Ewan. . uuwwfi , v ,I. c). .._m “aw in tumuw . - $25.3: .. 5,3 5.4,. I.» bit... .. )1: .L I: .l .9... l , .3 .1 n " .‘n .g‘ "H l, 3;" ,j’ifl'? ”Waumnmmmywm .5. WA “F 9...»... ix; 1......“me Evnfi was»; era in? ._Iv...m .h EEK... u .. . gm ...~bJflHu.n.nm,am.\..w..uflw&ru Knudsfihvin . THESIS ' LIBRARY Michigan State Wm University 3 1293 31i0 1788 5"928 This is to certify that the dissertation entitled V535 UN concep-r be LITTERATURC NATuoNALE MARTiuiQUAise= €vOLu-non De LA Li-rTERA'mgc HAzrthuAise Au xx émc SiécLE. presented by LUCiANo CAM-P06 PICANCO \ has been accepted towards fulfillment of the requirements for ib_D__- degree in m WWW? Major professor Date J/zf/if / / PLACE IN RETURN BOX to remove this che TO AVOID FINES return on or be MAY BE RECALLED with earlier due ckout from your record. fore date due. date if requested. DATE DUE DATE DUE DATE DUE UN 2 7 , \— VERS UN CONCEPT DE LITTERATURE NATIONALE MARTINIQUAISE: EVOLUTION DE LA LITTERATURE MARTINIQUAISE AU XXeme SIECLE BY Luciano Campos Picanco A DISSERTATION Submitted to Michigan State University in partial fulfillment of the requirements for the degree of DOCTOR OF PHILOSOPHY Department of Romance and Classical Languages 1998 ABSTRACT VERS UN CONCEPT DE LITTERATURE NATIONALE MARTINIQUAISE: EVOLUTION DE LA LITTERATURE MARTINIQUAISE AU XXéme SIECLE BY Luciano Campos Picanco Aimé Césaire's Negritude, Edouard Glissant's Antillanité, and Patrick Chamoiseau and Raphael Confiant's Créolité movement are all literary and theoretical models of national identity quest shaped in Martinique in the 20th century. The introduction raises questions about national literature and its significance and the first chapter examines the intellectual background in which Negritude ideas were generated. It uses examples from cultural texts to document different approaches to black identity, and examines their points of contact as well as their contribution to the rise of the Negritude movement. In addition, this study examines the different literary schools through the critical analysis Of the literary and critical work of their main authors: an overview of Aime Cesaire's work as it shaped Negritude as an interpretive approach to defining black identity in Martinique; Edouard Glissant's interpretation of the history of Martinique in his Discours Antillais which shapes the thought about the Caribbean in the 19803; and finally the most recent model Of interpretation of Martiniquan identity, Créolité, which incorporates issues of language and expands on the dialectics of Antillanité to present the idea Of a Caribbean racial and cultural mosaic. The analysis takes into account not only the aesthetic values of the author's main works, but also their relevance in a historical, social and political context. The conclusion shows through a new reading Of the evolution of their interpretive models that these different movements, in search for a concept of "being Martiniquan", shaped a new national literature. Copyright by LUCIANO cmpos pIcmco 1998 A Lola. A la mémoire de mon pere. ACKNOWLEDGMENT S I would like to thank professor Laurence M. Porter, for all the invaluable help and the guidance he provided me in the preparation of this dissertation. I would also like to thank professor Herbert Josephs for his reading, his moral support, and his friendship; and professor Kenneth Harrow for his valuable insight and constructive criticism. I extend my thanks to my friend Isabelle Cassagne who willingly gave her time to assist me in the completion of this dissertation. In addition, I would like to add a note of special thanks to Carole Borne and Bonaventure Balla for their help and friendship. vi TABLE DES MATIERES PROPOSITION (Vers un concept de littérature nationale martiniquaise) ............................................ l CHAPITRE l PANORAMA DE LA CONSCIENCE NOIRE AU PREMIER TIERS DU XXe SIECLE (Compte Rendu Historique) ......................... 8 CHAPITRE 2 LA NEGRITUDE CESAIRIENNE (La Négritude) .................. 34 CHAPITRE 3 GLISSANT ET LE DISCOURS ANTILLAIS (L'Antillanité) ....... 83 CHAPITRE 4 UN ELOGE DE LA CREOLITE (La Créolité) ................... 146 CONCLUSION .............................................. 198 NOTES ................................................... 206 BIBLIOGRAPHIE ........................................... 247 vii Vers un concept de littérature... PROPOSITION (Vera un concept do littérature martiniquaise) Nous sommes des sortes d'idéologues d'une littérature future. Edouard Glissant Mon verre n'est pas grand mais je bois dans mon verre. Alfred de Musset Le peuple martiniquais est mieux qu'une race, c'est une nation. D'aprés Bainville Vers un concept de littérature... Dans un texte de 1955 publié dans Presence Africaine, Gilbert Gratiant affirme que l'écriture martiniquaise ne peut étre nationale que "si l'on admet l'existence d'une nation martiniquaise." (87) Pourtant, l'idée de "national" est difficile a circonscrire et il est encore plus difficile d'arriver a un consensus a ce sujet. Peu nous importe le concept lui—méme. C'est plutOt le résultat de son instabilité pour la littérature martiniquaise qui nous intéresse ici. La problématique