MSU LIBRARIES RETURNING MATERIALS: Place in b p AU CENTRE DU VERTIGE NERVALIEN: LE VOYAGE Efl ORIENT ET LA MISE EN ABYME By Luu, Nguyen Dat A DISSERTATION ”Submitted to Michi an State University in partial fu§fillment of the requirements for the degree of DOCTOR OF PHILOSOPHY Department of Romance and Classical Languages 1981 © Copyright by Luu, Nguyen Dat 1981 G H785] ABSTRACT AU CENTRE DU VERTIGE NERVALIEN: LE VOYAGE EN ORIENT ET LA MISE EN ABYME By Luu, Nguyen Dat D'aprés Gide, la mise en abyme serait 1e redoublement spéculaire, "a l'échelle des personnages", du sujet mama d'un récit, ayant avec l'histoire narrée: (1) un rapport de réflexion ou de similitude, (2) et un rapport d'enchassement. Dans cette perspective, 1e ygzggg se structure par l'intercalation de micro-récits formant 1e récit cadre et de récits seconds qui blasonnent et transforment indubitablement 1e récit premier: 1e Egzggg s'ouvre alors sur d'autres voyages qui l'in-forment homologiquement. Les micro-récits emboités a l'intérieur du texte porteur formant des emblémes spéculaires qui éclairent 1a réalité profonde du 292333 en l'extrapolant de ses multiples facettes. En.termes de temporalité narrative, les mises en abyme fictionelles s'identifient aux anachronies qui contestent 1e dénouement normal du récit-cadre. Les mises en abyme correspondent a trois modes d'émergence dans la discordance narrative: 1) inaugurale, la mise en abyme prospective installe avant terme l'histoire a venir. Les récits mimétiques Luu, Nguyen Dat réfléchissant une réalité, chaotique, sérielle et regressive, finissent par céder la place a des récits spéculaires qui éclairent non plus horizontalement, mais verticalement a l'approche d'un centre de visions de plus en plus profondes et transcendentales. Le parcours européen enregistre un ensemble de "signes vains": des épreuves ou des seuils apparents que le quétant cherche a défoncer ou a dépasser. 2) centrale, la mise en abyme réfléchit l'histoire narrée en la faisant pivoter autour de son point d'ancrage dans le récit. La mise en abyme centrale reprend les événements antérieurs et en meme temps prépare l'arrivée des événements postérieurs. Ainsi la réalité mosaique éparpillée sur plusieurs couches spatiales et temporalles va se reconstituer pen a peu dans un contexte d'itération et de constante métamorphose, comme a travers une fissure ou s'épanchent 1e rave et la sublimation mythique. 3) finale, la mise en abyme rétrospective réfléchit apres coup l'histoire qui se c16t. La mise en abyme finale essaie alors "d'universaliser 1e sens du récit" en recourant a un pacte thématique orienté vers 1a generalisation sémantique et l'irradiation du symbole. Le récit en s'avancant se modele sur sa métaphore d'origine qui s'identifie a l'immortalité, encodée alors comme un rassemblement de formes et d'espaces concentriques, a Luu, Nguyen Dat fixation grandissante. Le Voyage devient ainsi 1a source centrale ou viennent puiser d'autres oeuvres nervaliennes. 4 ii Anma femme, Ph thi Hanh et a mes en ants, Luu Hu Chan, Luu Thién Ky, Luu Th Khai', Luu Viet, aupres desquels j'ai trouvé réconfort, comprehension et bonheur. I I REMERCIEMENTS Dans l'élaboration de ma these de doctorat, ni les conseils ni les encouragements ne mfont manque. Qu'il me soit permis tout d'abord d'exprimer ma gratitude a.mon.Maitre,‘M. le Professeur L.M. Porter, qui a consenti a prendre 1a direction de mes travaux, et mis a ma disposition, avec une inépuisable bonté, les ressources de son grand savoir. Que MM. les Professeurs E. Gray, H. Josephs et G. Joyaux veuillent recevoir mes remerciements les plus vifs pour la patience avec laquelle ils mfont aidé dans la correction du texte. Quant a M. 1e Professeur J. Donohoe, qui m'a si complaisamment aidé et encourage, il voudra bien trouver ici l'assurance de ma profonde reconnaissance. Si je ne puis citer tous les amis dont les entretiens miont été profitables, je voudrais au moins dire ma gratitude a Laurel Porter, J.T. Krause et Mark Andrews qui mfont aimablement ouvert un univers de poésie et d'enchantement littéraire. iii TABLE DES MATIERES Page INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Chapitre I LES VOYAGES DANS LE VOYAGE: MISE EN ABYME INAUGURALE DE LA QUETE—NERVALIENNE . . . . . . 26 II. LES VOYAGES DANS LE VOYAGE: MISE EN ABYME CENTRALE DE LA QUETE‘NERVALIENNE . . . . . . . 48 III. iMISE EN ABYME AUX CONFINS DU SYMBOLE . . . . . 79 IV. LA SIGNIFICATION DU DOUBLE 0U LA CONFRONTATION AVEC LE MIROIR . . . . . . . . . 92 V. COSMOGONIE NERVALIENNE ET LA STRUCTURE SPECULAIRE . . . . . . . . . . . . 106 CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 NOTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 iv INTRODUCTION INTRODUCTION A la veritable critique appartient 1a capacité de produire ce qui doit étre critiqué. Novalis Chateaubriand avec son Itinéraire dngaris §_Jérusalem gt gs Jerusalem.§ Paris recrée le type de l'écrivain-voyageur et lance vraiment 1e genre du voyage qui, avec meartine, Nerval et Flaubert, acquirent une réelle valeur littéraire au XIXe siécle. Si les trois derniers choisissent 1e meme titre -— Voyage en Orient -- pour designer leur journal de voyage, c'est que 1'0rient, ici 1e Proche - Orient, est a la mode romantique. Il est a remarquer tout d'abord que 1e terme d'Orient est resté longtemps mal défini. Le XVIIIe siécle distinguait Orient et Levant, appelant "commerce d'Orient", 1e commerce qui se fait dans 1'Asie orientale par l'océan et "commerce du Levant", celui qui se pratique dans l'Asie occidentale par la Méditerranée.1 Pourtant, 1e meme siecle appelait aussi les Turcs, Persans et Arabes "orientaux" et leurs langues, "les langues orientales". A.1a période romantique, on remarque la disparition du terme "Levant" at, par contre, l'emploi abusif II 3 du mot "Orient". D'aprés le dictionnaire de Laveaux (1820) "on dit plus généralement oriental tout ce qui a rapport aux pays situés a 1'0rient par rapport a nous". Pour Alfred de Vigny, "un Espagnol est un homme de l"Orient, c'est un Turc catholique...";2 de sa part Victor Hugo écrit aussi dans la preface des Orientales: "Les couleurs orientales sont venues comme d'elles-mfimes empreindre toutes ses pensées, toutes ses reveries; et ses reveries et ses pensées se sont trouvées tour a tour, et presque sans l'avoir voulu, hébraiques, turques, grecques, persanes, arabes, espagnoles meme, car 1'Espagne c'est encore 1'0rient; 1'Espagne est a demi- africaine, 1'Afrique est a demi-asiatique".3 Et Théophile Gautier de continuer: "L'Espagne n'est pas faite pour les moeurs européennes. Le génie de 1'0rient y perce sous toutes les formes et 11 est facheux peut-étre qu'elle ne soit pas restée moresque oumahométane".4 Pour d'autres écrivains du XIXe siecle tels Maxime du Camp, 1'0rient est surtout 1a Turquie: "Enfin voici 1'0rient, 1e véritable Orient, avec ses mysteres, son luxe, ses terreurs et toute sa poésie".5 iMais, par contre, a Constantinople, Flaubert avoue que 1'0rient africain 1'a emporté en son coeur sur 1'0rient byronien a dominante turque, celui des Romantiques. Les Romantiques voyagent beaucoup et plus encore aiment lire les "voyages", les guides de voyage, et les descriptions des pays lointains qui abondent a l'époque. Le gout du pittoresque est une des attitudes romantiques envers 4 1'0rient. Le vogue durable des gillg_g£ Egg Ngigg, traduites par Gallant en 1704, maintient cette tendance. Et Abel Rémusat d'affirmer: "C'est meme de cette seule composition que sont originairement dérivées la plupart des notions qui ont cours chez nous au sujet des Orientaux".6 Si Chateaubriand va en Palestine en pelerin et s'intéresse encore dans 1'Itinéraire dg_§g£i§ g Jerusalem.a 1a Grece et a la Judée, les voyageurs romantiques recherchent davantage 1'0rient, "1e berceau du monde et du soleil"7 et ne voient plus dans la Gréce que "le bord de 1'0rient".8 Les Romantiques preferent surtout la Turquie, 1a Syrie, 1e Liban et l'Egypte. Lamartine dans son Voyage gg_ggig§£yméprise la GrEce et néglige l'Egypte, mais s'intéresse davantage au Liban. Nerval, quant a 1ui, néglige 1a Palestine pour mieux s'attacher a l'Egypte, 1e Liban et la Turquie. Pour eux, le pelerinage "en Orient" a remplacé définitivement celui de Jerusalem.et d'Athenes. Lamartine n'a pas, cependant, échappé au travers de son époque qui a considéré 1'0rient comme un vaste bazar ou l'on se fournissait en motifs pour tableaux de genre. Que ce soit en Egypte, en Syria an en Turquie, les Romantiques ont eu jusqu'alors une seule et meme preoccupation: la couleur locale. 118 1a cherchaient principalement dans les métropoles, dans les grouillements des foules, dans tout ce qui prolonge 1e moyen age. Par contre, 1'0rient n'est plus seulement pour Nerval une terre, une société, une civilisation 5 différentes des siennes, mais un lieu sacré ou l'homme occidental peut retrouver une vérité ancienne: "Toute révélation vient d'Orient, et, transmise a l'Occident, s'appelle tradition. L'Asie a les prophetes, 1'Europe a les docteurs...".9 Ainsi, sous 1e vernis exotique apparait un Orient plus secret et en rapport étroit avec les plus profondes aspirations d'un Romantisme qui s'intéresse plut6t a la quéte mystique, la recherche d'une nouvelle conception du monde a travers ce qu'Edgar Quinet appelle la "Renaissance Orientale", expression reprise par Félix Neve en 1844: "N'est-ce pas avec raison que nous donnerions au mouvement Opéré par ces idées et ces formes le nom de Renaissance Orientale?"10 C'est une telle acception du mot "oriental" que Gérard de Nerval révéle lorsqu'il se met en route vers 1'0rient: Ofi vais-je? Oh peut-on souhaiter d'aller en hiver? Je vais au-devant du printemps, je vais au-devant du soleil... Il flamboie a mes yeux dans les brumes colorées de l'Orient.11 Le 1er Janvier 1843, Nerval s'embarque a Marseille pour un voyage d'un an. Le fignggg 1e conduit en direction de Naples, puis 1e gings 1'emméne en Egypte. De 1844 a 1850 paraissent Lg Revue PittoreSQue, La Silhouette) les principaux épisodes de ce voyage. En 1848 sort la premiere édition partielle chez l'éditeur Sartorius, avec les Scanes g2 la vie orientale: 6 Femmes 22:22222: tandis que commence 1a publication des Ngigg‘du Ramazan, en feuilleton dans le National. Enfin, en 1851 parait chez Charpentier 1'édition definitive, ou Nerval s'affirme dans sa personnalité littéraire, apres maints remaniements textuels. Cette édition contient aussi 1e voyage a Vienne de 1839-40, qui donnera naissance a la Pandora, et que l'auteur considére au fond de lui-meme comme 1'indispensable prélude a son voyage vers 1'0rient par le Danube. Les sources livresques que Nerval méle a ses observations personnelles sont tres nombreuses: William.Lane, Silvestre de Saci, Castellan 1'ont inspiré en bien des passages du ngggg‘ n Ogigng, ‘Mais on sent surtout une impulsion profonde qui pousse Nerval vers ce pays du rave et du mythe. Ce voyage passe donc par de differentes etapes ou le "voyageur enthousiaste" (p.10) s'engage peu a peu dans une qgggg qui par expansion analogique va se préciser de plus en plus primordiale, profonde et transcendentale. Quelle place Nerval occupe-t-il dans la littérature frangaise? Quels sont l'intérét et la présence du ngggg gg_ggigng dans la critique littéraire? A.ces questions nous souscrivons tout d'abord au jugement de Henri Lemaitre: "en cette fidélité a soi-mflme et a ses intuitions essentialles, Gerard a trouvé la raison de son universalité, et la promesse de sa durée; n‘est-i1 pas aujourd'hui le moins démodé, et meme lg_plg§ contemporain de tous les écrivains de la génération romantique?"12 7 Essayons de préciser les aspects de cette actualité de Nerval. Apres la mort de ses fidéles amis et défenseurs -- Théophile Gautier, Alexandre Dumas, Arséne Houssaye, 1e Docteur Blanche at George Belle, le souvenir de Gérard de Nerval s'efface; et il faut attendre Aristide Marie pour que de nouveau Gérard de Nerval revienne a la mémoire du public. Aristide Marie publie en 1914 une biographie de Gérard de Nerval que de longues recherches ont préparée et que sa fille Giséle Marie, n'a cessé de compléter par de nouveaux travaux. Dans cette biographie intitulée gégggdidg.flg£y§l, lg_pgg§g gt l'homme, Aristide Marie réserve un chapitre, "L'Orient: vers Isis", pour analyser 1e Voyage £2 Orient. En ce qui concerne sa composition, Aristide Marie assure qu'il "est facile de reconstituer les réelles étapes de son voyage et de discerner ce qu'il a ajouté d'imaginaire".3 Sur un plan continu, Aristide Marie fait croiser 1e ngggg' n Qgiggg de Nerval avec sa correspondance, et aussi bien l'histoire de Gérard avec les mythes orientaux, sans trap insister sur les effets engendrés, ni sur la mécanisme qui soustend l'oeuvre. Aprés.Aristide Marie, les éditions des oeuvres de 13 et de nombreux travaux ne cessent de Nerval se multiplient lui étre consacrés: ouvrages érudits, biographies, essais, numéros spéciaux de revues littéraires, d'innOmbrables ) 8 14 Nous ne voulons, ici, en mentionner que les articles. plus importants. J.M. Carré, dans Voyageurs g£_écrivains frangais 22 Egypgg (1932), reprend l'observation diAristide Marie pour souligner que Nerval dans son Egyg g 22 Qgigng "déforme 1a réalité pour lui conférer le prestige et la durée des creations éternelles de l'art".15 Se plagant dans le meme sillage que J.M. Carré, Hassan El Nouty avec son ouvrage, intitulé Lg ngghgfggigng gang lg littérature francaise g2 Ng£y§1.§,§§££§§ (1958), prétend que 1e ngggg. E 951225 de Nerval devient "un classique du genre".16 Si Albert Béguin ne réserve aucune mention du Voyage £2,95iggg dans son ouvrage gégggd‘gg,§g£!§l (1945) et consacre les six chapitres a 1'étude surtout d'Aurélia et des Eillg§,dg_§gg, Jean Richer avec son Qégggd d2 Nggygl gt les doctrines ésotériques (1947) se fonde sur la "lecture du voyage en Orient" pour dégager "l'analogie et l'anagogie, 1a quete de l'essence a travers les symboles et les correspondances".17 Aprés un bref rappel biographique sur Nerval, Jean Richer aborde "Les Mythes des origines", "Symbolique et Cabbale", "Une Cosmogonie", "La Reintegration", "Le Syncrétisme nervalien et les symboles de la mere", "Descente aux enfers et initiation" etc. qui sont tous les grands thémes du Voyage EELQEEEQE. Dans son ouvrage Nggygl experience gt creation (1963), Jean Richer réserve un chapitre entier, "Le monde recomposé", pour aborder 1e Voyage gn_0rient sous 9 trois angles: les elements autobiographiques, l'élaboration du Voyage et les emprunts livresques, 1e ngggg gn_95igng_comme réve. En conclusion, Jean Richer souligne que "le Voyage n'est pas seulement une mosaique de textes découpés ici et 1a. Gérard se les est apprOpriés par la mggig_g£ Egg ggylg at par la créance qu'il leur accordait. Ses pérégrinations furent une étape importante de son voyage intérieur, ce retour au berceau des civilisations lui a permis de retrouver le chemin de sa propre enfance...1es reflets d'une patrie antérieure commune a tous les hommes...".18 Jeanne Durry replonge 1e ngg g gglggiggg dans l'ensemble de l'oeuvre de Nerval pour affirmer que "les mythes sont dépositaires des plus anciens souvenirs et des plus anciennes imaginations de l'humanité. Gerard voudrait y toucher ses propres souvenirs, y trouver ses pr0pres aspirations...".19 Pour Marie-Jeanne Durry, les héros des contes mythiques que Nerval a composes et enchassés dans son.!gyggg EB Ogigng sont devenus les "dépositaires de sa vie intérieure...ses porte-reves".20 Leon Cellier, lui aussi, réserve une partie du chapitre "La machine infernale" de son ouvrage Eggggd gs Nggygl l'homme 35 gggygg (1956) pour esquisser une étude comparée entre les éléments autobiographiques et la pouvoir créateur de Nerval dans son.ygy§gg.gn,ggigng, précisant en fin de compte que 1e livre "est bien une somme nervalienne".21 Raymond Jean, dans son Nerval par 10 luiaméme (1964), ne mentionne que tres briévement la cmmposition du Voyage gg_0rient alors qu'il analyse plus minutieusement les structures de §y£yig. Gerald Schaeffer, par contre, consacre un ouvrage entier, Lg_ygy§g§,gn_ggiggg g2 Nerval étude des structures (1967),a "retrouver cette architecture une, resultant d'une organisation géniale"22 a l'intérieur du Voyage et a définir 1a mythologie person- nelle de Nerval en fonction des seuls schémas livrés par le texte. 11 a divisé son étude en deux grandes parties intitulées: (1) "Le mythe du créateur et de la creation" et, (2) "Application du mythe". Quant 5 Ross Chambers, i1 Egyggg (1969) a décomposer 1e Egyggg_gg_ggign£ en mouvement et lenteur, en réve et en réveil, en voyage ascendant et en descente aux enfers--1es deux dimensions d'une meme traversée initiatique. Dans 1e travail qui suit, nous nous donnons pour tflche de procéder a une analyse structurale du ngggg_gn Qgignt de Gérard de Nerval. Des Figures I, G. Genette insiste sur la fait que "l'analyse structurale doit permettre de dégager la liaison qui existe entre un systeme de formes et un systéme de sens".23 Rien n'oblige le structuralisme a se restreindre a des analyses de surface . L'aire de sa démarche est bien l'analyse des significations. Le \ structuralisme comme méthode "est fondé a étudier les 11 structures partout on il en rencontre",24 structures qui sont des systemes de relations latentes que l'analyse construit a mesure qu'elle les dégage. Ainsi, l'analyse thématique tendrait logiquement a aboutir a une synthése structurale ou les différents themes se groupent en réseaux, selon la perspective de Jean Rousset: Il n'y a de forme saisissable que 13 on se dessine un accord an un rapport, une ligne de force, une figure obsédante, une trame de presence on d échos, un réseau de convergences; j'appellerai "structure" ces constances formelles, ces liaisons qui trahissent un univers mental e5 que chaque artiste réinvente selon ses besoins. 5 A cOté de la critique structurale analytique, une autre tendance critique nommée "hermeneutique"26 a la suite de Paul Ricoeur, revendique que le sens d'une oeuvre est "27 comme un message a la fois ancien et toujours "repris renouvelé dans un continuum.culture1 pourvu d'un surplus de sens. G. Genette prétend aussit6t que la relation qui unit structuralisme et herméneutique n'est ni "de séparation" ni "d'exclusion", mais "de complémentarité": A propos d'une meme oeuvre, la critique herméneutique parlerait 1e langage de la reprise du sens et de la recréation intérieure, et la critique structurale celui de la parole distante et de la reconstruction intelligible. Elles dégageraient ainsi des significations complémentaires... En écrivant son Voyage 22 Orient, Gérard de Nerval ne peut se dégager de l'exemple de ses prédécesseurs déja célebres du voyage romantique. C'est par 1'usage d'un r) 12 procédé que nous appelons plus tard la mi§§_gn_abymg que le "gentil Nerval",29 "le petit maitre de l'école romantique"30 arrive a dégager dans son Egyggg‘gg,ggiggg_un reflet d'originalité. Nerval possede un sens admirable de la mesure qui lui permet un dosage raffiné des themes dans leur variété. Une espéce de pudeur freine la plume de l'artiste et insere partout des masques qui revelent plus qu'ils ne dissimulent. Pour déguiser 1a quéte personnelle, Nerval insere dans 1e récit principa131-- 1e récit de voyage de Gerard -- des récits seconds32 qui évoquent soit des voyages paralleles, soit de différents aspects d'une meme quéte a la fois réparatrice et créatrice. Cet engendrement du récit par assemblage superposé de themes et de motifs analogues et concentriques sera identifié au procédé de la réduplication spéculaire ou de la mise gn'abyme. La mise gnIabyme est un terme technique. Selon Littré, "abyme" peut aussi s'écrire "abime" sans qu'un changement de sens intervienne. Nous préférons cependant l'orthographe "abyme" introduit pour la premiere fois par Andre Gide dans son Journal en 1893: J'aime assez qu'en une oeuvre d'art on retrouve ainsi transpose, a l'échelle des personnages, le sujet mame de cette oeuvre. Rien n'éclaire mieux et n'établit plus sflrement toutes les proportions de l'ensemble. Ainsi, dans tels tableaux de Memling ou de Quentin.Metzys, un petit miroir convexe et sombre reflete a son tour, 1'intérieur de la piece 00 se joue 1a scene peinte. Ainsi, dans 1e tableau des Ménimes de Velasquez (mais un peu différemment). Efifin en littérature, dans 13 Hamlet, la sCEne de comédie; et ailleurs dans EIen d'autres pieces. Dans Wilhelm.Meister, les scénes de marionnettes ou de IEte au cfiateau. Dans 1a Chute de la Maison Usher, 1a lecture que l'on fait a RodErIEk etc. ... ce qui dirait mieux ce que j'ai voulu dans mes Cahiers, dans mon Narcisse et dans la Tentative, c'est la comparaIson avec ce precede dfi bIason qui consiste, dggs le premier, a mettre un second "en abyme"! Ce texte primordial et canonique souleve aussitOt quelques remarques: (1) Le terme technique de "mise en abyme" n'apparait pas integralement dans la texte de Gide. Initié par l'auteur du Journal, 1e terme "mise en abyme" sera forgé 34 définitivement par C.E. Magny. Le terme a survécu parmi tant d'autres expressions concurrentes telles que "construction en abyme",35 "structure en abyme",36 "duplication intérieure",37 "réduplication en miroir plus récemment "recit spé'culaire".39 "38 et (2) Quoique Gide ait mentionne briévement la modalité de réflexion ("un petit miroir convexe") comme un retour de l'oeuvre sur elle-meme, il s'empresse aussit6t de la comparer au procédé’héraldique (d'enchéssement) qu'il a decouvert et auquel il s'est vivement intéressé depuis 1891: Je lis une plaquette de Hello sur le style. Et j'étudie 1e Blason. C'est admirable. Jamais je n'avais regardé ca.40 D'aprés A. de Foras, 52322 équivaut au coeur de l'écu: Une figure est en abime quand elle est avec d'autres figures au milieu de k'écu, mais sans toucher aucune de ces figures. 