Le Horla" l'instauration d'une relation democratique entre le texts et le lecteur, car ls narrateur s'y trouve juge par son propre texte. Sans vouloir contester la valeur de l'etuds de Chambers, je me demands neanmoins jusqu'a quel point son interpretation du personnags central de la narration est justifies: "(...) 1e narrateur du Horla semble capable, par nature, d'une credulite sans bornas“ (p. 112). Bien au contraire, nous participons tout au long de la nouvelle a une recherche de la verite, dont les motivations . sont precisement l'incapacite du narrateur a accepter 1a phenomena irreductible en tant que tel, at sa volonte de trouver une explication qui puisse lui permettre de 20 comprendre, plutOt que de croire. De la meme facon, la professeur Chambers pretend que la protagonists du "Horla" ne fait pas preuve ds logique lorsqu'il conclut, apres la lecture du journal qui relate l'existence au Bresil du mal dont il est atteint, que la Horla se trouvait sur la beau trois-mats bresilien, qu'il a d'ailleurs salue de la main tout au debut de la narration, justs avant d'eprouvsr le malaise cause par la presence de "1'autre". Chambers affirms en affet qu' "(un vaisseau battant pavillon bresilien n’arriva pas forcement du Bresil)"2°. Cette derniere observation est parfaitement logique, mais on pourrait dire que ce vaisseau battant pavillon bresilien arrive pout-etre effectivement du Bresil d'une part, at ds l'autre, que la serie de coincidences a laquelle assists 1e narrateur n'en demeure pas moins troublante; son mal commence lorsqu'il salue la bataau, at 1a presence supposes au Bresil d'une creature en tous points similaire au Horla justifie bien ea deduction. Bien sOr, nous ne connaissons que le point de vua du narrateur, at chacune de ses observations peut parfaitement tomber dans la categorie dss "ideas of reference“ qui dans la psychiatrie moderne designent la tendance d'un esprit malade a organiser sss perceptions du monde exterieur selon les exigences de son mal. Mais 1e narrateur du "Horla" ne nous donne pas l'impression d'etre derange mentalement: les faits qu'il nous rapporte sont "fous", mais 1a maniere dont il les presents no l'est pas. Ce qui renforce cette impression, produite an premier lieu 21 par la coherence de son discours, c'est son etonnement at son incredulite continuels face a la presence irrationnelle du Horla: il sait qu'il ne sera pas cru, at qu'il sera tenu pour fou s'il fait part de son aventure a quelqu'un. C'est donc qu'il est toujours conscient des normes de la santé mentale st qu'il comprend 1a demarche logique d'un esprit rationnel, a tel point qu'il peut en prevoir les reactions avec justesse. Ja ne crois pas que la narrateur du "Horla" soit d'une "credulite" maladive, car il n'est convaincu de l'existence du Horla que lorsque les evenements ne lui laissent pas d'autres possibilites. De plus, 11 fait participar la lecteur a sss doutes, presentant tout d'abord un point de vua credible: le phenomena fantastique ne sera pas interprete par le lecteur comme un produit de l'imagination deranges du narrateur, mais bien comme l'apparition dans la realite d’un element irrationnel. Il ssmblsrait done que l'interpretation de Chambers, bien que justifiable, ne limits 1a lecture du texte qu'e une dimension meta-fictive, at ne tienne pas an compte see caracteristiques de conte fantastique, qui precisement echappent aux bornes d'une tells analyse. L'etude de Godfrey est, elle, fondamentalement historique. L'auteur recherche la presence du motif de la main coupes et autonome dans la litterature francaise du XIX‘”' siecle, et mentionne les oeuvres de Nerval,. Gautier at Maupassant. Son etude de la persistence d'un motif chez des auteurs aussi differents est tree reussie du point de 22 vue historique, mais elle ne s'intersssa pas aux facteurs du Fantastique, non plus qu'a une definition du genre, mentionnant d'ailleurs dans son etude certains textss situes dans dss genres voisins. Les etudes ds Rachmfihl at ds Castslla‘”, apparaissent par contra tres utiles quant a une typologie generals ds l'oeuvre fantastique de Maupassant, car elles font preuve ds plus de rigueur dans la choix ds leurs examples, ainsi que dans leur description du fantastique. Pour Castella, les contes fantastiques de Maupassant sont l'illustration d'une condition sociologique du monde ds Maupassant. Son analyse, s'appuyant sur un nombrs reduit de textss a juste raison consideres comme fantastiques, est a la fois coherente at convaincanta. Les themes communs observes dans les contes l'aidsnt a demontrer une hypothesa propremant sociologique: l'oeuvre fantastique de Maupassant est l'exprassion d'une vision du monde dans lequel le systems industrial a objectivise l'homme, at son angoisse devant un univers ou les objets sont devenus plus importants que lui, arrivant par la-mems a nier son existence. Puisque la litterature fantastique na se borne pas au XIX‘"' siecle, un tel principe de gestation ne devrait pas seulemsnt concerner les auteurs de cette periods—la; mais il ne s'agit ici que d'une observation de forms: Castella trace dans cet article ds tres importantes lignss en es qui concerns uns explication sociologique ds la narration fantastique, suivant une hypothese particulieremant perspicace et 23 interessante.-Le dense petit livrs de Rachmuhl, de son cOte, ne pretend pas proposer une explication aussi complexs que cells ds Castella aux contes at nouvelles fantastiques de Maupassant, mais plutOt uns identification de chacun de ces textes, an reperant leurs themes ainsi que leurs formss; Rachmfihl ns neglige pas les sources d'sxplication historique, mais ss concentre avec bonhsur sur les' textss memes, et son choix est, sinon le meilleur possible, du moins celui qui semble la plus justifie at le plus complet; on peut pourtant remettre en question 1a presence dans son corpus d'une nouvelle de science-fiction, "l'homms ds Mars", ainsi que cells d'une nouvelle plutOt apparentes au genre ds l'etrange, “A vendre", at je rsviendrai sur ces reserves lorsque je justifierai mon corpus: je crois que “La petite Roque" aurait par contra sa place dans ce corpus, ns serait- ce que pour son aspect binairs de narration a la fois fantastique st etrange. Mais Rachmfihl insists fort justement sur les opinions ds Maupassant quant a la definition du Fantastique; je suis egalement convaincu que l'ecrivain lui-meme, dans sss chroniquss comme dans sss contes, nous donnera la possibilite d'etablir un corpus a la fois justifie et exhaustif dss textss fantastiques apparaissant dans son oeuvre. Comme on a pu 1e constater, la definition d'un corpus satisfaisant a represente un obstacle serieux, que la critique n'a pas toujours reussi a surmonter. En sffst, pour operer un tel choix de textes, encore faut-il donnsr un 24 sens au mot "fantastique", at i1 faut croire qu'il s'agit la encore d'une tache bien ardue puisque les anthologies des contes st nouvelles fantastiques.de Maupassant ns reposant pas sur une description fonctionnelle de 1'"effet fantastique". Ainsi, l'enssmble de textss selectionne par Richter" us me semble repondrs a aucun critere rigoureux ds selection; dans sa preface comme dans sss notes, Richter evite d'etablir une definition du Fantastique at, bien evidemment, cette lacuna nuit grandemsnt a l'etablissement de son corpus. Nous y' trouvons aussi bien un conte apparente au legendaire ("La legends du Mont 8‘ Michel") qu'un conte purement naturalists comme "Menust", qui n'a rien de fantastique. Bancquart=° de son cote, contourne l'obstacls at intitule son anthologie Cnntss__crnals__et fantastiques; elle peut ds cette maniers justifisr l'inclusion ds trente-quatra nouvelles parmis lssquelles bon nombrs, cruelles js suppose, echappent au Fantastique, comme “Fou” at "La confession", ns presentant que les crimes de fous pathologiques. L'osuvre fantastique de Maupassant a done semble assez importants pour justifier la publication do dsux anthologies, mais l'uns autant que l'autrs contribue a rendre plus incertaine encore 1a notion ds Fantastique chez Maupassant. En resume, d'une part, la critique a situe Maupassant . dans la tradition de la litterature fantastique, (Castsx, Vial, Cogny, Bancquart), considerant parfois dss textss arbitrairemsnt assimiles au Fantastique at faisant souvent 25 reference a la maladie da l'ecrivain pour tirer sss conclusions; de l'autre, elle s'est interessee a un nombrs reduit de textss pour en faire une analyse de type structural (Delabroy, Ropars-Muillemer). Parmis ces dernieres, l’etude de Castella ms parait la plus reussie d'un point de vua generaliste, car elle ne se borne pas a deux ou trois textes, at fournit ds plus uns explication particuliersment interessante dss narrations fantastiques de Maupassant. On a pu ls constater, a l'sxception ds Castsx st Rachmfil, la plupart dss critiques n'ont pas prealablsment etabli une definition satisfaisanta du fantastique leur permettant de dissocier les textss fantastiques ds Maupassant de ceux qui no la sont pas, st dans cs domaine, la critique de Maupassant a rejoint la critique tout court, pour qui la Fantastique rests une notion vague st imprecise. Une chose n'en demeure pas moins certains: Maupassant est accepte comme conteur fantastique par la critique litterairs, qui ls classe parmi les figures les plus importantes de ce genre particulier, meme si les limitss da ca dernier rastent encore indecises. Malheureusement, la majorite dss etudes consacrees a cat aspect particulier da l'oeuvre ds Maupassant ne sont guere utilisables pour l'elaboration d'une theoris generals du Fantastique st c'est dans cette optique que tents de s'inscrire ma demarche. I1 me semble que dans l'etat actuel de la recherche, apres avoir demontre l'interet, l'importance et la reussits dss contes at nouvelles fantastiques de Maupassant, la direction 26 a suivre serait d'utiliser cette matiers brute pour uns theoris generals du Fantastique, applicable aussi bien a des textss contemporains de Maupassant qu'a dss recits plus modernes tels que ceux de Tournier en France, Buzatti an Italic ou Cortazar en Argentina“. Cette theorie serait egalement utilisable dans des domaines artistiquss differents, tels que le cinema, ou l'oeuvre d'un Stephen King par example touche un public aussi divers qu'etendu. Il est vrai que se sont an general sss romans et nouvelles qui servant de base aux films, mais il faut souligner sa participation active au processus d'adaptation cinematographique: si la roman est signe Stephen King, Is scenario du film l'est egalement, at c'est bien a travers cs moyen de diffusion que son oeuvre est devenu aussi celebrs. Je crois, comme Castella, que la narration fantastique a uns signification sociologique, dans la sens ou elle reflete une vision particuliere du monde; mais cette vision ns pourra etre etudiee tant que nous ns pourrons pas isolsr les oeuvres propremant fantastiques. Lorsque les critiques anglo-saxons utilisent indistinctement les mots "fantastic" at "fantasy", ils ne font qua reculer ls moment de definir 1e genre fantastique st remettre an question leur propre conception de la litterature. Les fonctions de chaque genre littéraire different entre elles at le cas du genre fantastique n'est pas une exception: si l'on reussissait a definir 1e genre fantastique, nous serions en masure de le comprendre plus aisement at d'en etudier les implications, 27 autant d'un point de vua sociologique que d'un point ds vua esthetiqus. Le choix de Maupassant, comme pisrre de touche at domains d'etude concrete n'est pas original, mais refleta 1a necessite de ns s'appuyer que sur une oeuvre a la fois classique at delimitable: la critique a demontre l'importance da cet ecrivain au sein du genre fantastique d'une part at de l'autre, Maupassant est un auteur d'une surprenants actualite; sss nouvelles sont toujours autant lues et la bibliothequs ds 1a Pleiade continue son edition definitive, bien que laborisuss, de l'oeuvre narrative complete ds ce grand eerivain. Bien que les textss fantastiques representsnt une partie relativsment modsste ds la production de Maupassant, ils me ssmblent sn qualite aussi importants que les autres at on peut observer que plusieurs films en ont ete tireszz: la prose ds Maupassant se preta bien a l'adaptation cinematographiqus, mais lorsqu'on considers ls nombrs restraint dss textss fantastiques par rapport aux autrss textss du meme auteur, cs choix aurait tendance a prouver que Maupassant, conteur fantastique, continue a existsr pour le lecteur comme pour la spectateur modernes. 28 NOTES 1)- Pierre Cogny, LLMaunassantJLanla. Paris: Minard. 1970. P.Cogny fait preceder d'une etude son edition ds quelquss contes fantastiques de Maupassant, parmi lesquels nous trouvons les deux versions du "Horla", “Fou?", "Lui?" at "Qui sait?". Il choisit, cela va de soi, les recits qui tendent a prouver son point do vua: la persistance du theme du double horrible. qu'il lie intimement a la vie ds Maupassant, at a sa creation littéraire dans le domaine du fantastique. Ses remarquas finales presentant Maupassant comme precurseur du Surrealisma at du "nouvsau roman“ meritent d'etre mentionnees. 2)- Jean Delabroy. “Corps inconnaissable". 3)- P.G. Castsx. ' Chapitre VIII, p. 365. 4)- "Le fantastique, en affet, ne se confond pas avec l'affabulation conventionnells dss recits mythologiques ou des fearies, qui impliquent un depaysement ds l'esprit. I1 se caracterise au contraire par uns intrusion brutals du mysters dans le cadre de la vie reelle; il est lie generalement aux etats morbides da la conscience qui, dans des phenomenes de cauchsmar on da delire, projette devant elle dss images ds sss angoisses ou de ses terreurs." P.G. Castsx, Le_ggnte_fantastigna, Introduction, p. 8. 5)- 0n peut mentionnsr a cs sujet uns lettrs que Maupassant ecrivit a Robert Pinchon en 1877, a l'age de vingt-sapt ans: "J'ai (...) la grands verole, cells dont est mort Francois 1"". (op.cit. par A. Lanoux. Maupassant ls_hsl;ani. (Paris:Fayard, 1967),p. 141. 6)- P.G. Castsx. WW. Introduction, 8. 7)- "La main d'ecorche", premiere nouvelle publiee par Maupassant, en 1875. dens L.Almanach.Lm:rain._d.e Ennt;a;ngnssgn, at "La main", publiee en 1883, dans Ls_Ganlcis. 29 8)- Guy de Maupassant. “L'anglais d'Etretat", chronique publiee dans Le_Ganleis. la 29 novembre 1882. 9)- P.G. Castsx. WW. 9. 368. Cette serie de confusions parait d'autant plus surprenants que Castsx lui-meme cite 1a chronique de Maupassant, “L'anglais d'Etretat", sur la meme page, reproduisant fidelemsnt quelques lignss plus bas 1a description que fit Maupassant de cette main "dessechee". J'en profits pour signaler que cette erreur de date at de circonstances est tres repandus, st apparait aussi bien chez Cogny, Forestier, Schasch st meme dans la preface qu'Hubert Juin ecrivit pour l'edition des "Chroniques" de Maupassant; on se demands comment est nee la legends romantique ds Swinburne sauve dss aaux par Maupassant age de quatorza ans. 10)- Nahissa Schasch. Maunassent_et_1e_fiantastigna tenehrsnx. 11)- M.C. Bancquart. MW We. 9. iv at v. 12)- M.C. Bancquart. "Paris 'fin da siecle'. Un realisme fantastique, Maupassant.“ 13)- Jean Delabroy. "Corps inconnaissable". 14)— M.C Ropars-Muillemisr. "La lettrs brfllee (ecriturs at folie dans ’Ls Horla'" 15)- Voir Wes de J. Laplanche st J.B. Pontalis. Paris: P.U.F., 1987, 267 (névrose ) at . . . , Third edition, Revised, 1987, 187. ( Schizophrenia ) Ls profil psychologique schizophrene est stigmatise par l'acceptation d'un element inacceptabls selon les normes de notre culture (involving a phenomenon that in the person's culture would be regarded as totally implausible, e.g., being controlled by a dead person) 16)- “ Que 'Le Horla' puisse etre ce texte qui ne dit que sci-meme dont l'opacite recouvra la transparence des images, c'est ce que confirmarait la cristallisation dss pistes precedentes dans l'episode suivant, celui du rsflet absent." (p. 354). 30 "C'sst ce flottement du sens que les voyages du narrateur - sss deplacements dans l'espace, son espacement du temps - vont inscrire finalement dans la glace comma signifiant an blanc, comme blanc du signifiant ou explose 1a derive du 'je'." (p. 355). 17)- Andre Vial. "Le lignage clandestin de Maupassant conteur fantastique'. Wm de__1a__Ezanca. Vol. 73 (novembre 1973.) 994 Sima Godfrey. "Lending a Hand: Nerval, Gautier, Maupassant and the 'Fantastic'. Ross Chambers. "La lecture comme hantise. 'Spirite' at 'Le Horla". 18)- Francoise Rachnfihl. LLHcLlaJaunassm. Charles Castalla. " Une 'divination sociologique' Les contes fantastiques de Maupassant" 19)- Guy ds Maupassant. Edition etablie, annotee at presentea par A. Richter. 20)- Guy de Maupassant. ‘ at_£antastignss,. Edition ds M. C. Bancquart. 21)- Qualifier Cortazar d'ecrivain argsntin est malgre tout un peu risque; on ss souvient que le grand conteur, qui vecut d'ailleurs longtemps a Paris, avait coutume de dire: " Nosotros, los ascritorss francesss d'expresien latino-americana". 22)- La_cheyelnre. France, 1961. Realise par Ado Kyrou; Dinnl_n£_a_nadnanl U. S. A, 1962. Realise par R. Le Borg. (d' apres‘ 'Le Horla"); Ls_flnzla. France, 1966. Realise par J.-D. Pollet. C] 'I II' I E | I' ] ]' | Tout d'abord, ainsi que la mentionne Rachmfihl‘, on trouve chez Maupassant dss elements pouvant contribusr a uns theorie du Fantastique en litterature, ou du moins a la description d'un "systems" permettant l'apparition ds 1’"effet fantastique". Par "systems“, j'sntends l'ensemble dss procedes employee par un ecrivain dans le but d'instaurar entre son texts et la lecteur une relation particuliere, produite par la narration typiquement fantastique. En quelque sorts, Maupassant nous donne "sa" definition du Fantastique, non seulemsnt dans sss contes, an smployant les procedes du genre, mais egalement dans dss ecrits non-narratifs, tels que sss chroniquss, dans lesquels l'auteur nous livrs sss reflexions sur le Fantastique. 11 me semble logique de commencer par cells que Maupassant publia le sept octobre 1883 dans Ls__finnlniss precisemsnt intitules "Le Fantastique", car elle nous livrs explicitement la conception du conte fantastique propre a Maupassant. La plus grands partie de cet article set 31 32 consacree a commemorar le grand ecrivain russe, Tourgueneff, dont la mort etait recente, at qui, selon Maupassant, avait ete un "conteur fantastique de premier ordre" : il a same "de place on place, an sss livres, quelques-uns de ces recits mysterisux at saisissant qui font passer dss frissons dans les veines"=. Maupassant cite a continuation un certain nombre de nouvelles du conteur russe, parmis lesquels "Toc Toc Too” at "Trois rencontres". Il n'est pas surprenant de rancontrer le nom de Tourgueneff associe au Fantastique chez Maupassant, pas plus qu'e Maupassant lui- meme: l'ecrivain russe etait un ami ds Flaubert st Maupassant le connaissait de longue data. On pourrait ds plus mentionner ici que l'une dss nouvelles ds Maupassant intitulee “La peur" presents une anecdote propremsnt fantastique dont Tourgueneff fut la protagonists.3 Dans la premiere partie de sa chronique, avant ds mentionner Tourgueneff, Maupassant decrit la situation actuslle du "surnaturel", salon lui element de bass du recit Fantastique, dans les consciences contemporaines. Pour Maupassant, les vingt annees qui precedent ont fait disparaitrs les dispositions de l'homme a croire a l'inconnu: l'incredulite generals regns st va croissants, due aux nouvelles decouvsrtes ds l'homme de l'ere industrielle; bientOt, l'univers excluera touts possibilite de mystere car l'intelligence humaine l'aura compris et assimile dans sa totalite. Maupassant predit donc la fin du Mysterieux, qui ne deviendrait que ds "l'inexplore": “Dans 33 vingt ans, 1a peur de l’irreel n'existera plus". Una dss consequences de cette affirmation est une deuxieme affirmation, tout aussi radicals: "De 1a va certainement resulter 1a fin de la litterature fantastique."“ Comma pour precissr immediatement 1e sens qu'il accords a la proposition "litterature fantastique", Maupassant trace un itineraire schematique ds son histoirs, allant du roman da chevalerie a Hoffmann; Lss_flillfi_§1_nnfi_nnita, les poemes heroiques, les contes de fees at ceux de Poe ns sont que la produit de certaines “dss periodes et des allurss bien diverses" que la litterature fantastique a traversees. 0n constats tout de suite que ces texts n'ont en commun que leur capacite, pour ns pas dire leur obligation, d'acceptsr dss evenements anti-naturals dans la narration; Maupassant n'etait bien evidement pas en masure ds tracer les frontieres entre la Fantastique st 1e Merveilleux, a supposer qu'il ait voulu ls faire, mais l'evolution qu'il retrace et les conclusions qu'il en tire sont de premiere importance, meme s'il s'arrete a mi-chemin, puisqu'il assimile differents types de narration a divers etats du seul genre fantastique. Pour Maupassant, 1e Fantastique a toujours pour but ds faire croire l'incroyable; la "crise" du Fantastique, a la suite de laquelle il predit la mort du genre, est donc 1e produit d'une societe ou les superstitions at les croyancss populaires ont ete etouffess par une connaissance plus vasts du monde, laissant entravoir une connaissance totals da cs qui nous entoure. Il etait 34 facile pour les anciens d'"enfanter l'epouvante" lorsque la connaissance du monde que pouvait avoir l'homme etait limitee at incertaine. Mais lorsque "ls doute eut penetre enfin dans les esprits" », il a fallu trouver autre chose, at l'artiste a do avoir rscours a dss artifices plus discrete, plus subtils at plus inattendus afin ds preserver "l'effet fantastique": il a fallu menagar la credulite du lecteur at l' ecrivain a "r8dé autour du surnaturel plutet que d'y penetrer", "trouve des effets tarribles an demeurant sur la limits du possible, an jstant les ames dans l'hesitation, dans "l'effarement." "Penetrer" dans 1s surnaturel serait ici entrer dans le Merveilleux: ss confronter directement a un univers different, sujet a des lois differentes at impliquent un univers de convention dissocie de la realite du lecteur. La derniera phrase de cette partie de la chronique strictemsnt consacree au Fantastique forms une conclusion a ces reflexions d'aspect theoriqua at me semble particulierement significative: "L'sxtraordinaire puissance terrifiants d'Hoffmann st d'Edgar Poe vient de cette Habilete savante, de cette facon parti- culiere da coudoyer la Fantastique at de troubler, avec des faits naturals oe rests cependant quelque chose d'inexplique at de presqu'impossible."