du "national" martiniquais s'instaure moyennant la conclusion que s'il existe une écriture nationale chez les Martiniquais, c'est parce qu'ils constituent nécessairement une nation distincte de celle des Francais. Si les Martiniquais disposaient d'un minimum d'indépendance, ffit-elle simplement politique, cette problématique n'aurait pas meme lieu d'étre. Dans ce cas, il faudrait bien sfir travailler et renforcer le concept du "national", comme le font effectivement la majorité des anciennes colonies américaines, produits nouveaux du contact intercontinental. Personne ne nie l'existence d'une littérature nationale haitienne, quoique Haiti ait eu les memes apports culturels primordiaux que la Martinique. Nul ne doute du caractere national de littératures telles que celles du Brésil, des Etats-Unis, du Mexique ou de l'Argentine. De meme, il est évident que la littérature cubaine ne se définit pas en fonction de ses liens avec la Vers un concept de littérature... littérature espagnole. Les nations indépendantes ont le "droit" de réclamer la distinction "nationale" de leurs littératures, tandis que la Martinique doit s'accommoder a un statut de littérature régionalel, quoique des références historiques, géographiques, sociologiques, sans parler de categories telles que le linguistique, l'économique et meme le racialz, prouvent le contraire. La problématique de la littérature "nationale" martiniquaise existe, en somme, parce que l'ile, en dépit du mythe de la démocratie associative généré par le référendum d'assimilation, reste encore aujourd'hui "sous la domination d'une puissance étrangere qui est la France." (Roget 305) Toutefois, si la Martinique ne constitue pas encore une nation-état, c'est-a-dire un état ou la nation des citoyens dispose de souveraineté ou d'autorité politique3, elle constitue une éthnie, un groupe de personnes qui participent d'une unité ou d'une identité dépassant la simple appartenance a un état politique4. Conception extra— politique, l'éthnie se base sur le linguistique, sur l'historique, sur le "racial"5, sur le détachement géographique ou tout simplement sur la simple "aspiration" commune d'étre "nation." John Bowle croit pour sa part que la seule definition valable du terme "nation" repose justement sur la croyance de la communauté dans l'existence d'une nations. .._—._ Vers un concept de littérature... Cette nation martiniquaise essaie de s'expliquer en tant que nation: le désir de se connaitre n'est étranger a aucun homme, et le Martiniquais, des le moment Ou il est conscient d'étre une donnée de plus dans le monde, a assumé cette tache avec tenacité. Au dela de l'individuel, il a essayé de se définir comme collectivité, comme ensemble d'étres sociaux. Peu de peuples l'ont fait de maniere aussi exigeante et continue. Sa philosophie, sa poésie, son théétre et son roman offrent presque toujours un sondage angoissé, une meditation extensive du "moi" de la "martinicité." La littérature martiniquaise, née de cette quéte bien particuliere d'auto—explication de l'espace martiniquais et des manieres d'agir des habitants de l'ile, fut l'outil le plus puissant du mouvement de libération intellectuelle lancé par les écrivains qui 1a représentent. Le paroxysme de cette quéte aboutit au XXe siecle, avec une succession d'écoles: la Negritude avec Aimé Césaire, l'Antillanité avec Edouard Glissant et, finalement, la Créolité avec Patrick Chamoiseau et Raphael Confiant. Il est vrai que ces différentes écoles donnent l'impression de jeter leurs regards au-déla des frontieres de l'ile Martinique. Césaire cherche a réunir a niveau mondial son peuple noir dispersé; Glissant récupere la notion Caraibe des Antilles comme un espace univoque; et Chamoiseau et Confiant trouvent dans le linguistique et dans la mosaique culturelle la reunion possible de plusieurs territoires éparpillés autour du globe. Nonobstant, en quéte Vers un concept de littérature... de l'union noire, Césaire récupére pour la Martinique l'apport africain comme donnée pertinente de la haute culture, et trouve de ce fait un espace pour l'ile dans la carte du monde; Glissant, lui, essayant de redécouvrir l'histoire des Antilles, "densifie" la culture martiniquaise et l'exposition de l'ile dans le monde; quant a Chamoiseau et Confiant, en defendant leur Créolité, ils finissent par produire la meilleure littérature inspirée des "manieres" populaires de l'ile, prenant en compte les données de la réalité martiniquaise. L'objectif de cette étude est de démontrer qu'il existe en Martinique une littérature dont la dynamique laisse entrevoir les caractéristiques d'une littérature nationale, c'est-a-dire une littérature qui peut aujourd'hui s'alimenter d'elle-méme, sans pour autant se fermer a l'influence des autres littératures mondiales. Pour ce faire, on essaiera de mener a bien une analyse détaillée des trois grands mouvements littéraires de l'ile dans notre siecle. Cette étude se veut comme une ébauche d'organisation de la littérature Martiniquaise en tant que littérature nationale. La "nationalisation" de sa littérature est pour la Martinique une étape primordiale puisque cette littérature n'est pas encore arrivée a constituer