5'1 l4 (3) Dans le Nouveau Roman, J. Ricardou a cité un passage du William Shakespeare de Victor Hugo qui, curieusement, parait annoncer 1a formule gidienne: Toutes les piéces de Shakespeare ... trente- quatre piéces sur trente-six offrent a l'observation une particulaflté qui semble avoir échappé jusqu'a ce jour aux commentateurs et aux critiques les plus considérables... C'est une double action qui traverse 1e drame et qui 1e refléte en petit. A c6té de la tempéte dans l'Atlantique, 1a tempéte dans le verre d'eau. Ainsi Hamlet fait au-dessoustde lui un Hamlet ... Ainsi dans la Roi Lear ... Lear désespéré par ses filles ... est-EEpEtE par Gloucester, trahi par son fils... L'idée bifurquée, l'idée se faisant écho a elleameme, un drame moindre copiant et coudoyant 1e drame principal l'action trainant sa lune, une action plus petite que sa pareille; 1'unité coupée en deux, c'est 1a assurément un fait étrange... Ces actions doubles sont purement shakesperiennes... Elles sont en outre 1e signe du XVIe siécle .. L'esprit du XVIe siécle était aux miroirs...42 La meme reprise, en début de proposition, de l'adverbe "ainsi" pour introduire les exemples dans ces deux passages analogues autorise Ricardou a penser que le texte de Gide serait un écho tardif de celui d'Hugo: 1e procédé de gig; 22:32222 a été donc remarqué et pratiqué "avant la lettre" par plusieurs generations passées d'écrivains et d'artistes, dont les baroques et les romantiques. Selon 1a conception gidienne, 1a gigs EB gbymg serait 1e redoublement spéculaire, "a l'échelle des personnages", du sujet meme d'un récit. Sera alors reconnu comme gigs en 322mg tout énoncé ayant avec l'histoire narrée: (1) un rapport de réflexion ou de similitude, 15 (2) et un rapport d'enchéssement ou d'inclusion. La migg gg‘gbymg dans le ngggg_gn,ggign£ de Nerval consiste, au niveau de l'histoire narrée, en un réseau de "résumés intratextuels",43 qui par réduction ou par expansion, par réduplication ou par iteration d'analogie et de contraste arrivent soit a préciser 1e ngg g 22 Qgig E comme une quéte réparatrice, soit a l'enrichir et a 1e transformer en un retour constant a l'origine, en un élan toujours a recommencer vers 1a conservation de 801 et de l'idéal, vers 1a co-naissance primordiale, et de 1a, vers 1a renaissance et la (re)création nervaliennes. La mise en abyme fonctionne comme un veritable exemplum, ou une "similitude persuasive, un argument par analogie".44 Le message introduit par 1e biais des comparaisons historiques et mythiques reste a étre interprété analogiquement en vue d'atteindre la vérité proposée. Le Egyggg 32 Qgiggg de Nerval est loin d'étre un tout indivisible. 11 se présente comme un "mélange des genres",45 c'est-a-dire un genre mélangé ou mixte qui est le résultat d'une confrontation entre plusieurs systemes de genres dont l'émergence dans la ngg g gn_Qgigg§ en in-forme la signification évolutive par voie de reduction et d'expansion spéculaires. Dans leur dimension paradigmatique, les mises en abyme se divisent en deux groupes: n 46 particularisantes sous forme de "modeles réduits , elles compriment et restreignent 1a signification de la fiction; 16 généralisantes, par la transposition du récit elles font subir au contexte une expansion.sémantique dont celui-ci n'eut pas été capable par lui-meme. Les formes verbales qui favorisent de telles mises en abyme particularisantes, par voie de reduction, peuvent étre appelées au niveau de la disposition mentale et du geste verbal cas de conscience, énigmes, traits d'esprits, jeux de mots. Le cas de conscience pose un conflit devant l'éventualité d'une infraction a un reglement, a une norme, ou devant un acte illégal. Le cas de conscience recourt bien souvent a l'image de la pgggg et du pgigg_pour se concrétiser. Quitter 1'Europe, la société parisienne et la vie occidentale pour épouser une condition de vie nouvelle en Orient semble soulever dans l'ame de Gérard un conflit. S'en aller, rompre avec les limites de la vie actuelle imparfaite peut signifier une délivrance qui se manifeste par un ensemble d'images de délestage: se débarrasser de ses vétements, de ses bagages, se raser, se tondre. La force de déchargement est proportionnelle au poids qui pese sur la conscience: la masse pesante de la pyramide et de la terre entiére sur celle de Cain et de ses descendants; les stigmates douloureuses sur l'ame d'une generation décadents; les tares physiques et mentales sur 1e destin d'un malade. Par contre quitter les normes de la vie quotidienne et se débarasser de ses conditions acquises l \} l7 congénitalement revient a s'aliéner ou a s'anéantir dans un vide existential inconnu qui attire et repousse a la fois: d'ofi toutes les hésitations d'embarquement, toutes les errances volontaires ou involontaires survenues a Gérard en cours de route vers une destination qu'il croyait sflre et qui se dérobe constamment. De meme, la femme- tableau attire comme un reflet de l'idéal, un point de mire que recherche 1e regard médusé. ‘Mais des qu'elle devient une porte entr'ouverte, la femme fait peur comme un abime qui se rétrécit, par 00 1e plongeur se cogne et se blesse au lieu de pouvoir rejoindre 1e tréfonds. Les incertitudes de Gérard devant le mariage résument et refletent un conflit métaphysique des plus profonds. La forme du cas de conscience a ceci de particulier qu'elle pose une question sans pouvoir donner de réponse. Elle impose aux personnages nervaliens l'obligation de se décider -- rechercher 1e centre idéal, rechercher la femme idéale, renaitre etc. -- mais sans contenir ou retenir 1a décision elle-mane. Le cas de conscience est le lieu ou s'effectue la pesée, 1e tiraillement, 1e balancement mais non pas le résultat et l'effet visés. Nerval s'oriente dans la pénombre avec les yeux de Cain. Si 1e cas de conscience insistant résume et préfigure itérativement l'échec d'une entreprise d'orientation confuse car immense, l'énigme semble en condenser 1a difficulté sous formes de devinette et de savoir chiffré. Le passage au bonheur a travers la personne de Balkis se paie au prix d'une épreuve morale, d'une demonstration de connaissance et 18 de savoir a laquelle Soliman fait face bassement et Adoniram, sublimement, 1'un en tracant 1e signe E§u_de ralliement, l'autre en achetant la solution au grand prétre des Sabéens. Dans la devinette et le savoir chiffré, 1e devineur-candidat essaie en devinant ou en donnant 1a clé du mystére de se montrer 1'éga1 du questionneur, qu'il est a égalité de savoir, at par 1a digne d'étre dans les secrets des dieux, et d'en partager les délices: l'initiation et l'acces aux sociétes secretes réclament des épreuves qualifiantes ou des mots de passe qui font ouvrir les portes scellées telles des formules magiques. Les portes s'ouvrent et se referment instantanément pour mieux dérouter, effacant tout passage, toute trace, tout signe d‘enfoncement. La facade reste aveugle, cachant un savoir qui ne se déchiffre jamais définitivement. Plus nuancés, plus complexes sont les traits d'esprit. Sous un masque de légéreté et d'ironie, ils cachent une vérité plus grave, plus alarmante. Les mots d'esprit par un travail de symbolisation inversée, "induisent, a partir d'un premier sens, un sens second".47 A Lausanne, Gérard pense "a diner, il lui fut répondu partout que ce n'était plgg l'heure" (p.19). A.Berne, il entre dans l'auberge des Gentilhommes mais on lui "répond qu'il n'était pas encore l'heure: c'était l'écho inverse de mon £23225 de Lausanne" (p.20, nous soulignons). Ici, 1e badinage camoufle mal la déception ricanante d'un animal affamé, qui flaire partout l9 l'odeur de la faim, car si l'expression "pas encore" est bien l'inverse de "ne plus", le ngnesouper de Lausanne reste toujours le ngg—souper de Berne: un element fictionnel change, 1e reste se creuse sous forme de négation en écho. Le trait d'esprit panse (pense) mal 1e cri de l'ame qui s'y reproduit en gémissement réduit. Un autre cri spirituel se fait entendre en Egypte, bu Gerard cherche partout a capter une nouvelle identité. Mais pour voir sa métamorphose, Gérard n'a l'occasion que de se "regarder dans les miroirs du café, qui n'existaient hélas! qu'en peinture" (p.144). Les "miroirs ... en peintures", malgré l'ironie de l'expression, recelent toute la profondeur future des mythes qui viennent s'ajouter a la réalité pour servir d'uniques miroirs valables--ceux artistiques et culturels-- insérés au centre de la quéte pour embellir 1e portrait de Gérard. Les miroirs peints par leur technicité ferment les emblemes spéculaires et "modeles réduits" ou miggg £2 gbymg du Egyagg_ n Ogiggt. Les jeux de mots, "c'est la folie des mots";48 les mots qui se brisent, qui dérivent; les débris qui se referment, qui annexent et dé-forment toute réalité acquise. Dans cette désintégration linguistique et sémantique, la mort (des mots) se diffuse en vie renouvelée, en miracle résurrectionel et en poésie: "La forme originelle de la poésie est le jeu de mots".49 Labrunie par reversion -— 20 en se retournant et en interchangeant partiellement (u--v) -- donne l'anagramme Nerval. Lipogrammatiquement, en omettant certaines lettres, Voyage devient 29[i[g, Egy§[fing’ et Orient se transforme en Qgizgi§7g et Riga, De méme par reduction lipogrammatique, Constan/tinople se répéte en Constan/gg. Annotant une gravure de son portrait, Gérard par homonymie récrit son nom, Geai rare. Tous ces jeux de mots mettent en évidence 1a polysémie des mots, qui, par reduction, division, permutation et dissemination se raniment au sein d'une symbolique de conservation et de gg-création qui soustend tout le Voyage gn_0rient. Le voyage pour l'auteur de Repertoire I!_se fait au sein d'un "transhumanisme" perpétuellement renouvelable "retrouvant ainsi ... la métaphore traditionnelle de la vie humaine comme voyage a laquelle les donnés actuelles donnent de nouvelles dimensions".50 Avec 1e ngg g gg_ggiggg de Nerval, le déplacement devient: (1) un procédé littéraire: 1e Voyage multiplie les rencontres et favorise itérativement toute sorte d'aventures, idylliques et culturelles. A la 51 appartient 1'é1an d'authenticité vers "transhumance" l'autre et le monde dont l‘absence réve1e_la béance du désir; (2) un moyen de (re)vivre, s'enfuir tres loin, vers d'autres cieux, cure d'exil, pélerinage exotique, afin de revivre et faire peau neuve en supprimant l'impression fAcheuse qu'a produite 1a terrible maladie: "i1 fallait sortir de 1a par une grande entreprise qui effacfit 1e souvenir de tout cela et me donnat aux yeux des gens une 21 physionomie nouvelle";52 (3) recherche de soi: comme 1'a bien remarqué Butor, "1e Voyage de Chateaubriand reste pour Nerval un voyage de surface",53 l'auteur du Egyggg.g§.ggiggg se met quant a lui a l'affflt des débris mythologiques ou d'un conte fantastique, d'une fissure souterraine ou d'une légende revécue pour s'y mirer en profondeur et superposer verticalement une vision double qui décentre et recentre son.moi écartelé. Les mises en abyme généralisantes, par transposition font subir au nggg354 une expansion sémantique qui l'enrichit paradigmatiquement. Si a l'intérieur du ngggg, les contes se prétent a merveille a transmettre une universelle 15993, les mythes et les légendes "donnent a penser",55 car ce sont des symboles développés en formes de microrécits insérés. Les légendes et les mythes constituent done, a l'intérieur du récit principal, des exempla ou modeles illustrant les conduites a imiter ou a éviter. Le micro-récit, "Le songe de Polyphile" (pp. 71-74) nous donne un exemple de légende édificatrice. Francesco Colonna était un peintre pauvre du XVe siecle éperdfiment épris de la Princesse Lucrétia Polia de Trévise, héritiere d'une des plus grandes maisons d'Italie. La distance des conditions sociales rendait leur union impossible. Ils accepterent 1e cloitre en signe d'épreuve glorifiante et purificatrice et attendirent la mort comme délivrance. Poliphyle et Polia passerent pour les modéles parfaits 22 d'éternels amants dont 1a sincérité et la pureté passionnelle allumerent d'autres coeurs aimants: "Comme toi, je croyais en eux" (p. 71). Formule lapidaire de l'imitation enchassée a puissance infinie, celle de Nodier imitant Polyphile et Polia qui avaient "imité les chastes amours des croyants de Vénus-Uranie" (p.72); celle de Gérard imitant a son tour 1e fidel "apOtre de l'amour pur" (p. 71). Face 3 ces exempla sous forme de miroirs émulatifs, 1e poéte se magnifie en s'approchant du foyer vital. L'imitation spéculaire s'enchaine comme une priére continue. Prince des Génies appartient a la "littérature a la fois savante et populaire qui encadre spirituellement les traditions et les légendes religieuses considérées au point de vue de l'islamisme" (p.507). La vertu d'Adoniram s'impose avec une puissance créatrice, car celui-ci s'obstine a ne tailler que des monuments impérissables et ne laisser dans son sillage que des "symboles redoutables" (p.513). La puissance franc-maconnique d'Adoniram a fait de lui 1e modele, le grand maitre de la société secrete a laquelle Gerard se brflle d'appartenir en se désignant lui- méme un des "fils de la Veuve", les descendants spirituels d'Adoniram et de la Reine de Saba. Quant a l'histoire d2 Cglifg.gg§gm, la légende se veut aussi exemplaire: Hakem, messie de la religion Druse, doit réapparaitre sous des 23 formes toujours renouvelées pour établir partout la supériorité de son peuple, qui succedera en gloire et en puissance aux musulmans et aux chrétiens. Hakem se considere partout comme 1e saint supreme dont les autres saints sont, pour leur part, les émules. Les événements de la vie de Hakem ont été aussi concus sous la mode de l'imitation--le sacrifice de Hakem a été préfiguré par le sacrifice de la Croix, et par celui d'Abraham: "La croyance des Druses n'est qu'un syncrétisme de toutes les religions et de toutes les philosophies antérieures" (p.358). Gerard se sent irrésistiblement attiré par ces révélations et promesses. 11 a méme entamé bien des démarches pour g3 faire druse, sans pouvoir cependant jamais l'gggg. Dans sa conception la plus générale, 1e mythe est un récit des temps fabuleux et héroiques. Il ne se distingue alors de la légende que par sa signification symbolique. Le mythe offre 1e plus souvent une explication des phénombnes naturels ou évoque des épisodes supposés de la vie des ancetres. I1 permet a l'homme de se situer dans le temps. 11 1e rassure en proclamant son appartenance a une réalité continue. Le mythe garantit la légithmité de la communauté spirituelle a laquelle 1e poéte désire parvenir. En s'approchant des themes universeles, non limités a une époque historique donnée, 1e quétant se trouve en toute liberté de choix et d'imitation. La démarche mythique se révele bien une démarche profondément imprimée dans l'esprit humain. Avec les mythes théogoniques--relatant l'origine 24 et l'histoire des dieux-- tels les mythes de Vénus alimentant les micro-récits "La messe de Vénus", "Le songe de Polyphile" et "Les trois Vénus", une irruption dramatique du sacré et du sur-naturel se déclenche dans l'univers réel: ici, la valeur symbolique dégagée des trois micro-récits consiste a perpétuer tout en 1e sublimant le rapport oppositionnel entre les forces spirituelles, charnelles et fatales des passions amoureuses, canalisant ainsi l'une des forces latentes du Egyggg. Les mythes étiologiques, cosmogoniques et eschatologiques (se référant a la création et a la destruction des etres, des choses et du monde) dans le Egyggg replongent les pyramides a leur origine, contemporaine des grands événements du passé. Nerval se fait ici, l'écho des croyances orientales sur les préadamites et le monde souterrain. Spécialement au chapitre "Le monde souterrain", Tubal Kain raconte Adoniramr Gerard les exploits de la race des Eloims et comment 118 construisent les Pyramides pour g3 préserver du déluge, developpant ainsi 1a symbolique de la conservation (de la race) et de la (re)création continuelle. Gerard n'a pas oublié d'insérer dans le nggggiun mythe moral tres simple at tres suggestif, qui est la re- presentation de Caragueuz: "C'est un.mythe, c'est un symbole de la plus haute gravité" (p.103). Caragueuz se donne comme modéle du triomphe de l'amitié et de la chasteté sous la figure paradoxale de l'indécence: "il est incroyable 25 que cette indécente figure soit mise sans scrupule dans les mains de la jeunesse. C'est pourtant 1e cadeau le plus fréquent qu'un pére ou une mere fassent a leurs enfants. L'Orient a d'autres idées que nous sur l'éducation et sur la morale. On cherche 1a a développer les sens, comme nous cherchons a les éteindre..." (p.480, nous soulignons). C'est 1a, l'essentiel du Voyage: un mouvement réflexif, fluctuant, un va-et-vient entre l'expansion (développement) du désir et la reduction on l'extinction de celui-ci. La, le plaisir de vivre se congoit dans une ambiance de liberté métaphysique, ici, 1e désir s'annihile au sein de la culpabilité. PREMIER CHAPITRE 26 CHAPITRE I LES VOYAGES DANS LE VOYAGE: MISE EN ABYME INAUGURALE DE LA QUETE NERVALIENNE Il n'y a de dénouement qu'au théatre; la vérité n'en a jamais (p.16). Au niveau fictionnel, la mise en abyme se traduit par l'insertion dans 1e récit principal des enclaves réflexives qui 1e dédoublent intégralement ou en ses parties, dans sa dimension référentielle d'histoire racontée. Dans cette perspective, 1e Voyage se structure par l'intercalation de plusieurs micro-récits formant 1e récit cadre et de plusieurs récits seconds1 qui blasonnent et transforment indubitablement 1e récit premier: 1e ngggg s'ouvre alors sur d'autres voyages qui l'in-forment homo- logiquement. Les micro-récits emboites a l'intérieur du texte porteur forment des emblemes spéculaires dont la fonction est d'éclairer2 1a réalité profonde du ngggg en l'extrapolant de ses multiples facettes. 27 28 En termes de temporalité narrative, les mises en abyme fictionelles s'identifient aux anachronies3 qui ont pour effet de contester 1e dénouement normal du récit— cadre. Les mises en abyme correspondent a trois modes d'émergence dans la discordance4 narrative: 1) inaugurale, la mise en abyme est dite prospective, car réfléchissant avant terme l'histoire a venir; 2) centrale, la mise en abyme réfléchit l'histoire narrée en la faisant pivoter autour de son point d'ancrage dans le récit; 3) finale, la mise en abyme dite retrospective réfléchit aprés coup l'histoire ainsi accomplie.5 La mise en abyme inaugurale est l'objet de ce chapitre, tandis que les mises en abyme centrale et finale seront traitées aux chapitres II et III. 1. LE TITRE OU L'ARCHONTE Mis en téte du texte, le titre Voyage §n_0rient, par son a-ticulation dominante dans la hiérarchie référentielle de 1'énoncé, s'impose logiquement comme une amorce révélatrice et matricielle du récit entier. Tel un "modéle réduit",6 la téte du texte ou archonte, avec une combinaison de trois mots (voyageLEg70rient) annonce en raccourci l'histoire a venir. L'archonte fonctionne comme 29 7 et installe d'avance une une "boucle programmatique" performance double (voyalfig7e - voyage) visant un centre dédoublé (Orient-Orizgig7e). Nous verrons que par l'émergence répétitive et différentielle8 de la mise en abyme, 1e Voyage développe et transforme peu a peu 1a signification de la quéte, ainsi que l'objet désiré, 1e tout dans un univers qui se dérobe constamment: d'ou le vertige nervalien. 2. VERS L'ORIENT La partie introductive du Voyage, par son sous-titre évocateur, "Vers 1'0rient", ne prétend pas mettre en relief l'intérét intrinséque d'un parcours périphérique et sériel. Celui-ci ne comporte que des étapes préludant a un centre d'attraction plus important. Ce centre se voit ainsi prédiqué dans sa distance objectale et mythique, toujours hésitant a se dévoiler, car relationnel et fuyant: 1'0rient n'existe qu'a travers 1e non-Orient, (l'Occident) dans une structure oppositionelle, et reversible: $1 $2 Occident Orient C contraires’////,///,r 0n tradzctOI re subcontraires non 82 non vers l'Occident vers Orient "1' 30 L'organisation de la structure élémentaire de la signification, située au niveau profond et de nature logico-sémantique, prend la forme d'un modele bien précis, spatialement representable par la carré sémiotique.9 Ce modéle est construit en utilisant les concepts de conjonction et de disjonction, nécessaires pour interpreter la relation structurelle, et deux types de disjonction, la disjonction des contraires et la disjonction des contradictoires. 