° A la lumiere dss lignss qui precedent, cette conclusion , resume la position da Maupassant par rapport au Fantastique de son époque. “Coudoyer” ls Fantastique, c'est introduire dss qualites realistes dans une narration fantastique 35 generals, ou'pour ainsi dire msrveilleuse. Maupassant est conscient ds la difference entre les legendes du type des Nill§_£L_nn£_nnits.st les recite d'Hoffmann ou de Poe. 11 en results donc que la terrsur ou le doute produits par une litterature fantastique moderne doit trouver sa source dans la realite, mais una realite dans laquelle s'est glisse sans etre admis "quelque chose d'inexplique et de presque impossible." Nous pouvons retirer de cette chronique l'ssssncs de la narration que Maupassant qualifiait de fantastique au moment on 11 ecrivait. D'abord, le texte doit etrs "vraissmblable“: "raster sur la limits du possible", cela veut dire raster credible; le.lscteur n'est plus la dupe dss ruses traditionnelles at refusera d'accspter un texte narratif serieux sans une bonne dose de vraissmblance, on do pseudo-vraissmblance. Mais, toujours selon Maupassant, l'ecrivain doit presenter dss faits ambivalents: naturals st impossibles a la fois, st nous sommes ici tres proches de la fameuse theoris de l'hesitation de Todorov. Cette vraissmblance a pour double tachs aupres du lecteur de le convaincre d'une part de la credibilite du texte, en lui offrant un reflat plus ou moins fidels ds sa realite familiere, et de l'autrs de provoquer uns sensation de doute, voire de psur: grfice a la vraissmblance da son contexts, l'element irrationnel, "presque impossible" deviant a son tour vraissmblable at surprendra 1e lecteur d'autant plus qu'il rests a la fois impossible at present 36 sur fond de ‘realite familiere. La surprise que doit eprouvsr 1e lecteur, 1e doute at méme la peur que la narration fantastique doit provoquer semble stre pour Maupassant une dss caracteristiques du genre fantastique, at nous retrouvons cette ides dans maintes ds sss nouvelles fantastiques. Les deux recite intitules "La peur"° sont de ce point de vua fondamentaux, car ils presentant des anecdotes "fantastiques“ dans un contexts explicatif qui cherche a definir cette sensation provoquee par la phenomena irreductible aux lois physiques ds notre univers. Le narrateur de "La peur" da 1882 a traverse de nombraux perils physiques, s'affrontant a l'homme at a la nature; pourtant il nie avoir eu vraiment peur dans ces moments-1a: "Un homme energique n'a jamais paur an face du danger pressant. Il est emu, agite, anxisux; mais la peur, c'est autre chose."7 Et~ cette "autre chose“, 1e narrateur l'a eprouve a deux reprises, pendant lssquelles son integrite physique ns courait aucun danger: lors d'une traverses a cheval dss grandss dunes au Sud de Ouargla, dix ans plus tOt, en Afriqus at lors d'une marche dans une foret du nord-est de la France l'hivsr precedent. Dans la premiere anecdote, 1e narrateur a vu s'écrouler soudain son ami et compagnon de voyage, victims d'une insolation foudroyante, au moment meme on commencait e resonner ls mysterisux “tambour das' dunes". Ce son de tam-tam, que les habitants du pays interpretent comme un signe de mort, est attribue a l'echo amplifie par 37 les dunes d'une voles de grains de sable emportes par la vent st heurtant une touffa d'hsrbe seche. Le narrateur souligne 1e fait qu'il ne connaissait point l'explication rationnelle, qui de plus n'a jamais ete demontrée, de es phenomena lors de son aventure, et la coincidence entre l'irruption de ce tam-tam et l'agonie ds son ami, aussi tragiqus qu'inattendue, 1e plonge dans la tsrrsur de l'inconnu: il est en proie a une frayeur superstitisuss. Ainsi, 1e fantastique nait d'une simple synchronis d'evenements independents, mais qui fait perdre a l'homme ls contrOle de la realite: c'est lorsqu'ells lui echappe sans cesser d’etrs reelle que la. fantastique apparait. La dauxieme anecdote raconte comment, par une nuit d'hiver le narrateur at son guide, se rendant a un lieu ds chasse, passent la nuit dans la maison isoles d'un garde forestier. Lorsqu'ils rentrant dans la cabana, ls narrateur voit ls garde-forestier at sss fils armes jusqu'aux dents, pressantant uns menace inconnue. Ls pere explique la situation, que la guide avait deja resumes au narrateur d'un ton tranquille, avec une simplicite terrifiants: ”Voysz-vous, monsieur, j'ai tue un homme voile deux ans cette nuit. L'autrs annee, il est revsnu m'appelsr. Ja l'attends encore ce soir."° Les deux voyageurs rejoignant le groups at l'attente recommence. Soudain, 1e chien se met a hurlsr a la mort, detail contribuant d'autant plus a faire monter 1a tension 38 que, comme s'empresse da 1e rappalsr la garde forestier, l'animal etait present lorsqu'il a tue ls braconnier. Apres une heura, 1e garde forestier, exaspere jette son chien dehors, dans la cour, at soudain, alors qua chacun est e bout ds nerfs, une figure grimacante apparait a la vitre du judas; ls garde tire immediatsment at l'un de ses fils s'empresse ds boucher ls trou cause par la belle. Le rests ds la nuit ss passe dans une peur intense at enfin, a l'aube, on ouvre la ports et le cadavre du chien git devant l'entree: il s'etait glisse sous la palissade st essayait d'attirer l'attention de ses maitres, an collant son mussau a la vitre. Le narrateur conclut qu'il aimerait misux affronter de nouveau tous les dangers reels qu'il a courus plutOt que ce bref instant ou le fusil tira sur la gueuls tordue du chien colle au judas. Cette deuxieme anecdote est d'une intensite plus dramatique que la premiere, at c'est sans doute la raison pour laquelle slle clOt la nouvelle. A non avis, c'est une dss meilleures illustrations ds cette epouvante nee de l'irrationnel que nous retrouvons dans la plupart dss recits fantastiques de Maupassant: bien que les deux recits que je viens de mentionner ne soient pas a propremsnt parler fantastiques, mais etrangas, car ils admettent une explication rationnelle au phenomena hors du commun qui y est relate, ils sont une parfaite illustration ds cs type particulier de psur. Le protagonists ds l'aventure fantastique, la “victims“ du phenomena "presque impossible" eprouve pratiquement toujours uns intense 39 frayeur, qu'il soit narrateur independant, ou instance narrative dependants d'une premiers voix, ou meme personnags presente a la troisieme personns, comme dans "La main"’. En affet, le narrateur de es recit, jugs d'instruction rationnel st pose, no fut que la temoin indirect d'une aventure fantastique survenu a un Anglais proprietairs dss environs, qui mourut dans des circonstances particulierement obscures.' Le narrateur raconte les seuls elements qu'il connait au sujet de cette affairs mysterieuse lore d'une discussion de salon; luiememe n'a pas vraiment eprouve la "vraie" peur, si l'on exepte un cauchsmar qui vint ls hantsr trois mois apres la nuit ou l'Anglais fut assassine et dans lequel il a cru voir ramper une main coupes, qu'il avait vus snchainee dans la maison ds l'Anglais at dont on n'a pu retrouver la trace apres la mort de es dernier. Ce cauchsmar coincide etrangement avec la reapparition ds cette main, ls lsndemain, sur la tombs de l'Anglais. Ainsi, meme 1e narrateur a eprouve la psur. mais sa frayeur est nee d'un cauchsmar, at elle n'intsrvient pas directamsnt dans l'elaboration du Fantastique; an affet, seul la fait de retrouver la main momifiee ls lsndemain matin donne aux mauvais reves du narrateur uns signification fantastique, car ils representent alors un indice troublant, inexplicable da plus. La frayeur provoquee par ca cauchsmar est done .negligeable du point de vue da l'effet fantastique, mais par contre, il n'en va pas da meme pour le pauvrs insulaire, qui est mort avec uns expression de tsrreur intense sur la 4O visage: "Sa figure noire st gonfles, effrayante, semblait exprimsr uns epouvante abominable."1° Cette frayeur est done an generals presente dans l'univers du personnags, at elle doit l'etre egalement dens celui du lecteur; Pour cs faire, ca dernier doit reconneitre ls monds que lui presents ls narrateur, afin de comprendre les sensations eprouvees par la personnags, at d'une certains facon de les eprouvsr a son tour. Pour cela, la vraissmblance du texte doit favorissr 1e "communication" entre lecteur st personnags, sinon l'identification : il ns s'agit sans doute pas d'une peur intense an ce qui concerns le lecteur, mais plutOt d'un frisson d'incertitude produit par le texte. Pourtant, cette peur, meme si elle est d'une indeniable utilite pour etudier les caracteristiques ds la narration fantastique, n'est pas une constants absolue dens l'oeuvre fantastique de Maupassant d'une part, at de l'autre, apparait tres souvent dans des recits da type etrange, admettent une explication rationnelle depuis 1s moment meme ou l'element "hors du commun" est introduit dans la narration; ainsi, lagk__the Ripper ou LLansnasin__hahits_an__21 presentant bien uns psychose qui peu-e-peu s'empare de la collectivite, sans pour cela rentrer dens le domaine du fantastique. Au contraire, 1e heros de "La chevelurs" n'eprouve aucune peur tout au long de la narration; il est tombe amoureux de cette relique capillaire, at ne montre pas meme une grands surprise lorsque "la belle dame du temps passe" revient, seulemsnt un ravissement intense. Pourtant, ls narrateur 41 qui nous a presente 1e journal sent, lui, de l'"horreur" au contact de cette chevelure, at 1a lecteur referme le conte avec la meme impression que la narrateur. A la rigueur, ce conte pourrait ne pas sembler fantastique, car 11 us presente apres tout que ce qui pourrait etrs considére comme le delire d'un malade mental. Pourtant, la fin du recit nous laisse indecis, parce que la narrateur official, non seulemsnt sain d'esprit mais egalement ami du medecin alieniste, en quelque sorts doublement rationnel, a In la manuscrit du fou an meme temps que nous st finit par eprouvsr uns tentation inexplicable a la fin du conte, lorsqu'il demands a voir la chevelure: "Je fremis en sentant sur mes mains son touchar caressant st leger. Et restai le coeur battant ds degout at de degoflt comme au contact dss objets traines dans les crimes, d'envie devant 1a tentation d'un chose infame at mysterieuse."u Bien evidemment, le narrateur sent ici le meme desir que le pauvre amant enferme, at ca glissement de la personnalite du narrateur merits qu'on 1e souligne: c'est d'apres moi ce qui fait basculer soudain la narration du genre etrange dans le genre fantastique. Tant que l'auteur du journal que nous lisons an meme temps que la narrateur demeure isole, coupe du monde parce qu'enfsrme dens son obsession et dans un asile psychiatrique, la narration ne fait que rapporter un delire sans bases reelles autre que la folis de son heros, enonces implicitement des ls debut du texte, puisqu'il se 42 trouve a l'asile. Theme propremant fascinent que celui de la folis, qui avec le revs et la mort forms le domaine le plus impensable de la connaissance humaine, mais qui, apres tout, est inclus dans les limitss de la realite. Par contre, des que le narrateur official, an qui 1e lecteur ne peut s'empechsr d'avoir une certains confiencs puisqu'il s'oppose directement au fou, rejoint cs dernier dens sss sensations at sss desirs, c'est-e-dire rejoint celui en qui precisement on ne peut avoir confiencs, alors l'inacceptable rentrs brusquemsnt dens la realite acceptea; si la fou n'e pas eu pour, la narrateur official lui, eprouve de l"horreur" lorsqu'il touche la chevelure, st i1 doute, laissant entendrs qu'il comprend 1e fetishists, at qu'il s'en faudrait de peu pour que lui-meme ne sa laisse prendre au meme piege. Ainsi, la peur, apparaissent sous des formss divsrses, mais toujours causes par un element irrationnel, est pour Maupassant une caracteristique de la narration fantastique, at on peut an deduire que l'effet fantastique est proportionne a. la connaissance humaine ds l'univers: l'ignorance en favorise la presence et le savoir 1e detruit. Dans cs cas, la Fantastique serait dans la relation entre ce que le lecteur sait et accepts comme la realite st le texte, construit sur cette meme connaissance mais introduisant malgre tout, contraste sur un univers normal, un element qui, lui, est au-dsle ds 1a normalite. 11 en results une sensation de peur chez 1s protagonists at de 43 doute, sinon- egalement de frayeur, chez le lecteur; la realite qui lui est presentea est la sienna, augmentee d'un element echappent aux regles regissant cette meme realite. On ne saurait pourtant conclure que cette realite augmente d'une inconnus est uns nouvelle realite, un univers different ds celui du lecteur‘zz le recit fantastique est compose pour sa plus grands partie d'elements appartsnant a la "vraie" realite, at c'est ds cette representation "fidele" d'un univers familiar eu sein duquel est introduit un element inexplicable qua nait l’effet fantastique. Les remarquas qui precedent ne sont que les conclusions logiques de l'examen de la chronique ds Maupassant consacree au Fantastiquel'3 at da certains contes paraissant en suivre les lignss principales. Elles formeront la base de la definition temporairs du Fantastique qui servira de criters selectif pour la delimitation da man corpus d'etude. Comma on l'a vu, Maupassant distingua le genre fantastique du Merveilleux, mais on me saurait toutefois ls qualifier ds "Todorov avant la lettrs"; an affet, Maupassant ns fit pas la difference entre le Fantastique et l'Etrange, et selon sa conception du genre, l'issu de la narration imports peu: qus l'inconnu soit explique on non, les sensations que son apparition a produitas rastent ssmblables, at le texte a "codoye" 1e "Fantastique total", c'est-e-dire le Merveilleux, tout en rastent dans la realite. A non avis. st c'est sur cette lecture critique de la chronique de Maupassant que j'elaborsrai mon corpus: acceptant 1a 44 distinction que fait Maupassant entre le Fantastique at ls Merveilleux, j'ajoutsrai aux criteres selectifs la presence du surnaturel, afin de differencier 1e Fantastique de l'Etrange. Ainsi, sera considere fantastique tout recit réunissant les quatres elements suivants: I- La.nzédihilite: Le narration doit etre vraissmblable, et pour cela se situer dans un univers familiar. Le lecteur doit pouvoir y retrouver un code culturel qui fasse partie ds la realite qu'il accepts pour tells. Il faut "radar autour du surnaturel": menagsr ls lecteur pour souligner la "normalite" de l'univers presente dans la narration. II-La_nenr; Le protagonists de l'aventure fantastique, toujours selon Maupassant, eprouve de la frayeur quand il est confronte a l'evenement fantastique; ls lecteur lui, eprouve un doute. "La puissance terrifiants" propre au texts fantastique correspond a la creation de cette terreur at da cs doute, dens l'esprit du personnags comme dens celui du lecteur. On peut noter que cette caracteristique decouls immediatement da la premiere: sans vraissmblance, cette sensation n'existara pas. III- C . . 1' 'l I | :5 l' E l] de__lgis_natnnelles; le texte fantastique suppose d'amblee .que la lecteur partaga une meme vision de la realite avec l'auteur implicite; c'est uniquement dans cette masure que la narration fantastique remplira les deux conditions 45 precitess, credibilite at doute. Le lecteur na doit a aucun moment supposer l'existence d'une quelconque difference entre son univers at celui que la narration lui presente; i1 doit au contraire pouvoir accepter les faits qui lui sont presentea comme faisant partie d'une realite familiere, augmentee d'une inconnue, mais qui demeure cependant la sienna st cells do narrateur. IV— La___nnLaLiQn___izze!sLaihlai Lorsque l'aventure fantastique s'est achevee, un changement irremediable s'est produit dans la vie du personnags at dans la representation da 1e realite sur laquelle est fondee la narration. Bien souvent, si es n'est toujours, la recit fantastique est l'histoira de cette transformation, la combinaison arbitraire d'une serie de causes at d'affets contribuant a metamorphosar un aspect de la realite, ou du moins la perception que psut en avoir 1e personnags, .et a un degre moindre, cells qua peut an avoir ls lecteur. 0n constats que ce changement modifie la statut du personnags, ou plutOt ds la victims de l'aventure fantastique, qui souffre une devalorisation de sa personnalite at de son identite sociale; tel narrateur nous raconte son histoirs depuis l'asile psychiatrique on 11 se trouve enferme ( "Le Horla“, premiere version, "La chevelurs", "Qui sait ?") at done condemne par la rests de la societe, tel autre nous apprend qu'il se maria parce qu'il a peur d'etre seul, et bien qu'il n'accorde aucun credit a l'institution du mariage, sa 46 garantissant ainsi un avenir pour la moins complique ("Lui?"). tel autre personnags enfin ne trouvera de repit que dans une mort, certains ou suggeree ( "Le Horla“, deuxieme version", "La petite Roque"). La nouvelle "Un fou?" reunit meme ces trois aspects de changement radical introduit par l'elemsnt fantastique‘“. Lorsqu'on examine de pres les recits fantastiques de Maupassant, on s'apercoit bien vita que la denouement est en general negatif, st qu'il aboutit done a une destruction du personnags. Mais si effectivement ls protagonists de l'aventure fantastique est pour ainsi dire presque toujours perdant, i1 n'est pas toujours aneanti, st c'est d'ailleurs une particularite que la Fantastique semble partager avec l'Etrangs. ("Sur l'eau", "Le tic").*° Il n'en demeure pas moins que l'elemsnt fantastique cause une evolution dens l'etat du personnags, tant qu'il rests fantastique; lorsque 1e recit ne se situe pas dans un genre-limits mais bien dans la "Fantastique pur", la realite de l'univers narre a ete definitivement alteree, at 11 n'y aura pas ds "reveil" pseudo-realiste, venant reinstaurer une realite “normals". Des quatrs remarquas qui precedent, les deux premieres seulemsnt nous sont fournies par Maupassant explicitement; les deux dernieres en decoulent logiquement at donc participant egalement a l'elaboration de 1'"effet fantastique.” Ainsi, d'apres l'auteur que je me 'propose d'etudier, un recit fantastique est un texte representant une realite familiere au sein de laquelle se glisse un 47 element inexplicable, "prasqu'impossible." Le personnags eprouvsra une frayeur indicibla, causes par la presence de cet element dens son univers de tous les jours et sa vie s'en retrouvera pour toujours modifies. Muni ds ces parametres, js peux a present operer mon choix ds recits que j'appellerais "fantastiques" at qui formeront le corpus de mon analyse. A ce stade, ma definition n'est encore applicable qu'e cet auteur particulier, mais alls ms permettre de justifier mon corpus, at l'analyse approfondie de ce dernier devrait mettre a jour les caracteristiques essentialles de la narration fantastique, non plus celles que Maupassant avaient suggerees mais, d'eutrss plus complexes, at pouvant tout aussi bien s'eppliquar e Villiers de l'Ille-Adam qu’e Cortazar. 48 NOTES 1)- Francoise Rachmuhl, Wm. Paris: Hatier. 1983. 31. 2)- Guy de Maupassant, "Ls Fantastique". 3)- Guy de Maupassant, " La Peur". (Editions La 'Pleiade, II, 198). 4)- Guy de Maupassant, "Le Fantastique". 5)- Ibid 6)- "La Peur", publiee en 1882 at “La Peur", publiee en 1884. 7)- "La Peur”, La Pleiade, I, 600. 8)- Ibid, 604. 9)- "La main", La Pleiade, I, 116. 10)- Ibid, 1120. 11)- "La chevelure", La Pleiade, II, 113. 12)- "(...) Finally, widespread in narrative but particularly characteristic of the fantastic is a change from one world to another with different physical laws." Laurence H. Porter, “Redefining the Fantastic", p. 9. Je crois qu'il s'agirait 1a plutdt d'uns caracteristique du genre merveilleux, ou du recit ds science-fiction. L'univers de la narration fantastique est different dans la masure ou il admet un element inedit at hors dss lois physiques da l'univers que nous connaissons. Si l'evsnement hors-nature est la moteur de la narration, c'est par la surprise qu'il cause et les consequences de sa presence sur fond ds realite familiera; sa durea absolue - autant dans la texte que dans la chains nerree - n'est jamais superieure a 13)- 14)- 15) 49 cells dss elements "naturals" du texte. D'epres moi, 1s texte fantastique n'introduit pas le lecteur au sein d'un univers soumis a dss lois physiques differentes; bien au contraire, le phenomena fantastique prend appui sur uns connaissance de la realite que le lecteur partaga avec le protagonists. 0n consultera egalement “Adieu mysteres" (L£_§nnlnis, 8 Novembre 1881). Maupassant fait état de la disparition des croyancss; 1e progres a fait disparaitre la poesie ds l'inconnu. Maupassant se montre particulierement convaincant ainsi que pessimiste. On remarquera son expression de profond regret en maniere de conclusion a sa chronique. "Un Fou", La Pleiade, II, 308. Le narrateur nous raconte l'histoire de Jacques Parent, possede d’un pouvoir magnetique extraordinaire, mort dans un asile de fous, detruit per son terrible pouvoir qui lui a gete la vie. Notons que ces deux explications sont macabrss st peu vraissmblables, rastent dans le domaine de l'insolite. La mort, motif privilegie du genre, y est presente, sous la forme d'une fausse resurrection dens "La morte" at du cadavre qui a immobilise ls narrateur sur la riviera dens "Sur l'eau". D'eillsurs, cs corps de suicides est en lui-meme une enigma. 0n soulignera la presence materielle de la mort qui prive la personnags da sa liberte en lui faisant passer une nuit d'angoisss. Cl 'I III' 1' E | I' I II | La production fantastique de Maupassant s'etsnd tout au long de son oeuvre at j'en opererai le recsnsemsnt en classant les recits qui la composent par motifs plutOt qus par ordre chronologiqua; neanmoins, j'ai decide ds commencer par l‘examen du premier conte ds Maupassant qui parait obeir aux principes du genre, car i1 semble illustrer parfaitement sa propre conception du Fantastique, at ca d'une facon claire at explicite. En 1875, Maupassant, alors age da vingt-cinq ans, publia "Le Main d'ecorche" dens L'Almanach lorrain de Pont-e-Mousson ; il s'agit sans aucun doute d'un recit fantastique, puisque cs dernier correspond fidelement a la description que Maupassant suggers du genre fantastique, at reunit les parametres que j'ai choisi, pour selectionner mon corpus d'etuds. L'intrigue en est simple: un jeuna homme entre an possession d'une main momifiea, "affreuss, noire, sechs, tres longus st comme crispee"1, at la presents a sss amis comma ayant appartenue a un grand criminal, mort supplicie an 1736. 50 51 D'esprit farceur, il pend ce debris humain eu cordon de sa sonnette; vsrs minuit, on carillonne a sa ports. Attribuant 1e vacarms a quelqu'"imbecile", ls jeune homme se randort. Plus tard, oblige per son proprietairs a retirer cette "charogne" de l'entree, 11 la pend au cordon de sonnette ds son alcOve. La lsndemain, on le retrouve sans connaissance. les yeux dilates, semblant "regarder fixement avec uns indicible epouvante une chose horrible at inconnue"2; il ports au cou la marque de cinq doigts et la main dessechee a disparu. Plus tard, par la truchement d'un article ds journal, 1e narrateur, ami d'enfance de la victims, apprend que l'aventure s'est rsnouvelee. 