totalement et organiquement les moeurs communs et généraux de sa vie et de son expression, faute de pouvoir se dire avec certitude ce qu'elle est: la littérature d'une nation. On analysera ici l'évidence de ce Vers un concept de littérature... qui n'est pas dit clairement. En effet, dans la mesure Ou une oeuvre se donne a lire comme 1e besoin pour un étre d'exprimer l'expérience d'un milieu qui pousse a la composition et exige de lui l'acte créateur, cet étre sera toujours en train de produire une littérature nationale. Edouard Glissant semble tres précis quand il affirme qu'on peut étre certain de l'existence d'une littérature nationale "quand une communauté contestée dans son existence collective tente de rassembler les raisons de cette existence." (Discours 198) A travers le parcours des trois grandes écoles littéraires en Martinique au XXe siecle, on verra que leur objectif n'a été autre que de comprendre l'existence de leur communauté. S'il est vrai qu'elles l'ont fait de manieres diverses et en s'opposant les unes aux autres, il n'en demeure pas moins qu'elles tendent vers un seul et meme but. Certes, il se peut que quelque chose de nouveau se passe en Martinique au niveau politique, en vertu des nouvelles conditions d'interaction globale. Quel que soit le dénouement de la situation politique martiniquaise dans l'avenir, il parait incontestable que le processus de conformation du "national" dans l'ile suit 1e bon chemin en vertu des développements de la mentalité "nationale" dans sa littérature, développements que nous exploiterons dans cette étude. Si, sur le plan de la conscience singuliére des habitants de l'ile, la littérature martiniquaise persiste Vers un concept de littérature... dans sa quéte de la réalité, il est sfir que le concept du national acquerra assez de force pour catapulter cette littérature (encore considérée comme régionale, mais en voie de "nationalisation") a un statut de maturité dans l'ensemble de la littérature mondiale. Vers un concept de littérature... PANORAMA DE LA CONSCIENCE NOIRE AU PREMIER TIERS on like SIECLE. (Compte Rendu Historique) Il lui a manque un mot, LE mot pour caractériser la fureur qui bouillonnait. Puissance du mot. Il fallait donc inventer de toutes pieces le mot "négritude". Raphael Confiant La négritude a été le mal du siécle des intellectuels 'noirs' qui prenaient conscience de la situation singuliere de leur 'race' dans l'histoire. René Depestre Vers un concept de littérature... Au début le négrisme était. Terme flou et capable d'envelopper tout ce qui concerne le noir dans la littérature occidentale. Abstraction, plutOt que nomenclature, puisque le négrisme ne se trouve pas dans le dictionnaire. C'est un instrument de classification mentale euro-centralisée. Le négrisme est une abstraction née du contact, non entre cultures, mais entre races. Et, pour suivre l'opinion de René Depestre, son début est marqué par l'institution de la traite négriere et de la colonisation.7 Quoique la présence du Noir soit itérative dans la littérature ancienne de la Méditerranée, cette littérature ne traitait pas une race comme inférieure a une autre. Ce n’est qu'au moment de la Traite que le Noir devient l'Autre, stigmatisé a cause de sa peau et de sa condition, et catapulté, en état d'infériorité, au centre meme de l'aventure mercantiliste des états européens. Le négrisme est tout ce qui, apres cette époque, commence a étre écrit sur des Noirs — écriture en principe dite du dehorsB, puisqu'elle fut rarement aux mains des Noirs avant l'orée de notre siecle. Le négrisme du dehors sera la seule écriture connue sur le noir pendant trois siecles, poussée soit par une opposition au systeme esclavagiste de l'Amérique, soit, plus tard, par la nouvelle répartition du monde entre les puissances européennes qui s'accomplira définitivement vers 1885. Si en termes politiques, la Traite suppose l'exploitation du Noir et le partage de l'Afrique implique la colonisation, en termes relationnels globaux les Vers un concept de littérature... deux ne laissent pas d'étre véhicules de transculturation. Si l'Occident transplanté aux Amériques voulait faire du NOir un étre a l'image du Blanc et l'Europe forcait la pénétration de sa culture en Afrique, on assisterait, en meme temps, a un reflux de ce mouvement dont le paroxysme se trouve entre la fin du XIXe et le commencement du XXe siécle. Avant meme la Premiere Guerre - observe Depestre - l'influence relative de l'Afrique s'étendra aussi a la poésie, au roman, a la musique. Cherchant une nouvelle identité, artistes et poetes demandérent des enseignements, des sensations, des émotions a 'l'art negre', au jazz, aux blues, aux danses des Etats—Unis et de la Caraibe. (Depestre, 25—26) C'est cette fin de siécle qui marque la naissance du négrisme du dedans et qui dans ses premieres années sera connu comme panafricanisme ou africanité, faute d'une nomenclature plus précise. Une fois l'esclavage aboli, avec la participation progressive du Noir dans la culture des anciens pays esclavagistes, et avec le systeme d'éducation coloniale chaque fois plus développé en Afrique et aux Amériques, les Noirs commencent a méditer sur leur situation