10 et "vers 1'0rient" vs Ici, Occident vs Orient "vers l'Occident" se posent en contrariété, tandis que les termes Occident vs "vers 1'0rient" et Orient vs "vers l'Occident" figurent en contradiction. Le parcours "vers 1‘0rient", par son intention directionnelle enleve a l'Occident sa finalité intrinseque: n'étant plus 1e but a atteindre, 1'Europe se découvre comme "passage", comme annonce préfigurative de 1'0rient. Par contre, de 1'0rient, 1e retour en Eur0pe sera marqué par la relation "vers l'Occident" qui mettra l'accent sur ce parcours. L'espace nervalien se décentre pour rechercher sans cesse un autre centre. L'introduction "vers 1'0rient" met en place un énoncé d'état initial et transitoire au niveau du récit "11 sera plus d'une fois principal dont la "traversée reconditionnée par la présence des mises en abyme insérées. Elles s'y rencontrent au nombre de sept, occupant soit 31 quelques paragraphes, soit des chapitres entiers, ou se limitant a des médaillons spéculaires éparpillés dans la texte. Ces mises en abyme interviennent en tant qu'éléments de meta-signification pour permettre a l'histoire narrée d'en prendre analogiquement pour themes. 2.1. L'attaché d'ambassade Ce micro-récit occupe un chapitre entier, inséré dans la partie inaugurale de l'Introduction. Ce micro- récit s'avere un récit second ou récit métadiégétique,12 car interrompant 1e cours normal du récit premier et se montrant diégétique au second degré: l'histoire de l'attaché d’ambassade est un des "récits d'inondations" receuillis par Je-Gérard: Les récits d'inondations sont, jusqu'ici, les plus terribles. 0n vient de nous en faire un dont les circonstances sont si bizarres que je ne puis résister a l'envie de te l'envoyer (p.12). Gerard s'assimile, ici, a "nous" pour se mettre au banc du narrataire et redevient "Je" pour reprendre la position du narrateur. Ce micro-récit s'énonce aussi comme une mise en abyme hétérodiégétique, 13 car se rapportant a l'attaché d'ambassade, s'éloignant donc de Je-Gérard, mais n'excluant pas cependant un rapport d'analogie.14 La similitude du récit inséré et du récit-cadre est due a la répétition du décor ambiant (inondations) et au trait symptomatique du 32 statut professionnel de l'attaché d'ambassade: representation et mediation diplomatiques. En se muant en embrayeur d'isotopie,15 1e micro-récit de l'envoyé est attaché a l'histoire de Gérard pour réaliser une condensation et un déplacement de sens (voyage-alquéte). Au niveau actantiel, l'attaché se présente a la 16 fois comme sujet d'état et sujet opérateur.17 Au commencement du micro-récit, l'attaché figure dans un état 18 breve: acquisition des privileges comme de conjonction une detention de vanités: C'était un simple attaché tres flatté de rouler aux frais de I'Etat, dans une belle chaise de poste neuve, bien garnie d'effets et d'argent; en un mot un jeune homme en belle position (p.12). Cette "position" chavire bient6t et change de bord: 1a chaise de poste emportée par les eaux d'inondation n'est plus un privilege, une marque honorifique ou un signe de distinction, mais plutbt, un signe de mort, de danger: La chaise de poste, toute neuve...et bien fermée descendait tranquillement 1e fleuve...Cet heureux garcon dormait (p.12). Sujet de conjonction, l'attaché devient aussitOt sujet de disjonction.19 Il jugea que sa voiture ne pouvait flotter longtemps ainsi, se hata de uitter ses habits..., parvint a s'élancer defiors (p.13, nous soulignons). Par 1a decision lucide de se débarasser de ses privileges at apparences encombrantes (voiture...habits), l'attaché a pu passer du sujet d'état récessif au sujet opérateur 33 (s'élancer dehors): 1e sujet passif de la perte devient 1e sujet actif de la délivrance. La notion de survivance (vie > mort) atteint 1e maximum.de signification, lorsqu'en arrivent au rivage, l'envoyé diplomatique ...se trouva seul et nu sur la terre comme 1e premier homme (p.13) La vie se surprend ici sous forme d'intervalle entre deux moments extrémes de solitude-- 1a naissance et la mort. Ainsi, le reste du micro—récit se poursuit dans un effort de récupération, qui s'avere peu efficace: La contrée n'offrait aucune ressource (p.13). Considérons ce schéma représentatif: Récession Extension contraires subcontraires non-extension Récupération (non-recession) Nous voyons bien que l'attaché a passé de l'état de recession a celui de la non-recession ou de la recuperation, sans pouvoir cependant atteindre l'extension voulue. Errant d'une place a l'autre pour "chercher des secours" (p.13), l'attaché se voit partout refusé, repoussé: Le général...n'envoyait aucun argent (p.14), et, 34 L'attaché produisit trés peu d'effet au maire et au notaire de la ville...(p.15). L'envoyé diplomatique naufragé, puis déguisé en lancier 20 a un pouvoir-faire trés limité selon les deux structures modales21 suivantes: pouvoir-faire pouvoir-ne-pas-faire (liberté) (indépendence) ne-pas-poquir-ne ne-pas-poquir- pas-faire(obéissance) faire(impuissance) La performance récupératrice de l'attaché partage un pouvoir-faire ou liberté d'action qui vacille entre le non- pouvoir-faire ou impuissance et le pouvoir-ne-pas-faire qui est le début de la rebellion: Pour Dieu, général, ne parlons plus de vos lanciers! ...(p.15). Les actions et comportements de l'attaché ferment 22 tres suggestif en ce sens qu'il un réseau proairétique préfigure et precise certains aspects des pérégrinations de Gerard a travers 1'Europe. Le désir de quitter Paris et de voyager s'identifie pour Gérard a un besoin de récupérer 1a force vitale a sa source cosmique et génératrice: Oh vais-je? ou peut-on souhaiter d'aller en hiver? Je vais au devant du printemps, 35 1e vais au devant du soleil...Il flamboie a mes yeux dans les brumes colorées de 1'0rient (p.16). Cette performance récupératrice, comme acte de survivance s'accompagne de besoins intenses d'aliments et de boissons fortifiantes: En remontant dans la grand'rue, je pense a déjeuner (p.20). Les chemins qui ménent "vers 1'0rient" se peuplent d'images de bonnes tables, de restaurants, de cafés et tavernes, sources possibles de satisfactions et d'ivresses intermittentes. L'obsession de se réconforter, de se rassasier et de s'assouvir devient de plus en plus exigeante, voire alarmante lorsque l'objet désiré se trouve hors de portée: Pensant a diner, en sortant de l'église, i1 me fut répondu partout que ce n'était plus l'heure (p.19). ou vice versa, ...on me répond qu'il n'était pas encore l'heure: ('é§3§t l'écho inverse de mon souper de Lausanne p. . L'objet du désir qui se dérobe continuellement laisse 1e Voyageur fourbu au comble de la détresse. Le désir inassouvi se creuse en béance qui aspire. 2.2 Histoire de chiens ...1e tableau, que je vais essayer de tracer, d'un divertissement auquel se livraient nos marins sur le pont, en attendant que le bateau reprit sa course pour Morseburg. L'idée en est triviale, mais assez gaie et digne d'étre utilisée dans la littérature maritime. Il y avait trois chiens sur le 36 bateau a vapeur. L‘ un d'eux, caniche imprévoyant, s 'étant trop approché de la cuisine, un mousse s 'avisa de tremper dans la sauce sa belle queue en 1panache. Le chien reprend sa promenade;l un des deux autres s 'élance a sa poursuite et lui mord 1a queue ardemment. Voyant ce résultat bouffon, 1' on s' empresse d'en faire autant au second, puis au troisieme, et voila les ‘malheureux animaux tournant en cercle sans quitterd prise, chacun avide de mordre et urieuxd 'étre mordu. (p 25). Ce micro-recit ou la fonction actantielle est assurée par trois chiens s'écarte de l'histoire de Gérard. Il est évoqué par celui-ci comme un "tableau" dont il est 1e spectateur. Cette scene préfigure cependant 1e drame de Gerard sur plusieurs points: (1) 1e fait que le poéte et les animaux se trouvent sur le méme bateau implique qu'ils sont embarqués dans la meme situation. (2) cette situation est a la fois comique et tragique car, chacun des figurants participe bon gré ("avide de mordre"), mal gré(?furieux d'étre mordu") a ce cercle vicieux on 1e commencement en est déja la fin, at on l'étre se rallie au non-étre, l'avoir au non-avoir. (3) l'animalité des actants dévoile, donc éclaire l'instinct de conservation de tout étre vivant. Grace aux actants non-humains, 1e proairétisme humain de Gérard a pu se ressaisir dans sa valeur suggestive marginale ou 'Valeur-limite essentielle. L'actant-chien revient plus ddume fois dans le Voyage jouant de reflet 3 Gerard. 37 (4) le "cercle sans...prise" est indubitablement un des parfaits emblémes du ngagg: reprise continue de "poursuites" et d'errance, changement de directions et d'intéréts, partout 1a meme structure proairétique ouverte, inachevée, finissante et renaissante: départ- arrivée-départ; Europe-Orient-Europe; périphérie-centre- périphérie etc. Quéte constamment relancée au contact pulsionnel de la déception et de la décharge d'énergie23 compensatrice, ce qui donne a l'homme romantique la conscience d'étre a la fois victime et créateur. (5) d‘une maniére générale, toute métaphore aboutit a un effet de sens résultant d'une opération de substitution. La spécificité de cette substitution est de ne point opérer sur des termes synonymes (chien vs Gérard) mais sur des unités dont la mise en rapport (1e cercle) représente une subversion de combinatoire semantique (Gérard/chiens/structure profonde): on postule donc que toute chaine signifiante manifeste est doublée d'une chaine latente, relevant de l'inconscient du sujet désirant.24 (6) il est clair que l'effet comique de ce micro- récit s'identifie a un effet de plaisir de ce moi spectateur qui est un Moi second, analogue au.Mo1 du réve. Mais on se demande si l'effet comique, analysé quant a son contenu, ne correspondrait pas en fait a un renversement constamment répétitif de la situation angoissante: 1e rire constitue l'un des mécanismes de défense les plus efficaces, a la fois 38 distanciation et participation de la part du spectateur. Gérard se réfugie dans le rire car il se sent menacé par l'analogie du drame vécu par les trois chiens. (7) l'effet tragique consiste ici dans la situation on 1e manque a combler persiste dans l'inaccessibilité de cet Autre: 1e sujet surinvestit dans le Moi ce qu'il ne peut investir ni dans l'Autre, ni dans le réel. L'image de se faire avaler (1a queue), et par extension, de fig §§i£g_tug£ indique un schéma homologique de la situation de deuil gt'mélancolie:25 . un sujet en situation de manque, un objet devenu inaccessible, des affects de douleur et d'angoisse. (8) a partir de ce micro-récit, 1e Egyggg manifeste clairement 1a dimension existentielle du désir, et pose implicitement que Gérard est un sujet-désirant. La relation qui rattache 1e sujet-désirant a l'objet désiré pourrait se manifester de plusieurs facons: a. "désir selon soi",26 relation objectale unidi- mensionnelle, figurée par une ligne droite (A.désire B, désire C etc.). "27 relation représentée b. "désir selon l'autre par une figure triangulaire: entre le sujet-désirant et l'objet-désiré s'interpose un médiateur qui est le veritable lieu ou le désir puise sa motivation profonde. Entre 1e sujet-désirant et 1e médiateur, 1a distance peut varier: maximale, quand 1e médiateur du désir est situé dans un 39 univers quasi inaccessible; minimale, quand l'univers du médiateur tend a se confondre avec celui du sujet. c. parfois, 1e désir arrive a se justifier autarciquement, a étre désir de désir, on comme 1e souligne Michel Deguy, "l'objet est inessentiel dans le désir" 28 2.3 Les Assignats Autrement l'on aye en billets. De olis assignats gradues depuis 1 fr. jusqu aux sommes les plus folles, garnissent votre porte-feuille et sont ornés de gravures en taille-douce d'une perfection étonnante. Un délicieux profil de femme, intitulé Austria (l'Autriche) vous inspire 1e regret 1e plus vif de vous séparer de ces images, et le désir plus grand d'en acquérir de nouvelles. Il importe de remarquer que ces billets sont de deux sortes, soit en monnaie de convention, qui ne réprésente que la moitié de la valeur, soit en.monnaie réelle, qui se maintient plus ou mains, selon les circonstances politiques p.53 . Le segment réflexif, se rétfécissant décorativement sous forme de billet de banque, resume avec intérét "Les Amours de Vienne". En voici les points de ressemblance: (1) L'Austria offre ici une réalité complexe du fait qu'elle connote trois valeurs superposées. a. comme monnaie-papier, ces "billets" ou "assignats" recelent une valeur économique et commerciale fondée sur l'échange et le crédit. b. sous forme de "jolis assignats... ornés de gravures", ces billets de banque assurent une valeur esthétique et culturelle. 40 c. inspiratrice de "regret" at de "désir", cette monnaie-papier prend une valeur sentimentale. (2) L'Austria, enchassée dans les décors de Vienne capitale de l'Autriche, s'identifie ainsi, par 1e "délicieux profil de femme" a tous ces objets poursuivis par Gérard, et auxquels elle préte ses trois valeurs -- commerciale, esthétique et sentimentale. a. les femmes comme Catarina Colossa, ou la Katty, comme Vhahby sont toutes belles et blondes, ces beautés esthétiques a la Gozzi-- bigggg g grassota.29 b. elles s'approchent et s'éloignent des mains de Gérard d'une facon aussi prosaique que mystérieuse, laissant l'amant en constante dépendance, les poursuivant et les recherchant sans cesse. c. cependant, Gérard "est amoureux fou, non d'une mais de toutes ces femmes a la fois" (p.43). Comme la "monnaie de convention, qui ne représente que la moitié de la valeur", ces Katty, Catarina, Vhahby appartiennent a la "classe des grisettes ... la classe inférieure" (p.58) et se donnent en quantité pour combler la qualité absente, n 30 celle de la "femme idéale- céleste cette "monnaie réelle" qui n'existe plus. 2.4 A la maniere du capitaine Cook... Je prends 1e parti de te mander au hasard tout ce qui m.'arrive, intéressant ou non, jour par jour si je 1e puis, a la maniere du capitaine Cook, qui écrit avoir vu un teI jour un goéland ou un pingouin tel autre jour n 'avoir vu 41 qu'un tronc d'arbre flottant: ici la mer etait claire, la bourbeuse. Mais a travers “38 SSE ‘fifli °§8 §1°t8t°h23%$2§§ it TEXTSgaiisparezboggegnufissgirpdans ces retraites du pur amour et de l'éternelle beauté (p.45, nous soulignons). L'expression "a la maniere..." introduit 1e micro-récit ici enchassé comme un "modele réduit" des pérégrinations de Gérard. Les "signes vains" mis pour "goéland", "pingouin", "tronc d'arbre", "mer... claire ... boueuse", évoquent les étapes et rencontres que Gérard a eues ou aura sur son parcours a travers 1'Europe, étapes et rencontres qui sont autant d'apparences transitoires, vite effacées, survenues seulement pour "designer" un ailleurs, cet Auggg-la qui est béance et mystere. Par la conjonction "mais" marquant un revirement, le micro-récit du capitaine Cook prédit aussi 1e tournant de la quéte de Gérard orientée alors vers les dimensions de profondeur ("réve", "inconnu", "retraite") et d'élévation spirituelle ("pur", "éternel"). Cette séquence spéculaire precise l'image de l'Austria, dont la valeur gégllg est garantie ailleurs et non sur le signe apparent du papier fiduciaire, et prepare 1e début tres prochain des voyages initiatiques,31 dont le but est de parvenir a ces valeurs secretes, cachées, difficiles a interpreter. L'univers nervalien, ainsi porteur de signes, rend ceux-ci tellement immatériels qu'ils s'ouvrent entierement sur les essences, et s'en emplissent. Au point que, meme a travers un "rble" mediocre, les faits et gestes des actants 42 nous ouvrent un monde d'essences possibles, au-dela des objets désignés, au-dela des vérités intelligibles et formulées. C'est l'essence, cette origine pure et éternelle, qui constitue 1a véritable unité du signe et du sens nervaliens. C'est elle 1a "révélation finale".32 Le parcours européen enregistre ainsi un ensemble de "signes vains" ou vides qui fonctionnent comme des épreuves ou seuils apparents que le quéteur cherche a défoncer ou a dépasser. 2.5 La messe de Vénus 23 la 11 nous est facile de séparer en sequences suite logique de ce micro-récit. Les séquences désignent ici les tableaux successifs d'une histoire envisagée comme systéme. Les sequences seraient 1e résumé des parties du texte. Ainsi "La messe de Vénus" (pp.69-79) peut-elle se répartir dans les sequences suivantes: sequence 1. Deux amants, Polyphile et Polia, se préparent au phlerinage de Cythere. sequence 2. 113 se rendent sur la rive de la mer, au temple somptueux de Vénus Physizoé. séguence 3. Accueil solennel et somptueux des prétresses. sequence 4. Debut des ceremonies rituelles. sequence 5. Séance d'invocation. sequence 6. Polyphile et Polia assument les rites initiatiques et sacrificiels. sequence 7. Célébration finale. 43 Ce micro-récit précise pour la premiere fois l'aspect éthéré de "la pulsion d'union a l'autre et au‘monde"34 pa r 1e pur amour et par l'initiation aux choses secretes de la puissance supra-humaine. Le récit comme par miracle a viré 1e contenu narratif de son aspect de disjonction et d'écart: I1 faut que j'aie mis l'étendue des mers entre moi et ... un doux et triste souvenir (p.65), a son aspect de conjonction et de rencontre. Le passage s'identifie ici comme un "pélerinage", c'est-a-dire un retour a l'origine du sacré et de la connaissance privilégiée: ... aller ensemble au royaume de la grande ‘mere divine pour boire en sa sainte fontaine (p.70). Cependant, 1e passage initiatique vers 1a conjonction ou 1'union sacrée implique aussi un geste d'immolation qui est ici représenté par le rite sacrificiel: Elle dut poser dessus les deux tourterelles, frappées du couteau cécespine...ou couteau du sacrifice... (pp.70 & 69) Sous l'éclairage de ce micro-récit réflexif, les malheurs et déceptions de Gerard doivent etre considérés comme des épreuves et sacrifices nécessaires, qui, une fois accomplis, aideront Gérard a retrouver le supreme bonheur dont i1 se sent "déshérité".35 C'est en ce sens que le parcours européen a été revu et repris par Nerval comme une prélude directe du Voyage 2g Orient. 44 2.6 Le songe de Polyphile "Le songe de Polyphile" (pp.71-74) forme avec "La messe de Vénus" les deux panneaux spéculaires de l'Hypnérotomachie ou "combats d'amour en songe".36 Le micro-récit est ainsi structuré sur une relation combative,37 ou competitive38 dont 1e devenir est comparable a celui du rite sacrificiel: ...ils se saluaient d'un doux et mélancolique regard: "Frgre, il faut mourir! - Soeur, il faut mourir. c'est-a-dire nous n'avons plus que peu de temps a trainer notre chaine... (p.73). Le conflit existentiel s'est posé insoluble des 1e début de la rencontre de Polyphile et de Polia: Polyphile, c'est-a-dire Franceso Colonna... orphelin...n'osait lever les yeux sur l'héritiere d'une des plus grandes maisons de l'Italie...La distance des conditions rendaient 1e mariage impossible, l'autel du Christ... du Dieu de l'égalité leur était interdit (p.72). "39 ou d'échec formant 1e conflit "40 Les sequences "récessives initial cederont la place a des sequences "extensives ou de victoire: l'élimination par la mort des amants est ressentie comme une conclusion heureuse. L'élimination corporelle qui réduit et anéantit 1a dualité et 1e conflit insolubles des deux amants rend possible 1'union magique et le retour bénéfique a 1'unité. Polyphile, plus sage, a connu 1a vraie Cythere pour ne l'avoir point visitée, et la veritable amour)pour en avoir repoussé l'image mortelle p.71 . I .. . i . . \nl . J . - . . . o . . . O . a I. a . I . ‘J . a . 1. L I . \- o .. o u l x . . c , . h v‘l . o :J It. .1 k .. . . _ . .4 . . ..J . . . . 1 . - . : . I I i .I 4 ~ 0 . \ . Al . . \ . ‘1 V . - s r‘ . u . . . A a . e t \I O . ( u . w l .1 Q. A a I . o u C I C . \ t I. 45 Ainsi les rapports de combat ne mobilisent pas toutes les séquences du micro-récit. Le temps fort de la victoire, marqué tout d'abord par un virement: Des lors, imitant les chastes amours des croyants de Vénus-Uranie ... (p.72), se prolonge et s'amplifie en crescendo dans une répercussion spéculaire faite de correspondances extensives et extatiques vers une reviviscence généralisée: ...ils franchissent dans leur double réve l'immensité de l'espace et des temps... Les fontaines commencaient a sourdre ... les rivieres redevenaient fleuves, les sommets arides des monts se couronnaient de bois sacrés; 1e Pénée inondait de nouveau ses greves altérées ... (p.73). Une union profonde émane des microcosmes et de 1'univers entier dont la presence s'exalte de partout par une sorte de tranfusion d'énergie, récupérée magiquement: Ainsi 1a sainte aspiration des deux ames pures rendait pour un instant au monde ses forces déchues et les esprits gardiens de son antique fécondité (p.73) Le sentiment mystique de 1'unité retrouvée est d'essence religieuse. Le retour a 1'unité merveilleusement atteinte s'apere a travers un syncrétimme religieux: ...et chose bizarre, ce fut sous les formes de la foi chrétienne qu'ils accomplirent ce voeu paien (p.72). par lequel 1e visible de la vie réelle est augmenté d'une valeur intense de l'invisible-- la mort, la survie, 1a surréalité, qui 1e prolonge. Ainsi, dans le récit nervalien se place toujours la conquéte de l'instable et de .-. 