11 vs visitsr son malheursux ami, devenu fou, a l'hospics, avant d'assister a son agonie. Lors de l'entarrsment, un cercueil apparait a l'endroit meme ou les fossoysurs creussnt sa tombs, contsnant les restes d'un homme qui sdt ls poignst tranche“. On constats immediatement que es recit possede bien tous les ingredients necessaires pour etre fantastique: la psur y est explicitement decrite, et la credibilite y est soigneusemsnt conserves, do per l'utilisation d'un narrateur-temoin, assez pres de l'action pour l'observer minutieusemant, assez distant ds cette derniera cependant, pour que son point do vus soit vraissmblable: en affet, 1e narrateur n’aurait aucune raison de mentir et sa situation dans le monds de la "normalite", du cOte dss medecins, vient rsnforcer 1a credibilite des faits qu'il nous rapporte. L'on se trouve confronte a un evenemsnt surnaturel, qui pourtant demeure 52 dens l'equivoque, puisqu'snfin psrsonne n'e vu la main se mouvoir d'elle-meme at encore moins accomplir son forfeit. Les deux dernieres caracteristiques du genre, toujours selon Maupassant, la connaissance implicite dss lois physiques de l'univers at la sans du definitif, sont egalement representes: nous savons que cette main ne “peut pas" agir de facon autonome, car nous acceptons implicitement l'univers de la narration comme une reproduction du netre; nous partagaons 1a surprise du narrateur at sss doutes car il possede 1a meme connaissance du monds. D'autrs part, le phenomena fantastique a provoque un changement radical dans la vie du protagonists: le farceur insouciant st buveur qui nous est presente au debut de l'histoire est devenu fou, event do mourir, reclu dens un asile, victims d'un phenomena inexplicable dont les suites se repercutent au dale ds la mort. Ce recit merits que l'on s'y attarde car 11 contient beaucoup d'elements significatifs, autant du point do vus structural que narratif, que nous retrouvons dens maints autres recits. Ainsi, on pourra sans aucun doute faire 1s rapprochement entre l'article de journal dens lequel la narrateur apprend l'agression de son ami st celui ou le protagonists du “Horla" apprend l'existence au Bresil d'un mal en tous points similaire a celui dont il est atteint; i1 ssmblsrait que le journal sn tent que colporteur du fait presume fantastique a son importance, non seulemsnt du point de vua de l'histoire, mais egalement comme representation ds l'autorite textuelle: le journal est une ecriture supposes 53 plus ou moins fidele a la realite puisque son but premier est d'informer, at sa signification principals est referencielle. Il pourrait s'agir de "l'indice", du detail tangible, caracteristique du conte fantastique (comme du roman policier), charniere entre l'autrs monde et la netre, la trace d'un contact, d'une rupture quelconque entre ces deux univers paralleles. Una nouvelle comme "Le Horle" est parsemee d' "indicas" qui ss multiplient jusqu'e semer la confusion dans la realite familiere du narrateur, depuis la rose suspendue an l'air jusqu'eux pages qui tournsnt toutes seules: la rose et les pages sont bien reells, mais non ls fait qu'ells puissant se mouvoir toutes seulss. Dans certains Ices, cet indice psut meme se transformer en fétiche, au 'sens fraudien du terms, comme dens “La Chavelure". Le motif du revsnant est frequemment utilise dans la conte fantastique: uns force se manifests depuis l'au—dele at l'univers dss morts deviant present an coeur ds la vie familiere. C'est la cas de “La Main d'ecorche" ainsi que ds "La Main", st egalement celui de "La Noye", recit dens lequel un marin disparu en mar revient hanter sa femme sous la forms d'un perroqust. A non avis, ce qui distingua ces "fantdmes" ds la tradition merveilleuss, c'est leur apparencs singuliere: nous sommes. loin ds la figure conventionnells de l'ams arrente, enveloppes dans son suaire et accompagnes de pesantes chaines; ls revsnant dans la fantastique se manifests d'une facon inattendus, n'offrant 54 au protagonists aucune possibilité d'interprétation, que ce soit sous l'engla de la raison ou sous celui de la superstition. On peut retrouver le motif du revsnant dens d'eutrss contes de Maupassant, mais il s'agit souvent de contes merveilleux plutOt que fantastiques; ainsi dens ”La morta", Maupassant raconte l'aventure d'un homme qui se perd dens la cimetisrs ou sa maitresss vient d'atre enterree at assists 5 une resurrection générale: cheque cadavre, sous forme de squelette, sort de son cercueil et grave sur sa pierre tombale une épitaphe réteblissant la verite sur oe qu'il fut da son vivant, l'un avard et cruel, l'autrs buveur at trompeur, at ainsi de suite. Bien entendu, on retrouve ls narrateur évanoui 1e lsndemain matin au bord d'une tombe, et c'est au lecteur de faire la pert entre une illusion macabre pouvant etre produite per le chagrin at celle de la possibilité d’une communication avec l'au-dela. Mais si cette derniera s'est effectivement produite, c'est selon les critares pré-établis de la croyance populaire; le contenu moraliseteur de ce conte est d'ailleurs particulierement explicite et le rapproche d'un conte de fees treditionnel. A noter qu'un recit peut atre macabre sans atre merveilleux ni fantastique, comme c'est la cas de "La Tombs", dont 1e motif du fiance voulant désenterrer se bien-aimée est similaire a celui du conte precedent; pourtant dens celui- - Oi, l'amant désaspéré ne trouvera qu'un cadavre pourrissant 9t Pour 1e moins repugnant: "Sa figure était bleue, bouffie, éPOU‘?antable! Un liquids noir avait coulé de se bouche."4 55 Comme on peut le constater, st contrairemsnt a le situation presentea dens “Le Horte", ls protagonists de “La Tombs" ne trouve dens 1e cimetiere que ce qu'il doit trouver selon les lois de la réelité: un corps en decomposition at non pas une ermée de squelettes en mouvement. Le dsuxieme motif principal du Fantastique semble etre celui de la possession, motif d'ailleurs derive du premier: une "presence" est sentie, un etre d'une nature différente de le nOtre eppareit dans la vie familiere. Le nouvelle le plus exempleire traitant de ce motif est bien sur "Le Horle", dens sss deux etats, mais on Is retrouve egalement dens une nouvelle antérieure, "Lettre d'un fou"; sous une forms épistoleire, un homme relate le celebre episode du miroir, qui sera rspris st traits plus terd de facon presqu'identique dens les deux versions du "Horla": cet homme devant son miroir n'e pu epercevoir son raflet, ebsorbée d'une certains maniere par la creature qui s'est introduite dens sa demeure. La lettrs, adressée a un medecin at demandent conseil, se situe bien dens une realite que nous conneissons et l'effet fantastique est d'autant plus reussi que le destinetaire implicite de ces lettrs, d'esprit scientifiqus comme l'implique sa profession, en partege avec nous la lecture: il apporte en quelque sorte du poids aux revelations surprenantas du narrateur, qui prouve sa "sincérité" an edressent un discours aussi peu credible a un representant de l'esprit scientifiqus. Bien qu'également centres sur la motif de la 56 possession, la nouvelle event pour titre "Conte de Noél" ne semble pas étre fantastique : une paysan trouve un oeuf sur la route, 1e rapporte chez lui et le donne a manger a sa femme, qui entre aussitOt dens des convulsions effroyables, hurlent: "j'l'ai dens 1e corps ! J'l'ai dans le corps"° La crise se résoud finalement de facon tres chrétienne, dans l'église du village, a grand renfort de priéres at d'ostensoir. Ce qui separe cette nouvelle d'un conte merveilleux classique tel que "Le légende du Hont St Michel", c'est la forme sous laquelle les faits nous sont présentés: un médecin de cempegne, faisant sevoir a l'auditoire event name Is début de son histoirs qu'il “ne croit guere a rien"°, nous narre 1e "Conte de Noal" et son impuissance a donner une explication quelconque aux phénoménes auxquals il a assisté rend ces derniers encore plus crédiblas; il ne s'agit bien évidement pas de la rhétorique exaltée d'un précheur mais eu contraire du discours posé d'un esprit rationnel; pourtant, force nous est d'interpréter l'aventure dens le code religieux, at i1 ne s'agit dans ce cas que d'une "possession” traditionnelle, probablement ourdie per le Diebla, dont la solution est un exorcisme typique; c'est la raison pour laquelle, oe "Conte de Noel" n'est pas fantastique, bien qu'il ne soit pas an apparencs purement merveilleux: certains elements, tels que l'esprit sceptique du docteur Bonnenfant, le narrateur, qui affirms ne croire an rien, introduisent une note insolite dans la dimension msrveilleuse. Ce n'est plus una legends, 57 se presentant- comme tells, mais une histoirs merveilleuse racontee par un esprit scientifiqus comme étant réellement arrives; cs n'est pas encore uns narration fantastique, car elle offre une explication conventionnells dans un code surnaturel répertorié, celui de la religion. Pourtant cs n'est pas la transcription pure et simple d'une legends, tells que cells de Saint-Michel et du Diable qui, se placant dss le titre dans une code culturel exclusivement religieux, admet d'entrée l'existence de Dieu et du Dieble; d'ailleurs, "Le légende du Mont St Michel" echappe a pretiquement tous les parametres du Fantastique selon Maupassant: le vraissmblance n'y est point recherches, et l'on y trouve aucune trace de peur ni de doute; et si l'on se base sur une connaissance commune de l'univers, c’est sur cells que peut nous apporter 1e cetéchisme plutOt que l'observation de la réelité de tous les jours. Per contre, le “Conte de Nosl“ est un conte merveilleux plus subtils, plus realiste, qui sens stre fantastique, inclut déja des elements du texte fantastique. L'un dss contes les plus importants qui semble traiter le motif de le possession d'une facon indirecte est ”Qui sait", recit relatant l'apperition d'une force inconnue qui possede tout d'abord l'avoir du protagonists et va ensuite jusqu'a troublsr son existence entiere: on pourrait dire que le protagonists est en affet possede per la force qui l'a dépouillé de ses biens dens le masure ou cette derniers non seulemsnt se joue de lui avec une facilité deconcertente 58 mais finit egalement par menacer son bien etre physique at sa sante morale. Bien sar, on psut egalement dire que ce sont ses msubles plutOt que lui-meme qui sont possédés, mais d'eutre part, il faut considérer le presence de ce petit individu insolite, propriétaire samble-t-il de la boutique de Rouen dens laquelle reapperaissent mystérieussment les msubles du narrateur: il ssmblsrait bien qu'il s'egisse la du responsable du cambriolage fentOme, ou du moins de quelqu’un qui en seit plus long que les autres quant a co phenomena inexplicable. De plus, c'est bien de ce personnags qu'a psur le narrateur, at, encore plus effrayé per la réepparition chez lui de ses msubles voles, c'est pour le fuir qu'il demands son propre internement dens un asile psychiatrique. De la a interpreter ca petit bonhomme chauve comme 1e représentent d'un pouvoir inconnu qui a d'une certains facon possédé le narrateur, il n'y a qu'un pas et bien entendu, c'est au lecteur de le faire, car la texte ne nous donnera d'eutrss pistes: nous sommes de ce point de vue 1a dans la meme situation que le protagonists et nous n'evons d'eutrss indices que ceux qu'il possede. Il ve de soi que nous devons relier l'antiquaire enigmatique au phenomena inexplicable, mais cette relation demeure problémetique; 1s texte est équivoque st presente bien les caractéristiques d'un recit fantastique. Il parait tout a fait justifie de ranger "Le Chavelure“ aux cOtés du recit que je viens d'évoquer, bien que le motif en differs quelque peu: il s'agit la d'une presence 59 inexplicable, ’que l'on pourrait qualifier ds fentOme du temps passe at qui fait son apparition dans la vie bien ordonnee du narrateur. Il pourrait meme s'agir d'une possession, qui differs cependant da cells représentée per exemple dans "Le Horla“, car la protagonists de "La Chevalurs" est consentant: il a meme desire cette presence qui pen a peu détruire sa vie jusqu'e la confiner dans un asile psychiatrique. Ce récit peut etra interprets comme le simple delire d'un monomenee, mais a travers la personnalite du narrateur, une partie de es delire se glisse dans le réalité "normals": je l'ai mentionne plus haut, il s'en feut ds peu pour que le narrateur, au contact de la chevelure, n'éprouvs les memes sensations qui ont condemns 1e personnags principal a la reclusion. Cette reaction corrobore pour ainsi dire 1e bien fondé de le perception du "fou", sens pour cela l'inclure dens une vision "normals“ de la realite. L'indice d'un monde inconnu, non compris dans les limitss de la reticnnalite, psut dono etre percu par chacun d'entre nous, si l'on en jugs per la sensation a la fois d'attreit et de repulsion qu'éprouve 1e narrateur: lui aussi pourrait, sans doute, s'il 1e voulait, se laisser posseder par le "spectre" de cette belle femme du temps passe. Ainsi, cette presence fantastique, 1a fascination que dégage 1e contact de la chevelure, s'introduit dens 1a .réelita st parvient a seuvegarder son aspect fantastique: elle n'est pas le produit de l'imagination d'un malade mental mais une veritable force, suceptible d'etre eprouve 60 par un individu sein d'esprit, qui compte un medecin parmi ses relations. Il est vrai qu'a cet égard, on pourrait dire que les aliénés n'ont rien a lui envier; mais il est evident que la relation entre le medecin at 1e patient, surtout dens le domaine de le maladie mentale , differs radicalement de celle que le doctsur pourrait avoir avec un ami, qu'il treite d'égal a égal, at a qui il montre un "ces curieux", la situant donc d'emblee a ses cotés dans la normelité. Un motif particulier dss contes fantastiques de Maupassant est celui que je qualifierai de scientifiqus, celui sur lequel repose per exemple la seance d'hypnotisme a laquelle se soumet 1e cousins du narrateur du “Horla“ dens la deuxieme version. Au dix-neuvieme siecle, de nombreuses experiences sont tentées dens des domaines peu connus, a la limits des sciences occultes, qui pessionneient 1e public d'alors.7 Ainsi, sous le nom de "magnétisme" se regroupe différentes propriétés, pouvoirs ou forces encore ignores des livres de médecine, tels que l'hypnotisme, la telekinésis, ou la telepathie. C'est sens aucun doute un motif privilégie du Fantastique, qui, tout en presentant dss faits dont l'explication nous echappe, nous force a les accepter dans le cadre de la realite, d'une realite encore incertaine, incluant une certains dose d'inconnu. Le conte “Un fou?" illustre eu misux l'utilisation de ce motif: Jacques Parent, emi du narrateur, at venant de deceder dens une maison de senté eu moment on l'histoire commence, s'est 61 livré un soir d'orege a des experiences terrifiantes, en presence du narrateur; apres avoir fait bouger dss objets a distance, il a hypnotisé la chienne du narrateur at l'a soumise a sa volonte. Tous les parametres du Fantastique selon Maupassant sont présants dans ce texte: la realite de tous les jours et la terreur de l'inconnu sont représentées par le narrateur, qui eprouve a la vua de ce spectacle les memes sensations que nous éprouverions dans une situation analogue, ainsi que la notion du definitif: Jacques Parent na se défere jamais ds ce pouvoir effrayant qui lui coutera la raison et la vie. Afin de bien saisir les qualites fantastiques de cette nouvelle, on pourrait la mettre en parallels avec le recit "Hegnétisme", dens lequel quelques amis, epres un diner da gercon, se mettant a raconter dss incidents event a voir avec le magnetisme. L'un d'eux se refuse a prendre de telles histoires eu sérisux, et conte deux anecdotes, qui semblant étrs nés de forces magnetiques, mais qui en realite ont une explication rationnelle; la premiere relate la mort d'un marin, prévue a l'evence per son fils qui se réveille en plains nuit, orient que son pere s'est perdu en mer. L'incident, qui a premiere vue pourrait paraitre inexplicable, deviant parfaitement logique lorsqu'on apprend qu'il ne se passe pas une semeine que l'un des gamins de ce village de pecheurs ns fasss un rave semblabls. Le deuxiéme incident pourrait sembler plus problémetique: le narrateur compte une jeune mondeine parmi sas relations, a laquelle il n'a jamais vraiment fait 62 attention; pourtant, une nuit il revs qu'il la seduit, at ca rave se renouvellera jusqu'e ce que le narrateur seduise cette personne dens 1a realite. Ce dernier recit de premonition pourrait sembler fantastique, si l'on accepts d'entree de jeu d'oublier toutes les notions que nous pourrions avoir de l'inconscient, an tent que lecteurs du vingtieme siecle. Mais lorsqu'on tents d'y retrouver les elements de definition du Fantastique que nous avons acceptes jusqu’ici, on s'apercoit bien vite de leur absence: a aucun moment les personnags du recit n'eprouvent la frayeur de l'inconnu: la seule peur qui nous est presentea est cells dss familles de merins vivant sur la cOte, psur malheureusement neturells et qui ne repose pas, bien au contraire, sur un phenomena inexplicable, hors des lois de notre univers, mais plutOt sur l'expérience commune d'une structure economique at sooiale bien specifique. Cette nouvelle n'est donc pas fantastique et s'oppose d'une certains maniere a l'anterisure: alors que "Un Fou?" presente une serie d'evenements inexplicables d'une facon volonteirement ~inquietante, "Hegnétisme" s'evertue en quelque sorts a demystifier l'effet fantastique, a an nier l'existence, en la reduisent a une simple apparencs, bases sur une connaissance insuffisente de la realite. C'est donc proceder de facon conforms a non interpretation de la conception du Fantastique de Maupassant que d'accepter la premiere nouvelle dens mon corpus et de rejeter la deuxieme. Les deux nouvelles appelees "La Peur", datant 63 respectivement de 1882 et de 1884, si utiles a l'éteblissement de mon corpus, ne peuvent pourtant pas s'inclure au sein de ce dernier; je les ai citees dans le but d’établir une definition fonctionnelle du Fantastique, car elles me semblant presenter dss elements typiquas de la narration fantastique: indéniablsment, toutes deux presentant la psur ds l'inconnu sur fond de ireelite familiere, cs qui paut les faire paraitre realistes, at elles servant d'exemple pour definir la vraie psur. Pourtant, on y trouve l'explication de cheque phenomena insolite qui s'y trouve raconte, ce qui nous situe dans le domaine de l'Etrange, puisqu'il n'y a pas de surnaturel. _Si le mecanisme de la terreur de l'inconnu est bien expose, 1e solution finale nous remene cependant a la realite de tous les jours: en fait, rien ne s'est passe de bien extraordinaire, at si le texte nous fournit ds bons examples de cette terreur produite par l'inconnu, qui est semble-t-il un dss traits distinctifs du Fantastique, il n'en demeure pas moins dens les limitss de la realite et ns produit pas le doute dens l'esprit du lecteur. Ces deux nouvelles, paradoxelemsnt utiles a la definition de 1'"effet fantastique" selon Maupassant, ne peuvent donc pas figurer dans le corpus de contes fantastiques da Maupassant. Enfin, 1e dernier conte qui ms semble appartenir a as corpus ss situe a mi-chemin entre la Fantastique et un genre voisin, celui de l'Etrangs: il s'agit de "La Petite Roque". Ls motif da cette nouvelle est encore une fois celui du 64 revsnant: la meire d'une petite commune viola et assassine la fills d'une pauvre paysanna du village; respectable proprietairs, i1 trompe la police at son crime demeure impuni, jusqu'a le-nuit 05 i1 apercoit pour la premiere fois par la fenetre la fantOme de la fillette qu'il a assassinea: Alors i1 approcha son visage du carreau, se disant qu'un pacheur d'ecrevisses braconnait -sans doute dens La Brindille, car i1 etait minuit passes at cette luaur rampait sur l'eau, sous la futaie.(..) at brusquemsnt, cette luaur devint clarte, et il apperout la petite Roqus nua et sanglante sur la mousse.a Cette vision persistera jusqu'a ce que Renerdet, le meurtriar, decide de se suicider, afin d'y echapper. D'aprés moi, cette nouvelle est avant tout etrange: elle relate l'histoire d'un crime at ses consequences, et l'on pourrait de es point de vus 1e la mettre en parallels avec un roman tel que Ihenéan_flngnin; la culpabilite d'un meurtre pervertit les sens at la raison des coupables, et deviant la veritable fentOme de la victims. Pourtant, d'eutre part, "La Petite Roque" obeit parfaitement au shema type de la nouvelle fantastique: 1a psur du personnags est la moteur de l’action, at cette psur est motives par un phenomena echappent a la realite. Tout au long de la narration, Renardet, 1a meurtriar, est convaincu qu'il ne souffre que d'une hallucination, mais d'un autre cote, cette "simple" at unique hallucination aura le pouvoir de le tuer, epres lui avoir fait perdrs son eutorite face a l'un des plus modestes des fonctionnaires de sa commune”. 65 On constats donc dans cette nouvelle bon nombre d'elemants typiques da la narration fantastique salon Haupassant; sans oublier toutefois son aspect binairs de narration qui d'un cOte porte en soi son explication psychiatrique at de l’autrs reproduit notre realite augmentée d'un element irrationnel, je l'admettrai dens mon corpus, a titre de texte limits, se situant a la frontiers du genre fantastique at de l'Etrange. On pourrait opposer "La Petite Roque" a la nouvelle intitules "Le Nuit", dont la sous-titre est "Ceuchemar”, et qui est la recit fidele d'une vision etrange, parfaitement acceptable cependant comma faisant partie ds notre realite dans la code onirique. Dans les deux ces, 1a vision s'instaure dens l'univers familiar, at ce qui paraisseit "normal" deviant pen a peu inconnu, particulierement dans le cas de "La nuit": un homme se proméne dens Paris ls soir, et finit per se ssntir exceptionnellement isole; de l'avenue dss Champs-Elysees aux Halles, la narrateur assists 5 une desertification de Paris, en ne rencontrant que des individus de moins en moins definis: d'abord une file de merchands ds primeures se rendent aux Halles, dont la presence n'est revelee que par des voitures chargees de legumes at deux sargents de ville, dont l'uniforme contribue deja a effecer l'identite; ensuite, aprés s'etre heurte a un ivrogne qui disperait aussitOt, 1e narrateur hele un fiacre qui ne daigne pas s'arreter. Ses deux dernieres rencontres sont celles d'une prostituéa‘D at d'un chiffonier a qui il demands l'heure at 66 qui, ne possedant pas de montre, ns psut le lui donner. Lorsque le marcheur arrive enfin aux halles, celles-oi sont: ~vides, immobiles, abandonnees, mortes ! Una epouvante me saisit, - horrible. Qua se passait-il, oh! mon Dieu! que se passait-il ? 11 Le temps lui-meme s'est desintégre, car aucun clocher ne sonne l'heure at la montre du narrateur finit par s'arreter. Il finit par échouer sur les queis de la Seine, ou s'acheve son periple sur une note particulierement insolite: ”[le Seine] elle coulait...elle coulait... froide...froids...froide...presque gslee... presque tarie...presque morts. Et je sentais bien que je n'aureis plus la force de remonter... at que j'allais mourir 1e... moi aussi, de faim - de fatigue - at de froid.“12 La psur du narrateur est causes par une perversion progressive de la realite, de touts la realite, at non pas d'une partie seulemsnt, comme dans la cas de “La petite Roque", at chacun seit que l'univers dss revas n'obéit pas aux lois de la vie familiere; de plus, les dernieres phrases du texte, citees plus haut pourreiant bien etre interpretees comme la conclusion d'un revs: la narrateur a eu l'impression qu'il allait mourir, qu'il "n'aurait plus la force de remonter“; il ne s'agit bien entendu que d'une impression, sinon, qui pourrait narrer l'aventure 2 Il est vrai que le domaine onirique est l'un dss aspects les plus irretionnels de la realite, mais il y est inclus, at "La 67 nuit. Cauchemar“ sa situe ainsi dans le genre de l'Etrange, puisqu'il ne presente aucun element surnaturel. On peut observer par contra a quel point l'elemsnt irrationnel et sas consequences sont males 3 la realite dens "La Petite Roque", et nous sommes bien 1a en presence d'un phenomena surnaturel, et non pas d'un revs. Que l'explication de le vision ds Renardet soit psychiatrique ? cela est possible, mais cela rests a démontrer: le texte laisse quand meme une petite pert eu doute at c'est pour cette raison que je l'admets dens mon corpus. Voici donc d'apres moi l'ensemble de l'oeuvre fantastique de Maupassant; les quelques motifs evoques m'ayant aide a diriger ma classification ne sont que les principaux car il ne s'egissait ici que de justifier mon corpus, et la progression par motifs m'a semble a la fois la plus claira et la plus apte a exprimsr una premiere reflexion sur le fantastique. Afin d'approfondir cette reflexion, i1 me faut a present examiner les diverses categories ds modalites narratives employees dens les contes et nouvelles que j'ai acceptees dens mon corpus: leur rOle est en affet primordial dens l'apparition de l'effet fantastique. Je procederai toutefois auparavant, at an guise de conclusion, a une rapids revision dss titres que j'ai retenus afin de poursuivre ma recherche. Contes fantastiques de Maupassant: "La Main d'ecorche"; "Lettre d'un fou"; “Le Main"; "Le Noyé“; “Un Fou?“; Les deux versions ds “Le Horle“; Qui 68 sait?"; "La ’Chevelure" at "La Petite Roque"; Ces deux dernier titres sont dss cas incertains: le premier ne releve psut-etrs que de la psychopathologia, at ssuls les derniers paragraphes du manuscrit du fou introduisent un element surnaturel, qui, se repercutent dens la realite a travers 1e personne du narrateur fait mériter a as conte le quelificatif de fantastique. Le second presente une situation irrationnelle que les obsessions hellucinetoires at conventionnelles de la culpabilite pourraisnt expliquer. Cependant, ces deux textss demeurant équivoques et je les admets dens mon corpus a titre de textss-limitss: nous n'evons finalement aucune preuve definitive, ni .de surnaturel ni ds maladie mentale, at c’est cette ambiguite qui ms permets de les qualifier de fantastiques. 