personnelle. Des intelligentsias noires essaient de formuler des ”écoles" de la pensée qui puissent expliquer les peuples "barbares" africains et qui puissent "ré—unir" ce qui avait 10 Vers un concept de littérature... été séparé: la réalité africaine et la réalité de la Diaspora. Cette pensée noire se situe au milieu d'une transformation de la pensée mondiale sur l'individu et sur la sociétég. A l'instar d'écoles de révision de la société et de l'individu, telles que le Marxisme ou la psychanalyse de Freud, ce nouveau-né négrisme du dedans, ou panafricanisme des premieres années, ou Africanité, ou africanitude, ou pan- négrisme (les nomenclatures se pluralisant), commence a se crystalliser comme une "école" du soupcon. On se méfie de l'hégémonie du monde occidental euro-centralisé et l'image de l'homme et de la culture noire que ce monde crée ou plutOt impose . Le négrisme du dedans apparait comme un refus de l'assimilation de la part des intellectuels noirs, une assimilation voulue par la culture européenne. Son objectif était de corriger les distorsions d'une culture pseudo-noire construite par les colonisateurs, qui déformaient la réalité de l'étre noir, et d'empécher ainsi la désagrégation de l'unité culturelle de la race noire éparpillée autour du globe. D'un autre cOté, l'homme noir découvre qu'il ne peut pas se fier a l'homme noir lui-meme. Transformé par le regard blanc, 1e Noir est un moi plein de projections qui ne lui appartiennent pas. Ce négrisme du dedans nous présente, de différentes manieres, l'homme noir prisonnier d'une culture, d'une famille, d'une enfance, d'une education, et 11 Vers un concept de littérature... meme d'un corps, desquels il doute. Tout lui a été impose, le monde et la maniere de s'y voir. Ainsi, dans le domaine de la pensée noire qui se cherche les "-ismes" se multiplient: on écrit partout, on parle partout, on produit partout. Des personnes, des "écoles", des revues, des livres, des mouvements essaient de penser d'une maniere intégrale l'étre noir, englobant des réalités diverses autour du monde.- Duboiisme, Garveyisme, The Harlem Renaissance, des Congres Panafricains, Légitime Defense, Presence Africaine, le Mouvement Indigene et sa Reyue Indigene, 1e Negrismo Cubain sont les nombreux visages d'un protée en mutation et a la recherche d'un corps, d'un corpus qui puisse s'auto—expliquer. En 1934, parmi ces essais de structuration de l'écriture noire apparait l'école littéraire nommée Negritude. La négritude fut le premier mouvement systématique d'écriture noire, capable d'englober toutes les diverses réalités noires et basée sur des valeurs esthétiques différentes de celles préchées par les canons occidentaux. L'idée dominante de la Négritude n'est absolument pas l'anti-occidentalisatiOn. La Négritude veut rejeter certains aspects de la culture occidentale, spécialement l‘image déformée de l'homme noir et de ses cultures. D'autres aspects aussi importants que le langage sont utiles et sont utilisés pour créer un discours commun de restructuration d'idéologies et de préjugés, menant a une prise de conscience du monde occidental vis a vis des 12 Vers un concept de littérature... droits, de la dignité et, surtout, des capacités de l'homme noir, ce qui menera Sartre a affirmer dans son "Orphée Noir", en 1948, que "la poésie noire de langue francaise est, a nos jours, la seule grande poésie révolutionnaire." (Sartre, xii) Aujourd'hui, malgré les nombreuses tentatives des historiens de la littérature pour trouver la source primordiale et exacte de la naissance de ce mouvement si bien réussi de récupération de la spécificité noire, les conclusions sont variables et, dans leur majorité, dépendent du témoignage de ses fondateurs: Aimé Césaire (Martinique), Léopold Sédar-Senghor (Sénégal) et Léon Gontran Damas (Guyane). Nonobstant, s'il est vrai que la littérature est le miroir et l'interprétation d'un moment déterminé de l'évolution historique d'un groupe, le succes de la Negritude dépend exclusivement du moment psychosocial qui entourait le mouvement, et sa source est une multiplicité de faits qui éclosaient autour du besoin de réévaluation de la condition noire. Voila pourquoi L. Diakhaté dit que "la Négritude est fille de l'histoire." (Diakhaté 58) Alors, il ne faut pas chercher une origine pour la Négritudelo, mais des antécédents, des mouvements, des personnes, des faits, parfois concomitants, parfois non, qui ont inspiré, facilité ou influencé l'aboutissement de la quéte d'un discours pour le peuple noir a partir du dedans. Le panafricanisme des premieres années a été la premiere tentative de nomenclature d'un négrisme du dedans. 