46 l'inquiétude par laquelle se valorise et s'explicite 1e composé humain, qui est qualitativement alliance de la fragilité et de la force. Polyphile et Polia ont vécu dans la réclusion sacerdotale pour pouvoir étre avec les choses et la penseé idéale. C'est de cette solitude particuliere, volontairement assumée, qu'est né 1e mouvement extensif vers 1a re-création de l'homme naturel et original, parfaitement accordé a tout en dehors de lui et en lui. A ce niveau d'orientation, 1e ngggg.gg.ggigg£ s'interprétera non plus comme déplacement périphérique, mais p1ut6t dépassement ou franchissement des obstacles et limites rencontres en chemin, promouvant de la finitude vers l'infini, de l'apparence vers 1a vérité, de la confusion vers l'ordre, du doute existentiel vers 1a certitude surexistentielle. 2.7 Un petit fragment de vase Elle parut hésiter un instant: puis portant la main a ses cheveux, elle tira d'entre les nattes tordues autour de sa téte, une de ces amulettes que portent toutes les femmes des pays orientaux at me la donna en disant un mot que je ne pus com rendre. C‘était un etit fra ent de vase ou de ampe antique qu'elle ava t sans doute ramassé dans les champs, entortillé dans un.morceau de papier rouge et sur lequel j'ai cru distinguer une petite figure de genie monté sur un char ailé entre deux serpents. Au reste, 1e relief est tellement fruste, qu'on peut voir tout ce que l'on veut ... Espérons que ce a me ortera bonheur dans mon.voyage (PP.91-92, nous souIIgnons). Les deux segments réflexifs "Les assignats" et "un petit fragment de vase" ont en commun 1a precision du format 47 spéculaire en tant que Nmodéles réduits". Dans "les assignats", l'image spéculaire se concentre sur 1e "délicieux profil de femme", alors qu'elle dégage ici "une petite figure de génie monté sur un char ailé". Si les assignats" ou billets de banque sont de valeur économique au service de l'échange, 1e "petit fragment de vase ..." ou amulette a surtout une valeur culturelle a usage discret et personnel. Si "les assignats" s'échangent horizontalement, de main en main, l'amulette occupe une position plus élevée, enfouie dans les cheveux de la jeune grecque, comme un autel portatif. La position avantageuse du petit fragment- amulette gagne en verticalité élévatrice par le détail du "génie monté sur un char ailé" prét a s'élancer en hauteur. La difference imagique et thématique entre les deux fragments spéculaires accentue leur écart positionnel dans la partie introductive: "Les assignats" condensent "les amours de Vienne" qui constituent 1e versant chaotique et superficiel du parcours européen, alors que le "petit fragment de vase" en dégage une échappée finale servant de transmission d'isotopie vers 1a partie centrale du Voyage. Si avec "les amours de Vienne" Gérard se lance corps et ame dans la pour- suite effrénée de femmes de plaisir ou de joie incertaine, ici a Syra, il a pu "résister a la séduction" (p.91) et a su retrouver au-dela des traits déchus de la prostituée grecque les restes sacrés de l‘éternel féminin. - -- ' I -. . l .a '1 nc u . . . «. .9 A ‘ . . . . ', ' ‘ - 1 , v . .. a ‘ . ‘1 a . ' v V ‘ r O ‘ . , . DEUXIEME CHAPITRE 48 CHAPITRE II LES VOYAGES DANS LE VOYAGE: ‘MISE EN ABYME CENTRALE DE LA QUETE NERVALIENNE Que je me retrempe a ces sources vivifiantes de l'humanité... (p.343) On rave quelque temps les mysteres des Mille et une Nuits (p.496). Le ngggg dans son déploiement intégral peut se diviser en trois mouvements majeurs: départ/arrivée/ retour. Le départ s'accorde avec le passage de Gérard a travers 1'Europe, passage que nous avons identifié au prélude de son voyage en Orient. L'arrivée de Gérard en Egypte, en Syrie et en Turquie centralise son effort et ses recherches sur un double plan: celui du present et du réel vs. celui du passé et de l'imagination. Gerard accumule alors ses experiences dans l'espace central de ses pérégrinations visant trois points de ralliement: 1e Caire, 1e Liban et Constantinople. La, 11 découvre un "pays des énigmes et de mystéres" (p.94), qui "comme ses 49 50 habitants, ne dévoile que peu a peu ses retraites les plus ombragées" (p.96). Si la patience était la plus grande vertu des initiés antiques, elle est aussi celle de Gérard qui ajoute sans cesse a la surface de ses experiences une expansion synchronique et verticals, ralliant 1e theatre opérationnel quotidien a quelque centre mythique ou légendaire ancré dans 1e passé ou dans le rave. La mise en abyme par laquelle emergent les images de sublimation de la quéte fait ici pivoter 1e ngggg sur sa plate-forme centrale de cristallisation et de radiation semantiques. C'est toujours a travers les segments réflexifs enchassés sous forme de récits seconds que l'histoire de Gérard s'explicite et se complete. La mise en abyme centrale se compose alors de huit tableaux spéculaires, a savoir: 1. L'Ile de Roddah (PP. 194-203); 2 L'Ascension (pp. 218-221); 3 La Plate-forme (PP. 221-226) et les Epreuves (PP.226-232) 4. La Forét de Pierre (pp. 245-250); 5 Histoire du Calife Hakem (PP. 362-399); 6 Aventures d'un.Marseillais (pp. 417-422); 7 Caragueuz (pp. 480-492); 8 Histoire de la Reine du.Matin et de Soliman Prince des Génies (pp. 509-610). Aux trois aires du parcours oriental (Egypte, Syrie, Turquie) correspondent trois grandes divisions du Voyage: 51 (I) Les femmes du Caire; (II) Druses et Maronites; (III) Les nuits du Ramazan. Au centre de chacune de ces trois divisions se trouvent enchassés les huit tableaux réflexifs, comme suit: Les femmes du Caire (7 sous-divisions) (1) (2) (3) l (4) l (57* K5) (7) I l'Ille 1'Ascension,la forétl . de ' 1a plate- de I Roddah I forme les | pierre l ; épreuves I l l I Druses et Mardnites (5 sous-divisions)! I i ; l : g I (1) (2). (3) 4T (4) . (5) ' Histoire du kventures d'un I l Calife Hakem.lerseillais Les nuits du Ramazan (4 sous-divisions) I : 1 l (1) .T2) : <3) Caragueuz Histoire de la l |Reine du I IMatin ... l l I A, b V Nous voyons alors que la mise en abyme centrale occupe une position.médiane par rapport a chacune des trois grandes divisions comme par effet de surcondensation ou de surconcentration de plus en plus amplifiante: les quatre tableaux spéculaires de la premiere division varient entre cinq a neuf pages; les deux tableaux de la deuxieme division, entre cinq a trente-sept pages; et les deux 52 derniers tableaux dans la troisieme division, entre douze a cent pages. La mise en abyme centrale est dite aussi rétroprospective1 du fait qu'elle reprend les événements antérieurs déja annoncés dans 1e récit et en meme temps prépare l'arrivée des événements postérieurs qui ne sont pas encore survenus. A B D E axe syntagmatique du récit A V C T I I I I I vecteur de la rétrospection ' vecteur de Ia ' prospection Ce diagramme montre que la mise en abyme centrale se meut sur deux vecteurs possibles, celui de la rétrospection (récapitulation) et celui de la prospection (préfiguration). Voyons au détail ces huit tableaux réflexifs. 1. L'ILE DE RODDAH Ce chapitre reprend un des themes essentiels de la problématique nervalienne: celui de la quéte du refuge et de l'aide compensatoire. L'attaché a demandé asile chez les paysannes savoyardes, et implore de l'aide auprés des administrateurs régionaux qui hésitent a en dispenser. De mama, Gérard erre d'un endroit a l'autre pour chercher 53 quelque réconfort tant matériel que moral: les restaurants l'orientent parfois ailleurs, les tavernes l'évacuent et les femmes lui ferment 1a porte d'une facon peu comprehensible: toujours a centre-temps, quelquefois a contra-sens. Et 1e désir de protection et de recompense reste béant comme un désir ou une hantise de la mort, par on passent Polyphile et Polia. La premiére et la derniers séquence de ce chapitre apposent 1e meme theme, mais a deux niveaux différents. Au niveau premier, Gérard, invité par 1e Consul a une excursion, a peur de laisser Zeynab toute seule a la maison auprés du cuisinier et du portier qui personnalisent alors 1e danger menacant "la tranquilité de (son) intérieur", de son "ménage". Le voila de nouveau en quéte d'un asile plus sflr pour la protection de son "aimable compagne". Deux adjuvants viennent au secours de Gérard: M. Jean qui indique 1a ressource, et Mansour qui "digne de confiance" accepte avec sa femme d'étre les gardiens de la vertu de Zeynab. Dans la premiere sequence, la recherche de protection s'exécute dans l'intérét du ménage, de la famille. Tandis qu'a la derniére sequence, 1a protection est en faveur d'un peuple entier: nous allons reprendre ici 1e mythe des pyramides d‘Egypte. Au niveau second, trois cents ans avant 1e deluge, un roi nommé Saurid a fait un rave qui était en réalité un cauchemar de fin du monde: 1'univers s'entrechoquait et menacait d'écraser 1a terre. 54 Et c'était pour repousser 1e ciel et l'empécher de s'abaisser davantage que 1e roi a fait construire les pyramides dans la forme angulaire propre a soutenir n'importe quel choc, et avec une précision telle que ni 1e feu, ni 1e déluge ne pouvaient les pénétrer; c'était 13 ct se réfugiaient la famille royale, les grands et les privilégiés du pays, avec tous les documents importants pour la conservation de la race humaine. L'homme se trouve ainsi dans la nécessité de se conserver au sein de la famille et de la race, auxquelles aspirant les personnages nervaliens, 1e plus souvent de loin, nostalgiquement: r --------------- Reva d'appartenance ----------- n I l Famille Race ans origine sans famil e I l L --------------- Déréliction-------------------J Le theme nervalien du mariage est toujours associé a celui de la conservation ou de la régénérescence de la race originelle. C'est en s'unifiant a la femme, et par la, en se complétant au sein de la race que l'homme a la chance de remonter a son origine de perfection et a son paradis perdu: 55 + Paradis ........ + Femme ------"+ Race """" Perdu Le ngggg dans sa partie orientale et centrale commence dés les premiéres pages avec "Les femmes du Caire" et "Les Mariages..." (p.94 8). La femme ambigfie, difficile a comprendre, si proche et 31 lointaine s'incarne dans l'Egyptienne voilée dont l'incognito des visages, a l'exception des yeux "armés de toutes les sé- ductions" (p.95), incite 1e voyageur fasciné a vouloir soulever un coin du voile austere. Et Gérard "en pleines Mille et une Nuits" (p.121) de s'identifier au jeune marchand de Bagdad: "Laissez-moi voir votre visage pour prix de cette étoffe a fleurs d'or, et je me trouverai payé avec usure!" (p.121). La femme orientale est non seulement un objet de séduction mystérieuse, mais surtout 1a clé, lIintervention magique qui fait ouvrir la porte de la maison, du foyer, celle aussi de la communauté. Le spectacle miréve, ‘mi-réalité des deux chapitres "Le masque et le voile" (pp. 94-98) et "Une noce aux flambeaux" (pp. 98-104) précede comme un rave prémonitoire "Les inconvénients du célibat" (PP. 109-113): la femme gardienne du foyer s'avere 1a derniere condition et la stricte nécessité imposées a Gérard pour pouvoir demeurer dans la maison du quartier cophte, au coeur de la communauté arabe. Et c'est 56 pour réaliser son désir de s'intégrer dans cette communauté que Gérard a été partout avec la tentative de s'unir a une fille du pays: sans pouvoir s'emballer a l'idée de se marier "a la cophte" (p.134) avec une toute jeune enfant de douze ans, 1e voila, Gérard qui se décide a prendre pour compagne une esclave javanaise, de la race jaune, nommée Zeynab: Je ne sais par quel goflt de l'étrange et de l'imprévu, dont je ne plus me défendre, me décida en sa faveur (p.176). L'union a une esclave-femme est un substitut, un masque trompeur du mariage réel: une union d'achat, sans profondeur et sans avenir. Maria e Esclave3femme Contraires subcontraires non-esc1ave non-mariage ‘Le diagramme précédent montre que la condition de l'esclavage en Orient est en réalité bien meilleure que celle du fellah et du rayah,2 gens du peuple libres mais pauvres. Cependant, les esclaves font partie des races inférieures et vaincues dont 1'union entrainerait une dégénérescence raciale: A voir ces formes malheureuses, qu'il faut bien s'avouer humaines, on se reproche philanthropiquement d'avoir pu quelquefois manquer d'égards pour le singe, ce méconnu que notre orgueil de race s'obstine a repousser (p.160). l I. I a _ . O y t v o . g . L A. .) I a . . . A I I . u \I. . . _ . I \l. . . . _ T 4 I D . . \ .. . O 1 . . . _ _ r n 4 \. c o y . . , o , .. . . .: I . ~ 3 I r. . 57 Avec 1e tableau spéculaire de "L'Ile de Roddah", 1a race qui se conservait au sein des pyramides et faisant face au danger eschatologique accumulait plus de dignité et de grandeur humaine, ce peuple s'est courbé sous 1e choc des astres tandis que l'esclave et 1e vaincu, sous la main de l'homme. Le titre "L'Ile de Roddah" est un titre-tremplin. L'emplacement de l'Ile de Roddah marque dans ce chapitre un trait d'union entre 1e monde quotidien du Caire et 1e Gizeh, au-dessus duquel se découpent les trois Pyramides introduisant au.monde mythique. Il sert surtout a préfigurer 1a meme Ile de Roddah mais médiévale, 1a ou Yousouf et Hakem s'exaltaient aupres de la princesse Sétalmulc:3 la réalité s'annonce comme une fissure par 00 s'épanchent 1e rave et la sublimation mythique. Ainsi 1a réalité mosaique éparpillée sur plusieurs couches spatiales et temporelles va se reconstituer peu a peu dans un contexte d'itération et de constante métamorphose. 2. L'ASCENSION L'ascension des pyramides reprend celle de Syra 1a vieille, formant "1a pointe d'une construction pyramidale" (p.86). A Syra, la ville haute, Gérard retrouve 1a sérénité du passé et 1e sacré de l'église de Saint Georges. Sur la plate-forme de la pyramide de Chéops, 1e voyageur découvre les vestiges du passé dont les splendeurs "ont 58 été dégarnies peu a peu lorsqu'on a eu besoin au Caire de construire les palais des Califes et des soudans" (p.220), ou défigurées par les graffiti prétentieux, excentriques ou utilitaires des touristes occidentaux.4 Ce tableau fait volte-face au tableau précédent: la, les pyramides se construisent dans la force des choses, en épaisseur et en profondeur bienfaitrices pour la sauvegarde d'un peuple et d'une civilisation; ici les memes pyramides dépérissent en surface, violentées et violées par des mains destructrices et vandales. Comme si la mort stigmatise 1a nature et les civilisations en surface, seul 1e corps des pyramides les trahit; leur intérieur renferme encore les restes de mysteres inviolables que seuls les initiés et les poetes arrivent a comprendre, par la voie des épreuves et du rave. Les pyramides générerent ainsi un ensemble de gestes et de mouvements verticaux: apres 1e geste mythique du roi Saurid qui éléve les mains pour repousser 1e ciel tombant, Gérard entreprend l'ascension qui est la montée de la pyramide comme pour traverser verticalement la chute des temps et atteindre 1e geste symbolique du roi constructeur de monuments, admirablement significatifs. Cependant, la pyramide conquise par la poete, debout sur la plate-forms, n'inspire qu'une emotion tout d'abord esthétique: 59 La vue est fort belle, comme on peut, 1e penser, du haut de cette plate-forme (p.220). La hauteur du site et l'élévation du mouvement ascendant inspirent 1e pOEte, encore ivre de conquéte et de détachement éthéré. C'est en s'élevant que le poete arrive a ressaisir l'image sublimee de son moi réduit. 3. EPREUVES INITIATIQUES L'ascension s'inverse en descente et vice versa. Mais au lieu d'une ascension et d'une descente a l'extérieur, 1e présent chapitre mentionne une autre possibilité de descente et de remontée, celles a l'intérieur de la pyramide par l'antique initié, l'autre sublime du poete. Le récit des épreuves de l'initiation, assuré par l'archéologue prussien, fonctionne ici comme un micro-récit second, hétérodiégétique par rapport a l'histoire de Gérard, lui accordant ainsi une certaine distanciation contemplative. Les épreuves de base sont au nombre de quatre et correspondent aux confrontations victorieuses des quatre elements constitutifs du monde: 1a terre, 1e feu, l'eau et l'air. Les épreuves se décomposent alors en: a. descente dans le puits mystérieux, ou descente souterraine, confrontant tout d'abord l‘élément Egggg; b. traversée d'une forét incendiée, confrontant alors l'élément Egg; c. traversée d'une riviere a la nage, confrontant ainsi l'élément £22; 60 d. grimpée a l'échelle dans un tunnel venteux, confrontant donc, en dernier lieu, l'élément gig; Considérons 1e tracé suivant, représentant les parcours initiatiques: Neophyte (1) descente dans le puits souterrain Initié A». [4) grimpée a l'échelle (2) traversée de la forét incendiée (3) traversée de la riviere Le chemin des épreuves d'initiation semble offrir un équilibre de parcours et de mouvements: ces quatre "épreuves élémentaires" s'identifient a deux mouvements verticaux embrassant deux‘mouvements horizontaux. Chacun des quatre parcours expose un danger déterminé, réclamant alors un effort de concentration et de dépassement extraordinaire. L'individu qui se soumet aux épreuves est nommé neophyte avant l'initiation et initié aprés. Le néophyte est un novice ou un prosélyte nouvellement converti, qui doit faire montre de ses qualités et aptitudes. Uhe fois les épreuves passées avec succes, l'individu est reconnu initié, c'est-a-dire admis a la connaissance et 61 digne d'étre dans les secrets des dieux, ceux des bienheureux. Ce tableau réflexif éclaire rétrospectivement en donnant une signification plus comprehensible, plus glorieuse des parcours segmentés représentant 1e haut et 1e bas dans la vie de Gérard: vu dans cet éclairage initiatique, tout est obstacle, tout est effort a prendre pour sortir vainqueur. C'est en merchant courageusement qu'on arrive a l'autre bout du tunnel et Gérard s'avere un marcheur obstiné qui cherche passionément 1e chemin qui aboutit. Ce tableau préfigure par contre certains aspects de la religion des Druses: au néophyte correspond 1e dighgl ou ignorant (p.431) et a l'initié, 1'g§g§; ou savant (p.419). Les quatre épreuves élementaires terminées, l'initié doit "subir une derniére épreuve toute morale", avant de pouvoir contempler la grande Déesse Isis. Ces épreuves consistent a observer strictement un jeflne de quarante-et-un jours et une retraite ou cure de silence de dix-huit jours; un examen introspectif de douze jours et une cure de sommeil de neuf jours derriére 1a statue d'Isis. Au bout de trois mois environ, les épreuves morales sont terminées. L'aspiration du néophyte vers la divinité aidée de lectures, des instructions et du jeune, l'amene a un tel degré d'enthousiasme qu'il est digne enfin de voir tomber devant lui les voiles sacrés de la déesse: 62 La, son étonnement était au comble en voyant s'animer cette froide statue dont les traits avaient pris tout a coup 1a ressemblance de la femme qu il aimait 1e plus ou de l'idéal qu'il s'était formé de la beauté la plus parfaite (p.228). r --------- Avant les épreuves ------ 1 I I Neophyte Statue d'Isis emme aimée initié sublimée I I L --------- Apres les épreuves ------ J Par ce diagramme, il est posé qu'avant la fin des épreuves morales, 1e néophyte ne peut voir que le substitut statufié, froid at distant de la deesse Isis, et qu'aprés, 1e neophyte transmuté en initié découvre 1a déesse vivante sous les traits de la femme aimée sublimée. Mouvement donc cyclique de l'idéalisation de la femme désirée qui s'imprime tout d'abord sur le modéle d'Isis pour se récupérer transformée: Femme aimée + Isis = Femme sublimée Le proces d'alchimie court en profondeur sous toute 1a structure du Voyage pour remonter en surface sous forme de 63 réduplications spéculaires transformatrices. Isis est non seulement la femme idéale, 1e modele sublime de toutes les femmes connues et aimees, elle est davantage: elle se confond avec l'idéal et le sublime memes, ou l'état de perfection primordiale -- ce paradis qui a existé a l'origine des temps et de l'espace: Femmes.____+ La femme _____9 Paradis aimées sublimée origine Le voyage nervalien ou initiatique peut se résumer comme la recherche du Paradis originel a travers 1a sublimation de la femme aimee. 4. LA FORET DE PIERRE Je ne vous demande qu'une chose... C'est de ramasser pour moi quel ues fragments de la forét pgtrifiéem (p.245) Ce tableau spéculaire réfléchit les "marques incontestables" (p.249) du déluge qui apres son passage a ravage la vallée du Nil, laissant a sa place une fgggg pétrifiée: troncs de palmier gigantesques couchés a terre comme par un souffle effrayant, vegetation glacée et durcie au milieu du désert sans vie. Le panorama pétrifié et stupéfiant d'un monde primitif, soudainement détruit dans 64 toute sa grandiosité, donne a voir l'image négative ou virtuelle du.monde originel, alors vivant et nourricier: 1e paradis perdu n'est visible qu'aux yeux de l'ame qui 1e désire et qui 1e recrée a partir de ses débris. Telle est la destination du ngggg, tel est le sens de la "géographie magique d'une planete inconnue" (p.23) qui revient a Gérard comme 1e souvenir d'une existence antérieure. Ainsi, apres avoir dépassé l'émotion tragique,5 l'évocation de la forét pétrifiée se recycle a travers l'émotion magique6 pour faire d'une absence une presence, celle du temps et de l'espace originals. émotion tragique forét pétrifiée paradis originel émotion magique‘ L'émotion tragique apparait de prime abord comme une satisfaction regressive, une emotion éprouvée au spectacle de la mort ou de la destruction: ici, 1a pétrification bouleversante de la forét marginale entre 1e Caire et 1e désert. L'émotion magique par contre s'identifie au sentiment extensif et mystique d'une unité retrouvée, ou a 65 l'extase béatifique devant la résurrection de la vie, a partir de la mort. La vie se congoit dans la joie créatrice. 