1)- 2)- 3)- 4)- 5)- 6)- 7)- 8)- 9)- 10)- 69 NOTES Guy de Maupassant. "La main d'écorché", La pléiads, Vol 1, p. 3. Ibid, p. 5. Ibid, p. 7. Guy de Maupassant. "La tombe". La Pleiede, Vol 11, p. 216. Guy de Maupassant. “Conte de Noel". La Pleiade, Vol 1, p. 692. Ibid, p. 689. Maupassant lui-meme, s'etant moque tout d'abord de ces pratiques para-scientifiquss, elle par la suite assister aux experiences du doctsur Charcot, a la Salapétriére. "La petite Roque“. Vol 11, p. 642. Ibid, p. 648-647. La scene finale, precedent 1e suicide de Renardet, dens lequel on voit ce dernier se trainer aux pieds du fecteur dens 1e but de recuperer 1e confession écrite qu'il vient ds poster est d'ailleurs heutement symbolique: lui, 1e maire, se voit oblige de supplier l'un dss plus simples fonctionnaires de la commune. Rien ne nous livrs explicitement la condition sociale de cette femme, si cs n’est l'heure indus, ainsi que la phrase avec laquelle elle aborde le narrateur: “Monsieur, écoutez donc." 0n ss souvient de LLAssnanir, lorsque Gervaise, en dernier recours, sa trouve reduite e la prostitution; ces mots seront un leitmotiv tout au long de sa quete douloureuss, jusqu'a sa rencontrs avec le forgsron, Goujet. (cf: Emile Zola. L_Assannnir, Paris: La Livre de Poche, 1963, p. 471 at suivantes). 70 11)- “La nuit“. Vol 11, p. 948. 12)‘ Idem) p.949. Cl 'I 1K' 1 I J'IE I' L'une des premieres constatations que l'on puisse faire, dés que l'on se penche sur les modalites narratives dss contes fantastiques ds Maupassant, c'est que les recits a la premiere personne ebondent; je n'ai releve que deux ces de narration hetero-diegetique pure, dens lequel 1a premiere personne n'appareit a aucun moment, at encore s'agit-i1 dens l'un dss deux de "La petite Roque", nouvelle qui, comme nous l'evons vu, n'est pas typiquement fantastique. Il faut done an deduire que la presence d'un "je" narrateur est particulierement importants dans ce type de narration, et que son etude nous apportera des elements non negligeables, preparent la voie pour l'analyse des personneges at des intrigues: 1e “je” narrateur se revelera souvent comme 1e personnags principal de le narration, et il faut donc commencer par examiner les differentes formss sous lssquelles 11 se manifests; il n'y a pas qu'un seul genre de narration e 1e premiere personne, fonctionnent toujours de la meme facon, mais plusieurs, et il faut avant tout les 71 72 distinguer entre aux avant d'analyser leurs implications. Le premier type de narration est celui que j'appellerai "1e temoignage": 1e narrateur, ami ou connaissance du protagonists de l'aventure fantastique rapporte une histoirs ds laquelle il a été l'observeteur exterieur. En general, il n'e pas assiste eu phenomena inexplicable; il n'est donc qu'un témoin dss consequences de l'aventure fantastique, at n'y participe pas directement: c'est la cas de textss tels que "La Main" on "Un Fou?". Le deuxieme type est celui de "la confession", c'est a dire de l'exposition de l'aventure fantastique per son protagonists; dans ce cas, le narrateur initial disparait, apres avoir presente 1a situation ainsi que les parsonnages principaux, pour laisser la place a une narration axes sur la point de vua de celui qui a vecu le Fantastique ("Le Horla, premiere version, "La Chevalurs"). Cette modalite est une narration encadree puisque le discours narratif se trouve situe a l'interieur d'un autre cadre narratif, plus large, at assume par un narrateur different de celui qui ouvrira st fermere 1a nouvelle. Enfin, nous trouvons 1e narration directs: ici l'action est narree per le personnags vivant le Fantastique, sans mediations (deuxieme version du "Horla", "Lettre d'un fou".) Le premier et le troisieme type de narration sont relies entre eux par le dsuxieme, qui constitue un genre intermediaire entre le point de vue le plus distant, celui du temoignage, at la plus rapproche, celui de la narration direct du "Je". 73 Je ne peux me resoudre a hiérarchissr ces trois types de narration; peut—étre 1e troisiéme serait-11 la plus caracteristique du Fantastique, puisqu'on 1e retrouve dens dsuxieme version du “Horla”, qui est bien, apres tout, la nouvelle fantastique la plus connue de Maupassant, at pour ainsi dire la plus classique. On pourrait meme croire, an comparant les deux versions, que Maupassant introduisit 1a narration directs dans la seconds, sous forme de journal, pour misux reussir a instaurer un affet fantastique, et que se nouvelle n'en fut que plus reussie puisqu'elle est demeuree la plus celebrs. Mais cela serait oublier que les elements de base du "Horla" se trouvant deja dens "Lettre d'un fou", et que cette narration est faits e 1e premiere personne, tout comme celle de la deuxieme version du "Horla", sens autre narrateur que celui qui vecut l'action; donc, un meme sujet fut traite trois fois, la premiere sous forme de narration directs, la deuxieme sous forme de narration encadree, et la troisieme de nouveau a la premiere personne. On constats l'"hesitation" du choix formal de le part de l'ecrivain, at cela m'incite a accorder une importance egele a chacun de ces differents types de narration; 11 me serait difficile de dire lequel est la plus caracteristique du Fantastique, ou lequel contribue le plus a produira l'effet fantastique. Cfsst bien entendu le dernier choix de l'auteur qui fait autorite, mais i1 n'y a dens la cas dss contes fantastiques da Maupassant que peu de variations: ces types de narration partagent toutes la 74 presence d'un "je" narrateur. Tous trois fonctionnent pourtant de facons quelque peu differentes et c’est per leur analyse successive plutOt que par une comparaison hierarchisanta que j'arriverai a saisir pleinement les implications de leur utilisation. L'ordre dens lequel je les etudierai est celui dens lequel js les ai presentes, allant du point de vua le plus eloigne du phenomena fantastique jusqu'au plus proche de ca dernier. Le "témoignege" est donc la forme ds narration ou la voix narrative se trouve la plus distances de l'aventure fantastique; dens "La main d'ecorche", 1e narrateur n'assiste qu'a quelques episodes eparpilles des demeles de son ami avec la main possedea: il est present lorsque ce dernier l'exhibe pour la premiere fois, ainsi que le lsndemain ds se premiers aggression. Ensuite, 11 se trouve separé du protagonists de l'aventure fantastique, n'apprsnant la suite de l'histoire qu' incidemmant, a travers un article de journal. Lorsqu'il sa remet en contact avec son ami, l'aventure propremsnt fantastique est terminee, at i1 ne fait qu'en observer les consequences. Ainsi, le narrateur se borne a constater les faits qu'il ne peut expliquer, at ne se trouve jamais confronte directement au Fantastique, a l'sxception de la scene de l'enterrament dens laquelle il voit 1e squeletts au poignet tranche, st . qui presents un aspect fantastique uniquement parce qu'eutant ls lecteur que la narrateur l'interprétent d'apres les faits inexplicables qui ont deja au lieu. La narrateur 75 n'est jamais- menace per le phenomena inexplicable, et n'eprouve pas lui-meme 1a terreur de l'inconnu, se contentant de la transcrire. La nouvelle "La Main" est centres sur le mans motif at son narrateur est comparable a celui de "La Hain d'ecorche", bien qu'il s'agisse d'un recit mattant en scene des personnes plus agees, dans un contexts different. Le jugs d'instruction qui raconte l'histoire ne fait que constatar ls resultat d'un phenomena dont l'explication lui echappe, st tout comme le narrateur de la nouvelle precedents, il n'est jamais directement concernee par ca phenomena: l'anglais Rowell est le seul a subir 1e pouvoir meléfique de la main. Je crois que ce type de narration aide e accentuer la vraissmblance du recit, condition d'existence du fantastique. D'une part, 11 permet de suggerer l'evenement surnaturel, plutOt que ds la presenter explicitement, st donc de le laisser sans reponse definitive. A non avis, cela contribue a creer ls doute chez le lecteur: on aura plus de facilites a rejeter ouvertement un phenomena anti- naturel s'il nous est decrit directsment, que 51 ca meme phenomena nous est suggere dans le doute que le narrateur partaga avec le lecteur, laissant ainsi plus de place e l'incertitude. D' autre part, 1e narrateur temoin se présants souvent comme incredula, et donc la verite de l'histoire qu'il raconte deviant d'autant plus credible que lui-meme refuse d'abord de croire a une quelconque explication relevant du surnaturel ; dens "Le Main", le 76 narrateur se‘ montre persuade de la possibilite d'une explication rationnelle a son histoirs, ou du moins deplore 1e fait qu'il ne peut en trouver aucune: ' N'allez pas croire, au moins, que j'ai pu meme un instant, supposer an cette aventure quelque chose de sur- humain. Je ne crois qu'aux causes normeles."1 Et e la fin de la nouvelle, comme une invites lui demands son avis sur la solution du mystere, la jugs repond: "Js pense tout simplement que le legitime proprietairs de la main n'etait pas mort, st qu'il est venu 1a chercher avec cells qui lui res- tait."2 Bien sflr, cela n'explique pas pourquoi l'Anglais gardeit cette main enchainee au mur, ni comment 1a crime s'est perpetre, puisqu'eucune ports, aucune fenetre n'a ete forces et que les deux chiens ne se sont pas reveilles. De meme la conclusion du jugs n'epporta aucune explication a la conduits de Rowell, qui, selon les domestiques, depuis un mois parlait tout seul, crevachait avec violence la main accrochee au mur at gardeit toujours dss armes a la portee de la sienna. Une dss convives semble d'ailleurs bien exprimsr la reaction du lecteur lorsque 1e jugs a fini son histoirs: " Non, ca ne doit pas etre ainsi." A mon avis, as type particulier de personnags narrateur souligne la pretendue veracite de l'aventure surnaturelle, et contribue a la metamorphosar en aventure fantastique; si 77 1e narrateur, 'incredule de nature at sceptique par profession, sa trouve reduit a considerer 1e fait non- naturel comme etent reellement arrive, at ne peut trouver d'explication entierement satisfaisanta, alors 1e lecteur, aussi mefiant qu'il puisse etra, sa verra dens l'obligation de douter, plutfit que de rejeter d'emblee 1e recit fantastique. D'une certains maniere, l'utilisation d'un tel narrateur permet a l'auteur da placer son recit dens 1a realite de tous les jours, an utilisent un representant digne de foi d'apres les canons de la société. Heme si la jeune homme, ami du protagonists de l'aventure fantastique dens "La Main d'ecorche", n'est ni jurists ni medecin, et s'il ne pretend pas des 1e debut de la narration ne croire a autre chose que la realite, i1 fait preuve par ailleurs d'un sens dss responsabilites assez commun an s'occupant de l'enterrement de son ami, at ca souci nous plonge aux sein dss activites les plus materialistes de la vie quotidienne, comme ' peuvent l'etre les formalites sociales at administratives qu'entraine la mort d'un individu, et qui n'ont rien e voir avec le chagrin ou le regret de ses proches. En glissent un narrateur eloigne du phenomena fantastique et non directement concerne par ses consequences, l'auteur implicite, ou scripteur, accentue 1e réalisme de sa narration; 1e narrateur est en affet sein d'esprit, sa raison et son intelligence se trouvant au niveau de celles des medecins, quand il ne fait pas partie lui-meme du corps medical, st donc ls lecteur subit son 78 autorité plus aisément, d'autant plus qu'il peut a tout moment contraster la situation anormale de la victims du phenomena irrationnel et cella normals, et meme prosaique de celui qui nous rapporte les faits. Cele equivaut a renforcer l'autorite textualle par le biais d'une modalite narrative particuliere, at 11 faut voir 1e l'une des principales consequences du "temoignage", sinon la plus significative: l'equilibre entre l'impossibilite de l'elemsnt fantastique et la vraissmblance de son intrusion dans la realite se trouve remarquablement servi par l'emploi d'une voix narrative soi-disant credible at acceptee comme tells d'apres les criteres sociaux. On peut tracer de nombreuses analogies entre la modalite narrative que je viens de decrire et la narration encadree; toutes deux introduisent uns voix narrative etrangere a l'action fantastique, st cette derniers presente les memes particularites dans les deux ces: elle introduit l'action at les acteurs, et se range parmi les personnes reputees "normales". Cependent la narration encedree e pour caracteristique d'introduire une deuxieme voix narrative, calla du protagonists de l'aventure fantastique, qui nous offre sa vision du phenomena irrationnel, et qui nous decrit ses sensations. Ainsi, les deux nouvelles ”La Chevalurs” et la premiere version du "Horla" nous sont contees directement par les victimes du fait inexplicable, du fond de l'hopitel psychiatrique dens lequel leur rencontrs avec la Fantastique les a précipités. Le medecin qui, dens "La Chevalurs“ 79 montre 1e malade au narrateur, n'hesite pas a lui confier un cehier dens lequel est racontee, de la main meme de l'interne, l'aventure fantastique. On psut souligner au passage que le degre de familiarite dans les relations entre le doctsur et le narrateur initial joue 1e meme r61e que dans la forme de narration precedents: par opposition, on insists sur la fait que ce narrateur est tout a fait sein d'esprit, plus sein d'esprit meme que la moyenna, si j'ose dire, etant donne qu’il est sur un pied d'egalite avec celui qui soigne la raison, le medecin, et qu'il a donc la force d'affronter ls spectacle at l'etude de la dereison. Dans la premiere version du ”Horla", 1a voix narretrice qui debuts la nouvelle est cells de l'auteur omniscient, at donc n'epparait pas parmi les personnages; mais l'action commence par la reunion de quelques savants st medecins, qui, a la demands du doctsur Marrende, sont venus examiner un "ces curieux". On a donc soin, avant de cedar 1e parole a un fou, d'insister sur le fait que ceux qui s'appretent a l'ecouter ne 1e sont pas, bien au contraire. Avec cette modelite narrative, 1e point de vus per rapport e l'aventure fantastique change radicalement: loin d'etre irremedieblement dissociee de l'action, la voix narrative qui nous raconte 1e motif fantastique est au centre mama de l'intrigue. Autant dens "La Chevalurs" que dens "Le Horla" de 1886, la protagonists de l'aventure fantastique s'exprims d'une facon claira et coherente. Il s'agit 1a bien entendu d'une 80 necessite esthetique, mais enfin cela revels bien d'eutre part un certain degre d'instruction chez le narrateur, considere "dement". Celui de "La Chevalurs" relate par ecrit sa rencontrs avec le vestige humain duquel il est tombe amoureux, at nous lisons son histoirs en mama temps que la voix narrative initials, qui s'efface alors totalement pour laisser 1a place a la seconds; celui du “Horla“ nerre son aventure oralemant au groups do scientifiquss convoque par Harrande, at le lecteur occupe alors sa place au milieu d'eux, car, tout comme le lecteur de "La Chevalurs" participe a la meme lecture que fait le narrateur initial, celui du "Horla“ apprend l'histoire du malheursux bourgeois de Biesserd en meme temps que ces savants, heutement qualifies st dignes de confiencs. Dans les deux cas, la discours de la victims du phenomena fantastique s'avere assez convaincant pour creer le doute, at ca doute est d'autant plus present qua d'eutrss lecteurs ou auditeurs directs de l'aventure fantastique le partagent avec nous. Dans ces deux nouvelles, l'eutorite textualle est maintsnue, malgre que la voix narrative principals soit cells d'un aliene, car il suffit que des savants acceptant d'ecouter ou de lire ce discours, at d'avouer leur incertitude, pour la justifier. On remarque d'ailleurs que la conclusion de ces deux contes represente l'intrusion du doute chez le narrateur, pour ce qui est de "La chevelure", et chez Harrande pour ce qui est du "Horla". Le narrateur de "La Chevalurs" sent une emotion inexplicable lorsqu'il 81 touche le relique capillaire, at semble comprendre soudain la tentation a laquelle e succombe le fou: 11 sent l'indicibla at doute ds l'existence d' "autre chose". D'une semblable maniere, Harrande, a la fin du recit de son client, conclut, de concert avec la voix narrative omnisciente qui reapparait en meme temps que lui: Le doctsur Harrande ss leva et murmura:"(...) Je ne sais si cet homme est fou on Si nous ls sommes tous deux..., ou si... si notre successeur est reellement arrive.3 Une tells reaction justifie le doute dens l'esprit du lecteur; tout comme ls fait de confondre le position du lecteur avec calla d'une entite fictive representent la raison et la santé mentale incite ce dernier a accepter de suivre le recit d'un fou, les derniers mots du texte, precisement places dans la bouche d'un savant, semblant autoriser 1e lecteur a accepter le phenomena irrationnel, at donc a le rendre fantastique: si un scientifiqus, aussi habitue aux manifestations du derangement cerebral que psut l'etre un_ medecin alieniste‘, accepts d'enviseger la possibilite d'un phenomena impossible, alors le lecteur a son tour devra eprouvsr un doute similaire, car toutes les objections que sa logique pourrait apporter sont baleyees par la presence, au sein de le narration, d'un sceptique per definition qui n'ose pas refuter l'ensemble du recit qui lui est soumis. La narration encadree introduit donc deux points de vue narratifs differents, qui pourraisnt sembler 82 opposes, se situant, l'un dans la normalité, l'autrs dens l'anormelite, mais qui en fait se rejoignant dens l'elaboration de l'effet fantastique. A noter que toutes les voix narratives rslatent l'evenement fantastique presentees de cette maniere n'appertiennent pas toujours e des malades mentaux. Le presence d'une voix narrative encedrant le recit fantastique permet d'instaurer une distance utile a le credibilite de la narration; si l'une des caracteristiques du Fantastique est le sentiment du definitif, alors il fut en deduire que le protagonists de l'aventure a change, at qu'il s'est ecarte un tent soit peu da 1e realite “normals“. L'insertion d'une autre voix narrative permet de contre-balancer cet eloignement de la normalite, en nous offrant un point de repere, une presence fictive dens laquelle nous pouvons nous reconnaitre et qui pour ainsi dire nous accompagne tout eu long de notre lecture; an affet, la premiere voix narrative, englobant la deuxieme, apprend en meme temps les faits composent l'aventure fantastique, et parler d'une identification probable du lecteur au premier narrateur ne semble pas deplece. Enfin, 1e troisieme type d’instance narrative est le "je", unique narrateur at protagonists de l'aventure fantastique; a as type appartiennent quelques uns des contes fantastiques les plus connus de Maupassant comme la deuxieme version du "Horla", et "Qui seit ?". Cette modelite pose evidement la question de la credibilite du 83 point de vue narratif; car enfin, si, comme nous l'evons vu, la vraissmblance de le narration, ou du moins la ressemblance de la realite representee avec notre realite, est sssentielle d'apres Maupassant a la creation de l'effet fantastique, comment dans ce cas accepter comme etent vrai l'incroyable recit qu'un individu isole nous fait a la premiere personne ? D'autant plus qua dens certains ces, 1e narrateur nous raconte son histoirs depuis une clinique psychiatrique ("Qui seit ?“) ou aux frontieres de la mort ("Le Horla“), at donc dans une situation qui, quand arrive la fin du texte, ne devrait pas laisser ls lecteur dans le doute, bien au contraire: on psut d'ailleurs ici citer. e l'appui l'article de Ropers-Huillemier et celui de Ross Chambers”. Ainsi, cela equivaudreit a dire que la plupart ds ces textss appartiennent en realite au genre de l'etrange car ils ne font que decrire un phenomena repertorie sous le nom de “folis", et d'une facon tellement claira et coherente qu'on pourrait meme voir 1e une etude physio-psychologique de type naturalists. A non avis, autant le personnags narrateur de "Qui seit?" que celui du "Horla" echappent e une categorisation definitive dens le domaine de la maladie mentale: leur point de vue demeure credible melgre tout, at les faits qu'ils rapportent reussissent a nous faire douter. Dans les deux cas, la presentation du texte merits que l'on s'y errete, oar elle contribue grandemsnt a rapprocher la voix narratrice du lecteur at a lui faire considerer la realite dens laquelle se situe la narration comme 84 vraissmblable, et donc son protagonists comme une personne dont la perception de la realite est acceptable. "Le Horla" nous est conte sous forme de journal, at 1a presence des dates renforce l'espect realists du texte: ce dernier ports sa propre justification dens se forms. De plus, 1e lecteur participe a l'action au fur at a masure qu'ells se deroule, at donc accepts depuis le debut ls point de vue de la narration en acceptant de suivre l'histoire. Et si la lecteur assists 5 l'efferement du narrateur, ainsi qu'e son desequilibre progressif, son premier contact avec le texte ns l'incite pas moins a fairs confiencs e as dernier, qui fait preuve au debut d'une parfaite santé mentale. Ce qui precede souleve une fois ds plus la question de la folis du narrateur dens “Le Horla"; sans pretendre trancher sur la question, je rappellerai toutefois que le proprietairs paranoIaque ds Biesserd n'est pas le seul affecte par la presence de la creature invisible d'une part, car son cocher an souffrire egalement dans la deuxieme version, ainsi que ses voisins dans la premiere, at de l'autre, que le narrateur, parfaitement normal lorsque debuts ls texte, analyse son propre état avec la meme lucidite et la meme precision qu'un medecin pourrait le faire, prevenant ainsi la mefiance du lecteur; le protagonists de l'aventure fantastique se jugs lui—meme et considere la possibilite de sa folis: Js me demands si je suis fou. (...) J'en ai vu dss fous; j'en 85 ai connu qui restaient intelli- gents, lucides,clairvoyants mama sur toutes les choses da la vie, sauf sur un point.“ Le narrateur conclut cet examen personnel en envisageant la possibilite d'etre atteint d'un mal mental qui ls transforms en un "hallucine" raisonnant. Il fait donc preuve de sincerite, et ses constantes reflexions essayent de rationnaliser la phenomena fantastique et allant jusqu'e questionner sa santé cerebrale la rendsnt comparable au lecteur: i1 donne l'impression de chercher honnetament l'explication d'un element defiant les lois ds l'univers, st ne semble avoir aucune raison de mentir. 