13 Vers un concept de littérature... Aujourd'hui, le panafricanisme doit étre compris comme une doctrine qui préche l'union politique du continent africain réunissant la pluralité de ses habitants, mais ses racines se trouvent au commencement du siecle, et il doit étre placé, sans aucun doute, au centre des préoccupations qui ont fait naitre la Négritude. Joffre P. F. Dias synthétise ainsi cette situation: Le panafricanisme est bien antérieur aux années soixante. Il y a eu, en effet, tout au début de ce siecle, un autre souffle de panafricanisme, qui a commencé avec le premier congres panafricaniste tenu a Londres en 1900 et s'est éteint avec le sixieme congres panafricaniste tenu a Manchester en 1945. Ce souffle, lui, est animé principalement par les Noirs ou les Africains de la diaspora, c'est-a-dire des USA et des Antilles britanniques. (Dias l) Né donc hors des limites géographiques de l'Afrique, le panafricanisme n'était qu'une simple manifestation de solidarité et de reconstruction de l'image du noir entre les Africains et les peuples d'origine africaine des Antilles et des Etats-Unis. Juste a son début, le panafricanisme s'est divisé autour de deux personnages-clefs, W.E.B. Duboisll et ZMarcus Garveylz. On associe ces deux noms respectivement a 14 Vers un concept de littérature... deux tendances d'un meme mouvement: le panafricanisme social ou politique et le panafricanisme racial. Il y en a pourtant d'autres noms inoubliables et qui ont constitué le cOté littéraire du panafricanisme: en poésie, Countee Cullen13, Langston Hughesl4, avec l'addition de Claude McKay15 forment la triade des grands noms de la Harlem Renaissance, mais le panthéon d'écrivains de ce mouvement inclut aussi Jean Toomer16, Zora Neale Hurston17, Wallace Thurmanl8, James Weldon Johnson19 et Alain Leroy Lockezo. Quoique ce mouvement ait été trés important dans l'évolution du négrisme du dedans, les tendances des membres de la Harlem Renaissance étaient souvent trop diverses21 pour exercer une influence durable. Les styles et les sujets n'étaient pas fondés sur des bases communes. Ces tendances n'avaient en commun que le désir de former une nouvelle vision de l'homme noir. Si, aujourd'hui, on ne peut pas la voir comme une école - ce qui a fini par affaiblir sa force -, on peut l'accepter comme l'explosion inevitable d'un besoin de dire, de faire et de démontrer, chose impossible auparavant a cause de la structure sociale en vigueur. En somme, la Harlem Renaissance ou mouvement New Negro (1919— 1937) est une période historique de développement et maturation culturelle, politique et sociale de la conscience et de l'identité noire aux Etats-Unis. Sa force résida surtout dans sa capacité de franchir les frontieres de son 15 Vers un concept de littérature... pays22 et d'influencer la naissance de la Négritude23, en y apportant ce cOté culturel24 qui manquait au panafricanisme. Si le panafricanisme culturel a fleuri Vite dans des espaces anglophones, le meme processus était en marche dans les colonies de langue francaise. La politique en matiere d'instruction publique adoptée par la France, l'institution de tout un systeme d'enseignement Officiel pour les colonies, peut étre signalée comme un aspect determinant de l'apparition du panafricanisme parmi les intellectuels francophones. Couteau a double tranchant, l'objectif de ce projet, qui finirait par offrir aux colonisés les armes du discours, n'était en principe qu'un programme d'assimilation. Le francais était la seule langue utilisée pour l'éducation25 et les étudiants démontraient souvent la tendance a nier leurs cultures originelles et a accepter les yeux fermés la nouvelle culture transmise comme la seule capable de les transposer de la barbarie des colonies vers la modernité de la métropole. On favorisait la venue d'étudiants des colonies en France, en meme temps qu'on motivait la construction d'un large apparat éducationnel dans les colonies memes. Ceux qui avaient l'occasion de bénéficier de cette éducation offerte pouvaient espérer acquérir des postes distingués dans l'administration des colonies. Cette possibilité d'ascension dans la hiérarchie coloniale exerca une forte attraction pour les colonisés. Alors, séduits par 16 Vers un concept de littérature... la culture francaise, quoique conscients de l'impossibilité qu'avait cette culture de traduire complétement leur réalité, la réaction du colonisé par rapport a la métropole était souvent de se laisser avaler par sa culture, devenant imitation de quelque chose qu'il n'était pas. D'autres colonisés, au contraire, se rendaient vite compte de la situation dichotomique ou ils se trouvaient et, avec les armes du discours, essayaient de faire apparaitre ce qui les distinguait de la masse métropolitaine. L'un des premiers produits du systeme d'éducation francais fut René Maran. Batouala, veritable roman negre , prix Goncourt, inaugure en 1921, lors du deuxieme Congres Pan-Africain a Paris, une littérature qui ne cessera de se construire. Batouala, qui rapporte la vie des paysans Banda de la région de Grimari—Bambari, fut un modele pour l'éclosion des premieres oeuvres de la Négritude. Malgré toutes les critiques autour de ce livre -- telles que de ne pas avoir dénoncé les iniquités des peuples d'Europe et de ne pas avoir laissé vraiment un message a suivre -- "les positions adoptées par Maran", explique Toumson, "semblent bien timides au regard des ardeurs iconoclastes des ideologues de la Négritude. Ceux qui les ont jugées avec le plus de sévérité ne se sont guere souciés, il est vrai, d'éviter l'accueil de l'anachroniSme.