5. HISTOIRE DU CALIFE HAKEM Le présent micro-récit réflexif organise la quéte nervalienne sous deux angles de réfraction spéculaire, a savoir: (1) l'extrapolation amplificatrice, et (2) l'idéalisation. Si avec les tableaux spéculaires des épreuves initiatiques, 1e poéte a pu pénétrer 1'univers des bien- heureux et s'imprégner de leur connaissance et sagesse, introduit dans l'espace du Caire-Vainqueur encadrant l'Ile de Roddah.mythique, il fera face a la divinité agissante: Ere nouvelle. Retour des dieux.7 Hakem est un dieu incarné sous les traits d'un homme, qui comme 1e calife déguisé en esclave, émane malgré des apparences trompeuses une magnificence extraordinaire: Quoique ses vétements fussent misérables, le nouveau venu ne ortait pas sur la figure l'humilité inquigte de la misere. Ses traits, fermement dessinés, rappelaient les lignes sévéres du masque léonin. Ses yeux, d un bleu sombre comme celui du saphir, avaient une puissance indéfinissable; ils effrayaient et charmaient a la fois (p.363). 8 Pourtant, arrivé incognito a l'okel des sabéens, Hakem n'a pas été reconnu de personne dans sa tournée publique, 66 a l'exception d'un vieillard‘aveugle: Es-tu fou, dit Hakem, d'addresser ces paroles a quelqu'un que tu ne vois pas et dont tu n'as entendu que le pas dans la poussiere! - Tous les hommes, dit 1e vieillard, sont aveugles vis-a-vis de Dieu. - C'est done a Dieu que tu t'adresses? - C'est a toi, seigneur... Sauve-les, dit 1e vieillard, car toi seul es la puissance, toi seul es la volonté (p.371). Le vieillard aveugle qui voit 1a divinité de Hakem personnifie et reprend 1e theme nervalien de la voyance, qui consiste a connaitre les secrets cachés "avec les yeux de l'ame intuitive et transcendentale, comme par un pouvoir de gg-naissance instantanée avec les phenomenes englobants: J'ignore quelle est ta condition, seiggeur, car je ne vois qu'avec les yeux de 1' e (p.372). De meme, dans la recherche d'une femme A'marier, Gérard a été conduit par un wékil ou entremetteur nuptial aveugle: Je riais beaucoup intérieurement en comparant l'aveugle a l'Amour, et son fils au dieu de I'hyménée. Le juif, insoucieux de ces emblemes mythologiques, m'instruisait chemin faisant (p.126, nous soulignons). A ce moment-la, Gérard qui doutait de la "voyance" ou sagesse de l'aveugle n'a pu obtenir par consequent ce qu'il voulait: une femme et un foyer. Si partout l'autre aveugle proclame et louange la divinité de Hakem, celui-ci pourtant est un dieu qui doute de lui-meme: L'hallucination n'ajoutait plus a sa certitude d'étre un dieu 1a confiance d'une force surhumaine (p.380). 67 Et c'est pour dépasser ce doute métaphysique que Hakem se décide a épouser sa soeur Sétalmulc, espérant a travers 1'union mystique avec la princesse, obtenir 1a régénérescence d'une race immortelle et la consécretion de sa divinité: Sétalmuc, dit Hakem, j'ai pensé longtemps a te donner un.mari; mais aucun homme n'est di ne de toi. Ton sang divin ne doit pas souffrIr de mélange. Il faut transmettre intact a l'avenir 1e trésor que nous avons recu du assé. C'est moi, Hakem, 1e caIIfE 1e seigneur du cIeI et de la terre, qui serai ton époux... (p.376, nous soulignons). Hakem essaie de se convaincre en raisonnant avec sa soeur sur les raisons de leur mariage mystique: celui qui épouse Sétalmuc doit étre digne de son sang divin, de sa supériorité originelle. Ainsi en épousant Sétalmulc, Hakem peut s'affirmer comme dieu: Hakem.+ Sétalmulc = Hakem-dieu Nous avons, ici, la reprise de la meme structure de consecration véridique du bienheureux, élu a la fin des épreuves initiatiques: initié + Isis = dieu. Mais c'est parce qu'il reste masqué aussi bien face a Yousouf qui ne 1e sait pas Calife, qu'a l'égard de Sétabmulc qui ne 1e croit pas dieu, que Hakem.périra sous leurs coups. Dieu est mort, faute de croyants. Comme 1e poete constamment déguisé et transformé,9 Hakem, le dieu déraciné, aura a errer d'une station a l'autre pour se faire reconnaitre ou rester a jamais dans la puissance du 68 secret insondable, celle d'une création inachevée. Dans l‘Ile de Roddah, lieu privilégié, défendu par le fleuve dont elle est une sorte d'émanation, dans ce lieu des prodiges donnant acces a l'autre caté des miroirs, épanouit Sétalmulc comme une fleur aquatique. Pour Yousouf qui se retire dans sa cange et traverse 1e Nil en chancelant sous l'effet du haschisch, l'apparition de Sétalmulc dont l'identité lui reste inconnue, revét toutes les splendeurs d'une figure céleste. Cette péri se conforme si completement a l'idéal de Yousouf que celui-ci a l'impression de l'avoir rencontrée dans quelque existence antérieure, lui revenant alors comme une fusion instantanée de toutes les beautés et divinités. En adorant et idéalisant la femme aimée, Yousouf ressent 1a lente maturation ou merveilleuse expansion de sa nature, qui, par la seule puissance de l'amour, atteint a l'éternité et a la supériorité divines: Mon ame se grandissait dans le passé'et dans 1 avenir, j avais 1a conviction de 1 avoir ressenti de toute éternité (p.366). En effet, Yousouf est passé pour "le dieu qui jouit de toutes les femmes par 1e rave",10 vécu alors comme un procédé d'amplification et d'unification magique: l'étre et l'avoir du réveur fusionnent dans un espace de conjonction osmotique ou l'obstacle, 1a distance et la diversité s'annulent au sein de l'unité retrouvée. ’\ 69 Le réve de Yousouf reprend ainsi 1e meme élan béatifique qu'ont connu Polyphile et Polia "qui franchis- saient dans leur double réve l'immensité de l'espace et des temps" (p.73). 11 annonce déja 1e réve créateur d'Adoniramm 6. AVENTURES D'UN MARSEILLAIS A l'opposé de l'expérience initiatique et du réve, la profanation du sacré et des mysteres s'avere trop décevante. Ainsi se présentent les aventures d'un Marseillais. Celui-ci arrive a s'introduire dans une assemblée des Druses qui se livrent a une sorte de mariage rituel a l'occasion de la fete des rois ou l'Epiphanie. A un moment de l'office, l'on éteint toutes les lumiéres, et les femmes entrent une a une pour s'accoupler avec le premier venu, dans une pratique égalitaire. Le Marseillais "se trouvait dans le ravissement du lot qui lui était échu" (p.420), mais, curieux de savoir qui il a aimé un instant, 1e jeune homme a eu l'idée ingénieuse de couper un morceau de la robe de l'amante inconnue. Au point du jour, apres la benediction du bon Dieu, 1e Marseillais remarque la femme a la robe découpée qui prend alors son voile, et la suit chez elle. La, il demande a boire et découvre que son.amante d'une nuit est une vieille femme. Le Marseillais a fait montre d'une double profanation: s'introduire en intrus au temple des Druses et violer 1e 70 secret rituel comme par volonté de déchiffrer un réve sacré: Pourquoi vouloir tout approfondir? Ne valait- il pas mieux conserver 1 illusion? (p.421). Le bonheur est-il 1a recompense de celui qui croit au bonheur? 7. HISTOIRE DE LA REINE DU MATIN ET DE SOLIMAN, PRINCE DES GENIES Ce long récit second s'avere 1e plus parfait miroir central du Voyage, récupérant les débris spéculaires égrénés un peu partout avant et orientant le reste du récit jusqu'a sa c18ture provisoire. On remarque plusieurs réseaux proairétiques et thématiques concentrés autour de trois personnages principaux du récit enchassé -- Adoniram, Balkis et Soliman -- et a travers leurs relations intéractives. Adoniram, artiste rebelle, symbolise Lucifer et Cain dont il descend directement, participant "de l'esprit de lumiere et du génie des ténebres" (p.510). Déraciné comme tous les personnages nervaliens, Adoniram passe sa jeunesse a parcourir bien des contrées: Ma patrie est partout ou le soleil éclaire (p.531), contemplant la nature et les ruines pour s'inspirer de leur force au sein de la solitude, et de leur grandeur a travers leurs vestiges: 71 J'ai tourné mes regards sur les souvenirs du passé (p.532). L'Hénochia primitive décrita par Adoniram présente l'image d'un univers disloqué, désavoué par les siéclas rationalistes at étroits. Adoniram.éprouve l'ivresse at la crainte que provoque par essence l'irruption du sacré an ces grottes du souvenir remplis de géants et d'animaux symboliques, de spectres d'une société morte. Un travail d'archéologia lui permet de fonder son asthétique sur una culture secrete faite de marveillas du génia primitif, celui de la lignée créatrica de Tubal. Adoniram.réve toujours des travaux gigantesques: son cerveau, bouillonnant comma una fournaise, enfants des monstruosités sublimes. Pour lui, l'art consiste a créar, a rivaliser avec la nature, non a la copier servillement. Comma les romantiques, Adoniram.remat an question les rapports des arts avec la nature, introduisant l'innovation dans la déplacament du.principa diimitation. S'adressant a Benoni, son éleva, Adoniram.a ainsi profassé: Le monda est vieux, la vieillesse est débila... Décadenca at chute! tu copies 1a nature avec froideur... ton esprit hébété se fait tour a tour esclave d'une vache, d'un lion, d'un cheval, at ton travail a pour but da rivaliser l'imitation avec una génissa ...(p.513). L'oauvre na peut ainsi imiter que les produits stérilas de la nature, at par 1a, elle se restraint a la petitasse at 1a decadence. Ca sera l'artiste lui-meme qui doit imiter 1a nature, sa mettant comme elle a créer, a inventar 72 das formes inédites, des "symboles redoutables" (p.513) qui dépassant les limites da la matiéra: L'artiste-né ne se contente pas d'observar la nature. Il doit l'imitar, 1a prendre our mgdglg at 2932;; at créar comme elle.1E La mimésis s'antand ici au sans de poiésis, puisque l'asthétiqua romantique met l'accent non plus sur le rapport de representation entre l'oauvre at 1a monda, mais 1e rapport d'axpression entre l'artiste at l'oauvre concue comme une totalité close, surgissant continuellement dans son prepre devenir. Dans ca processus da production artistique, l'imitation génétique ou génératrice a pour but de révélar, dans la materiel, la spiritual: a savoir l'énargie ou essence originelle at matricielle de tout element agissant. Au service de Soliman, roi vain at pusillanime, Adoniram.sa réduit douloureusement: dissimulant ses propres ambitions, il s'oblige a édifier un temple, 3 fondre das ouvrages dépourvus de signification durable, philosophiqua at sociale, tournés a la seule gloire du monarque at da son dieu jaloux. Au coeur da la nuit luciférienne, nuit fatale (p.548), Adoniram lance un défi au dieu persécuteur an procédant a la fonta de la mer d'Airain qui "etait una oeuvre gigantesque, un défi du génia aux préjugés humains, a la nature, 3 l'opinion des plus experts, qui tous, avaient déclaré 1e succés impossible" (p.548). Sous les yeux du roi, de la reine at du peuple accouru da toutes les régions, 73 la maitra va libérer un fleuve de feu pour exécuter son chef-d'oauvre. Les forges infernales surgissant a la surface da 1a terre refroidie, telle l'image souveraine du rave créateur qui, au milieu des ténebres illumine de ses propres lueurs at triomphe du soleil divin de Jehovah. La révolte da l'artiste prométhéen se fait non sans angoisse: trahi par trois compagnons, Adoniram.a cru voir son chaf-d'oeuvra,qui est aussi son union avec la feu liquide, s'anéantir: Tout a coup Adoniram s'apercoit que la fleuve da fonta déborde; 1a source béante vomit des torrents; la sable trop chargé s'écroula ... une fissure se dégage au sommet; la lava ruisselle da tous catés. Il exhale un cri si terrible, qua l'air an est rempli at que les échos 1e répetent sur les montagnes ... Une detonation ratentit; 1a fonta rejaillait dans les aires en garbes éclatantes ... on croit voir s'ouvrir 1e cratéra d'un volcan furieux... (p.553) La dimension de la catastrophe est si grande que celle-ci est dépeinte a l'egala de la fin du monde, empruntant les aspects essentiels d'un mythe eschatologique. Le défi d'Adoniram.peut se traduire par le schéma suivant: fonta de la mer d'Airain . .4. Extension ' irruption Récassion de 1a / a I easiérs - , ’ La geste créateur d'Adoniram.dans sa force bouleversante déclenche comme par réaction proportionnelle 1a révolte de la matiere. 74 La via at la mort sont deux aspects étroitement liés dans la conception nervalienne, l'une entrainant l'autre dans un cycle continu. Accablé de honte at de douleur, Adoniram.délira et sa voit guide par son aIaul, Tubal-Kain, au centre de la terre. Ce voyage dans le monde souterrain revét deux significations: d'une part, comme mouvement de recession, il est l'aboutissement de l'émotion tragique. L'instinct de mort par la réduction tragique met fin au conflit fondamantal, celui de la vie et de la mort, ou ici, celui du succes at de l'insucces. Le passage souterrain s'avera donc 1a symbole de cette volonté de mort; de l'autre, la mort peut signifier aussi une volonté de survie, une resurrection, un acces a l'immorlité extraterrestra. Cette non-mort se traduira comme une extension positive au sein d'une ambiance génératrice de vie laborieuse. Le monde souterrain est alors concu comme un centre de production énergétique at de vie permanente: Nous avons voulu qu'en retour 1e feu central fflt attiré par la circonférence at rayonnat au dehors: cet échange de principes était la vie sans fin (p.559). vie-n. froideur résurrection-survie extension \ s mort /<§9 récassion (monde souterrain 65? Le passage dans le monde souterrain a donné a Adoniram une expérienca bien précieuse: non seulement la tradition de son art en sort confirmée at affermie (parallélisme f’ 75 das deux mondes producteurs, heritage du marteau ancestral), 1e centre d'intérét da l'existence mama se voit completement basculé: 1e détachement da la vie at l'entrée dans la mort propice samblent si proches, si aisés, pareils a l'envol de Polyphile at de Polia. Présentée comme fille du feu, Balkis surgit des montagnas da l'Yémen pour apporter la 1umiéra véritable dans la nuit d'Adoniram, Et Bénoni de dépeindre la Raine du Matin a son maitre: Sa beauté éblouit. Je l'ai entrevue comme on entrevoit 1e soleil levant, qui biant6t vous brflle at vous fait baisser la paupiere (p.516). Apres sa premiere rencontre avec Balkis au temple, Adoniram se retire au sanctuaire de ses travaux et tombe terrassé sur un banc de chéna, foudroyé par l'image enchantaresse qui 1e transporte de joie sans pareille: Déesse adorable et funesta!.. Hélas! Pourquoi faut-il ue mes yeux aient vu cette perle da l'Arabie. (p.538) Si l'artiste fuit 1a reine au moment de son triomphe, c'est que la baauté da la femme l'a bouleversé et que ses 12 sur l'oeuvre du.maitre lui ont meurtri critiques sévéras 1e coeur. Quant a Balkis, elle aussi a été frappée par la voix dVAdoniram "comme l'écho d'un fugitif souvenir" (p.531). Ella a la pressentiment de la craindre at de l'aimer des leur premiere entrevue. En quittant 1e champ' da création du génie, elle a "l'ama triste at la pensée remplie du souvenir" (p.573) d'Adoniram, "si grand par ses oeuvres, 76 plus grand encore par son absence" (p.573). Mais c'est sous la signe de la prédastination que leur amour sa réalisa, suivant les predictions memes des oracles: Hud-Hud, la huppe divine qui ne reconnaitra pour maitra que l'époux résarvé a la princesse de Saba, s'est posée miraculeusement sur le poing d'Adoniram, apres que celui-ci ait tracé dans les airs 1e §§g_ mystérieux. Ce récit enchassé reflete alors 1a mystérieusa voix du sang qui a poussé irrésistiblement Hakem.vers sa soeur, Sétalmulc. Mais ici 1a reconnaissance prédestinéa des amants élus se fait dans une effusion de coeurs semblables, brfllés d'une seule at mama flamme. Adoniram at Balkis descendant en effet tous deux de Tubal- Kain at aiment intensément pour la premiere fois: Ce coeur faible n'a jamais battu [E dit Adoniram]; sa premiere angoisse 1e brise, et 11 me semble que je vais mourir (p.578). at Balkis de balbutier: Hélas!.. moi non plus, je n'ai jamais aimé (p.578). L'harmonie retrouvée da leur amour originel pres 1a source de Siloé fait reflet au "double rave" de Polyphile at de Polia, qui franchissent si aisément "l'immensité de l'espace et das temps" pour s'unir a jamais dans l'éternel bonheur. C'est aussi a jamais unAdoniram.et Balkis se sont unis, au-dela da leur separation terrestre, au-dela 77 da la mort qui saisit l'amant, en route pour retrouver ailleurs son épousa promise. Quant a Soliman, 1e double terrestre at imparfait diAdoniram, doublement humilié at trahi par les enfants géniaux du feu, il ne s'embarque jamais non plus sur son char nuptial. Endormi au narcotiqua, il n'a pu embrasser qu'une ombre a la place de la Raine de Saba qui s'est envolée au loin a la recherche de son époux divin. C'est dans la douleur et la solitude que-§gliman (l'homme gggl) recouvra sa part da sympathie. 8. CARAGUEUZ Ce micro-récit réfléchit un autre aspect de la femme aimée, non plus sublimée ou idéalisée, mais encadrée dans ses limites humaines. Dans ca mythe moral, Caragueuz a été choisi par son ami pour atre le gardien de la vertu de sa femme. Beau at séduisant, Caragueuz observe alors une conduite de privation volontaira at de mortification bien pénible: il se tient en garda, hors de la maison de cette femme, essayant toutes les manoeuvres possibles pour l'évitar, at la tenir loin de sa fatale séduction: i1 fait le "pont" la "pieu", at enfin prend la fuite pour se dérober a l'assaut de la femme a passion dévoratrice. Comment expliquer alors cette attitude itérative du repli stratégique presque rituel de la part des personnages (\ 78 nervaliens? Gérard qui charchait un peu partout a se marier, a s'unir "a quelque fille ingénue de ce sol sacré" (p.343), qui a tout fait pour pouvoir épouser Salema, 1e voila qui écrit au cheik pour dégager sa parole at lui rendra la sienna: les questions de santé ne servant qu'a voiler des raisons plus profondes, autorisant a voir dans cette conduite, qui s'apparente a un demi-échec, un retrait magique juste avant la dévoilement final de l'objet désiré: est-ca donc 1a seule facon pour les personnages nervaliens d'aimer sans vouloir ou sans pouvoir posséder l'ggtgg? Gérard quitte Catarina at Vhahby a Vienne, Salama at Zeynab au Liban: ni Hakem, ni Yousouf n'ont possédé Sétalmulc; a l'égard de Polia, Polyphile a "repoussé l'image mortelle" de l'amour; Adoniram quitte Balkis pour entrer dans l'autre monde, 1a laissant a Soliman qui ne l'obtient pas. Et Nerval de formuler dans son Qg£g§5_dg_ng£g§: Femme que personne ne peut (avoir pour femme).13 S'agit-il ici de la femme interdite, désirée et distante, de la mere adorée at morte, a jamais reléguée dans un écartement‘mystique? TROISIEME CHAP ITRE 79 CHAPITRE III MISE EN ABYME AUX CONFINS DU SYMBOLE Idées sur les nombres... Discours de la couleur et du nombre... Idées sur le carré at les ronds... Nerval 1 (Carnets de notes) La mise en abyme terminale est tout d'abord retrospective. Elle sert a réfléchir apres coup l'histoire qui se c16t. Pour ne pas répétar ca qui est déja su, at éviter la redondance fictionnelle, Ia misa en abyme finale essaie alors "d'universaliser le sens du récit"2 en recourant a un pacte thématique orienté vars 1a generalisation sémantique at l'irradiation du symbole. Si la mise en abyme fictionnelle est faible au début at forte au milieu, elle se fait rare a la fin du récit. En effet, la mise en abyme terminale du ngggg gn_0rient se compose seulement de trois tableaux spéculaires, a teneur symbolique surcondensée. 