11 so pose an fait les memes questions que le lecteur, st semble donc partager une meme perception de l'univers: 1a presence d'une creature invisible est pour lui aussi inacceptabls que pour le lecteur. D'une facon semblable, 1e narrateur de "Qui seit" commence par insister sur le fait qu'il va ecrirs son aventure: “Hon Dieu! Hon Dieu! Je vais donc ecrirs enfin cs qui m'est arrive :"7 et l'on psut souligner le souci d'auto-referentialite de ses deux textss: ils justifient tous deux d'entree leur existence, "Le Horla" de par l'utilisation du journal, "Qui seit ?", de per la declaration initials du narrateur. Immediatement, ce dernier s'interroge, tout comme le narrateur du "Horla“, sur sa santé mentale, et, toujours de facon similaire au narrateur du "Horla", il n'ose pas conclure: "Qui sait?". Il reconnait la possibilite d'une hallucination, melgre que 86 d'eutrss personnes, parmi lssquelles dss representants de la police, soient les temoins de l'existence d'un cambriolage fantastique, at ca faisant rejoint le lecteur lorsque celui- ci eprouve une defiance bien naturells. Dans les autres nouvelles nerrees de cette maniere, le point de vua qui nous est propose s'avere vraissmblable, car 1e narrateur ss trouve dans un etat comparable au n6tre, at non pas dens un asile de fous. La narration a la premiere personne a l’aventags de nous rapprocher du narrateur et de nous faire suivre 1e recit fantastique d'aussi pres que le personnags principal lui-meme; les emotions qu'il eprouve sont decrites au fur at a masure qu'elles se manifestent, et le lecteur n'a donc pas de possibilite ds recul: il est donc d'autant plus susceptible de sentir l'effet fantastique, qui lui est rapporte par celui qui l'a vecu, et sans autre intermediaire que l'ecritura. On psut d'ailleurs parlsr ici de l'“intimite" qu' une narration a la premiers personne instaure entre le texts at le lecteur, et qui donc semble plus apte a faire eprouvsr l'effet fantastique: l'absence de touts "sur-entite" narrative, tel que l'auteur omniscient ou le narrateur initial, favorise l'apparition du doute, en rendant plus direct le contact du lecteur et de l'elemsnt irrationnel. Les trois modalites dss contes fantastiques de Maupassant presentant donc des caracteristiques similaires, qu'il convient ici de recapituler brievement: tout d'abord la narration s'effectua a la premiere personne dens 87 pratiquement tous les ces, comme si le texte fantastique tendait 1 ss situer plus pres du lecteur, a le faire entrer immediatement dens son univers, avec la moins de mediations possible; la narrateur omniscient, quand il exists ne fait que presenter les circonstances, en general una conversation plus ou moins mondeine ("La Main"), et ces circonstances prouvent par leur nombrs limite et leur caractere répétitif qu'elles n'ont pas de valeur individuelle; elles formereit plutOt un pretexte, permettant d'introduire la narration d'un evenemsnt fantastique dans un contexts aussi commun et quotidien que celui de la conversation. Ensuite, toutes les instances narratives preservent d'une facon ou d'une autre leur credibilite, soit an refusent ouvertsment de croire a la possibilite d'un phenomena surnaturel ("La Main“), soit en es maintenant dens l'incertitude par rapport au Fantastique ("Le Horla", "La Chevalurs"), soit encore en situant la phenomena irrationnel dens un etet a mi-chemin entre ‘le revs et la realite . Enfin, on constats que chacune de ces modalites narratives accentue la vraissmblance de la narration, a travers l'emploi de certains parametres, tel que la respectabilite sociale ou la puissance du savoir, et tend a maintenir l'autorite textualle. Cas differents types de narration mettent donc l'accent sur certaines qualites du narrateur de l'histoire fantastique, et revels l'importance du point de vue dans l'apparition du fantastique: leur description, si elle s'avere pertinente, represente donc deja un pas vars une 88 typologie general dss elements propres au genre fantastique. Etent donne que les instances narratives sont dans la plupart dss ces dss personnages romanesques, an contact plus ou moins direct avec le fantastique, i1 faut a present les etudier, pour tenter de tracer 1e portrait du heros typique du conte fantastique selon Maupassant. 88 NOTES 1)- Haupassent, Guy de. "La main". La Pleiade, Vol I, p.117. 2)- Ibid, p. 1122. 3)- Maupassant. “Le Horla". Vol I, p. 830. 4)- Marrande, "le plus renome et le plus audacieux" dss medecins de son temps fait bien evidemmsnt penser e Charcot, dont les experience e la Salpetriere pessionneient ls public de son temps. Charcot est precisement celui qui prend au serisux la possibilite de phenomenes encore inexplicables. A noter qu'il s'agit ici d'experiences, st que nous dsmeurons dens le domaine de l'incertain: ces phenomenes ne sont pas explicables, leur existence meme est miss an doute per certains, at ca motif presente bien tous les aspects du fantastique. Tent que la recherche durere, l'effet fantastique se maintiendra; lorsque le phenomena irrationnel possedera son explication scientifiqus, aussi insolite soit-elle, il cessera d'etre fantastique. Harrande autant que Charcot semblant se mouvoir, non pas dens l'inexplore, mais plutOt dens l'inexplorable. 5)- Marie-Claire Ropers-Huillemier. "La lettrs brulea (ecri- ture et folis dens 'Le Horla') ds: Le__natnnelisne; W [30 juin - 10 juillet]. Paris: Union generals d'edition, 1978. Ross Chambers. "La lecture comme hantise: 'Spirite' at 'Le Horla'". Within: 177, 1980. 105—117. 6)-Haupassant, Guy da. "Le Horla". Vol 11, p. 927. 7)-Haupasssant, Guy de. "Qui seit ?". Vol 11, p. 1225. Lorsqu'on observe de pres les personnagss dss recits fantastiques de Maupassant, on psut distinguer plusieurs points communs: la plupart sont males, a l'imags de leur auteur, seuls, riches, ou du moins aises, de caracters trenquille et d'esprit rationnel. Ces conditions sociales et personnelles me semblant servir l'effet fantastique; non seulemsnt la vraissmblance de ces vies tranquilles at bourgeoisss saute aux yeux, mais on observe egalement que le contrasts s'operant entre ces qualite realistes du personnags ainsi que de son environnement st l'elemsnt irrationnel favorise 1e doute at 1e desarroi dens l'esprit du lecteur, suppose, lui, totalement rationnel. Il faut donc examiner les personnagss des trois modalites narratives denombrees et tenter de tracer un schema du protagonists fantastique—type, non seulemsnt comme participant a l'action, mais egalement comme partie integranta du Fantastique. J’ai choisi trois facons d’analyser les personnagss, 90 91 trois parametres me semblant particulierement significatifs quant a la narration fantastique, ou mane quant a la narration tout court: j'examinerai successivement les personnagss sous l'angle social, psychologique et culturel, apres quelques reflexions preliminaires qui m'aideront a degager les generalites. Tout d'abord, l'acteur principal est generalement male; je n'ai releve qu'un personnags feminin au centre d'une narration fantastique, il s'agit de la femme du marin- pecheur, protagonists de "La Noye", at encore son aventure est-elle racontea objectivement, sous l'engle d'une narration e la troisieme personne. Dans l'univers quelque peu phallocrete de Maupassant, les femmes auraient tendance a etra associees avec la superstition, 1a convention, c'est a dire avec le Herveilleux plutOt que le Fantastique. On remarque egalement souvent une grands difference entre le personnags principal de l'aventure fantastique at les personnagss secondaires; alors que le premier est etudie en profondeur, les seconds apparaissent a peine. C'est donc le plus souvent l'histoire d'un individu seulemsnt et son isolsmsnt permet de concentrer l'ettention du lecteur sur son histoirs. Les contes fantastiques de Maupassant offrent un nombrs relativement reduit de personnagss; ces derniers se limitent generalement aux temoins necessaires e l'action. On observe aussi qu'un certain nombrs dss ' acteurs principaux du fantastique n'ont pas de nom (cf: "Lui ?", "La Chevalurs“, "Le Horla“, "Qui seit?" parmis d'eutrss). On ne 82 pourrait aller jusqu'e dire qu'ils n'ont pas d'identite, mais plutOt que ce souci d'anonymat reflete un besoin ds laisser cette derniera dans la vague; il s'agit d'un hypothetique "Monsieur tout le monde”, qualite nous suggerant que l'aventure fantastique est susceptible d'arriver a tout un chacun. Le nom du protagonists n'e pas d'importance car as n'est pas un etre d'exception, en dehors de la normalite, au-dessus de la moyenne, bien au contraire. Afin d'allsr plus loin, i1 faut a present appliquer les parametres precites. Socialement, tous les acteurs du fantastiques se ressemblent un tant soit peu; economiquement, la plupart jouissent d'une relative aisance: autant le protagonists ds "La Chevalurs" que celui de "Qui seit ?" sont dss collectionneurs d'art, grands amateur d'objsts rare at de bibelotsl, et donc vivant dans un certain luxe, non pas un faste de grand seignsur, plutOt un solids luxe bourgeois, raffine sans etra exagere; encore une fois, appartenant a une bonne moyenne, mais une moyenne seulemsnt. On psut voir de meme que l'Anglais Rowell ("la Main") est proprietairs d'une villa, lui aussi ayant un domestique a son service. Le ssul exemple da protagonists d'une aventure fantastique appartenant a une classe sociale modsste est celui de la femme du marin-pechsur, dens "Le Noye" malgre que l'aventure nous soit rapportee e la troisieme personne at qu'ells suppose donc la presence d'un scripteur invisible. Quand les personnagss principaux ne sont pas des 93 proprietaires. bourgeois at rentiers, ils font partie dss classes sociales superieures, qu'ils soient etudiants ou jeunes hommes de bonne families (”La Main d'ecorche”), ou membrss des professions liberales ("La Main"). En regle generals, le protagonists du recit fantastique n'est pas des plus faibles au sein de la societe, at l'effet fantastique se manifests d'autant plus que la protagonists est sujet a la terreur, bien qua disposant dss forces que lui donne se place et son importance au sein de la collectivite; le Fantastique parait tout-puissant pour balaysr ds la sorts un individu privilegie et protege par la societe: le fait que le personnags ait l'argent at 1a reconnaissance sociale psur lui ne ls fera pas echapper au Fantastique. Un tel personnags permet donc e la fois de renforcer ls caractere ineluctable du phenomena fantastique, ainsi que son pouvoir illimite de perversion de la realite. On retrouve l'isolement du personnags principal du conte fantastique au niveau familial; la plus souvent, l'acteur du Fantastique n'e pas de famille, il vit seul ("La Chevalurs", "La Main d'ecorche", "1a Main", Qui seit"). La solitude est une des caracteristiques du personnags fantastique, non seulemsnt au niveau familial, mais egalement au niveau amical; 1e protagonists de la deuxieme version du "Horla“ se rend bien en viSita chez sa cousins, a Paris, mais, de la meme facon que le narrateur de "Qui seit?“ voyage pour oublier son spectre cambrioleur, celui du "Horla" ne 1s fait que pour fuir la presence de la creature 94 fantastique; cs n'est qu'une solution provisoire, at qui d'ailleurs ne fait qu'eloignar le texte de la description fantastique pendant un court instant, sans toutefois l'oublier, mais plutOt la mettent entre parentheses. Il ssmblsrait que le Fantastique ne peut existsr que dans la perception d'une ou deux personnes a la fois, rarement plus. On a bien_dans "Le Horla" de 1887 une seance d'hypnotisme se deroulant chez le cousins du narrateur, a Paris, at a laquelle assistant plusieurs personnes, mais elle ns sert qu'e renforcer la distorsion de la realite, qui de familiere deviant inconnue, sans perdrs pour autant les qualites qui la randent familiere a nos yeux; en affet, l'hypnotiseur est un medecin, 1e doctsur Parentz, at l'on pourrait apres tout mettre la seria de phenomenas etonnants auxquals assistant les convives sur la compte ds reactions psychologiques explicablas bien qu'encore mal connuss. Cat episode est bref, et a non avis, il sert surtout a renforcer 1e desarroi du narrateur et de plus souligner l'ignorance ds l'homme quant e ce qui l'entoure, comme pour apporter une parcelle de vraissmblance a la creature fantastique: si l'hypnotisme est troublant mais bien reel, alors, pourquoi le Horla na le serait-i1 pas ? Il faut noter que cette solitude du narrateur, inherente e sa condition de personnags fantastique, ne fare qu'augmenter au fur et a ' masure que se developpe la recit: de par l'incredulite dss autres, la difference entre celui qui a vecu la Fantastique at ceux qui l'entourent ve croitra jusqu'e dissociar 95 totalement ce dernier de la société. Dans certains ces, cette difference fondamentale est ennoncee d'entrea lorsque la narration sa situe depuis un asile psychiatrique. La solitude de l'acteur fantastique n'est pas seulemsnt sociale, elle semble etra une constants dans le caracters ds ca dernier: i1 n'aime pas la fouls, 11 la meprise presque, et ne croit pas a la valeur des relations humainas; cela est prouve implicitement per son comportament, at parfois explicitement, dans son discours meme; ainsi, se trouvant a Paris un 14 juillet, ls narrateur de la deuxiems version du “Horla" jugs sss contemporains sans indulgence: Le peuple est un troupeau imbecile, tantOt stupidement patient at tentbt ferocamant revolte. On lui dit: 'emuse-toi.’ I1 s'amusa. On lui dit: 'Va ta battre avec la voisin.’ Il va se battre. On lui dit: 'vote pour l'empsreur.’ I1 vote pour l'empsreur. Puis, on lui dit: 'Vote pour la repu- blique.’ Et il vote pour le republique.3 La narrateur de "Qui seit ?" a le meme mepris envers les hommes, bien qu'il l'exprime da facon plus masuree: J'ai toujours ete un solitaire, un reveur, una sorts da philosophe isole et bienveillant, (...) Je ne refuse pas de voir le monde, de causer avec des amis, mais lorsque je les sens depuis longtemps pres de moi, meme les plus familiere, ils me lassent, me fatiguent, m'enervent, st j'eprouve une envie grandissante, harcalante, de les voir partir ou de m'en allsr, d'etre ssul.“ Lorsque 1e goat pour la solitude du personnags participant 96 au fantastique n'est pas dens ses paroles, il est dans ses actss et ses preferences: le narrateur da ”La Chevalurs“, passionne d'objsts d'art, est bien plus intaresse par les vieillerias que par les personnes vivantes; son regard est tourne vars 1e passé°, at donc il ne vit pas totalement an accord avec son milieu. Loin d'étre pourtant presentea comme propics au Fantastique, cette solitude s'avere bien souvent etre une tranquilite bien bourgeoise, et la dauxieme trait psychologique majaur du heros de l'aventure fantastique est son temperament paisibls, peu sujet e l'exaltation pessionnee on name hystériqua°. Les premieres lignss du "Horla" de 1887 nous presente la narrateur goOtant le charms paisible des bords de la seine, entre Paris at Rouen, en bon proprietairs profitant de ses rantes. C'est un homme attache e sa terre at a sea racines, et la contraire d'un esprit aventureux. On retrouve ca trait de caractere dans le personnags de "Qui seit ?" at de "La Chavelure". at bien qu‘il soit a mon avis fondamental, il ne s'applique pas a tous les personnagss; en affet, cette tranquilite d'esprit ve da pairs avec un certain age, une certains maturite, at l'on ne s'attendra pas a la retrouver chez les personnagss plus jeunes, tel que celui da "La Main d'ecorche". Malgre tout, si cette tranquilite implique que l'on ne doute pas de la vie, qu'on lui fait pour ainsi dire confiencs, alors l'esprit espiegle at risque-tout dont font preuve les personnagss plus jeunes en serait l'equivalant. a uns generation de difference: on se permet de pandrs une main 97 dessechee au cordon de sa sonnette lorsqu'on n'e point peur dss revsnants. Que cs soit par une tranquilite bourgeoise ou par des tours d'etudiants, 1e caractere du personnags implique dens l'aventure fantastique se revels solidement ancre dans la realite, at una realite qui, par ses exces ou par sa masure, n'admat a priori aucun element pouvant echapper aux lois physiques de l'univers. Enfin la derniera particularite importants du caractera propre au protagonists de l'aventure fantastique est l'esprit rationnel dont il pretend faire preuve lorsque s'il se trouve confronte au phenomena inexplicable; que cette retionnalite ne soit que la preuve du fonctionnement malsain de son esprit derange, cela Iraste encore a demontrar. A non avis, les experiences precises auxquelles se livrs le narrateur des deux versions du Horla’, ainsi que la remiss an question constants qu'il fait de se raison, ont tendance a prouver qu'il n'accepte pas cette presence fantastique parce qu'ells ne fait pas partie de le realite qu'il partaga avec le lecteur, at qu'il est incapable de considerer l'inexplicable comme pouvant existsr dans le cadre de cette realite. Les heros de l'aventure fantastique formulent tres souvent dss hypotheses plausibles pour tenter ds retionnaliser la phenomena fantastique; 1e folis est sans doute la plus repandue des explications avancees par le narrateur, autant dans une narration condenses talle qua "Lettre d'un fou" que dans des recits plus developpes tels que "Le Horle“ ou "Qui sait?". Le heros se croit 98 generalement 1a victimes passagere d'un état mental anormal at non-evolutif, provoquant l'hallucination: il est donc convaincu de l'inexistence material du phenomena fantastique. Cette attitude rationnelle change an fur at a masure qua l'elemsnt fantastique deviant partie integranta de l'univers du narrateur, pour laisser la place‘ a das sentiments inoontrOlables, an general la psur ou la colere; ainsi, la proprietairs paisible st bourgeois du debut de la deuxieme version du "Horla" deviant une brute incendiaire, allant jusqu'e oublier 1a presence de ses domestiques at lss brfllant vivants, lors d'une ultims tentative pour _se defairs de la creature qui l'obsede. Helgre tout, cette retionnalite qui sa pervertire au fil de la narration n'en demeure pas moins l'une dss qualites principales du protagonists initialement presente au lecteur, at ca premier contact determine la lecture, dans le sens ou nous reconnaissons 1a realite dans un discours que nous acceptons, etent tenu par un "ja" a priori digne de confiencs. Enfin, du point da vue culturel, le heros-type du conte fantastique presente deux niveaux de connaissance differents, selon les ces: l'un bourgeois, l'autrs profassionnel; autant le narrateur du "Horla" que celui de "Qui seit ?" ou de "La Chevalurs“ na sont en affet que dss rentiers, tandis que "La Hein" nous est relate par un jurists. Dans les deux ces, cette connaissance est incluse 99 dans la realite: les divers medecins apparaissent a travers les recits fantastiques peuvent sembler plus instruits que la bourgeois de "La Chevalurs”, mais leur science est fondee sur l'experimentation, at an aucun ces n'echeppe e une solids perception dss lois les plus elementaires. L'epistemologie du protagonists de l'aventure fantastique est definis d'entree: i1 fait partie da 1a realite at c'est avec les' parametres de la realite qu'il considere ls phenomena inexplicable. On constats pourtant dens certains ces une certains ambiguite dans le sevoir du narrateur, une opposition entre ce qu'il seit at ca qu'il a conscience d'ignorar; ainsi, la narrateur de "La Chevalurs“ est bien un bourgeois, menant una vie confortable st presque luxususe' mais en meme temps sa fascination pour le passe, qui en partie motive sa passion de collectionneur, a 'tendance e l'ecarter da la norms. Helgre la fait que son personnags soit parfaitement vraissmblable, son discours nous indique des le debut qu'il se dissocie da son epoque, avant mama que n'apparaisse le phenomena fantastique, at qu'il sent l'attirance quelque peu malsaine des belles dames du temps passe: Je suis possede par le desir des femmes d'autrefois; j'aims, ds loin, toutes celles qui ont eime ! - L'his- toire dss tendresses passees m'emplit le coeur de rsgrets.’ ' D'un point de vua formal, cette "metonymie debris" on anticipation sert a etablir la coherence de la trams narree, at sert donc una necessite esthetiqus. En affet, Is not 100 “possede", de par sa force, semble anticiper l'apparition de la chevelure qui "possédera" effectivement 1e narrateur. De meme, apres avoir declare qu'il n'a jamais connu l'amour, 1e protagonists avoue pourtant avoir pleure des nuits entieres an songeant aux belles mortes qu'il ne rencontrara jamais. On an conclut donc que sss reflexions s'eloignent de la vie quotidienne, at on psut souligner la recherche historique qui semble occuper 1e personnags, at qu'il faut accepter en tent que preoccupation culturelle: il s'interroge en affet sur le passe at, d'une certains maniere, cherche a le connaitra a travers les objets qui ont traverse les siecles. Les narrateur de ”Lettre d'un fou" et des deux versions du “Horla" presentant egalement quelques particularites du point da vue epistemologique: tous s'interrogent sur la mystere de l'inconnu at analysent la relation entre les sens at l'univers; chacun d'eux seit, que nos sens sont limites, qu'il na peuvent percevoir qu'un nombrs reduit de phenomenes, at que donc la plus grands partie de l'univers nous est inconnue. En definitif, ces protagonistes ont conscience dss mysteres de l'univers, mais il ne s'agit pas d'une perception presentea comme acceptant d'emblee l'intrusion de l'irrationnel dans la realite, c'est plutOt une vision totalisante ds la connaissance humaine, avec sss limitss et ses inconnues. Le mystere de la nature humaine, ainsi que ds sss origines n'est pas une manifestation du Fantastique mais una interrogation philosophique naturelle de l'homme face a l'existence. La connaissance humaine 101 telle qu'ells transparait dens ces trois recits s'avers a la fois humaine at pertinente: elle comprend 1e connu an meme temps que l'inconnu "traditionnal". On admet generalement que certains elements ne sont at us seront jamais expliques. Hais 1e phenomena fantastique n'appertient pas 5 cs domaine de la connaissance: il est inedit at inacceptabls selon les normes de l'inconnu traditionnel, selon les termss de l'enigme inherente a la condition humaine. Lorsque 1e protagonists se trouve confronte au phenomena fantastique, quel que soit son niveau de connaissance, sss sensations les plus irraisonnéas font surface et sa conduits s'en trouve alterea: la narrateur de "La chevelure” cesse de faire preuve de bon sens lorsqu'il emmene se relique capillaire au spectacle. La connaissance dss protagonistes du Fantastique ne leur sert plus e rien at une nouvelle epistemologie s'instaure, car la connaissance humaine n'admat pas d'elements fantastiques en dehors du code religieux, totalement absent de ces recits fantastiques: aucun des personnagss ne se sert de sevoir theologique afin da resoudre. la "crise" provoquee per l'apparition du Fantastique. En resume, le niveau culturel des personnagss est "normal", sans doute legerement au-dassus de la moyenne dans la plupart des ces, at on peut 5 cs propos tracer un parallels entre leur condition sociale at l'instruction qui y correspond, qui nous rassure tout en rendant la voix narrative convaincanta, car nous aurions tendance a associer 102 la manque de preparation culturelle avec l'ignorance favorisant la superstition. Examine sous les angles social, psychologique at cuturel, la protagonists du Fantastique ns presente aucune specificite autre que da se situer dans la bonne moyenne; rien ne la predispose vraiment au Fantastique, si l'on accepts que la passion dss antiquites et les interrogations philosophiques ne sont pas a priori des tares pathologiques. Le protagonists du Fantastique est un atre dont ni la vie, ni 1e caractere, ni l'anvironnement ne sont exeptionnels. La seuls particularite observable serait sans doute la presence de la folis, a des degres divers, soit dens le cadre de narration, soit evoquee par le narrateur; on la constats dans les deux versions du "Horla", dans "Qui seit ?", ainsi que dens ”Lettre d'un fou" et "Fou ?". Ces deux derniers titres parlant bien evidement d'eux-memes, mais i1 ne faut toutefois pas an conclure pour autant que la folis est toujours synonyms de fantastique; ainsi ls conte "Fou ?", qui raconte l'histoire d'un homme tirent une belle dans le vantre da sa maitresse apres avoir par jalousia abattu 1e cheval de cette derniera, na fait que mattre en scenes dss evenemsnts appartenant a la realite, at ne relate an fait qu'une tragedie d'un homme jaloux et eperdument amoureux. De meme 1a nouvelle "Un Fou", qui presente sous forme de journal posthume les differents assassinats que commit le chef d'un heut tribunal, respecte de tous, ne saurait en aucun cas etre fantastique: ce juge exemplaira 103 etait tout simplement tare, at sa maladie mentale l'a conduit au meurtre, dans des circonstances sinon "normales", du moins realistes. De plus, 1e folis dens les contes fantastiques de Maupassant doit etre maniee avec precaution: la signification de cette notion etent relative a une, epoque donnee, nous devons garder e l'esprit les nouvelles experiences auxquelles se livrait Charcot a la Salpetriers at qui ne laissaient pas d'impressionnar l'opinion publique, randent 1a folis tree a la mode*°. Si d'une part ls narrateur de la deuxieme version du "Horla" nous donne presque sa definition da 1a folis, on peut observer parfois l'emploi equivoque du terms dans le titre meme de "Un fou?": en affet, 1a narrateur seit que son ami est mort dens uns maison ds sante lorsqu'il relate les faits: il a vu son ami exercer un pouvoir magnetique extraordinaire, hypnotisant une chienne at deplacant dss objets a distance. Ces phenomenes irrationnels introduisent le fantastique dans la narration, mais il n'est ici e mon avis nulls question de derangement cerebral; Jacques Parent au contraire se conduit ds la meme facon que Charcot ou que son homonyme doctsur du "Horla"** lorsqu'il hypnotise 1e chien du narrateur. 