(La Transgression des Couleurs II, 135) Cet anachronisme empéche, encore aujourd'hui, de voir le caractere subversif de l'oeuvre de 17 Vers un concept de littérature... Maran26 et l'influence qu'il a eue dans la formation d'une conscience noire et d'une littérature noire écrite par des Noirs. La place de René Maran comme le premier collaborateur a la prise de conscience qui mettrait en avant la culture noire est indéniable.27 Selon Senghor: "Apres Batouala, on ne pourra plus faire vivre, travailler, aimer, pleurer, rire les Negres comme les Blancs." ("René Maran", 12)28 C'est a d'autres Antillais de franchir un pas de plus dans la formation de la mentalité noire avec la création d'une revue qui produirait une élite de critiques de premiere grandeur: Légitime Defense. "Une revue littéraire de contestation qui est l'annonce d'un considerable bouleversement" (Lettres Crégles 89), expliquent Patrick Chamoiseau et Raphael Confiant . Voila pourquoi on indique souvent la revue Légitime Defense, fondée parmi d'autres par Etienne Léro, René Ménil et Jules Monnerot, comme l'un des grands précurseurs de la Négritude. Elle est la premiere organisatrice d'une "mentalité noire". Cette revue voulait s'opposer a la tentation assimilatoire a laquelle se trouvaient exposés les peuples noirs colonisés. Elle représentait aussi un mode de resistance contre les impositions des cultures étrangeres et contre le "blanchissement" dont chaque nation africaine ou néo— africaine a souffert sous l'influence de la culture européenne. Légitime Défense cherchait enfin a 18 Vers un concept de littérature... "marronner."29 La revue fut interdite par les autorités apres la parution d'un seul numéro a cause de son caractere considéré en 1931 comme extrémement subversif. "Se disant 'suffoqués par ce monde capitaliste, chrétien, bourgeois', quelques jeunes Martiniquais de couleur, étudiants a Paris et agés de vingt a vingt-trois ans, semblent bien décidés a ne plus "composer avec l'ignominie environnante". Pour cela, ils veulent se servir des armes nouvelles que l'Occident lui- méme leur fournit: 1e communisme et le surréalisme (Kesteloot, 25). D'ou la liaison de Légitime Défense avec le matérialisme dialectique sartrien de base marxiste et avec l'école d'André Breton. Inspirée du matérialisme sartrien, elle préche la disparition des classes et des differences entre les hommes, présentant 1e marxisme comme l'arme optimale pour la révolte des peuples colonisés; tandis que le Surréalisme, qui privilégie le primitif et s'oppose au rationalisme occidental, adopte un discours basé sur la sensibilité, la magie et les réves. Ce sont des aspects du discours noir étouffés par l'Occident sous la designation de barbarie. Malgré la tendance de Légitime Defense a renier le corpus littéraire européen, son caractere culturel, selon ses propres auteurs, devait étre la deuxieme étape d'un projet avant tout autre chose politique, d'ou la tendance vers le Parti Communiste, c'est—a-dire contre le monde capitaliste. l9 Vers un concept de littérature... C'est surtout a partir du deuxieme Manifeste Surréaliste, de 1930, que cette école, liant l'art et la révolution, va influencer le plus la pensée des Antillais. Voila pourquoi Légitime Défense a produit plus de théoriciens que d'artistes. De plus, comme l'observe Edouard Glissant, il s'agit d'une revue faite par des jeunes noirs sur l'expérience des noirs en France. 11 y a en elle un manque de réalité antillaise et, ainsi, souvent, ses participants hésitent de faire des affirmations catégoriques. Dans Légitime Défense, "l'hésitation est antillaise, la certitude européenne." (Discours Antillais 427) Quelles que soient les forces ou les faiblesses de la revue, l'important est de constater l'influence exercée par cette revue sur les étudiants noirs a Paris. "Elle dépassa le cercle des Antillais," explique Kesteloot, "et atteignit les étudiants africains. Déja, en effet, se trouvaient exprimées dans la petite revue, de facon assez complete et cohérente, toutes les idées d'ou allait germer la renaissance culturelle des Noirs d'expression francaise (la Négritude): critique du rationalisme, souci de reconquérir une personnalité originale, refus d'un art asservi aux modeles européens, révolte contre le capitalisme colonial (Ecrivains noirs, 26). La fonction majeure de Légitime Défense dans la prise de conscience noire au XXe siecle fut, ainsi, de mettre en 20 Vers un concept de littérature... contact l'Afrique et les Antilles et d'amener la réflexion. Elle présente aussi aux futurs représentants de la Negritude une réalité qui dépasse les langues, celle des noirs américains et des Antilles de langue anglaise. Légitime Defense est une espece de carrefour d'idées et de personnes, d'ou les peres de la Négritude sortiront munis d'un bagage théorique qui leur permettra de formuler la base culturelle de leur mouvement. Inspiré par la NEgro Renaissance, le Mouvement Indigene en Haiti trouve son plus grand apport théorique dans la Reyue Indigene, menée par de jeunes auteurs tels que Normil Sylvain, Jean Price—Mars30, Léon Laleau, Emile Roumer et Jacques Roumain. Cette revue est une réponse nationaliste a l'occupation américaine de l'Haiti de 1915 jusqu'en 1934. Instrument intellectuel de lutte contre l'intromission de la culture "yankee", la Revue Indigene finit