80 - 81 1. LES EAUX DOUCES D'ASIE Le caractére général de la mise en abyme finale est d'étre réduite a l'extreme, quant a la dimension du cadre spéculaire: 1) Riviéra 2) Prairie 3) Bois éclaircis 4) Fontaine F) Verre d'eau Allant des cadres (1) a (5), nous avons un emboitement da grandeurs de plus en plus décroissantes, l'une contenant l'autre: 1a riviére borde la prairie (1-2); 1a prairie antoure les bois éclaircis (2-3); "au milieu da l'éclaircie la plus vaste" (p.613) se trouve 1a fontaine de marbre blanc, 1a fontaine-das Eaux-Douces d'Asie (3-4); 13, on paye un para pour un verre d'eau limpide (4-5). Dans ces enchassements successifs, nous avons deux cadres naturels: riviere (1) et prairies (2), at deux cadres culturels: fontaine de marbre blanc (4) at verre d'eau (5). Entre les 82 deux cadres a tendancas nettement opposées (nature vs culture) nous avons un état da passage, une transition de la nature a la culture: "les bois éclaircis avec art" (p.613). Ainsi l'eau contenue dans la verre et qui se vend a un para est une eau commercialisée, et l'eau qui coule de la fontaine de marbre blanc, une eau traitée, adoucie, at rendue potable. Elle s'appose a l'eau naissante des sources lointaines, at a celle sauvage at tourmentée de la riviere avoisinante. Le "verre de cette boisson" vendua aux Eaux-Douces rappelle une image tres nervalienne qui est la coupe: La reine avait déposé les insignes de la grandeur, at la femme, dans la simplicité da ses atours du matin, n'était que plus redoutable. Elle avait emprisonné ses cheveux sous la pli d'un long voile flottant, sa robe diaphane at blanche, soulevée par la brise curieuse, laissait entrevoir un sein moulé sur la conque d'une coupe (p.574, nous souIIgnons). La coupe, dans sa nudité suggérée par l'avocation "laissait entrevoir un sein moulé", posséda ici une signification feminine attestéa par la conte de Graal, at se réfere plus ou moins axplicitement a 1'utérus.3 L'objet devient coupe d'or, telle évoquee par Nerval dans un passage de Sylvia: Nous buvons l'oubli dans la coupe d'or des légendes nous étions ivres de poésie at d'amour. Amour hélas! des formes vagues, de teintas roses 2t blauas, des fantOmes métaphysiques! Grace a la coupe qui incarne confusément 1e sexe féminin at de 1a la femme désiréa, 1e verre de boisson des 83 Eaux-Douces nous réintroduit encore una fois dans cet espace du désir qui glisse at se fige, a mi-chemin entre l'objet révélé et la "forme vague" du désir, entre la réalité at 1e rave, la consommation et l'abstinence. Le plus souvent, 1a coupe nervalienne évoqua un espace d'absence at d'abandon on se perd l'amant délaissé: La coupe vide est devant lui; les derniers mots de la reine se retracent a sa pensée: il ne la voit plus et se trouble; un rayon de soleil qui voltiga ironiquement sur son front la fait tressaillir; i1 devine tout at jette un cri de fureur (p.604). Dans son ensemble, ce micro-récit pourrait passer pour une parfaite mise en abyme du parcours du Voyage, recueillant ses inspirations des sources folkloriques, (contes légendes, mythes, chansons p0pulaires, dictons, raves collectifs...), traversant des espaces culturels de plus en plus raffinés (documents, ouvrages, livras, textes religieux...) ou confrontant des espaces mixtes ou la culture et la nature se croisent (arts, nourriture, boisson, amour...), pour aboutir au traitement des matériaux, a la composition ordonnée de l'ouvrage, qui est ainsi condensation de la nature at produit consommable. Nous avons affaire ici a une mise en abyme fictionnelle 5 qui devient énonciative du fait qu'elle met aussi an évidence la production meme du Voyage. 'I 84 2. LES OPALES L'un des Persans, qui miavait pris en amitié... a voulu me faire un cadeau au moment de mon départ. 11 me fit descendre dans un caveau plain, a ca qu'il disait, de pierreries; mais 1a cave ne renfermait que des pierres at des cailloux fort ordinaires. "Venez, me dit-il, 11 y a 1a des escarboucles, la des améthystes, 1a des grenats, la des turquoises, 1a encore des opales: choisissez uelqu'une de ces pierres ua je puisse vous offrir." Cat homme me semblait ou: a tout hasard, je choisis les opales. Il prit une hache at fendit en deux une pierre blanche grosse comme un pavé. L'éclat des opales renfermées dans ce calcaire m'éblouit aussitOt. "prenez", me dit-il en mfoffrant un des fragments du pavé (p.627). Au départ de Paris, Gerard passait par les routes pavées de cailloux at de moallons qui font "sautar les voitures" (p.8); au depart de Stamboul, i1 recoit un autre caillou an signe d'amitié. La seule difference c'est qu'au passage d'Europe, les moallons font obstacle alors que dans le caveau de Stamboul, le bloc da calcaire s'ouvre sous l'action de la hache at laisse voir les pierres précieuses enfermées a l'intérieur. Ce tableau réflexif offre deux aspects de miroitement: un aspect statiqua at un aspect dynamique. a. Aspect statiqua Le texte insiste sur la structure d'emboitement successif, offrant plusieurs enveloppes aux pierres précieuses: 1e caveau, 1e bloc de calcaire, les opales. Nous avons alors comme schéma représentatif: . A“) 85 caveau bloc de calcaire opales La mama structure d'emboitement at de cloisonnement se trouve un peu partout dans le ngggg, 1a ou des valeurs précieuses sa consarvent ou se sauvegardent. Cette structure défend 1e trésor caché en meme temps qu'elle 1e décele. ClOtura at fissure latente, comme le masque, elle laisse passer l'éclat du regard incendiaire. En effet, il existe une correspondence étroita, dans l'oeuvre entiéra de Nerval, entre les motifs de clbtura at d'évasion, d'anfermement et de liberté. De nombreuses variantes de l'image de la c18ture representent les avatars métaphoriques souvent ambigus du theme de l'emprisonnement. Prisons désolantes at prisons heureuses, ces lieux clos nervaliens out an commun qu'ils suggerent tant8t la recherche impossible d'une réalité enfouie ou perdue, tant8t 1a promesse d'une joie supérieure liéa au rave de liberté ou de délivrance. Le chateau périssable de l'idéal enfarmant l'innocance at 1e passé est une des images privilégiées de Nerval. I1 existe 86 dans la ngggg_toute une série de lieux clos qui ne sont pas murés, de prisons qui na sont pas vraiment fermees. Les pyramides, avec leurs vofltes basses qui obligent a ramper, at leurs galeries mystérieuses, apparaissent comme la lieu idéal pour une representation de l'opéra initiatique, 1a Elgtg enchantée (p.227). La monde souterrain dans "les nuits du Ramazan" est un veritable enfar en meme temps que la lieu privilégié des Kainites. Paysage intime da Nerval, on les volcans at les grottes sont des lieux d'effroi mais aussi d'hospitalité. La princesse Sétalmulc, soeur de Hakem et la péri de Yousouf, est assise dans son appartement intérieur, au fond d'une piace retirée dont 1a voflte offre l'apparence d'une "grotte a stalactites" (p.374). Les lieux clos, les lieux secrets sont alors espace de sécurité. Ce qui ferme protege de l'érosion, errata 1e travail du temps. Tubal-Kain explique a Adoniram qu'il a fait creuser de longues galeries pour servir de "retraites" a sa race, que les pierres de la pyramide protectrice furent cimantées avec du bitume "impenetrable". L'image de ces demeures souterraines ou l'eau elle-meme est "emprisonnée" correspond au "supreme instinct de conservation" (p.565) par lequel Tubal-Kain cherche a rantrer sous la pyramide pour survivre. Lieux de conservation, la souterrain at 1a cavité murée sont également des lieux de force at de liberté. Endroits oh c18ture, mystere, joie d'une découverte, et rave d'une 87 issue se confondent. Les murs, les seuils, les voiles et les barriéres nervaliens ferment souvent mal ou alors provoquant 1e geste d'évasion. b. Aspect dynamiqua La hache qui fend 1e bloc de calcaire pour exposer les opales a la lmmiére du jour confirme 1e geste libérateur. Gesta de l'artiste apprenti qui fouille les flancs des montagnas du Liban a la recherche des merveilles enfouias du génia primitif. Gaste de Tubal-Kain qui ouvre 1e cratere de l'Etna a coup de marteau pour provoquer un écroulement aux scorias des usinas souterraines. Gesta créateur du maitra fondeur frappant a coups redoublés pour enlever les bavures at dégager la mer d'Airain. Parfois 1e geste libérateur déclenche une évasion spirituelle. La cellule du moine s'ouvre sur l'espace at permet 1a transcendance. Polyphile et Polia s'échappent spirituellement du couvent et du monastere at se rejoignent dans l'empire mythologique. La condition mortelle revet chez Nerval la forme d'une captivité qu'il s'agit de dépassar: "Captif en ce moment sur la terre, je mientretiens avec la choeur des astres, qui prend part a mes joies et a mes douleurs!"6 Cette phrase résume un dialogue cosmique fondé sur la notion d'anfermement at de liberation. La folie meme se manifeste par la double image d'un encellulement et de la negation de cette réalité restrictive. ...; \ 88 Ce geste est aussi celui revendicataur du poéte qui éleve son oeuvre a la hauteur das pyramides ou la creuse jusqu'aux entrailles de l'anfer. Ou encore, geste de magician qui place des miroirs changeants dans l'espoir de capter les lumieras de l'au-delA. ‘Mise en abyme fictionnelle, at déja énonciative, ce micro-récit éclaire a la fois 1e contenu fictionnel (1e trésor caché) et le geste libérateur de signe communicable: "Prenez", me dit-i1 en m'offrant un des fragments du pavé" (p.627). Ce fragment du pavé qui s'ouvre pour irradier a l'éclat des pierres précieuses qu'il enfarme constitue une veritable metaphore emblématique du texte du ngggg--texte-corps dont 1a densité est faite de mots et dont l'espace deviant 1e parcours de l'écriture meme. Mentaigne soumet ses Egggig a une pareille mise en abyme taxtuelle qui ressemble a une radiographie: "Je miestalla entier: c'est un skeletos ou, d'une veua, les veines, les muscles, les tendons paraissent, cheque piece en son siege. L'effect da la toux en produisait une partie; l'effect de la palleur ou battement de coeur, un'autre, at doubteusement. Ce ne sont mes gestes que j'escrits, c'est moy, c'est mon essence".7 Le récit en s'avancant se modele sur sa métaphore d'origine qui s'identifie a l'immortalité, encodée alors comme un rassamblement de formes at d'espaces concentriques. L'immortalité ou la statiqua ontologiqua s'imprime sur le texte en une sorte de fixation grandissante de formes 89 contingentes, dispersées dans le temps et l'espace; fixation qui commence par le tracé du Egg comme geste de ralliament au point meme qui devient 1e centre du cercle, embleme du cosmos, englobant a son tour 1a terre-carrée de la culture tantrique at la base de la grande pyramide égyptienne dont "les c8tés... répondent aux 4 points cardinaux":8 CR -——9 —-——> e——— 6———- 1e tau ou centre 1e cercle-cosmos le carré circons- de raIliement(CR) englobant la crit est aussi la terre-carrée base de la grande pyramide. Alors 1e langage nervalien devient symbole ou "figuration qui ait pour mission d'évoquer autre chose, par association, a l'esprit da celui qui la parcoit".9 3. UZUM, INEB, INGHUR, STAFILION Un autre segment spéculaire revele cat état d'éparpillement périphérique at ca désir de retour au centre d'une signification rétablie: Ces derniers ont une légende des plus belles que je connaisse: quatre compagnons de route, un Turc, un Arabe, un Persan et un Grec, voulurent faire un gofiter ensemble. Ils se cotiserent de dix paras chacun. Mais il s'agissait de savoir ca qu'on acheterait: -Uzum, dit 1a Turc. -Ineb, dit l'Arabe -IngEflr, dit 1e Persan. -Stafilion, dit 1e 90 Grec. Chacun voulant faire prévaloir son gofit sur celui des autres, ils en étaient venus aux coups, lorsqu'un derviche qui savait les quatre langues appela un marchand de raisins, et 11 se trouva que c'était ce que chacun avait demandé (p.628). Ici, 1e mama concept _r_'_a_i_s_i;n_ a pour signifiant 2511!; en turc, $322 an arabe, inghflr en persan, et stafilion an grec. Cat état de disparité linguistique présente un obstacle a la consommation du fruit. La désordre et l'absence de signification se rencontrent un peu partout sur les chemins du Voyage. Le poete-artisan distille les matiares premieres, extrait l'or des gangues et rassamble les mots épars pour en faire un aliment consommable. L'immortalité de l'écrivain se reconnait a la trace de son oeuvre grandiose et durable, pareille aux gigantesques monuments qui ont survécu aux temps -- les pyramides, la mer d'Airain. Elle se manifeste aussi a travers la grande utilité mise en service: les pyramides d'Egypte sont hautement significatives parce qu'elles sont des centres d‘accueil et de conservation de la race at de la civilisation et non parce qu'elles sont de monstrueux tombeaux royaux. Le lac d'Yémen réservoir d'eau at de vie pour cette contrée jadis aride at stérile, "crée un Eden au milieu das deserts". C'est avec une telle notion de valeur fonctionnelle qua l'art‘mérita vraiment son culte d'immortalité. Sous les pyramides, a travers les entrailles des rochers, a l'intérieur de la terre nourriciere se prépare une eau tiede qui remonte en source minérale, en save des plantes, an suc das fruits; ce fluide de vie qui imbibe at relie les .II. 91 corpuscules épars, at qui fait que les atomes deviennent boissons, les mots deviennent fruits et les signes deviennent idées. Le Voyage se récupare alors comme un texte-corps nourricier, un corps qui a grandi des aliments d'autres corps nourriciers, dans un continuum de vie culturelle intarissabla: le ygyggg a tenté et réalisé 1e lieu utopique d'une confrontation de cultures at de textes en voie d'intarpénétration at de fusion pour la réémergence d'une réalité ouverte, toujours a recommencer: ‘...plus ou moins, tous les livres contiennent la fusion de ..10 on quelques redites comptées "...tout texte est absorption at transformation d'un autre texte".11 Si 1e Voyage s'alimente aux oeuvres da Goethe, de Hoffmann, des auteurs fantastiques tels Merlin Coccaie at Cyrano de Bergerac, s'inspire de Nodier ou de Cazotte, se garnit d'emprunts de W. Lane, de M; Sainte-Fare Garnot, de P. Vattier at d'autres illustres orientalistes comme nous 12 13 14 at J. Richer, l'ont montré Aristide Marie, MIG. Rouger 1e Voyage devient a son tour 1a source centrale ou viennent puiser d'autres oeuvres nervaliennes.15 QUATRIEME CHAP ITRE 92 CHAPITRE IV LA SIGNIFICATION DU DOUBLE OU LA CONFRONTATION AVEC LE MIROIR A deux le monde se séparerait. 1 Nerval, Garnet dg_notes Gérard at ses analogues sont tous des sujets désirants qui, devant l'aboutissement de leur quéte, se réservent toujours quelque obstacle pour bloguer, au dernier instant, l'accomplissement de leur désir, soit pour la laisser béant dans l'inachévement, soit pour la reléguer a jamais dans l'inaccessible. La plus souvent, les obstacles s'inventent ou se manifestent par auto-suggestion comme une mise en garde, un instinct de conservation de 301 on de l'objet désiré dans l'abime de l'absolu. L'autre du sujet désirant signifie a la fois l'obstacle et la confrontation que la personnage nervalien attend ou recherche pour s‘agrandir (se redoubler) avant de sombrer dans la déchirement (dédoublement) et l'gnégg- tissement. Ainsi Hakem at Yousouf sont présentés tout 93 94 d'abord comme des jumeaux narcissiques, perdus dans l'onda mythique du regard fraternal: Yousouf...se sentit tout de suite au coeur une sympathie secrete pour l'inconnu.... Frere, dit Yousouf...(p.363) regard d'adhérenca mutualle et tous les deux d'affirmer leur étrange télépathie: Pourquoi ta l'ai-je confiée a toi que je n'ai jamais vu?... Un attrait mystérieux ‘m'entraine vars toI... Tu es celui que j'attendais sans 1e savoir... iecfieafi‘§.§5¥%fié7Té§33§ifioii§§§§3§§T' 3" 11 se crée alors entre les deux compagnons prédestinés une amitié totale, faite de comprehension et d'affinité: ils se partagent 1e meme délice artificial en prenant tous les deux du haschisch, at se vouent sans 1e savoir au mama amour, désirant la meme personne: Sétalmulc. Des la premiere fois, Yousouf at Hakem s'affirment et se confirment, se réconfortant dans une complicité énigmatique, soutenue mama jusqu'a la mort partagée ensemble. Tout comme Narcisse qui se consume dans la désir d'un moi idéalisé, Hakem.se trouve épouvanté lorsqu'il surprend son propre reflet dans les traits de Yousouf, 1e jour prévu da son mariage avec sa soeur Sétalmulc: ...Il reconnut ou crut reconnaitre ses propres traits dans ceux de l'homme assis pres de sa soeur. Il crut que c'était son ferouer ou son double... (p.393) Nous avons ici la structure d'un double dédoublement: 95 81 S2 Hakem Yousouf non S2’ non Sl ferouer Hakem déguisé Hakem s'est déguisé pour sa tournée clandestine et sa consultation astrologique; de retour au palais, il ne se fait plus reconnaitre par ses sujets: Elles ne parurent pas apercevoir 1e calife... personne ne fit a lui la moindre attantion(p.393). Entre temps, l'usurpateur qui prend sa place auprés da Sétalmulc n'est pas reconnu non plus comme Yousouf, mais comme la ferouer ou le parfait sosie de Hakem. Le clivage du "je" de Hakem constitue une crise de sa personnalité, exposant 1e calife aux mécanismes du rafoulement et du transfert; le double incarne, ici, 1a concrétisation du désir sous la signe de l'interdit.2 C'est précisément an tant qu'autre --non-je--que 1e calife Hakem peut, par substitution spéculaire, épousar sa soeur: L'action de ce calife fantastique, épousant Sétalmulc, que le vrai calife avait résolu d'épouser lui-meme na cachait-elle pas un sens énigmatique, un symbole mystérieux at terrible? (p.394). 96 La "symbola"est 1a presque plausible: en vertu de son altérité (Hakem :i ferouer) , Hakem parvient a lever l'interdit, at de la, a se faire admettre magiquement dans l'espace de l'amour inceste: Le ferouer accomplissait d'avance un dessein congu par Hakem.(p.394). Deux passages dVAurélia refletent 1a meme hallucination du double: 0 terreur! O colere! C'était mon visage, C'était toute ma forme idéalisée at grandie... Je croyais entendre parlar d'un mariage mystique qu'était 1e mien, et ou l'autre allait profiter da l'erreur de mes amis at d'Aurélia elle-meme.3 et J'imaginai que celui qu'on attendaiz était mon double, qui devait épouser Aurélia. L'interdiction d'épouser Sétalmulc, quoique provisoirement levée par l'intervention narcissiqua du ferouer, se maintient ferme a travers une double mort -- celle survenue a Hakem at a Yousouf. En effet, Hakem.1e pressent dés qu'il voit son double: ...pour les orientaux, voir son prOpra spectre est un signe du plus mauvais augure. L'ombre force 1e corps a la suivre dans le délai d'un jour (PP.393-394). Ainsi pour pouvoir épouser sa péri, Yousouf consent 5 tuer Hakem-le-Calife. C'est seulement apres avoir porté la coup mortal a ca dernier que Yousouf reconnait son compagnon des courses nocturnes, qui est aussi réciproquement son ferouer: Yousouf tombe a son tour, frappé par les ‘4 97 esclaves anvoyés par celle qu'il desire. Immanquablement, Sétalmulc s'avére intouchable, étant défendue at par l'autre-amant at par la mort qui survient deux fois pour dévier tout acte possessif. Chacun des sujets désirants meurt pour ainsi dire deux fois: Hakem meurt de sa propre mort at a travers celle de son ferouer. Yousouf meurt de la sienna at a travers celle da Hakem, sans compter cette mort symbolique imposée par Sétalmulc pour l'éprouver: MWaimes-tu assez pour mourir?... Suis ce negra; il dispose de ta vie comme il convient. En dehors de la poterne, la negre me fit mettre a genoux comme pour me tranchar la téte; il balanca deux ou trois fois sa lame; puis, voyant ma fermeté, 21 me dit que tout cela n'était qu'un 1 jeu, une greuve, et que la princesse avait vou u savoir si ta 8 réellement aussi brave at aussi dévoué que je la prétendais (p.397). De mama Soliman est sur le point d'épouser Balkis. Adoniram se découvre alors 1e double sublime du prétendant-Soliman. Dans son Qgggg£_d§_Ng£g§,dg.ygyggg‘gn 933323, Nerval a ainsi écrit a l'intention dVAdoniram: "Le double de Salomon. Les meilleuras parties de lui allaient animer l'autre".5 Apres la demonstration de commandement fantastiqua d'Adoniram, celui-ci devient aux yeux de Balkis "1e véritabla chef de cette nation, roi de l'intelligence et du génie". Adoniram non seulement éblouit Balkis, mais aussi trouble Soliman, lors de l'entrevue d'adieu: Soliman crut entrevoir certaines lueurs tandres qui miroitaient autour des prunellas d‘Adoniram, 98 Son visage était grave, sa physionomie mélancolique, sa voix plus pénétrante que de coutume; de sorta que Soliman, troublé, se dit: cet homme est tres beau... (p.588). Intuitivement, a la derniere minute de leur rencontre, Soliman se rand compte pour la premiere fois unAdoniram est son idéal, l'autre-sublime vars lequel i1 se tend mais sans pouvoir jamais l'atteindre, étant donné que le souverain se contente de splendeurs temporaires, alors qu'Adoniram, 1e génie rebelle, ne vise que des monuments éterneli. Soliman a été plus d'une fois remis a sa place par Adoniramr L'enfant du_fau intervient en tant que l'autre et la rival de Soliman, pour expliquer a Balkis qu'elle est comme lui descendante de Tubal-Kain, d'origine divine et dont un.Soliman rangé parmi les "fils d'Adonai, engendrés du limon" (p.562) se découvre tout d'un coup indigne: La lionne s'unit-elle au chien banal et domestique? Dapuis tant de siécles que ce peuple sacrifice sur les hauts lieux at s'abandonne aux femmes étrangeres, les générations abatardies ont perdu 1a vigueur et l'énergie des aieux (p.515). Le génie divin d'Adoniram fait découvrir a Soliman sa decadence at son double échec: son incapacité de dominer Adoniram.et Balkis, at d'épouxer cette derniere. L'autre est ainsi un moyen efficace d'atteindre son désir par procuration at de subir par consequent son propre anéantissemant. C'est aussi l'impression causée par l‘intervention du récit second-- le double, le mercenaire-- survenu pour aider 1e récit principal a révéler sa 99 signification, an échange de sa propre mort: 1a récit de Gérard s'éclipse, s'anéantit pour que celui da Hakem et d1Adoniram.s'évei11e, lui prenant 1a releve et l'entiere responsabilité existentielle. Adoniram, Hakem.sont ainsi les ferouers de Gérard, 1e sublimant et le tuant a la fois. Si la confrontation avec les personnages légendaires et mythiques est de nature hétérodiégétique, d'autres experiences sont directement survenues a Gérard. A.Vienne, Gérard est venu au rendez-vous, a l'adresse donnée. La, on lui a dit que Catarina est occupée aupres de sa maitrasse jusqu'a cinq heures. Le jour d'apres, on lui a fait comprendre qu'hier soir un iggng_hgmmg_anonyme était venu chercher Catarina. Au méme endroit, a la meme date, dans les memes conditions, Gerard at 1e jeune homme ont été voir Catarina. Seul Gerard n'avait pas pu la contacter: Maintenant, mon.ami, voila ou j'en suis: je comptais 1a conduire au spectacle ca soir... Mais la pauvre Catarina! Je ne la verrai que damain. . . (p.39) . Dans ce concours de circonstances ou la coincidence unit Gérard au igg§§.hgmmg inconnu, ce n'est pas l'autre qui double Gerard, mais c'est Gérard qui est le double écarté de l'autre. Le rendez-vous n'est ici que la quéte du moi liée a une sorta de retour obstiné au miroir: telle l'obsession de la symétrie sous toutes ses formas, l'autre répete l'impossiblité de jamais rastituar cette chose invisible qu'on cherche a voir, at qui serait 1e moi- en-diract 100 ou un autre moi, son double-exact: Gérard ne s'est pas reconnu avoir alors retrouvé Catarina. Le jeune homme venu a sa place pour consommer l'idylle est la signe da son propre renoncement, l'abandon du projet de faire saisir moi par moi au sein du bonheur. De meme, dans le passage de Gerard et du chien fou: Comme je reconduisais la dame assez tard, il s'est mélé dans nos amours un chien qui courait comme 1e barbet de Faust et qui avait l'air fou... La belle s'est mise a caresser 1e chien quI était tout mouillé,... elle vouIZit Ia recueillir cEez eIle. J'ai demandé a y entrer aussi, elle mfa répondu: nicht!..ni 1e chien ni moi ne sommes entrés (p.50, nous soulignons). Les expressions "mélé dans nos amours", "avait l'air fou" at "ni 1e chien ni moi ne sommes entrés" montrant l'égalité at la ressemblance des deux versions du désir: l'humaina at l'animale. Si le chien "qui avait l'air fou" évoque bien l'esprit malade auquel Gérard s'identifie en partie, l'animal "mouillé" at caressé par la belle dame l'amportera en révélation érotiqua plus que suggestive. Le transfert libidinal est maximal par le choix du symbole animal. Le dédoublement y est certain dans une ambiance de confusion voulue entre le pur at l'impur. L'échec de Gérard et du chien a entrer a l'intérieur da la maison promise n'arrive pas a suspendre 1e geste de viol-ence qui est seulement dévié, et non effacé. Le plaisir en est consomme verbalement: nicht est un refus qui prolonge l'extase et la transforme en désir latent. 