11 a sans doute dss difficultes a vivre avec cs terrible pouvoir, mais i1 ne semble a aucun moment s'ecarter de la verite, meme si cells-ci est irrationnelle: se perception ne deforms pas la realite, et apres tout, sss reactions semblant tout aussi humaines qua justifieas. Pourtant, il a ete juge ou 104 bien se juge'lui-mema a la longue comme fou, puisqu'il a finit ses jours dans un asile. Le titre meme du conte pose fort a propos la question; i1 faut croire que Jacques Parent est devenu fou at qu'il a commis quelque acts extravagant, ou qu'il n'a pu supporter son pouvoir. Et 1a nouvelle ne relate point ca passage 5 1a folis, qui a du s'effectuer apres ca, qu'on est sur le point de lire. La folis chez Maupassant na serait-elle pas le symbols de l'incomprehension da l'homme face a l'elemsnt irrationnel, de l'abdication de sa raison face a la menace surnaturelle ? En tous ces, elle n'intervient pas ici en tent qu'explication possible da l'elemsnt irrationnel, comme dens "Qui seit ?", explication qui n'est d'ailleurs a non avis jamais concluante‘z. Quand il s'agit da ”Un Fou ?", on pourrait meme an arriver a se demander si la fou n'est pas le narrateur lui-meme qui nous raconte cette histoirs incroyable. Les protagonistes dss eventuras fantastiques se presentant donc sous un aspect realiste, at se situant dans la moyenne a divers niveaux; rien ne semble les dastiner a vivre una aventure fantastiquel'3 at il n'ont d'eutrss ressources qu'une retionnalite de base pour affronter la phenomena surnaturel. Que certains d'entre aux (et non la plupart) se possnt dss questions d'ordre epistemologique avant meme l’intrusion ds l'elemsnt inexplicable dens leur univers na me semble pas indiquer qu'il s'ecartent de la realite; on pourrait meme dire que ces questions 105 philosophiques. randent plus croyable encore 1e phenomena inexplicable, car elles repoussent les frontieres da la connaissance, tout en rastent dans un domaine repertorie des interrogations humaines. A present, apres avoir trace les caracteristiques du protagonists de l'aventure fantastique, i1 faut etudier sss actss at 1e situer dens son environnement: l'analyse des intrigues at de leurs decors servira ca propos, st nous revelera si d'eutrss points communs, au niveau da l'action, peuvent etre mentionnes, car 11 y a tout lieu de se demander si un personnags-type sa trouve toujours dans une situation-type, at si cette derniera est identifiable en tent que situation particuliere au genre fantastique. 106 NOTES 1)- 0n panse au personnags principal at narrateur du "Pied 2)- 3)- 4)- 5)- 6)- ds la Homia", habitue des antiquaires, mais egalement au debut de La;Psau_dfi_thiline lorsque Raphaél entre en possession du vieux morceau da chagrin. Il semble que l'antiquaire, colporteur des objets du passe, et donc mysterisux puisqu'il echappe d'une certains facon a la realite que nous connaissons, est un personnags secondairs de premiere importance dans le genre fantastique. Il est plus ou moins implique dans la phenomena inexplicable puisque c'est celui qui vend 1e msubles contenant la meche de cheveux eu protagonists de "La chevelure", at celui qui semble etre l'instigateur du cambriolage fantOme dens “Qui seit ? ". (Bien sflr, on us saura jamais rien de precis sur cs dernier, ce qui ne fait que renforcer son aspect fantastique.) Le doctsur Parent du “Horla" a la meme nom que le personnags da "Un fou ?". Je crois qu'il ne s'agit ici que d'une coincidence; on observera que le nom “Parent” apparait méme dans le titre d'une nouvelle n'ayant rien a voir avec le Fantastique. (of: le recueil da nouvelles precisement intitule d'apres le recit qui s'y trouve situe an tete, nonsienr_EarenL, 1885) Il pourrait etre question d'eutrss "moi" "parents“ du scripteur Guy da Maupassant. ”La Horla”. Vol 11, p. 921 Guy de Naupassant. "Qui Sait ?". Vol 11, p. 1225 Guy de Maupassant. ”La Chevalurs". Vol 11, p. 109: "Le passe m'attire. Le present m'affrais, car l'avenir c'est la mort." 0n pourrait objecter que le passe est en fait ce qui est vraiment mort, tandis qu'eutant l'avenir que le present sembleraiant plut6t representer la vie. Une tells declaration as fait que souligner la fascination que la passe exerca sur le protagonists. A as sujet, la paysanne possedee de "Conte de Noel" presenterait plutOt das caracteristiques contrairas: elle pourrait parfaitement passer pour une hysterique, 7)- 8)‘ 9)‘ 10)- 11)- 12)- 13)- 107 donnant acces au Merveilleux dens l'univers du conte. La narrateur du Horla, pour se convaincre qu'il ne souffre pas de somnambulisme, ce qui expliquarait d'une facon rationnelle la disparition nocturne dss liquidss qu'il laisse sur sa table de nuit, se livrs a toutes sortes d'experienca; un soir par example, 11 se frotte les mains, les levras at la barbs avec de la mine da plomb at enveloppe les carafes dens de la mousseline blanche. Bien entendu, les liquides disparaissant at 1e linge demeure "immacule". Guy de Maupassant. "La chevelure". Vol 11, p. 108: 'Etant riche, ja racherchais les msubles anciens at les vieux objets." Ibid Maupassant lui-meme cite plusieurs fois 1e doctsur Charcot. (of: "Un fou ?, "Hagnétisme"). Comma je l'ai deja mentionne, 1e medecin qui hypnotise la cousins du narrateur dans la “Horla" s'appelle egalement Parent; il faut croire que ce dernier parvient a administrar son pouvoir. On constats que le doctsur Narrande semble croire a l'existence du Horla aussi fermement que son patient; 11 confirms ses dires lorsque ca dernier remarque que plusieurs de ses voisins souffrant du meme mal at sa derniera phrase, conclusion du texte, exprime bien son incertitude; il n'ose pas trancher pour conclure au desequilibre mental. A non avis, la reaction du lecteur est comparable a la sienna, at sas objections possiblas sont prevenues par le fait qu'un medecin lui-meme est contraint a considerer 1a possibilite d'un element irrationnel. Dans "Un fou ?", celui qui vit l'aventure fantastique est le narrateur; Jacques Parent, celui qui possede le pouvoir magnetique, est l'elemsnt fantastique a lui tout saul. D'une maniere generals, on pourrait dire que le decor dens lequel se déroule l'intrigue fantastique est a l'image du protagonists: paisible, relativement solitaire, bourgeois, aise, sans rien d'exceptionnel. Qu'il s'agisse d'une maison a‘la cempegne, an bord de Seine, comme dans les deux versions du ”Horla", ou d'une confortable demeure parisienna, comme dans "La Chevalurs", ou encore de l'appartement d'un etudiant, jeune homme a premiere vue de bonne famille, comme il est question dans "La Main d'ecorche”1, le milieu dens lequel l'évenemsnt irrationnel fait son apparition ne brille, si l'on psut s'exprimer ainsi, que par sa mediocrité, dans la sens 05 il est loin d'etre particulier at propics a l'aventure. On peut remerquer par exemple, tout au debut da 1a deuxieme version du "Horla", a quel point l'atmosphers est calms at sereine: ls narrateur passe sa matinee a paressar dans l'herbe an face du flauva, sans soucis, ni traces, at son decor est pour lui source ds joie calms at contemplative: "Comma 11 108 109 faisait bon ce'matin!"=. On psut retrouver, sinon ca bien- etre physique, du moins cette tranquillite d'esprit que procure l'environnement dens "Qui.sait": J'avais fait construire cette maison dans un beau jardin qui l'isolait dss routes et a la porte d'un ville ofi je pouvais trouver, a l'occasion, les ressources de societe dont je sentais, par moments, 1e désir.“ On ne pourrait par contra pas qualifier de "bourgeois" le decor dens lequel se mauvent les protagonistss de "La Petite Roque" et de "La Noye"; bien que Renardet soit un proprietairs terrien, c'est-e-dire un homme vraiment riche selon la tradition paysanne at que Patin soit "riche, proprietairs de son embarcation, da ses filets et d'une maison au pied de la cats sur la retenue;"‘, il est cependant evident que les protagonistss respectifs de ces deux nouvelles se situant dans un decor bien different de celui evoque plus haut: nous sommes loin de ces desoeuvres aises, pessionnes de bibelots ( "La Chevalurs", ”Qui sait?") at de ces petits proprietaires, totalement coupes de tout travail manual ( les deux versions du "Horla", "La Hain"). Helgre tout, autant l'environnament de la mere Patin que celui de Renardet ont en commun avec les autres decors qu'ils ne se distinguent an aucune facon d'une normalite attendue st sans surprise: ils ne sont pas propices au surnaturel. Certs, on pourrait supposer que les superstitions sont plus an vigueur a la campagne qu'en ville. L'univers des marina—pecheurs, metier aussi tragiqus 110 que precaire, ou celui d'un petit village, finalement assez isole at par consequent eloigne du progres, sont en principa des lieux plus aptss a la manifestation du surnaturel que ne la ssraient dss maisons bourgeoisss et citadines. Pourtant, l'elemsnt fantastique, resurrection d'un homme sous la forme d‘un perroquat dans le cas de "La Noye" at hallucination recurrents dens celui de "La Petite Roque", ne se placent pas dans un code superstitieux traditionnel. Bien sOr, la metempsychose n'est pas une idea originals, mais qu'une telle aventure arrive dans la petite ville de Fecamp, ofi se déroule l'action da "Le Noye", n'en rests pas moins inattendu: Fecamp pourrait etre l'archetype de la petite bourgade de province francaise sans 1e moindre interet. De la meme facon, lorsque 1e crime commis par Renardet est decouvert par le facteur, le village de Carvelin est presente comme precisement l'endroit ofi i1 ns se passe rien, on an crime, meme rationnel, est deja un phenomena tout a fait hors serie. Alors elle etait morts et 11 se trouvait en presence d'un crime. A cette idee, un frisson froid lui courut dans les rains, bien qu'il fut un ancien soldat. Et puis c'etait chose si rare dans le pays, un meurtre at 1e meurtre d'une enfant encore, qu'il n'en pouvait croire sss yeux.a Il ssmblsrait an fait qua cette campagne n'evoque pas la superstition mais plutOt la tranquillite, bien typique finalement de la vie aux champs selon les criteres de la 111 ville, at rejoint sur ce point les decors bourgeois deja mentionnes. D'eillsurs, il faut rsmarquer que la plus grands partie des lieux dans lasquels ve se derouler l'intrigue fantastique sont geographiquement bien definis: que ce soit Paris ("La Main d'ecorche", "La Chevalurs“), les environs de Rouan (les deux versions du ”Horla")“ ou meme Fecamp ou la Corse, comme dens “Le Noye” at "Le Main". De la meme facon, nous savons que c'est dans une ruelle "invraisemblable"7 de Rouen que le narrateur de "Qui seit ?" decouvre ses msubles disparus, at i1 va meme jusqu'e nous donner des precisions topographiques bien specifiques, tel le nom da la riviere sombre qui coule dans la rue dss antiquaires’. L'univers transcrit pretend non seulemsnt etra realista, mais egalement reproduire la realite: chacun peut trouver ces endroits sur uns carts, at pour la plupart, 1e lecteur les connaissait deja; il imports peu que le lecteur soit ou ne soit jamais elle e Fecamp meme: il a de toutes facons In on entendu le nom dans le contexts de la realite, ne serait-ca qu'en consultant un horaire ferroviairs. On psut d'ores et deja tirer quelques conclusions d'un premier examen dss decors propres au conte fantastique; tout d'abord, ces decors tendent a se caracteriser par leur réalisme, at voire leur naturalisme, comme dans le ces ds “Le Noye". Ce type de decor ne pose aucun problems a notre entandement: nous nous situons, au depart, dans la "realite". De plus, l'aspect de la realite ou evolue 112 l'action fantastique est commun, pour ainsi dire vulgaire, presqu'indigne d'etre raconte, donc d'autant plus vraissmblable. Ce cadre se fait accepter non seulemsnt directemant dens notre perception du monde , mais ne presente non plus aucune particularite, at rien n' y attire l'ettention sur des details "speciaux" de la realite. Au fond, cela reviant a dire que le decor du conte fantastique est generalement prosaiqus, at tendrait a montrer les aspects les plus contraires a l'apparition du surnaturel, tout comme sss protagonistss. 0n peut signaler que la heros aims toujours beaucoup sa demeure, comme etent la lieu le plus familiar de son existence, et qui au lecteur parait deja familiere. Il arrive que la heros projetts tout son bonhsur sur se maison, sur son chez soi, comme dens "Ls Horla", "La chevelure" ou ”Qui seit ?", at on remarque tout ds suite que c'est precisement dans cette partie du decor que va se derouler l'action, ou va se manifester le surnaturel. Si la “presence“ irrationnel d'une force inexpliquee est un motif commun aux contes fantastiques, cells-oi s'introduit toujours au coeur de la maison, de l'espace par principa reserve au narrateur, 1e ou il se sent 1e misux, at ironiquemsnt, le plus e l'abri da touts menace. La force irrationnel menace en general la maison, at a travers elle, la protagonists: on psut penser aux verres casses pendant la nuit at e la rose coupes dens l'allee du jardin dens "Le Horla“, at bien sOr aux msubles dens "Qui sait?"; mais egalement a "La Main d'ecorche“ at e "La 113 Chevalurs“, recits ou l'elemsnt surnaturel est introduit dans le decor sous une forms anodine: fragment de momie ou meche de cheveux, objets quelque peu imprassionnants sans doute, mais qui n'inspirent rien d'eutre que le degout ou les mauvaises plaisanteries dans la ces du premier, at une tendre fascination dans la ces du second. On psut noter que cette masse de cheveux d'un autre temps fut introduita dans le decor e travers un joli meuble, resents acquisition du protagonists, et que ce dernier ne 1e considerait an aucune facon different des autres objets de se collection. On pourrait dire que ce meuble precis n'etait pas cense contenir un objet mysterisux, qui lui—meme ouvrirait les portes d'un univers different. 11 arrive dens certains cas de nouvelles fantastiques un tent soit peu developpees que le protagonists se decide e changer d'endroit: se maison, au depart si rassuranta, deviant presque une cause de sa frayeur. Le voyage du narrateur du "Horla" au Hont-S‘ - Michel at e Paris est de ce point de vua aussi significatif que la premiere reaction de celui de "Qui Sait?" an constatant l'incroyable depart de ses msubles, at qui n'ose rentrsr chez lui, preferant aller dormir a l'hOtel. Le decor subit souvent une evolution comparable A cells du personnags principal: de calms at paisible, il est devenu menaoant, tout comme le caractere du_protagoniste, egal au debut, deviant celui d'un maniaque au fur at a masure que progresse la narration. On voit d'ailleurs que la premiere reaction du narrateur de ”Qui seit ?" sera suivi d'une 114 fuita: il ire en Italie, en Afrique, puis reviendra a Paris avant d'allsr visiter la Normandie. Depuis le debut, sa decision est prise de ne plus revenir dens sa maison: Oh! je' sus me taire. Mais je ne remeublait pas ma maison. C'etait bien inutile. Cala aurait recommence toujours. Je n'y voulais plus rentrsr. je n'y rantrai pas. Je ne la revis point.’ Cette nouvelle presente une fragmentation du decor comme marque de l'apparition de l'elemsnt irrationnel, at c'est bien un exemple extreme de la deformation de l'environnament sous l'effet d'un phenomena surnaturel. name 51 c'est d'une facon plus detournee, on assists a un changement radical de decor dans la plupart dss contes fantastiques: on passe de la demeure confortable at bourgeoise, ou de la propriété du fermier prospere, e l'asile de fous, comme dens "Qui sait?". La chevelure", ou la premiere version du "Horla". Il est vrai que dans les deux derniers ces, la narration est sense ss situer depuis 1e debut dans un hOpitel psychiatrique , puisque c'est 1e que le premier narrateur introduit la voix du second, le veritable protagonists de l'aventure fantastique, mais l'“intrigue" fantastique propremant dite commence toujours par la description du decor paisible ou vit la narrateur: l'histoire n'est pas fantastique parce que la doctsur Harrande a reuni quelques savants dens sa clinique, afin d'examinar un ces curieux, mais bien parce que la victims du Horla raconte son histoirs a la premiere personne; comme 115 dans la cas de "Un fou?", nouvelle ou nous apprenons des les premiers mots qu'un personnags est "mort fou dans une maison da sente"‘°, l'asile d'alienes n'est pas la decor principal, mais evoqua plutdt de facon peripheriqus les aspects inexpliques de la realite, ceux qui paraissant insolites at a la limits ds la retionnalite, sans pour autant echapper au cadre du possible; l'action par contre, calla qui met an scene un evenemsnt surnaturel, se deroule dans un milieu oppose. En fait, le decor final, celui de la maison de santé dans une grands partie des contes fantastiques, contribue d'une certains facon a semer 1e doute dens l'esprit du lecteur: an acceptant un aspect de la realite finalement inexplicable selon tout critere rationnel, on accentue la possibilite d'occurance de l'elemsnt surnaturel; car nous ne sommes jamais totalement convaincu de la folis du protagonists, ni d'ailleurs de sa sante mentale. D'apres la decor, on est passe d'une perception relativement simple du monde a une perception problematique, qui n'exclut pas la possibilite de ne point comprendre ce qui nous entoure. Lorsqu'on examine les decors dens leur detail, on s'apsrooit de la presence d'elements recurrents; certains endroits precis semblant etre tout particulierement choisis pour que se déroule tel on tel episode decisif ds l’action. En premier lieu, il faut mentionner la chambre: dens “Lettre d'un fou" ainsi que dans les deux versions du ”Horla", c'est la 00 la creature ss manifests le plus intensement, tournant les pages d'un livrs tout d'abord, puis se laissant "voir", 116 sinon deviner, dans une forms presque materielle dans la glace de l'armoira du narrateur. Et puis, c'est aussi l'endroit ou elle se manifests des le depart, troublant le sommeil du protagonists da cauchsmars abominables, ce qui l'incite a s'absenter de sa maison une premiere fois. Dans "La chevelure", le narrateur installs tout de suite 1e meubla contenant la relique capillaire dens sa chambre, at c'est bien sflr dens cells—oi qu'il decouvrira l'objet de son amour. On psut egalement remarquer que c'est depuis sa chambre que la mere Patin, l'heroine de "La noye", entend son mari l'insulter a travers le perroquat, et depuis la fenetre de la sienna que Renardet souffre de l'hallucinetion qui le conduira e la mort dens “La petite Roque". Dans "La main d'ecorche", la pouvoir terrifiant du debris humain sa revelsra dans la chambre de sa victims; Pierre est attaque par la force mysteriause apres qu'il ait pendu la main dessechee au bouton de sonnette de son alc6ve, dens sa chambre, precisement la nuit suivante. La chambre est le lieu le plus intime de la maison, at le choix de cette piece specifique a deux consequences principales: il tend d'une part a isoler le protagonists, car la chambre d'un celibataire ou d'une veuve exclut en theorie touts possibilite de temoins eventuels ; at da l'autre, i1 sert a souligner la puissance de l'elemsnt surnaturel, qui s'introduit sans difficultes au centre du decor habitual le plus personnel du protagonists et bouleverse son entiere existence a partir de es point vital. 