par se baser sur la fierté des origines africaines de la population et sur la défense de la langue francaise3l, deux caractéristiques importantes de la culture haitienne contre le monde du nouveau colonisateur (Cornevin, 152). A travers ses six numéros entre 1927 et 1928, elle propose l'instauration d'une nouvelle étape du discours américaniste, fondée sur la reconstruction d'une image positive de l'Amérique et le refus d'une conscience importée. De plus, les indigénistes s'opposent a l'imitation des canons européens, incapables 21 Vers un concept de littérature... selon eux d'exprimer toute la réalité haitienne. Ainsi, ils proposent un travail ardu de recherche qui traduirait les états d'ames propres aux haitiens, sans devoir utiliser des rythmes importés, des images toutes prétes venues de France et de l'exotisme facile. Ce mouvement essaie de trouver dans les personnages et les paysages nationaux un sentiment d'orgueil. L'écriture est une arme d’auto-connaissance contre le mépris qui victimisait le peuple noir. Le Mouvement Indigéne est l'expression littéraire d'un moment de lutte ouverte en vue de récupérer les traditions étouffées par la colonisation. Le vaudou, par exemple, défendu et marginalisé, representation de tout ce que le colonisateur considérait comme primitif et barbare, a pris a cette époque un nouvel essor. Nonobstant, l'Indigénisme démontrait par son attachement extreme a la terre haitienne l'incapacité d'englober sous son égide la multiplicité des peuples noirs. Dans les pays américains de langue espagnole se multipliaient aussi les manifestations du négrisme, soit du dedans, soit du dehors. Comme l'Indigénisme, le Negrismo (a ne pas confondre avec le terme général négrisme) est né comme manifestation de l'ame noire.32 Le Negrismo fait partie du modernisme et d'autres mouvements littéraires postérieurs en Amérique Latine. Il résulte d'une recherche de nouveaux sujets en poésie. Il fut utilisé par des poetes noirs et blancs. A Cuba des poetes comme Felipe Pichardo Moya, RamOn 22 Vers un concept de littérature... Guirao, Emilio Ballagas et Regino Pedroso ont exploité le theme de la réalité noire. Rubén Dario33, de Nicaragua, considéré comme le pere du modernisme latino-américain de langue espagnole, avec son poeme "La Negra Dominga", y a aussi pris part. Tomas Hernandez Franco et Manuel del Cabral sont les représentants du négrisme dans la République Dominicaine. A Porto-Rico, c'est a Luis Palés Matos qu'échoit la téche d'exploiter les légendes populaires et la culture néo-africaine. En Colombie, le grand nom de la poésie négriste est Jorge Artel, tandis qu'au Venezuela, ou la population noire est de quantité bien plus considerable, un nombre plus grand de poétes se sont dévoués a la littérature négriste ou afro—antillaise: Andrés Eloy Blanco, Manuel Rodriguez Cardenas, Miguel Otero Silva et Manuel F. Rugeles parmi d'autres. En somme, tous les pays latino— américains verront d'une maniere ou d'une autre l'apparition d'une poésie negrista dans leurs milieux intellectuels.34 Toutefois, 1e centre de cette poésie sera toujours Cuba. Et ce n'est pas par hasard. Né en 1902, 1e cubain Nicolas Guillén est le représentant majeur du Negrismo afro-antillais et l'un des grands cultivateurs de la poésie sociale. Dans sa poésie, l'universel et le particulier se rejoignent avec perfection. Chez Guillén, le negrismo n'est pas une mode, c'est, au contraire, l'expression nécessaire de son monde intérieur. Mieux que personne, il a su adapter par l'imitation consciente 1e lyrisme social ou intimiste au 23 Vers un concept de littérature... rythme des chansons populaires afro—cubaines et d'autres pays caribéens. Son oeuvre littéraire compte entre autres Motivos ge_een (1930), Songoro cosonge (1931) et West Indies Limited (1934).35 L'existence du négrisme du dedans produit l'apparition d'un nouveau négrisme du dehors en Europe, cette fois-Ci plus imbu de la réalité noire, puisqu'en contact direct avec elle. En France plusieurs auteurs étaient en train de produire des oeuvres qui plus tard seraient considérées dans leur ensemble comme les produits de la dite négrophilie francaise. La négrophilie francaise disposait de noms tels qu'André Breton, Robert Desnos, Robert Goffin, Jean Cassou, Emmanuel Mounier, Louis Aragon, Michel Leiris. Mais le grand négrophile est sans aucun doute Blaise Cendrars. 11 a écrit non seulement une littérature négriste, mais il a aidé a transformer l'image du noir en France. Le geneigen; Noir (1922) est son livre de poésie négriste, et Les Qrende Eetiehee (1922) décrit ses contacts avec des cultures noires dans le Harlem, dans les favellas de Rio de Janeiro, au Brésil, et dans les jungles de la Guyane.36 En plus, avec la musique de Darius Milhaud, i1 écrit La Création du Mbnde, basé sur un mythe Baoulé de l'Afrique de l'Ouest. La musique syncrétisait les rythmes populaires noirs brésiliens et le jazz nord- américain. L'apport transformateur de Blaise Cendrars a la littérature négriste ne répond pas tout simplement a l'envie 24 Vers un concept de littérature... de l'auteur de collaborer au processus de ré—élaboration de l'image du Noir en France, mais a un besoin des intellectuels