101 L'autre nervalien s'avere toujours un étre a la fois ressemblant et opposant. Tel est encore le cas du jeune Arménien accueilli par Gérard a hard de la Santa- Barbara appareillant pour les c6tes de Syria. L'Arménien ressemble a Gérard du fait qu'il est comme lui poete, chantre, un "pauvre diabla sans asile, un banian" (p.257). La remarque que Gérard fait, a l'égard de l' Armenian, mele l'ironie romantique a la douce mélancolie d'une complainte étouffée: J' ai toujours remarqué avec peine 1e mépris constant de 1' homme qui remplit des fonctions serviles a 1' ég ard du pauvre qui cherche fortune ou qui vit dans 1' independence (p. 257). Le poéta arménien, qui "n'a rien que son écritoire .. un de ces vagabonds qui écrivent des vars et autres sottises" (p.258) pourrait passer instantanément pour le substitut oriental de Gérard. Pourtant ce double, ce frere spiritual, s'oppose a Gerard par le fait qu'il est jeuna et qu'il parle "un langage nouveau pour (lui)" (p.256). I1 sa trouve done a bord de la Santa-Barbara pour assurer, a la place da Gerard, la conquéte de Zeynab: L' Arménien.m.'était de quelque ressource dans les ennuis d' une telle traversée; mais je voyais avec plaisir aussi que sa gaieté, son intarissable bavardage, ses narrations, ses remarques, donnaient a la pauvre Zeynab 1' occasion, si chere aux femmes de ce pays, d'exprimer ses idées avec une volubilité de consonnes nasales at gutturales on il m.'était si difficile de saisir non pas seulement 1e sens, ‘mais 1e son mama des paroles (p.274). 102 L'Arménien pro-cure donc a Gerard son expansion spirituelle et linguistique, aux fins da réaliser 1a communication at 1e contact avec 1'0rient, ici, représenté par Zeynab. Mais en meme temps, par l'intervention de l'Arménien, Gérard se découvre de plus en plus étranger dans une communauté orientale qui ne l'accepte pas. L'Arménien devient alors 1e rival de Gérard: Ja ne pouvais, d'un c6té, me dissimular,les avantagas de l'Arménien. Tout jeune encore, et beau de cette beauté asiatique, aux traits farmes at purs des races néas au berceau du monde... J ai la chance d'étre a la fois trompé et volé...(p.287)_. Et c'est par faiblasse at par lucidité que Gérard devient 1e donneur de femme, sa maintenant ainsi dans un statu guo ambigu: Je pris les mains de l'Arménien, at lui dis: "elle vous plait... épousez-la, elle est a vous" (p.288). Ce geste de retrait qui est a la fois dégagement et execution vicaire (par procuration)--remettant a un autre 1e soin d'agir a sa place-- se rencontre aussi, mais d'une facon parodique, au micro-récit de "l'attaché d'ambassade": 1e diplomate prend les habits du lancier, at celui-ci prend 1a place de l'autre, épousant la jeune Savoyarde aux frais de l'attaché: "un mariage s'ébauche, et l'attaché paye la dot" (p.15). Jusqu'ici, nous avons abordé l'autre du sujet désirant appelé a ses c6tés pour lui servir de substitut, 103 de remplacant et de bouc-émissaire, figurent sur lequel Gérard fait retomber ses propres torts ou hantises. Le dédoublement de l'objet désiré s'avére aussi un.moyen efficace d'ajourner toute realisation du désir a travers l'artifice d'un déplacement ou d'une deviation d'intéret vars un autre centre d'attraction. La triplication de la personnalité de Vénus a pour effet de révéler la nature de la femme aimée sous trois aspects: frivole, fatal et céleste. Si 1a Vénus populaire est terrestre, nue, frivole at approchable-- a l'image de l'épouse légere du boiteux Vulcain--la Véppg souterraine ou Mppppp_menace déja de ses flammes at abimes, rendant l'attouchement plus dangareux, plus fatal. La derniere, la Vénus Céleste s'éloigne derriere sa froideur divine et ses armures guerriéres qui 1a rendent a jamais inaccessible. De meme les versions humaines des femmes aimées de Gérard ont toutes leur nom bati autour de la resonnanca pure en.A - I, ici, Cgtgring,‘Vhphby, ailleurs, Sylvie,.édrienne, Aurélig -- qui continue ainsi celle de la lignée divine -- Bpikis, isis, Polig. Elles héritent de ces dernieres leur caractére sacré, done inviolabla. Les voyelles A - I se reconnaissent aussi dans "Mafishv mot arabe qui "comprend toutes les négations possibles"(p.194). Les résonnances an.A - I suggerent a Nerval un double envofltement: celui de l'attirance at aussi bien celui de l'interdiction, comme 1e fruit d'Adam, la fruit défendu. La désir 104 nervalien se désire sous les signes d'interdiction at d'écart. C'est parce que l'impureté réclame la pureté, l'actrice, l'hétaire, la prostituée font revivre Vénus que la femme se voit sauvée, vénérée, divinisée a nouveau. Et c'est en restituant et en maintenant l'image de la femme au niveau du respect et du sacré que Gérard arrive a l'aimer, a l'adorer. Le souvenir de la mere morte, mais vénérée dans la partie la plus profonde de son Ame d'enfant orphelin, empéche Gérard de contracter aucun amour ordinaira. Pareillement, dans Syiyig, "the narrator is estranged from.both Sylvia and Aurélia by the phantom of Adrienne, the tall, blond, aristocratic girl briefly encountered and kissed in accordance with the traditional rules of the round-dance of the narrator's childhood"6 (1e narrateur est séparé at de Sylvie et d'Aurélia par le fant8me dVAdrienne, la jeune fille blonde, grande, aristocratique qu'il a rencontrée brievement at embrassée dans son anfanee [E'Loisy7, suivant les ragles traditionnelles de la ronde); "La figure d’Adrienne resta seule triomphanta".7 Ainsi, l'étarnel féminin s'irradie par-dale les chaos at la division, au-dela da l'incarnation humaine et charnelle, par-dale 1e temporaire at 1e relatif, pour se con-fondre avec l'idéal dont l'essence est a la fois presence at inaccessibilité, béance at désir inassouvi. 105 La femme aimée, quétée, poursuivie, adoréa devient la chemin ascensionnel ou descensionnel qui mene l'initié au sommet ou dans l'abime de l'espace syncrétique ou la religion at l'art se confondent comme par procreation. La femme aflmée, l'art at la religion détiennent 1e meme pouvoir, 1a meme force salvatrice qua recherche l'homme déc(h)u. L'Orient attire ainsi comme un objet de désir. Mais Gérard n'a pu voir a la place que des masques qui lui cachent des profondeurs défendues, inaccessibles. Mythe aprés mythe, écho apres écho, 1'0rient recule pour ne laisser a la place que ce rien mis an abyme au centre meme de 1'0rient. Cet espace n'est alors que le substitut, 1e masque du désir d'un pays lointain, de ce pays qui n'existe qu'en rave et dans la nostalgia, ce pays perdu que Gérard risque de ne jamais retrouver: . C'est une impression douloureuse, a mesure qu'on va plus loin, de perdre, ville a villa et pays pays, tout ce bel univers qu'on s'est crée, jeune, par les lectures, par les tableaux at par les raves. Le monde qui se compose ainsi dans la téte des enfants est si riche et 31 beau, qu'on ne sait si c'est un ressouvenir d'une existence anté- rieure at la géographie magique d'une planete inconnue(p.23). CINQUIEME CHAP ITRE 106 CHAPITRE V COSMOGONIE NERVALIENNE ET LA STRUCTURE SPECULAIRE Par cosmogonie nous entendons toute "théorie expliquant la formation de 1'univers, ou de certains objets célestes".1 Par récapitulation, remémoration at réactualisation rituelle, les mythes cosmogoniques et étiologiques aident a recréer la fraicheur et la force vitale par un retour a l'origine du monde at des choses. 2 un détail est Dans le rituel guérisseur des Bhils, particulieremant intéressant. Le magician "purifie" la place a c8té du lit du malade at, avec de la farine de mais, dessine un mppggi. A l'intérieur du dessin, il insere la maison d'Isvor at de Bhawan, at y trace également leurs figures. L'image ainsi dessinée est conservéa jusqu'a la guérison complete. Le terme meme de mandol trahit l'origine indienne. Il s'agit du mandala, dessin complexe jouant un r81e important dans les rites 107 108 tantriquas indotibétains. Le mandala est avant tout une igpgg ggpgi:3 par un enchfissement de cercle et de carré, il représente a la fois 1e Cosmos en miniature at 1e pantheon. Sa construction équivaut a une recreation magique du monda. Par consequent, 1e magician bhil, en dessinant 1e ‘pgpggi au pied du lit du malade, répete la cosmogonie: rendu symboliquement contemporain de la Création du Monde, 1e malade plonge dans la plénitude primordiale. En écoutant le récit du.mytha cosmogonique, et des mythes d'origine, l'individu est projeté hors du temps profane et inséré dans la plénitude du temps originel. L'univers on se déplacent Gérard at d'autres personnages nervaliens abonde en signes at symboles ayant trait au désir de retour aux sources, aux lieux d'origine ou l'espace at le temps fusionnent en vue de procréer cette premiere vigueur, cette premiére étincelle de vie immense et pure: Il faut... que je retrempe a ces sources vivifiantes de l'humanité... (p.342) 1. POLARISATION DES CONTRAIRES L'Europa sous les yeux de Gérard est un espace dégénéré, exsangue, vidé de sa substance at de sa force. Ce sont de "monotones campagnes"(p.9), "rien de fort piquant" (p.7), "pppgii de la nature"(p.18). Ce sont des villas "fort au-dessous des avantages de (leur) position 109 naturelle" (p.21) ou des constructions "magnifiques au dehors, froides at nues a l'intérieur" (p.18). Ce sont des creations parodiques: "1a peinture ne coflte rien... le marbre la pierre at l'or sont épargnes davantage ... des draps grands comme des serviettes" (pp.30-31). Espace non seulement réduit, mais encore branlant, poreux, démolissable: "Ces murailles... ces colonnes... approchez- vous, frappez-les du doigt, c'est du stuc"; "Capitala qui semble une décoration d'opéra préte a s'abimer au coup de sifflat du machiniste" (p.34). Espace ainsi désavantagé, humilié, estrOpié: Vous ne pouvez faire qu'il y ait da l'eau dans votre riviére et de la pierre dans la sol ou vous batissez! (p.34) Mame la Grace, charniera de deux mondes, sous la domination européenne apres 1e vol et le viol de Napoléon at des Anglais, devient cette "terre morta, morta sous la main de l'homme" (p.68). A.cet espace anémique, dégénéré, blessé, déchiré, Gérard superpose un espace autre, un ailleurs lointain dans l'espace et dans le temps: 1'0rient. Gérard de proclamer a haute voix: oa vais-je? Ofi peut-on souhaiter d'aller an hiver? -Je vais au-devant du printemps, e vais au devant du soleil... i flamboie mes yeux dans les brumes colorées de 1'0rient (p.16). "4 Le soleil est une "métaphore obsédante de Nerval, source de chaleur at de lumiere -- source le plus souvent *r 110 intérieure, intériorisée dans une cosmogonie créatrice: 1e "soleil noir" des abimes de la conscience at du génie Cainites. Tout espace vertical servant de trajectoire et d'écran au soleil purificateur peut annoncer emblematiquement 1'0rient: L'idée mien est venue en me promenant sur les hautes terrasses de la ville qui encadrant une sorte de jardin suspendu. Les soleils couchants y sont magnifiques (p.16). Comment est-il cet Orient, cet espace de rave que recherche Gérard mal aimé, mal traité, mal servi sur son passage d'Europe? A c6té de cet univers sans profondeur, sans mystere, aux "poursuites faciles"(p.42) et stériles, se rencontre a l'autre bout de la Méditerranee, cette mer médiatrice entre 1'Europe at l'Asie, "l'Egypte, grave et pieuse ... pays des énigges et des mystéres" (p.94) qui "ne dévoile que pen a peu ses retraites les plus ombragées, ses intérieurs les plus charmants" (p.96, nous soulignons). Une fois sous la soleil levant, ce n'est plus 1e soleil qui attire Gérard mais les "retraites", les "intérieurs" de la ville, les mystéres at profondeurs du pays. C'est dans la coeur vivant, c'est en-dessous de cette "capitale déchue" (p.97) de ce "vaste tombeau" (p.93) que Gérard recherche son Orient, cet Orient-gpppg.qu'il vénére et réclame comme un enfant exilé: 1'0rient mythique des contes, des documents ésotériques, cet espace légendaira, merveilleusement "mis en abyme" dans des temps miraculeux, 111 devenus contemporaine a Gerard neophyte: Ce Caire-1a git sous la cendre et la poussiéra.. . L' Orient d'autrefois ... Ce que la désart protege, en l'enfouissant peu a peu dans ses sables, c 'est hors du mur du Caire, la ville des tombeaux, _1a vallée des califes ... Ce culte de la mort est un trait éternel de 1' Egypte; il sert du moins a proteger et a transmettre au monde 1' éblouissante histoire de son passé (pp. 232- 233), nous soulignons). La reduction occidentale fait ici place a "l'amplification orientale" (p.131). 2. DEDOUBLEMENT SPATIAL L'espace du prggg est un espace mobile, glissant. Certains éléments en annoncent d'autres, tels les "portraits lithographiés" (p.17) reproduisant les palais et monuments visités, déja connus visuallement. Le cadre bouge, réclamant un second pour le renforcer, un double pour l'expliquer ou l'exprimer ailleurs. Témoins sont "La Palais-Neuf ... bati exactement sur igippggig du Palais Pitti de Florence; 1e théfitre d'aprés l'Odéon classique" (p.28). La ressemblance peut parfois englober plusieurs foyers d'expansion, comme des reflets de miroirs superposés: Cette jolie église, fort petite d'ailleurs, est un veritable bijou; construite sur un modele b zantin, elle étincelle, a l'intérieur, HEIEEIntures fond d'or, exécutées dans la 33m§n§2§2a£812323332833}. Sigigefiihfiuiafifi. échelle moindre la chapelle des c s, de FIorence (p .29 nous soulignons). 112 Les termes tels que "petite", "bijou", "échelle moindre" connotent clairement des images spéculaires, fonctionnant comme de petits miroirs enchfissés a l'intérieur de la structure. La basilique de Munich, reprise par "cette jolie église" apparait ici comme une double aspiration spatiale par le fait d'étre une image incarnée a deux centres architectoniques différents, évoqués par une double relation comparative: "sur un modele byzantin" at "qui rappelle ... la chapelle des Médicis, de Florence". La meme tendance a l'extrapolation spatiale se surprend dans les formulas comparatives ou métaphoriques telles qua: Vienne miappelle, et sera pour moi ... un avant-goat de 1'0rient (p.35), ou, L'Autriche est la Chine de 1'Europe (p.57). Le dédoublement devient parodique lorsque 1a ressemblance est fondée sur la copie at 1a contre-facon: Tout cela a la prétention de ressembler a nos galeries du Palais-Royal; les cafés, les ‘marchands de modes, les bijoutiers, les libraires sont a l'instar g3 Paris (p.29). Parfois c'est l'espace méme qui se divise, at se morcelle an contenances emboitées les unes dans les autres: On arrive aux anciennes catacombes pratiquées dans un rocher ... Dans IEpremiére chambre ... on remarque deux sarcophages ... des niches ont été pratiquées dans le mur ... Mais s'il y avait ici des urnes, a quoi bon plus loin des cercueils? Comment I'gp at l autre mode aurait-il été indique dans le meme monument? (p.80). 113 L'enchéssement spatial ou.les volumes s'englobent les uns dans les autres peut etre représente’comme des bdites gigognes5 d'apres le schéma suivant: Terra Catacombes Chambre funéraire Sarcophages (cercueils) Urnes L'enterrement indique ici nettement un retour a la terre, une reintegration des elements constitutifs du corps dans les elements constitutifs du monde. Par la mort at par l'ensevelissement, 1e microcosme revient au sein du macrocosme. Les deux modes de decomposition cadavérique, soit par putréfaction naturelle, soit par incineration culturelle sont, ici, representées par deux contenances: 1e cercueil pour le cadavre et l'urne pour les cendres, suivant deux civilisations, celle du limon (terre + eau) at celle du feu. La vie at la mort se saisissent au sein de la terre comme deux aspects extremes de toute existence. 114 De mama, l'espace des villas, le plus souvent est compartimenté, emboité, tel a Vienne: Ne vas-tu pas penser tout da suite qu'une ville construite ainsi n'offre point de transition entre le luxe et la misere, at que ce quartier du centre plain d'éclat et de richesse, a besoin, en effet des bastions et des fosses qui l'isolent pour tenir en respect ses pauvres at laborieux faubourgs?... Luxe inoui dans la ville centrale et pauvreté dans les quartiers qui l'entourent, voila Vienne au premier coup d'oeil (p.40). Ici, l'emboitement des quartiers se fait comme un plan cadastral, entierement basé sur les valeurs immobilieres des terrains (faubourgs pauvres vs. quartier du centre riche). Ce qui suggere ce schema: ville marginale ville centrale/richesse pauvreté Par contre, le Mousky invite a une interpretation différente de la ville dans la ville: 1e Mousky est le quartier franc (de condition libre) au coeur du Caire (ville dominée). La ville centrale et libre, compartimentée en intéréts anglais, allemand, frangais, 115 marseillais, s'isole comme une forteresse, "un lieu de refuge contre la vie orientale" (p.116), contre les dangers provenant de la ville-ennemie, de la ville- dominée, du Caire-vaincu. La ville dans la ville, ici, dénonce une structure d'exclusion politique et culturelle, répresentée de la maniere suivante: Le Caire-vaincu Le Mousky 35;: Villa dominée ville-tombeau Cette structure d'emboitement nous suggére celle aussi de la prison dans la prison: 1e Mousky encerclé et le Caire, 1a prison-ouverte ou le ghetto a l'envers. Une autre structure d'emboitement et d'exclusion, mais mythique, englobe l'iip d3 Roddah, 13 on Yousouf rencontre la péri de son rave at la ou Hakem découvre son.amour usurpé par son ferouer, son double. L'espace dans l'espace peut se schématiser comme suit: 116 Le Caire-vainqueur Le Nil L'Ile de Roddah Le palais La chambre de Sétalmulc Cette structure d'emboitement a plusieurs cloisons délimita les obstacles protégeant un objet précieux et désirable: Sétalmulc. C'est aussi une traversée du plan de la réalité (la ville d'encadrement) a celui du rave (1e fleuve, l'ile, 1e palais, 1a chambre nuptiale). Des dernieres maisons qui bordent 1e fleuve, on jouit d'une vue charmante: Ie Nil envelo e de ses flots caressants l'ile e o a , qu'il a l'air de soutenir comme une corbeille de fleurs qu'un esclave porterait dans les bras (p.362, nous soulignons). Le dédoublement spatial peut aussi s'opérer verticalement par superposition de deux structures homologues: /\ 117 Pausanias ... Grec de la decadence, paien d'une époque ofi l'on avait perdu le sens des vieux symboles, s'étonne da 1a construction toute primitive des deux temples superposés consacrés a la déesse. Dans l'un, celui d'en bas ... dans l'autre ...(p.81). Deux étages, double structure verticale, l'une ascensionnelle, l'autre dascensionnelle; espace dédoublé pour une double polarisation divine de Venus: l'une souterraine, l'autre céleste. Le niveau terrestre se trouve a mi-chemin: c'est l'espace de la Vénus terrestre populaire. La dualité et le triple ne sont que des multiples ou des extrapolations concentriques de l'unité. De son c6té Syra offre un example remarquable de dédoublement spatial et vertical: Ville bizarre ... divisée an deux cités, l'une bordant 1a mar (1a neuve) et l'autre (1a vieille), couronnant la pointe d'une montagne ... (p.85). Syra se présente ainsi comme une construction pyramidale avec une base et une pointe: en montant, l'on rencontre "Syra 1a vieille" et l'église de Saint-Georges "derniere assise de cette pointe pyramidale" (p.86). En descendant l'on découvre "Syra 1a nouvelle" et le bordel grec. Cette double topographie peut étre représentée par un triangle rectangle, qui est un modele réduit du carré sémiotique: 118 81 (l'église de St.Georges) S2 (Syra la vieille) \I non 82 non Sl (Syra 1a nouvelle) (1e bordel grec) Dans cette representation triangulaire, "Syra la vieille" et "l'église de Saint Georges" se touchent dans un espace conjonctif ou la hauteur (1a pointe pyramidale), la passé (la vieille cité) et le sacré (l'égiigg) se convergent. L'ascension topographique connote une élévation spirituelle, comme si l'on remontait dans le temps vers le sacré. La base du triangle ou de la pyramide est occupée par "Syra 1a nouvelle" at par le bordel grec, espace de concomittance de la déchéance temporelle (nouvelle) et spirituelle (prostitution). Pour résumer, on a: Passé - Sacré = Transcendance (montée) Présent = Prostitution - Déchéance (descente) Nous avons ici un example parfait oh le temps (passé vs present) devient espace (vieille cité - ville haute vs nouvelle cité - ville basse), et ofi 1e sacré s'oppose a l'impureté par la voie d'une double spatialisation (église vs bordel). 