117 Mais il arrive aussi que ce soit une autre piece de la maison, tout aussi typique, qui serve de decor e l'apparition de l'elemsnt surnaturel, comma dans "Un fou ?" on "La main”; dans la premiere de ces deux nouvelles, nous sommes en droit de supposer que les exploits hyptnotiques at telekinesiques de Jacques Parent, se déroulent sans doute dans la salon da la maison de campagne du narrateur. Dans la seconds, nous savons que l'Anglais a rive la main mommifié au mur de son salon, a l'aide d’un grosse chains, sur un carre de velours rouge, et qu'il y sera retrouve assassine, la main dessechee ayant bien entendu disparu. Sans avoir le caractere personnel de la chambre, le salon n‘en demeure pas moins une piece typique at courante, que chacun psut identifier inmediatement. Il est vrai que la decoration du salon de l'Anglais est quelque peu bizarre; mais elle est finalement plus fastueuse qu'insolits, at n'a vraiment rien de surnaturel. Le decor interieur at singulier correspond en general assez bien au decor exterieur at general: il est plus qua realists, vraissmblable e force d'etre commun, at donc sans interet ni surprise. On psut noter que parfois 1e protagonists a recours a la destruction de son environnement, commme dans la deuxiema version du "Horla", lorsque la narrateur fait brfller sa maison, ou dans "La petite Roqua", quand Renardet fait abattre sa futaie; dans les deux cas cette destruction est motives par la lutte contra la perversion du decor que provoque l'elemsnt 118 surnaturel; en fait, 1a vision des rideaux bougeant et du corps de la fillette etendue sur la mousse sont des alterations subies par le decor, dans le ces da "La petite Roque". Si on accepts que les objets d'utilisation courante font partie du decor, alors la reaction du narrateur du "Horla" parait en tous points comparable a cells de Renardet: la carafe d'eau se vidant pendant la nuit ou les pages d'un livrs tournant toutes seules sont autant de modifications inexplicables du decor, dues a la presence d'une force surnaturel, at ca sont elles qui poussent le narrateur a brOler sa maison. Donc, si la decor est tout d'abord normal, l'apparition de l'elemsnt _surnaturel la pervertit et le rend menacant pour la protagonists, mais pour lui seul; i1 convient ici de parlsr de la solitude du protagonists de l'aventure fantastique dens son decor: il est en general le seul a an percevoir les modifications. En incluant un element etranger, 1e decor du narrateur, au depart sans aucune particularite, dissocie ce dernier du rests de la societe. "Qui seit ?" est dans ce sens exemplaira: ls narrateur se garde bien de raconter ca qu'il a vu, c'est-e-dira la perversion totals dss lois physiques regissant le decor la plus familiar at le plus aime, sa maison. Plus generalement, le decor revels par contrasts les qualites surnaturellss de l'evenement fantastique; il souligne l'impossibilite de l'occurenca irrationnel at paradoxalement, 1a veracite de la narration, puisqu'il nous 119 place dans un code aussi vraissmblable que possible. Ce type ds decor, propre a non avis eu conte fantastique de Maupassant, est differs sensiblement de celui du Merveilleux on da la Science Fiction; si nous assistons dans la narration fantastique a une sorta de mutation du decor, qui de rassurant et commun deviant hostil et etranger, nous ne nous situons pas d'emblee dans un univers different du notre, que ce soit celui de “11 etait une fois" ou celui d'une “lointaine galaxie". Par contre, de nombreuses analogies peuvent etre traces entre la decor du conte Fantastique at celui du recit etrange: tous deux sont realistes et le texte represente le monde qui lui sst contemporain. Pourtant, i1 ssmblsrait que le recit etrange tents d'instaurer une realite insolite depuis 1e depart, plutfit que de developper les aspects simples at paisible de cette derniera. Dans "Sur l'eau“ ou dans les deux contes appales “La psur”, la decor, des de debut, est mysterisux, sans pour autant echapper a la credibilite. Le narrateur de "Sur l'eau", an canot, bloque au milieu da 1a riviers, est bien dans un decor particulierement propics aux reveries bizarres st aux visions etranges. Les paysages solitaires et nocturnes, ou meme inquietents e force d'etre exotiques dont nous parlant les narrateurs des nouvelles intitulees “La psur" sont bien reels, mais non pas communs, ni ' directement identifiables: nous n'evons pas tous vu 1e desert, ni la cabana d'un garde forestier par une nuit d'hiver. Le decor de l'Etrange parait donc jusqu'e un 120 certain point mysterisux tout en restant credible , tandis que celui du Fantastique tend a etre plutbt prosaique at sans surprises. Par contre, les alterations subies par le decor trouveront finalement una explication rationnelle dans un recit etrange mais resteront dens l'equivoque dans une narration fantastique. Dans cette derniers, 1e decor du protagonists est unique mais i1 se confond pour ainsi dire avec la paysags; l'apparition du surnaturel ne 1e fera evoluer qu'aux yeux seuls du protagonists, alors que l'evenement inexplique caracterisant l'Etrange psut avoir de nombreux temoins: son occurrence est acceptee, sans doute parce qu'il est destine a avoir une explication. Per contre, le decor du protagonists de l'aventure fantastique est sense passer inapercu, et c'est psut-etre la raison pour laquelle l'apparition du surnaturel ne sera connue que de lui seul, at dens certains ces, du temoinsnerrateur. A non avis, les decors “communs” at vraissmblables des contes fantastiques sont plus importants pour l'instauration de l'effet fantastique que ceux qui se situant dens une realite plus insolites, tels que 1' asile de fous, qui ne fait d'ailleurs souvent autre chose qu'encadrer le decor familiar dans lequel se deroulera l'action fantastique propremant' dite. C'est au sein de ce decor sans particularites que es glisse 1e surnaturel at ca se déroule la plupart de l'action. Les decors du fantastique ainsi consideres, dens leur refus dss extremes et du particulier, I ian—IE fl 121 viennant soutenir le premier axioms necessaire a l'effet fantastique, autant pour Maupassant que pour Castsx: la necesite absolue d'un monde réaliste, si par réaliste nous entendons faisant partie de notre via an general et de calla de tous les jours en particulier. L'elément surnaturel, qui precisement echappe aux limitss de la realite, pervertit le decor at modifie la perception que la protagonists a de la realite, qu'il soit pur narrateur (deuxieme version du "Horla"), narrateur encadré (“La chevelure") on simple personnags ("La petite Roque"). Toutefois, la decor, en principa, dans la premiere phase de l'intrigue fantastique, est on ne peut plus normal. Nous verrons a present que les motifs du fantastiques echappent bien entendu radicalement a cette tendance réaliste; comme si le premier element da la theorie du Fantastique selon ma lecture de Maupassant, la vraissmblance, etait suggére per le decor, at le deuxieme, le detail irreductible, par le motif. Ainsi,l'importanca du decor vraissmblable devrait an quelque sorta companser l'irrationnalite du surnaturel at seuvegarder l'equivoqua, afin Ids provoquer 1e doute chez le lecteur. Il fallait bien que les personnagss ainsi que les decors soient e ce point vraissmblables et courants, et meme mediocres, pour que l'effet fantastique puisse s'instaurer, car il depend de la realite at rien ns s'en echappe plus que l'intrigue, comme on pourra la constatar a present. 122 NOTES 1)- Guy de Maupassant, "La Main d'ecorche". Oeuvres cannlfites, tome I Paris: La Pléiade, Gallimard, 1979. Tout d'abord, 1a reunion de ces jeunes gens qui parlant litterature at peinture suggere bien un milieu instruit, d'une classe sociale relativement elevee: de jeunes etudiants de bonne famille se livrent e un passe-temps de "luxa". De plus, nous apprendrons par la suite que Pierre possede un domestique, qui viendra chercher le narrateur apres l'accident de son maitre. 2)- "Le Horla". La Pléiade, II, 913. 3)- "Qui seit ?". La Pléiade, II, 1226-1227. 4)-"Le Noye". La Pléiade, II, 1039. 5)- ”La Petite Roque”, II, 619. 6)- La premiere version du "Horla" mentionne le nom de "Biesserd", 1e cu, d'ailleurs, Flaubert avait habite. Heme si cs nom n'apparait pas dans la deuxieme version, la description du paysage evoqua un endroit extremement similaire: la narrateur commence par decrire les clochers de Rouen qu'il psut apercevoir de chez lui. 7) - ”Qui seit ?“. La Pleiada, II, 1232. Un peu plus loin, le narrateur va qualifier cette ruelle de "fantastique“. On psut en affet observer a quel point le decor dens lequel le protagonists va retrouver sss msubles est different de celui dans lequel ils sont "partis". Je crois que nous sommes ici en presence d'une caracteris- tique que la Fantastique psut a l'occasion partager avec l'Etrange: un decor bizarre, baroque, inquietant. On observera pourtant que l'evenemsnt qui est sur la point de sa produira n'a an soi rien de surnaturel: cette scene n'entre dans l'intrigue fantastique que parce qu'ells forme un contrepoint 5 cells per laquelle debuts la narration. Donc, nous retrouvons ici, en sens inverse, la contrasts entre l'evenement at le decor: e decor realista, phenomena surnaturel, et a decor etrange, phenomena réaliste qui prend ainsi une valeur nouvelle. 123 8)- "Qui seit ?". La Pléiade, II, 1232. " Eeu de Robes”. 9)- Idem, II, 1231. 10) "Un Fou ?" . La Pléiade, II, 308. 11) "La Main". La Pléiade, I, 1118. 12) Dans "La Main d'ecorche", "La Main" et "Un Fou ~?", la voix narrative est cells d'un temoin exterieur, qui n'a qu' indirectemant souffert dss consequences du phenomena fantastique; le narrateur n'assiste a as dernier que dans le cas de “Un Fou ?", at encore ne connaIt-il pas les details de la vie at de la mort de Jacques Parent, son ami doue da ce pouvoir magnetiqus redoutable. C] 'l MII‘ 1.. I . E | l' Nous avons vu lors'de l'etablissement du corpus que l'un dss motifs principaux du conte fantastique en general est l'apparition d'une force inconnue, ss manifestant de facons differentes, soit per la presence d'un "autre", inconnu at menacant, soit par la possession du protagonists; il est bien sur des cas exemplairss, comme “Le Horla", dens lesquels nous trouvons les deux: la presence d'un "double" insolite et la domination qu'il exerca sur le narrateur. Ce motif forms e peu pres l'ensemble de l'"histoire" propremsnt dita, c'est-e-dire ls recit du phenomena surnaturel at sss consequences dens l'univers fictif represente. Les intrigues dss deux versions du “Horla", de “La Petite Roque" et de "La Noye" se fondant bien sur ce motif; dans les deux derniers contes, nous assistons a une "resurrection” d'un Personnage, sous ses traits originals dens ”La Petite Roque" et sous la forme d'un perroquat dans "Le Noye". Au motif de 18 fierce mysteriause s'ajouta ici celui‘ d'un hypothetique Contact. avec l'eu-dele, ce qui serait en fait susceptible 124 125 d'une explication de type conventionnel, dans la tradition des histoires de revenants, si ces deux "fantemes" n'etaient pas presentes d'une facon aussi peu conventionnells, qui les place d'emblée hors de la tradition. Quand les msubles se mettent a bouger dens ”Qui sait ?", ils revelent l'apparition d'une force inconnue, at cette apparition marque le commencement de l'action fantastique. De par leur caractere particulierement utilitaire st encombrant, les msubles pourraisnt etre l'archetype de l'objet quotidien, que tout le monde possede, mais qu'un seul homme ne suffirait pas e porter. En se mettent a marcher tous ssuls, les msubles changent leur facon d'etre presents: doues de vie, ils sont pour ainsi dire doublement presents at c'est cette nouvelle presence qui cree l'effet fantastique, st symbolise ici cette force surnaturelle qui fit irruption dans un univers familiar. Il faut noter que l'autrs" peut egalement se retrouver, tout cOmme dans la "Horla", mais d'une facon plus detournee, sous les traits de l'antiquaire que la narrateur rencontrs e Rouen. Ce dernier seit indeniablamsnt quelque chose, at meme possede-t-il psut-etre la 016 de l'enigme, car les msubles du narrateur reapparaitront dens sa maison aussi inexplicablsmant qu'ils avaient disparus, at ca, peu de temps apres l'entrevue entre la protagonists at le petit homme a "crane de lune“. Les informations de l'antiquaire concernant l'incroyabla vol dont la narrateur a ete la victims ne seront jamais revelees, au lecteur pas plus qu'au protagonists, at 11 126 dameurera un personnags franchement enigmatiqua, indefinissabla, contribuant a maintanir l'equivoque. On pourrait de la sorta tracer un schema simple mais representatif de ce qui semble etre a premiere vue l'essence de l'intrigue fantastique: une force inconnue se manifests soudain dans la "train-train" quotidien bien ordonne d'un personnags vivant dans un univers parfaitement vraissmblable et represente una menace pour ce dernier. Dans la plus grands partie des ces, cette force triomphera dss resistances du protagonists et provoquera sa decheance: 1e heros ds l'aventure fantastique finira dans un asile de fous ("Un Fou ?“, "Le Horla", "Qui seit") ou plus simplement mort. ("La Petite Roque", deuxieme version du "Horla“‘). On observera nonobstant la cas ,un peu different da "La chevelure", conte dens lequel cette force surnaturelle ne semble pas constituer una menace aux yeux du narrateur, bien au contraire, la chevelure represente pour lui un bonhsur sublime: Mon bonhsur fut si grand, que js ne l'ai pu cacher, J'eprouvais pres d'elle un ravissement surhumain, la joie profonde, inexplicable de posse- der l'Insaisissable, l'Invisible, la Horte! Nul amant ne gofita des jouissances plus ardentes, plus terriblas :2 La presence sentie a travers la chevelure, loin d'effrayer le narrateur, lui ouvre les portes du monde inexplorable du passe et 11 se complait dens l'etat mental anormal ofi son ”fétiche" l'a jete; il ne fait rien pour an sortir, bien au rays. 1.. 127 contraire. Lorsqu'il sera attaque, condemné at raclus dans un hOpital psychiatrique, ca sera parce qu'il refuse ds suivre les regles elementaires de la via an societe, qui se basent sur un ensemble da lois autant physiques que sociales, excluant la possibilite d'un amour de ce genre; i1 ne sera d'ailleurs inquiete qu‘au moment 00 11 apparaitra en public avec la chevelure. On pourrait meme dire qu'il fait outrage au "Bon gout“, au “sevoir-vivre", car la doctsur, concluant de la maniere suivante la presentation de ce malade, le traits de “fou obscene", et nous fait un resume succinct du traitement qu'il inflige eu malheursux, consistent a le douchsr a l'eau froide cinq fois par jour. Il est bien evident que l'esprit scientifiqus du directeur de la maison de santé ne peut accepter la possibilite d'un tel phenomena, at nous la sentons ds plus dans le ton qu'il emploie e l'egard de son malade. Pourtant, la chevelure, cle du monde des anciens a ete benefique dans le sens ou la protagOniste a appris e aimar“. Bien que cela lui soit socialement fatal, on ne pourrait dire que cette prise de conscience emotive soit totalement negative. Helgre tout, son amour pour cette chevelure sera sa parts, donc, une fois de plus, cette force surnaturelle, a l'origine de l'aventure fantastique, se sera revelee destructrice, comme dans la cas de “Qui seit ?". L'intrigue fantastique est parfois une intrigue classique, dans le sens on elle narrs une intervention de l'"au-dele"; mais cet au-dele est non-conventionnel: la 128 facon dont Ies fantOmes se manifestent, at meme leurs caracteristiques, echappent a la tradition. D'apres Sima Godfrey, les deux nouvelles "La main d'ecorche“ at “La main" se situant dans une forte tradition littéraire, representee par entre autres Nerval at Gautier’. A non avis pourtant, les personnagss, les situations que Maupassant met an scene dans ces deux nouvelles me paraissant differer un tent soit peu da celles que Godfrey etudie; an affet, ca dernier place la motif de la main dans un contexts tres ample, comprenant l'ancienne tradition de la chiromancie at de la prediction de l'avenir; nous nous retrouvons donc une fois de plus dens l'univers convantionnel de la megie plus ou moins noire. Par contre, ni Maupassant ni ses personnagss ne font a aucun moment reference a cat univers, si es n'est precisemsnt pour s'en moquer°. 11 me semble important da souligner 1e fait que la situation autant que les parsonages, dans les deux ces, se situant tout a fait an dehors du monde de la magie: jurists de son etat, ls narrateur de "La main" refuse de croire qu'un evenemsnt surnaturel soit survenu dens l'histoire qu'il raconte, et va jusqu'e proposer une explication rationnelle qui na satisfait ni son auditoire, ni ls lecteur. On ne pourrait bien sflr pas affirmer que Rowal, l'Anglais proprietairs de 'la ville, soit un personnags ordinaire at courant, de ceux qu'on rencontrs cheque jour; mais enfin, ca n'est pas parce qu'un homme a voyage, se livrent a touts sorta de chasses qu'il evoqua 129 forcement le. monde de la magia; ne serait-i1 pas plutbt l'archetype de l'explorateur anglais, voyageur infatiguable, que l'on pourrait imaginer sans pains aux cotés dss membres du Club auquel appartient le heros du Ignr_dn_nnndg__gn__fifl inure ? Il est indeniable que ce personnags est exotique at particulierement haut an couleurs, at qu'il donne un ton unique a, la narration, mais de 1e 5 1e situer dans un univers magique, il y a une marge. D'autrs part, c'est bien evidemment en refusent les conventions du genre Nervsilleux "noir", que le conte fantastique s'installe dens l'equivoque, at c'est an partie parce que le jugs d'instruction qui raconte l'histoire refuse de voir quoi que ce soit d'irrationnel dans un evenemsnt surnaturel que cette nouvelle est fantastique. Le detail fantastique pourrait toutefois etre une liaison inedite entre cs monde et un autre, que ce soit celui de la mort ou celui du Horla. Il n'est jamais percu que par un seul personnags, ce qui 1e distingua du genre Merveilleux ou Etrange, dens lesquels se deploient un nombrs eleve de personnagss evoluant confortablement au sein d'un univers charge d'elements irrationnels, et i1 n'est generalement accepte que par un groups extremement restraint: j'ai pu relever que la ces du narrateur de "Un fou ?", celui du doctsur Harrande dans la premiere version ' du "Horla" at celui du domestisque du narrateur de ce dernier conte, qui ssmblsrait-i1, souffre du meme mal que lui. Rt 11 faut observer que nous ne connaissons jamais 130 directement 1e point de vua du domestique; quant au doctsur Harrande, il doute certainement de la folis da son patient, mais n’ose pas trancher. A mon avis, il n'est pas totalement justifie de dire que le protagonists du "Horla" est fou, at d'eutre part, on ne peut pas assurar qu'il ne l'est pas; il a bien dss temoins dans la premiere version, at i1 raconte son histoirs a des savants, qui, an acceptant de l'ecouter, ajouts du poids e son recit. Mais dans la deuxieme version, nous en sommes reduit e accepter le point de vua unique du narrateur, quand i1 interprets la realite qui l'entoure, que ce soit les details surnaturels, tels que les disparitions d'eau at de lait sur sa table de nuit ou les pages d'un livrs tournant toutes seules, ou les details naturals. Nous devons admettre sa lecture de l'article da journal faisant état de cette "invasion de Horlas" qui se déroule au Bresil, ce qui nous renvoie au debut de l'action, lorsque precisement 11 na s'etait encore rien passe, at lorsque le monde represente par la narration paraissait alors normal, ne posant aucun problems de comprehension, ni au heros ni au lecteur. Donc la manifestation d'une presence d'essence differente at menacante se retrouve dans la plupart dss contes fantastiques da Maupassant. L'autrs type d'intrigus que j'ai pu discerner est similaire au premier, bien que presentant quelques caracteristiques specifiques: il s'agit 1e encore de l'apparition d'une force inconnue, mais faisant cette fois partie de la realite, revelant un aspect cache de 131 cette derniers, totalement inedit, aussi insolite que credible. Le dix-neuvieme siecle est un siecle scientifiqus malgre tout, dens lequel de nouvelles experiences sont tentées, a la limits de la para-psychologie; l'episode d'hypnotisme dans la deuxieme version du "Horla" est de cs point da vua tres significatif: i1 se situe a la limite du possible, prefiguration dss lois de l'inconscient, at n'effraye pas le narrateur. Quand ca dernier fsra l'analogia entre sa situation at calla de sa cousins, ce sera justement pour faire ressortir la distinction entre la force hypnotique d'origins scientifiqus qu'exercs 1e medecin at calla illimitee et inconnue da la creature qui ls possede. On observera de plus que la pouvoir du medecin est sous la contrOle total de ce dernier, tandis que celui du "Horla" semble echapper completement a tout contrele humainement envisageable. Il arrive neanmoins que cette force magnetiqua, dont on soupconne l'existence dens l'univers, sort dss limitss de la realite de per son empleur, at c'est la cas de "Un fou ?". Le pouvoir telekinesique et hypnotique de Jacques Parent est per trop puissant at incontrOlable pour pouvoir nous permettre de le ranger parmi les evenemsnt naturals bien qu'inconnus. En affet, cette force qui possede Parent at qui causera se perte demeure entre le possible at l'impossible: elle cause d'ailleurs une frayeur intense aussi bien au narrateur qu'e Parent lui-meme, at nous retrouvons ici la sensation caracteristique que cause l'evenement fantastique . Ainsi, 132 cette force, an theorie faisant partie de la realite, parait ici incroyable at surnaturel, at c'est cette double apparencs qui conserve l'equivoque. Nous pouvons anvisager la possibilite du pouvoir magnetique, mais nous ne pouvons pas cependant admettre l'etendue de celui de Parent, at nous dsmeurons dans le doute, tout comme a la fin du "Horla". Il faut maintenant examiner comment se manifests cette force surnaturelle, a quel moment dans la narration, pour determiner ainsi les motifs secondaires du fantastique. Tout d'abord, ce que je nomme la "rebellion dss objets" merits une attention particuliere. Dans 1e conte fantastique, la force surnaturelle, a .1'origine de la narration, se revels e travers les objets de la vie courante, les soustrayant aux lois physique qui regissent notre univers. La nouvelle "Qui seit ?" est bien sOr le parfait exemple de cette rebellion das objets, mais nous la retrouvons egalement dens plusieurs autres textes, parmis lesqusls "Le Horla", "La Chevalurs" ou meme "La Petite Roque", lorsque Renardet voit bouger les rideaux de sa chambre. C'est par la disparition dss liquides laisses sur sa table de nuit que le protagonists du ”Horla" se rend compte de la presence d'une creature inconnue, at cette disparition a tout a voir avec la montee de l'angoisse provoquée par l'elemsnt irrationnel, autant dans la premiere version que dans la deuxieme: Je sens, messiaurs, que je vous raconte cela trop vita. Vous souriez, votre 133 opinion est deja faits: "C'est un fou.“ J'aurais dfl vous decrire longuement cette emotion d'un homme qui, anferme chez lui, l'esprit sain, regards, a travers le verra d'une carafe, un psu d'eau disparu pendant qu'il a dormi. J'aurais du vous faire comprendre cette torture renouvelee cheque soir et cheque matin (...). Ah ! Qui comprendre mon angoisse abominable ? Qui comprendre l'emotion d'un homme sein , d'esprit, bien eveille, plain de raison, at qui regards epouvante, a travers la verra d'une carafe, un peu d'eau disparue pendant qu'il a dormi :7 Ces deux citations, bien que longues, meritent d'etre reproduites ici, car c'est bien a partir de ce moment que la narration deviant fantastique; tant que le narrateur n'etait que la victims de mauvais reves, l'explication scientifiqus, voire medicala etait possible, lui-meme mettait d'ailleurs cette agitation nocturne sur le compte d'une influence pernicieuse causes par la fleuve. Mais a partir du moment ofi le Horla laisse une trace materielle, son existence est pour ainsi dire "prouvee", an tout cas, c'est bien l'opinion du narrateur, et c'est la raison pour laquelle il insists tent sur ce detail. Les alterations que souffrant les objets les plus quotidiens doivent donc etre interpretees comme les revelateurs de la force surnaturelle, que cette derniera sorta des limitss de notre conception de l'univers, comme c'est la ces du ”Horla" ou de "La chevelure", ou qu'ells y soit en theoria incluse, comma dans le cas de "Un fou ?"; dans cette derniers nouvelle, la telekinesie s'exerce bien entendu sur des objets inanimes, at c'est en 134 les deplaoent a distance qua Jacques Parent montre son terrible pouvoir eu narrateur.a Compare 5 cells des objets, .la fonction dss animaux dens l'instauration de l'effet fantastique est mineure, mais merits d'etre mentionnee: dans "Un fou ?", Parent commence par hypnotiser la chienne du narrateur, at e la faire agir de facon contraire a sa nature, en la forcant a se retourner contra son mattre: Il cria: 'Hords-le, mords ton maitre.’ [la chienne] aut'deux ou trois soubre- sauts terribles. On sat jure qu'ells resistait, qu'ells luttait. Il repeta: 'Hords—le.’ Alors, se lavant, ma chienne s'en vint vars moi, at moi, je reculais :ers)la muraille, fremissant d'epouvante Mais 1e rele du perroquat dans “Le noye“ est bien entendu nettement plus important; 11 ssmblsrait que dans ce dernier conte, l'oiseau est e la fois la revelateur da l'evenement fantastique at l'elemsnt surnaturel a lui tout seul: il est la cause de l'equivoque at 1e recit n'entre dans la fantastique qu'au moment oh la perroquat manifests se presence d'une facon insolite. A la fin de la narration, la question demeure de sevoir si la perroquat etait an affet une reincarnation de Patin, ou un animal lui ayant appartenu, et encore dans ce dernier ces, comment expliquer que le capitaine ait prononce sur son bateau, en pleine mar, les memes phrases qu'il avait coutume d'adresser a sa femme? Si un message se determine autant per son emetteur que per son recepteur, i1 reste difficile de trouver une explication V ‘9" 135 rationnelle aux mots du perroquat, car sur son bateau, 1e capitaine n'aurait jamais eu l'occasion de prononcer les mots que l'oisaau adresse e sa femme, at donc calui~ci n'aurait pu les apprendre. La perroquat ne se contents d'ailleurs pas de repeter quelques insultas, mais plutOt organise sss interjection d’une maniere invraisemblablsment logique. Encore une fois, l'explication rationnelle ne peut etre ecartee, de meme qua l'irrationnel, et c'est donc 1e perroquat qui contribue e laisser subsister ls doute, une fois la narration achevee. La necessite de ce doute tend e determiner certains motifs propres e l‘intrigue fantastique comme par exemple celui du sommeil: c’est quand il dort que le protagonists du "Horla“ sent au debut 1a presence de la creature irrationnelle; c'est an se reveillant que la mere Patin entend la voix de son brutal mari, alors que celui-oi e ete porte disparu; c'est pendant la nuit qua Renardet apercoit 1e fanteme da la petite Roque at c’est egalement pendant la nuit que les protagonistss de "La Main d'ecorche" at de "La Main" seront attaques par la force malefique de ce vestige humain: nous savons que Pierre, le heros ds "La Main d'ecorche” etait dens sa chambre, at dormait probablement. On peut rapeller ici qu'apres qu'il ait accroche la main au bouton de sonnette de sa ports d'entree, une main invisible a carillone, la reveillant ainsi an plains nuit. Le rele du sommeil dans la nouvelle "La chevelure" est encore plus exemplaira, car c'est bien pendant la nuit qu'apparait la 136 figure de cette femme du temps passe: "Une nuit, je me reveillai brusquemsnt la pensee que je ne me trouvait pas seul dens ma chambre. J'eteis seul pourtant. Mais je ne pus me rendormir; et comme js m'agitait dans une fievre d'insomnie, je me levai pour aller touchar la chevelure. Elle me parut plus douce que de coutume, plus animee.