de ce Pays dans l'entre—deux—guerres. Son apport est son iAnthelegie Negre, publiée en 1921, qui constitue la premiere presentation d'ensemble de la littérature du monde noir. Depuis la premiere décennie du siecle des artistes comme Matisse et Picasso avaient déja démontré leur appréciation de l'art africain. En 1913, Guillaume Apollinaire et Paul Guillaume publient ensemble le Premier Album de Scelpeere Negge. Le jazz faisait déja partie des cercles intellectuels d'avant-garde en France. L'Anthologie de Cendrars vient remplir le trou littéraire, apportant au lecteur francais des légendes, des contes, des chants et des devinettes africaines.37 Par ce geste de Cendrars, les traditions populaires africaines recevaient pour la premiere fois en France un traitement de matiére poétique, destitué de son association commune avec le simple rythme et la pure sauvagerie (Clifford, 902). En plus, parue la meme année du Congres Panafricain ou pan—noir a Paris, elle lui a servi de support, remodelant "dans la psychologie collective européenne le visage des peuples exotiques" (Toumson, 299). Cette anthologie aide, également, a réorienter la littérature antillo-guyanaise, étant la source d'oeuvres, aujourd'hui éclatées par le rayonnement de la Négritude, mais qui servent a figer cette période de formation des idées négristes du dedans: par exemple, Karukéra, de Léon Talboom (Guadeloupe); 25 Vers un concept de littérature... On More yiyaie Earmi Nous, de Jean Galmot (Guyane); et Claire Selange, Ame Africaine, de Suzanne Lacascade (Martinique) (Toumson, 299). Aux fondateurs de la Négritude, il leur fallut aller en France pour découvrir les Antilles et les Amériques, ces ”autres Afriques". Ils ont eu besoin d'un détour pour reconnaitre les alentours. Selon Damas: Nous [ Damas, Césaire et Senghor] allions de révélation en révélation, découvrant d'autres terres que les nOtres, d'autres Afriques en vue: Cuba, avec Nicolas Guillén, Regino Pedroso, Marcelino Arrozarena. Le Brésil, avec Jorge de Lima, Mario de Andrade, Lima Barreto, Solano Trindade; l'Amérique hispanique avec Casillo G. Thomson, Jorge Artel, Candelario Obeso; les Antilles anglaises, avec C. L. R. James, George Padmore et George Campbell; Haiti, avec l'oncle Price-Mars, Jacques Roumain, Roussan Camille, Jean Brierre (Racine, 185). Des efforts vers une prise de conscience ont eu, pour le monde francophone noir, des résultats encore plus pratiques et durables avec la création de L’Egudiane Noir en 1934. De plus, elle fut le laboratoire pour la formation du concept de 26 Vers un concept de littérature... Negritude. Ce n'est pas la revue en elle—meme l'aspect le plus important du renouveau, mais l'effort combiné de ses trois fondateurs Léopold Sedar Senghor, Léon Damas et Aimé Césaire pour le développement d'un corpus critique et littéraire commun qui pourrait faire une place pour l'homme noir indépendamment de sa région d'origine. Cet idéal a été atteint en accordant au culturel une importance primordiale. Cette primauté du culturel permet a ces auteurs une fécondité d'inspiration mutuelle — c'est grace a Senghor que Césaire et Damas entrent en contact avec le monde révé mais inconnu de la réalité africaine; tandis que Senghor lui—meme est exposé aux réalités de l'homme produit de la traite et du dépaysement. Ainsi, leurs efforts combines menent a une revalorisation de l'Afrique, non comme lieu exotique et primitif, mais comme une culture précise a retrouver. "On se permettait de penser et d'écrire a la maniere africaine," - explique Janheinz Jahn — "c'était la redécouverte, le réveil de l'Afrique." (Jahn 239) Les Antilles sont plus que des producteurs de la canne a sucre et plus qu'une simple extension ultra marine de l'ancien Empire Francais. Ces iles apparaissent, en fait, comme un produit nouveau de la somme de deux ou plusieurs réalités, permettant ainsi la création d'un nouveau discours. En plus, c'est dans L'Etudiane Noir que le terme "Négritude" lui-meme a été utilisé par la premiere fois. A sa naissance, la Négritude a pu réunir les Noirs autour d'une 27 Vers un concept de littérature... meme cause grace a la simplicité meme de ses intentions: sa fonction n'était que de lutter contre la ségrégation inavouée au milieu estudiantin par l'affirmation de l'étre-negre. Damas témoigne: Je dois vous dire tout d'abord que lorsque Césaire, Senghor, d'autres camarades et moi-meme, avons pris conscience de la situation du Noir dans le monde et que nous nous sommes mis a réfléchir sérieusement, nous n'avions pas la moindre idée que nos préoccupations d'étudiants que nous étions alors, donneraient naissance a ce qu‘on a convenu d'appeler aujourd'hui 1e "mouvement de Negritude". Avant d'avoir été un mouvement littéraire, celle-Ci aura été une condition acceptée par un certain nombre d'entre nous (Racine, 194). Née de cette simple ambiguité, celle d'étre noir dans la culture blanche, la production littéraire sous la designation de Négritude est devenue une profession de foi dans le destin des sociétés noires d'Afrique et d'Amérique. Les horizons de la Négritude se sont vite élargis et les projets de ses plus grands noms, Senghor, Damas et Césaire, aussi. La Négritude,