*° Et un peu plus loin: Elle est revenue, 1a Norta, la belle Horte, l'Adorable, la Hysterieuse, l'In- connue, toutes les nuits.u On peut voir que le sommeil (ou le manque de sommeil) a beaucoup e voir avec l'apparition de l'elemsnt fantastique. A mon avis cet etat de l'esprit humain est particulierement propics a l'equivoque, car 11 est une partie de la realite, sans pour cela etre rationnel: il est a la fois courant st inexplicable, si l'on fait bien sar abstraction dss systemes psychanalytiques. Il permet donc d'elargir an quelque sorta les frontieres de la realite, puisqu'il est connu et en meme temps inattendu. Dans un recit etrange comme "L'auberge", ls sommeil 'est l'explication rationnelle au phenomena insolite qui nous est expose: deux montagnards rastent isoles dens una hetellerie dss Hautas-Alpes, coupes du monde durant l'hiver. L'un d'eux, Gaspard, vieux guide experimente, part un matin, apres que les premieres neiges soient tombees, afin d'allsr chasser 1e chamois, at ne revient pas. Son compagnon, un jeune guide nomme Ulrich 137 part a sa recherche, et bien evidemment ne peut la retrouver. Rentre a l'aubsrge, il s'endort d'un sommeil profond duquel 1e tire un cri mysterisux prononcant son nom. Il reagit de facon superstitisuse, attribuant ce cri a l'eme de son ami, venant de quitter le corps. Alors, Ulrich se persuade que le fantOme de son ami reds autour de la cabana at n'ose plus sortir; a cheque fois qu'il s'endormira, le cri le revsillera at Ulrich sombrera psu e peu dans la folie. lci, 1e sommeil at l'isolemant complet du personnags provoquent l'hallucination auditive qui lui fare perdrs 1a raison. Le sommeil peut donc expliquer jusqu'e un certain point un evenemsnt apparamment irrationnel, at nous propose dans le cas du conte fantastique un semblant d'explicetion, qui pourtant ne suffit pas e elucider le problems epistemologique que pose l'elemsnt surnaturel; c'est une piste de plus qu'offre la narration fantastique, afin de demeurer dans la realite tout en y echappent et c'est encore un fois au lecteur de decider si l'evenement est effectivement irrationnel ou s'il est susceptible d'etre explique de facon naturelle. Le motif du sommeil partaga plusieurs caracteristiques avec ceux de la folis at de la mort, omnipresents dens l'ensemble des nouvelles fantastiques da Maupassant. En affet, on se pose presque dens chaque cas la question da la santé mentale du personnags, at la folis demeure une partie da la realite, tout comme 1e sommeil, aussi irrefutable qu'incontrelable at insolite. De la meme facon, la force 138 surnaturelle, moteur de l'intrigue fantastique, nous rapproche de la mort: les resurrections de "La Petite Roque” at de "La Noye” sont de ce point de vua particulierement explicites, mais la force surnaturelle comme projection symbolique da la mort se retrouve dens "Un Fou ?", car Jacques Parent est deja mort dans un asile psychiatrique lorsque 1e narrateur debuts son recit, ainsi que dens "Le Horla", non seulemsnt a la fin de la deuxieme version, mais egalement au' debut de la premiere comme de la deuxieme, lorsque 1e narrateur ressent pour la premiere fois la presence de la creature: Figurez-vous un homme qui dort, qu'on assassine, et qui se reveille avec un couteau dans la gorge; et qui rele, cou- vert de sang, at qui ne peut plus respirer, st qui va mourir, at qui ne comprend pas - voile. Je sens bien que je suis couche et que je dors... (...) Je sens aussi que quel- qu'un s'approche de moi, me regards, me palpe, monte sur mon lit, s’agenouille sur ma poitrine, ma prend la cou entre ses mains at serrs...serre...de touts sa force pour m'etrangler.‘2 D'eillsurs, les protagonistss des deux versions perdant du poids et la santé lorsque la creature mysterieuse rentrs dens leurs vies, at on pourrait donc interpreter 1a presence du Horla comme una representation symbolique de la mort. I1 convient ici d'insister sur la non—conventionnalite da ces differente representations de la mort: 1e Horla n'est pas un fantOme classique, loin de le, non plus que la perroquat, ni 1a chevelure; si l'elemsnt fantastique pourrait fournir la 139 liaison entre notre monde at un au-dele hypothetique, ce n'est en aucune facon une liaison repertoriea, talle une boule de cristal, mais bien un contact de type inedit, refractaire a touts interpretation repertoriea, meme de type magique. De plus, as contact n'est jamais ni prouve, ni en fait demontrable, at 11 contribue done a établir l'effet fantastique. 0n psut certainement trouver plusieurs proprietes communes aux motifs que je viens de relever (1e sommeil, la folie, la mort) et elles opposent ces motifs eu premier que j'ai mentionne, celui de la rebellion des objets; en realite, ces deux types de motifs se completent dans la masure ofi les uns sont inclus dans la realite, st donc nous situant dans un univers relativement credible, tendis que l'autrs est totalement irreductible e une interpretation rationnelle. Le sommeil, la folis at la mort, etent des phenomemes reels, nous donnent une possibilite d'interprétation rationnelle a l'intrigue fantastique, et pour que calla-oi demeure fantastique, c'est-e-dire continue a cs situer dens l'incertitude, il faut qu'un autre phenomena soit lui, au contraire, totalement inexplicable, et la rebellion dss objets semble remplir cette fonction. Le Fantastique, tout comme l'Etrange, evoqua les domaines les plus impensablss de la realite humaine, tels que le sommeil ou la folis, at introduit dans la narration des elements intimement lies a la realite de tous les jours. Mais le Fantastique, se distingua de l'Etrange lorsqu'il 140 presente egalement dss elements tout a fait inexplicables. Si nous reprsnons comme motif commun aux contes fantastiques la presence d'une force soit totalement inconnue ( "Le Horla", “Qui seit ?"), soit d'un pouvoir encore ignore de la science, mais dont nous ne pouvons rejeter la possibilite d'emblea, sans pour autant l’accepter ("Un fou ?"), nous sommes dens l'inconnu at dens l'equivoque, at il faut souligner l’importance du point de vua de la narration: terrorise, doutant de la realite, le protagonists l'expose pourtant dans la plupart dss ces13 car lui-meme ne paut nisr ca qu'il a vu. Bien sflr, la lecteur n'est jamais antierement convaincu de la bonne foi du narrateur, ni d'ailleurs de sa mauvaiss foi; ici, l'embivalence du narrateur equivaut A cells de la narration: on ne saurait trancher. L'intrigue fantastique se fonds sur la presence d'une force surnaturelle; i1 imports psu que cette presence se manifeSte e travers un "autre", d'origina inconnu, comme dens “Le Horla", ou e travers une perversion des lois physiques les plus elementaires de notre univers, comme dens "Qui seit ?": i1 s'agit toujours d'exposer 1a perception d'une realite inedite. Sans doute, cette perception psut inclure des ”fantemes" , mais toujours de facon inattendus: i1 ne s'agit ni de vampires, ni des revenants d'un chateau hante, bien au contraire: le rele das objets situe bien la narration dans la vie de tous les jours, hic et nunc. 0n voit ainsi comment 1e detail surnaturel, au coeur de 141 l'action, pervertit 1s decor at detruit en quelque sorta la certitude de la connaissance humaine; cette destruction provoque l'incertitude du protagonists autant que du lecteur. Il faut e maintenant voir comment la structure narrative des contes fantastiques vient servir cette incertitude, melant aux recours classiques de l'ecriture réaliste certaines caracteristiques inedites, at reproduisant au niveau structural l'embivalence typique de la narration fantastique. 142 NOTES 1)- "Il va donc falloir qua ne me tue, moi..." (Maupassant, 2)- 3)- 4)- 5)- 6)- 7)- 8)- 9)- 10)- Qenxres_ggnpletes Vol.II,938). La touts derniera phrase de la. deuxieme version du "Horla" est donc avant tout incertaine. Le lecteur ne saura jamais si la protagonists a eu recours a cette derniera extremite. Pourtant, le fait qu'il s'agisse de la fin du texte semble abondar dans ce sens: si l'ecriture s'arrete 1a, c'est psut-etre parce que la narrateur est mort. On psut observer ici la "survia" du texte fantastique une fois sa lecture achevee; sa conclusion n'en est pas une at ne resoud en rien l'enigme poses. ”La Chavelure”. II, 113 Idem Idem, p.118: "C'est bon de vivre ainsi. C'est msilleur 'aimer, mais terrible." Godfrey, Sima. "Lending a hand: Nerval, Gautier, Maupassant and the 'Fantastic'. On psut mentionner a as propos la facon dont la main momifiee est acueillie a grand renfort de quolibets par les etudiants, dens "La Hain d'ecorche". Maupassant, Guy de. Oeuxrss_cnmpletas, bibliotheque de la Pleiede. "Le Horla” premiers version, Vol. II, p. 825; “Le Horla“ deuxieme version, Vol. II, p. 920. On remarquera que ce pouvoir est incontrOlable aussi bien que tyranniqua; Jacques Parent ne peut s'empecher d'en faire usage allant jusqu'e passer 'des jours antisrs e changer dss choses de place'. “Un fou?“. La Pléiade, II, p. 313. "Un fou ?", Vol. II, p. 312. "La Chevalurs", Vol. II, p. 112. 143 11)- Idem, p. 113. 12)- "Le Horla", premiere version, II, p. 823-24; ”Le Horla", deuxieme version, II, p. 915-16. 13)— Les contes fantastiques 1 mon avis les plus caracte- ristiques sont toujours des narrations homodiege- tiques; 1e ces du "Noye" me semble etre una exception, et ea n'est pas a men avis la conte fantastique de Maupassant le plus réussi. Afin da decrire la structure d'une nouvelle fantastique selon Maupassant, j'ai choisi d'examiner tout d'abord la temporalite de la narration: son analyse nous permettre en premier lieu de saisir les particularites de l'episoda surnaturel au sein de l'univers realiste, ce qui nous apportera les premiers elements d'une typologie du conte fantastique. Il faudra ensuite s'interesser aux caracteristiques du point de vus de la narration, a non avis l'une des articulations principales, sinon la plus importants de l'effet fantastique. Il rests etabli que la conte fantastique possede en general beaucoup d'elements appartenant e la realite, at an particulier e une realite commune, sans surprise, bourgeoise ou prosaiqua, salon ls sens que l'on veuille donner a chacun de ces deux mots: les etudes precedentes, concernant les personnagss at leurs decors en font foi. On pourrait parlsr ici d'une necessite fondamentale du Fantastique: le 144 145 texte fantastique a besoin da la realite, ou du moins du concept de sa perception, at, au niveau narratif, du realisma, c'est-e-dire de la reproduction de cette perception acquise at partagee. Il n'est donc pas surprenant de constatar que maints contes parmi ceux nous preoccupent debutant d'une facon similaire aux grands recits realistes de la premiere partie du XIX‘M' siecle, principalement a ceux ds Balzac‘. En affet, la nouvelle fantastique de Maupassant commence generalement per una presentation an forme de portrait, at c'est par ofi j'abordarai l’analyse de la temporalite dans la narration. Lorsqu'on examine la duree dss evenemsnts racontes st l'espace entre ces derniers, il apparalt que la narration s'effectue en deux temps: d'une part, une sequence de presentation, vie resumes ou portrait d'un personnags d'apres l'ensamble de ses experiences suggerees per son mode de vie, at de l'autre, un enchainemsnt d'evenemsnts, ss deroulant dans le temps de la narration eu fur at e masure qua celle-ci se developpe, a un rythme accelere, at generalement percu par le lecteur an meme temps que le narrateur ou de ceux qui l'ecoutent. “Qui seit ?", "Le Horla", "La Chevalurs" at ”Le Noye" en sont des examples assez significatifs. Dans les trois premiers, le narrateur heros de l'aventure fantastique se presente lui-meme, nous decrit son caractere, sa vie at sss goats. Si nous savons dans le cas da la premiere version du "Horla" ainsi que dens "Qui seit?" que "quelque chose" d'incroyable s'est produitz, 146 ca n'est qu'au niveau suggestif; nous ne savons encore rien at as type d'anticipations narratives na sert qu'e prefigurer 1e doute que provoquera le recit. Dans "La Noyé" par contre, il n'sxiste aucune anticipation; at la narration debuts bien par la description presque naturalists d'un couple at dss problemes de leur vie conjugale: comment le marin s'enticha de la serveuse de l'auberge, comment 11 s'en lassa apres peu de temps et la traitement qu'il lui infligea par la suite. Il arrive que as type de portrait soit intercalé, une fois que la succession d'evenements rapids a commences, comme dens "La Petite Roque": on ne lira ls portrait da Renardet que lorsque le cadavre de la petite paysanne aura ete decouvert. Encore une fois, st bien qu'ells n'ouvrs pas le conte, cette description du personnags se trouve places tout de meme dans la premiers partie du conte, at e vrai dire, assez proche du tout debut, bien avant qua ne sa produise la vision fantastique qui poussera 1e maire au suicide‘. Ce portrait ou cette vie resumes impliquent une longue duree dans le temps de la narration, car ils se referent au passe du personnags principal, qu'il soit narrateur on non, at tsntent de nous donner un appercu presque total de son existence jusqu'e l'apparition de l'elemsnt fantastique. Materiellement, ils peuvent etre plus ou moins longs, mais sont compris la plupart du temps dans une page on deux. Il n'ont e voir avec la narration principals que le fait qu'ils concernent directement l'acteur principal de l'intrique 147 fantastique. . Il ne s'agit pas an general d'une progression chronologique, bien qu'organisee; c'est une vua synchronique at retrospective d'un_ensemble de faits tendent a expliquer ou justifiar les traits principaux du caractere du personnags principal at a la situer dens son snvironement, qui sera bien sflr celui ou apparaitra le detail fantastique“. D'une certains facon, ce portrait explique la temperament du personnags ou du moins 1e precise; souvent, 1e caractere original explique les actss concrets de ce personnags. Il serait neanmoins faux d'affirmer que ce portrait est toujours present: on n'en trouve que la trace dans "La Main d'ecorche" at i1 ne concerns pas seulemsnt le heros, qui dans ce conte precis demeure assez distant de la narration, mais plutOt l'ensamble de ca groups d'etudiants fetards. Helgre tout, ca dernier conte nous presente bien la milieu dens lequel evolue ls malheursux jeune homme qui sera victims de la main dessechee. Ces portraits n'ont de commun avec l'intrigue propremsnt fantastique que leur rapport avec le personnags qu'elles aident a elaborar, son milieu et l'univers entier eu sein duquel apparait l'evenament surnaturel. 11 en decouls une opposition logique avec l'inexplicable. Le portrait est un ensemble d'informations familieres au protagonists at elles 'n'offrent rien de surprenant, bien au contraire: le lecteur est pour ainsi dire mis au courant de ces informations sans particularites concernent le narrateur et son univers, 148 replique exacts de l'univers de tous les jours. Alors que durant l'elaboration du portrait, le lecteur est precede du narrateur, c'est-e-dira qu'il est informe des evenemsnts apres coup , les deux se rejoignant lorsque se declare la Fantastique: tous deux apprannent les faits au meme moment. Ils partagent la meme surprise at 1e sevoir supose du narrateur et celui du lecteur sont places an meme niveau car les evenemsnts relates, principa moteur de la narration fantastique propremant dite, sont tout aussi inedits pour l'un que pour l'autrs. "Qui seit ?" ainsi que la premiere version du "Horla" sont tous deux concus de facon retrospective: malgre tout, on psut etablir une difference fondamentale entre la sevoir initial du narrateur, aisemsnt partage par le lecteur et la narration fantastique, que la lecteur sera an masure de suivre chronologiquement. Le portrait recouvra plusieurs annees d'une forms elliptiqua, ou meme se situe' en dehors d'une periods determines; il est constitue de precisions de type biographiqua at general. Par contre, les occurences fantastiques ns sont que de courts duree at ss succedent a un rythme regulier. En verite, ls protagonists de l'aventure fantastique semble passer plus de temps a s'en remettre qu'e les subir directement. Ceci est particulierement vrai dens "La Petite Roque“: la vision fantomatique de la petite morts nue dens l'herbe ne revient qu'e un moment precis de la journee, lorsque Renardet se retire dens sa chambre le soir, mais elle conditionne le 149 comportament -et la vie entiere du parsonnage°. Dans la deuxieme version du "Horla", 1e Fantastique est intercale avec le non-Fantastique. Ainsi les voyages du narrateur au Mont ST.Hichel at a Paris, semblables d'ailleurs a ceux du narrateur de “Qui Sait ?" an Normandie, appartiennent bien a l'univers de tous les jours at na creent pas de surprise; mais ils sont motives par la presence Fantastique; la narrateur les commentera precisement en contrasts avec les elements inexplicables qui lui ont fait quitter sa maison. Ici, le detail fantastique se prolongs dans la vie de tous les jours a travers 1a narrateur, bien que cette normalite apparente tends e l'eclipser, ou du moins a le mattre entre parentheses. Una premiere conclusion psut etre deje tires ici, quant e la temporalite typique du conte fantastique: l'evenement surnaturel est court, at l'impression qu'il provoque est pour ainsi dire le ton du conte fantastique. D'une certains maniere le detail inexplicable rests distant, insaisissable, ce qui lui permet de raster inexplicable, il n'offre aucune emprise sur lui-meme: si un phenomena inexplique se renouvelle constamment de facon similaire, alors, e defaut de le comprendre, nous l'accepterons sans difficultes, car i1 en est ainsi pour le cycle des jours comme celui des saisons°. On observera que si la detail fantastique se renouvelle sous une forms identique dens certains ces, comme la vision dans “La Petite Roque“ ou la desapparition des liquides que la narrateur du ”Horla" laisse sur sa table de 150 unit, il change dans la plus grands partie des examples; apres quelque temps, d'eutrss details inexplicables, ayant evidemment quelque chose a voir avec le motif principal de la nouvelle, se produiront, accentuant de cette facon le caractere inexplicable de l'elemsnt fantastique. Ainsi, 1e narrateur du "Horla" pourra-t-il voir la tiga d'une rose se trancher touts seule at raster "suspendue" en l'air ou les pages d'un livrs tourner toutes seules; celui de "Qui seit" pour sa part sera en masure de constatar la presence de ses msubles chez un antiquaire de Rouen, apres les avoir vus partir d'eux-meme de sa propre maison, at event d'apprendre qu'il sont reapparus chez lui aussi inexpliquablement qu'ils avaient disparus7. Si chacun de ces details surnaturels tend e prouver l'existence d'une force supra-humaine, il ne sont pas identiques. On pourrait dire que l'imprevu, at a plus forte raison l'imprevisibilite, de ~ l'evenement surnaturel renforce son aspect fantastique. Il n'est pas cense arriver, i1 ne correspond e aucun schema pre-etabli, compris dans l'eventail dss possibilites d'un "genre" narratif” determine, at distingua par le-meme 1e genre Fantastique du genre Merveilleux ou "Hiraculeux": .que ce soit dans le cadre de la legends ou dans celui de la religion, l'evenement surnaturel, s'il rests inattendu. n'est pas 5 ca point imprevisible, bien au contraire, il fait partie de la tradition at admis d'emblée dans la spectre des possibilites propres a l'univers narratif. On peut constatar un desequilibre fondamental entre les 151 details realistes formant l'ensemble de l'univers narre at les faits surnaturels, et cela se manifests dans la durea temporal des elements narres comme dens l'action: on trouve de fait dans le conte fantastique plus da réalisme que de surnaturel. Il va da soi que l'ensemble de l'atmosphere croyable du texte réaliste est influence par le detail surnaturel. La vie peroue comme vraissmblable 'par le lecteur comme par la heros de l'action se narra en fonction de l'inexplicabla, et contient plus d'elements realistes que fantastiques, malgre sa totals soumission au phenomena surnaturel. C'est pour resoudre la crise provoquee per l'apparition de l'evenement irrationnel que le narrateur .du "Horla" se livre e ses experiences avec les liquides, ripostant par‘ une demarche positive au trouble dont il souffre, c'est pour echapper a sa psur que le narrateur de "Qui seit?" refuse de rentrsr chez lui et ainsi de suite. On psut d'ailleurs mentionner les precautions que l'Anglais protagonists de "La Main" prend contra son adversaire invisible et impossible, comme la chains attaches au poignet de la main momifiee ou la quantite d'armas qu'il garde e sa portee’. Qu'il soit en apparencs benefique ("La Chevalurs“, “La Hain"‘°) ou strictemsnt destructeur ("La Horla", "Qui sait?", "Un Fou?"), 1e detail inexplicable deviant le centre, at das preoccupations du heros, at de la structure narrative; i1 affects le comportament du protagonists autant que la chains narres. Le debut de la narration fantastique ne va pas sans rappeler celui d'un roman typique de Balzac: 152 on presente de facon precise les personnagss et leurs decors event de les faire agir. Dans le conte fantastique, il ssmblsrait que l'action a propremant parlsr commence par l'apparition du Fantastique: la narration ne deviant plus ou moins chronologique at ns s'accelera qu'e partir du moment ou l'inexplicable s'est produit“. En fait, revelee par la mediocrite dss personnagss, ainsi que des decors et. des situations, 1a description de la reaction de l'univers familiar narre, et les question qui an decoulent face a l'irrationnel pourrait etre la seul but de l'ecriture fantastique. 0n peut mentionner ici que, malgre tout, ls detail surnaturel est en fin de compte toujours destructeur quant e la situation du protagonists face a la societe; ce dernier est en quelque sorta condamme, soit e la reclusion dans un hepital psychiatrique, soit plus simplement a la mort. Il faut cependant etablir ici une specificite de l'aspect “réaliste" d'une narration fantastique, qui la distingua du texte purement realiste de type balzacien. Il arrive que la problems insoluble pose per le recit fantastique soit suggere tout au debut de la narration, dens differentes sortes de micro-structures. Il convient de mentionner ici 1a premiere phrase de "Un fou ?“, qui nous ennonce les sensations que les evenemsnts relates dens 1e conte provoqueront chez le narrateur comme chez le lecteur, . depuis 1a caractere insolite da 1a folis jusqu'au frisson de peur‘z. De la meme facon, le cadre narratif materiel de "La Horla“ at de "La Chevalurs", la maison d'alienes comme lieu 153 de depart at d'arrivee, englobant la totalite de la trams narrative, indique que l'enigme poses n'a pas da solution satisfaisanta envisageable. Le nouvelle "Qui seit?" est sans doute l'exemple le plus clair de micro-structure. Miss a part l'anticipation narrative deja mentionnee, qui donne ls ton a la narration, le titre meme merits d'etre commente. Tout d'abord c'est bien une question at la point d'intarrogation est aussi significatif que les deux mots qui 1e precedent. Ensuite, 1a question "qui seit ?" est uns question de tendance negative: on ne demands pas si en fait quelqu'un psut effectivement sevoir, on exprime plutet notre ignorance d'une part, at de l'autrs egalement notre incapacite de sevoir. Dans le vocabulairs courant, "qui seit?" signifie “je/on ne sais