119 3. DEDOUBLEMENT TEMPOREL ET MULTIPLICATION CYCLIQUE Dans 1a structure oppositionnelle de "Syra 1a nouvelle" vs "Syra 1a vieille" 1e dédoublement spatial (cités) l'emporte sur le dédoublement temporal (vieille vs nouvelle), la temporalité étant une connotation de la spatialité. La structure spéculaire sous-tendant 1a description de la cathédrale de Lausanne en est différente: C'est une fort belle église ggthique, gfipé; et dépouillée aujourd'fipipar sa est nation protestante comme toutes les cathédrales de’la Suisse, magnifiques au dehors, froides et nues a l'intérieur (p.18, nous souIIEfiEHE). La structure opposant "cathédrale protestante" at "église gothique" s'identifie a un dédoublement d'ordre temporal, du fait que l'identité gothique de la cathédrale n'est plus que virtuelle, car survenue au-dela des temps et des vestiges imparfaits délaissés dans le présent. Par l'évocation de son origine médiévale, 1a cathédrale réactualisera-t-elle en son sein la chaleur manquante? La meme structure de mise en abyme temporelle se retrouve avec une image analogue: "une église a été construite sur les débris du temple"(p.75), restituant au lieu sacré une profondeur mystique qui s'ouvre comme un gouffre de nostalgia et de mystere. La mise en abyme temporelle se remarque 1a ou le passé s'épanche sur le present, a travers les expressions 120 telles que "ruines", "debris", "lieux dignes de souvenirs", "distingue ... les restes de constructions considérables" etc.6 En dédoublant 1e present, 1e passé devient épaisseur de signification comblant 1e vide par on 11 est venu, ou la crausant davantage lorsque 1e clivage en est irrémédiable: d'ou la nécessité de l'échec dans la compensation illimitée. Nous avons alors une double representation du phenomena de mise en abyme temporelle: Présent Passé Passé Présent (cas 1) (cas 2) Au cas 1, ou le présent peut contenir 1e passé, celui-ci lui servira de soubassement ou de fondation sémantique, historique at mythique. Un présent enraciné dans la continuum.temporel par la résurgence du passé qui 1e renforce. Au cas 2, 1e présent est totalement encerclé, dominé par le passé: les reliques trop chargées de significations passées risquent d'annuler at de déborder le cadre actual qui n'arrive plus a l'enfermer: de la nostalgia, nous passons a l'obsession ou au vertige du 121 passé. En tuant son double-actual, 1e passé n'a plus de bastion, at sombrera dans la dérive atemporelle, ou le réel et le réve, la vie et la mort deviennent interchangeables: Présent Passé réel rave vie mort (immortalité surréalité dominance dépassement du rave et du présent et du passé du réel 4. LE LABYRINTHE ET SES DOUBLES Tel 1e réseau dédaléen, 1e labyrintha nervalien présente un ensemble emboité et dédoublé de mouvement angoissant a travers un espace-chemin-difficile-et-inconnu. Il est de trois sortes: terrestre, initiatique at onirique. Pour 1e voyageur égaré, la ville inconnue avec ses coins et recoins, ses détours et impasses offre si aisément son dédale de chemins perdus et d'angoisse: La ville des Mille pg une Nuits ... ce labyrintha confus ... Chique quartier 122 entouré de murs a créneaux, fermé de lourdes portes ... de longs passages vofltés conduisant 9a at 1a d'une rue a l'autre, plus souvent on s'engage dans une voie sans issue; 11 faut revenir. Peu a peu tout se ferme...(p.96). Le labyrintha vide avec ses "murs a créneaux", ses "lourdes portes", ses vofltes et ses "voies sans issues" est un labyrintha dur,7 impenetrable. Cette image se répéte un peu partout au Caire ou les rues n'ont pas d'écriteaux, les maisons pas de numéros, et chaque quartier ceint de murs, "est en lui-mama un labyrintha des plus complets" (p.122). Etroits défilés, images de resserrement souterrain, fentes horizontales livrant passage avec lenteur et patience, les labyrinthes nervaliens sont la plus souvent faits de chemins compliqués, tortueux, aboutissant a des portes fermées, a des impasses: I1 n'est pas facile de trouver 1e chemin de cet Eden mysterieux, qui n'a point de porte publique (p.132). Au chapitre "La plate-fonme" (pp.221-226), 1e chemin des initiations devient un labyrintha complexe, ou la verticalité domine. (voir schéma représentatif, page 123): C'est un parcours au centre de la pyramide at au centre de la terre avec trois segments verticaux at deux segments horizontaux. Les quatre épreuves élémentaires8 que subit l'initié correspondent aux confrontations des quatre elements: puits (terre), foret incendiée (feu), riviere (eau) et échelle (air). Le labyrintha initiatique par la 123 Pyramide de ChéOps plate- forme inclinaison rpuits central mysterieux (1) . échelle (4) L'forc’ét incen- diée(2) riviere (3) présence des dangers multiples rencontrés a chaque étape, a chaque tournant, intensifie ainsi le caractere angoissant du passage a travers l'inconnu. Les images haurtées dénoncent un mouvement difficile, hasardeux dont l'échec signifiera l'éternelle condemnationf. la mort ou l'écartement définitif. Si 1e labyrintha terrestre est dur, si la dédale initiatique est douloureux, 1e labyrintha onirique par 9 emmanché de pénombres délicatement contra est adouci, teintées de couleurs chaudes, protactrices: Ils pénétrent ensemble dans un jardin éclairé des tandres lueurs d'un feu doux .... Non loin, 124 serpentaiant des ruisseaux de naphte.... Des demeures souterraines furent creusées dans le roc, on y pénétrait en descendant dans un abime: elles s'échelonnaient 1e long d'une galerie basse aboutissant aux régions de l'eau que j'avais amprisonnée dans un grand fleuve propre a désaltérer les hommes at les troupaaux enfouis dans ces retraites.... Adoniram se sentit soulevé; 1e jardin des métaux, ses fleurs étincelantes, ses arbres de lumiere, les ateliers immenses at radieux des gnomes, les ruisseaux éclatants d'or, de cadmium, de mercure at de naphte, se confondirent sous ses pieds an un large sillon de Inmiere, en un rapide fleuve de feu ("Le monde souterrain", pp.560-569, nous soulignons). Le labyrintha onirique occupe un espace plain, rempli de matieres fluentes, chaudes, malléables et gonflé de généreuse vitalité. C'est un passage guidé dans l'enchantement et la facilité, aboutissant a la sortie et au retour practicables. Le labyrintha onirique ignore les obstacles, vite enjambés ou détournés, et laisse accéder instantanément au centre de la créativité. Tout y est facile, léger at rapide: Il filait dans l'espace avec la rapidité d'une étoile... un rave... était-ce donc un rave? (p.568). 5. L'ABRI ET SES DOUBLES: L'EMBOITEMENT DU REPOS Si 1e labyrintha se trace comme un vecteur de mouvement, l'abri at ses doubles se crausant pour contenir et proteger 1e repos précieux auquel tout voyage aboutit. Les voyages de pays en pays, de ville en ville, les errances et poursuites, les tournées et excursions s'intercalent toujours avec des arréts, ou intervalles notoires faits d'accalmie et de recueillment réparateurs. 125 Les premieres enveloppes du repos apparaissent tout d'abord avec les auberges, tavernes, cafés at cabarets qui se rencontrent un peu partout a chaque arrét de chemin, a chaque coin at recoin de la ville abordée. Ce sont des lieux de subsistance et de revivification: tables d'h6te bien garnies; comptoirs ou coulent a flots la biere de Baviere, de Bohame ainsi que les vins de la Hongrie; buffets chargés de viandes et de patisseries. Ce sont aussi des lieux réunissant constamment "1a table, la musique, 1e tabac, la dense, 1e theatre" (p.48). Lieux de rencontres et diosmose passageres ou le voyageur fatigué ou incertain s'arréte un moment pour s'apaiser avant de sa remettra en route. Zone de confort et de luxe accessiblas aux pauvres, aux vagabonds, aux marginaux -- ceux que la société, la famille at 1e foyer délaissent. Pourtant ces places publiques peuvent, quelquefois, devenir des coins de reverie at de creation, 1a ou s'écrivent les souvenirs at les experiences de la veille: Voila ou j'en suis; je t'écris d'un café ... (p.38) Je t'écris, non pas de ce cabaret enfumé et du fond de cette cave fantastiqua (p.46). Elles peuvent aussi se transformer en centres d'initiation, 1a ou les contes merveilleux sont récités ou déclamés par des contaurs professionnels, dans un climat de respect at de crainte révérentiella: 126 On commanda le silence, at un jeune homme au visage pale, aux traits plains de finesse, a l‘oeil étincelant, aux long cheveux s'échappant comme ceux des santons ... on lui apporta du café at tout 1e monde écouta religieusement... (p.508) Un repos plus calme, plus attachant se recherche au fond de ces maisons si rares, si incertaines chez Nerval: En faisant quelques pas, le jeune homme apercut heureusement une chaumiere savoyarde, et se hata d'aller demander asile ... La contrée n'offrait aucune ressource: cette maison était la seule a deux lieues a la ronde... (p.13) La maison orientale, plus sfire at mieux fermée, garde jaloussement son passage réservé seulement a ceux qui ont su fonder une famille, un foyer, une certaine respectabilité conjugale, rave que Gérard at Nerval n'arrivent jamais a combler. A part quelques cafés et tavernes qui jouissent d‘un certain climat propice a la reverie créatrice, les lieux de repos at de recueillement privilégiés s'identi- fient le plus souvent a des retraites naturelles: grottes, antres at cavernes. La grotte est un espace nervalien par excellence. Elle connote les notions de creux, de profondeur et de protection. Espace clos, voflté, elle procure un refuge at une retraite de contemplation et de mediation. Elle sert d'habitation a un armite ou d'espace de consultation solitaire a un "moine romantique"(p.83). Analogiquament, 127 1a grotte peut se substituer a une salle secrete, a l'observatoire isolé at retiré en hauteur du Makatam, ou aux sanctuaires de priere et de recueillement, tels les églises, les temples, les catacombes réels ou imaginaires. Mythiquement, la grotte devient le "monde souterrain" se divisant en demeures souterraines pour servir d'abri protecteur at nourricier aux faibles débris de la lignée de Cain. Laborieuse,e11e se nomme l'gppig travailleur:10 l'atelier ou.Adoniram se retire loin du monde pour méditer at concevoir en secret ses projets d'art prométhéen. L'esthétique nervalienne de la grotte s'enrichit en faisant l'allianca parfaite de la nature at de l'artificiel, accompagnée d'une veritable dialectique de l'intime at de l'extérieur, de la descente at de l'ouverture sur l'espace infini. Dans le monde des reflets, toute chose, tout étre obéit a la loi "terrible at mystérieuse"11 de la dualité et du multiple que le poete rencontre a tous les carre- fours de son voyage labyrinthique at mythique. Mais a travers une secrete reconciliation des races et des personnalités, du réel et de l'imaginaire, a travers une constante fusion des lieux at des espaces fictifs, les personnages nervaliens émergent peu a peu de la confusion pour se ressaisir complétés et renoués avec le passé et les profondeurs de 1'univers invisible. CONCLUSION 128 CONCLUSION ...Quand on peut lire un livre dans la livre, une origine dans l'origine, un centre dans la centre, c'est l'abime, la sans fond du redoublement infini. J.Derrida1 La notion de mise en abyme et de réflexivité occupe une place centrale dans le réseau conceptual de l'oeuvre de Nerval. La creation littéraire, selon l'auteur du Voyage pp Orient, des Chimeres, de Sylvie at d'Aurélia, serait a la fois un incessant retour sur soi at un perpetual dépassement vars un devenir transcendental. La silhouette de Pérégrinus-Protée2 esquisse une premiere prise de conscience du poete, révélant son obsession d'homme errant, a metamorphoses: -Vous ates 1e pare de l'éclectisme? -Je mien flatte. -Je suis donc celui qui n'est ni mort, ni vivant, ni ombre, ni corps, ni élu, ni damné, ni historique, ni fabuleux. On croit que le monde sera jugé par Dieu et la Diable, justice on crime, joie ou douleur: moi j'arriverai en troisiame plaider 1a cause du néant. -Mais vous existez, dit 1e marquis... -Dans 1a peau des autres, mon ami! 129 130 De meme, dans la Voyage pp Orient, par un jeu multiple de miroirs interposés, l'activité non soutenue de Gerard se disperse pour §g_manifester at gg_comp1étar a travers "1a peau" d'autres personnages générateurs de récits seconds. Ces personnages, présantant certaines analogies avec l'histoire de Gerard, sont appelés indirectament dans la récit, soit pour éclaircir ou justifier les actes et les raves de Gérard, soit pour les étendre, les transformer dans leurs états successifs at associatifs. Certains personnages ou signes révélateurs se présentent comme des miroirs mimétiques lorsqu'ils refletent l'état imparfait d'une existence brisée dont Gerard cherche a se défaire. Ces miroirs mimétiques se rencontrent surtout au prélude au Voyage, a l'état de mise en abyme inaugurale. Le mimétisme spéculaire sert alors a expliquer l'obsession et le besoin qu'a Gérard d'entraprendre le voyage en Orient, non par "l'épidermique satisfaction 4 mais par affinité at par d'un besoin de pittoresque" nostalgia. Au centre du Voyage, Gerard recouvre sa patrie perdue sous les reflets d'un Orient-ngEEJ‘mis en abyme au centre meme de 1'0rient actual. Les voyages superficiels ou errances s'intériorisent et se recoupant en profondeur, a la rencontre d'un espace mystique et sacré. C'est 1a que Gerard se mire et se recouvre dans les traits changeants at complémentaires de ses substituts. Ces doubles sublimes fusionnent les uns dans les autres pour finaliser at 131 parfaire le portrait en progrés du poéte qui se cherche 1e long du prpgg at en.méme temps se recrée au sein des miroirs transformateurs. Grace aux micro-récits spéculaires interposés et différents, Nerval arrive a synthétiser les individus en vue de la production d'étres de plus en plus significatifs, mais toujours inachevés. Avec la mise en abyme, Gerard devient le reflet de Nerval qui poursuit a travers ses propres créations successives l'ombre d'un'ppi qui sans cesse se dérobe, comma l'image du reveur qui tente de saisir l'étre fugitif de ses visions nocturnes. La mise en abyme nervalienne devient de plus en plus une vision de profondeurs, par laquelle l'oeuvre s'achemine et s'acheve en laissant entr'ouverte la porte de la quéte de l'idéal,quéte dont 1e centre se déplace avec la marche du voyageur. Ainsi 1e jeu des reflets se prolonge a l'infini. Les événements auxquels 1e narrateur a assisté paraissent toujours des reflets imparfaits at partials d'une réalité qui se veut aliénée, emmurée at immunisée dans l'espace mythique, réalité savourée de loin en toute sécurité, sans aucun engagement existentiel. Le miroir nervalien sert donc surtout a rendra visibles les parts laissées dans l'ombre on non susceptibles de representation directe: la personne qui tourne 1e dos au spectateur aura le visage reflété sur le '\ a. 132 miroir placé au centre du tableau. C'est toujours l'élément inversé qui sera mis an évidence au miroir: gauche devient droite; devant devient arriere; sombre, éclairé; clos, ouvert; partial, complet. La conception du fantastiqua comme l'autre c6té du réel, 1e théme de la quéte qui assume de plus en plus une fonction initiatique, 1e r61e du réve dans l'élaboration de 1'univers fictif, cette soif d'harmonie et de réconciliation—- entre l'homme at le monde, la vie et la mort, 1a chair at l'esprit, 1e désir et l'amour éthéré, l'illusion at 1a vérité, 1e moi et 1'Autre-- c'est 1a une vision de la destinée que la miroir, avec plus d'ampleur que toute autre image, est en mesure d'assumer et de refléter dans le Voyage. Car 1e passage de l'inconscient ou du subconscient a la forme visible se fait par l'emploi du symbole, choisi en dehors des contr61es de la raison at, probablement, pour se soustraire a la raison. La forme fantastiqua qui est un aspect profond et vivant du prggg s'avere la plus souvent comme l'aboutissement spéculaire d'une forme symbolique dont 1e sens occulte ne peut étre déchiffré que si l'on a reconnu, préalablment, 1e mécanisme d'énonciation plastique de l'idée. Ce mécanisma s'identifie a la réduplication intérieure. Ainsi, Gérard a inséré trois systames de miroirs réflecteurs dans la Voyage, a savoir: (1) Les miroirs 133 concaves qui ne reflétent que 1'univers present at captif. Nous avons alors reduction imagique de 1'univers réel et partial, objectivement abordable, et compris dans le cadre spatio-tamporel de l'observateur. (2) Les miroirs convexes qui refletent surtout ce qui est absent ou qui déborde 1'univers réfléchi: l'image reflétée s'avere une image venue d'ailleurs, canalisant celle de l'idéal et du rave prémonitoire ou obsessionnel. (3) Les miroirs déformants qui offrent du.monde at de ses éléments constitutifs une image irréguliére, non conformante, voire étrange, fralant ainsi 1e domaine de l'irréel et du fantastiqua. Pour Gerard, 11 y a ainsi deux sortes d'imitation: l'une, symptomatique, est restrictive, limitant le sujet quétant aux aspects superficiels du modéle. L'autre génétique, est seule vivante, ayant surtout pour but de révéler, dans le materiel, 1e spirituel; dans l'imparfait, 1a perfection; dans la finitude, l'infinitude. La synthese philosophique de Nerval ou sa "symphilosophie",5 extrait des différents points de vue de ses personnages et des opinions recueillies dans le Voyage, ne se fait pas au nom de la ressemblance, mais de la complémentarité. Le syncrétisme se maintient a l'absorption des contraires. Le Voyage contient aussi des paradigmes qui s'imposent pour métaphoriser 1e lieu d'un récit dominé par la métaphysique. Ces paradigmes visant tant6t un point 134 central situé au coeur inacessible du texte, tant8t une scéne fabuleuse en posture d'au-dela. Mais si, conformément a l'étymologie, 1a topique de l'abyme se doit d'étre celle du sans-fond, du tréfonds, du vertigineux, et de l'enfoui, il ne s'ensuit pas que les entrailles de la terre, les enfers, les cavernes at les gouffres soient les seuls sites du primordial. Par une ambiguité comparable a celle delfadjectif pippg qui, chez les Latins désignait aussi bien l'élevé que la profond, l'abyssal peut également élire comme siege de sa suprématie la ciel des Idées ou de la transcendence divine. Comme métaphore d'origine, 1e Voyage est aussi conscience que l'origine se differe par décrochages successifs, comme si derriere chaque caverne, 11 en était une autre qui s'ouvrirait ou qui devrait s'ouvrir, plus profonde encore; comme si dominant chaque surface, un monde se transfommerait en plus vaste, plus étranger, plus riche: un abyme donc derriera tout fondement ou derriere toute fondation. Le Ypyggg comme expansion spéculaire continua, se découvre privé de garantie premiere ou derniere et se voit alors indéterminiser l'origine par la presence des miroirs instables: 1'0rient devient un centre d'absence ou la récit, en mue constante, ne parvient plus a se fixer. Comme J. Ristat, l'auteur du Voyage pourrait nous avertir: 135 Lecteur, il ne faudra pas t'étonnar de ce que la centre de ce livre soit partout et nulle part. Tu devras me relire avec attention. Selon 1e point de vue ou tu te décideras de l'aborder, 1e centre t'en apparaitra différent.... La scene, ou ce qui en tient lieu, est entourée de hauts miroirs déformants; on ne sait plus qui est qui, pas plus qu'on ne connait 1e metteur en scene. Puisque tout se passe comme si la mise en abyme, ici transcendentale, avait l'aptitude de dévoiler un signifié dernier en avant on an arriere du récit, l'on pourrait étre tenté d'attribuer au Voyage de Nerval 1e pouvoir de documenter l'etre. Cependant, la réalité originaire étant par principe hors d'atteinte, la mise en abyme transcendentale ne peut en proposer que des fictions ou des métaphores dont la presence substitutive est la cause at, a la fois, l'effet de l'écriture mise en jeu. La premiere legon a tirer du parcours circulaire du Voyage, c'est qu'en inscrivant le décentrament au centre meme du texte 1a métaphore d'origine cautionne la déhiscence d'une écriture privée de son point d'ancrage. La seconde, c'est que la Voyage tronqué et désormais circulaire derive alors vers une structure de supplémentarité a releve infinie. Et J.L. Borges de conclure, en expliquant la cause du vertige engendré par la réduplication et la réversibilité au sein de la mise en abyme: Pourquoi sommes-nous inquiets que la carte soit incluse dans la carte at les mille et 136 une nuits dans le livre des Mille at Une Nuits? Que Don Quichotte soit Iecteuf—du Qfiichotte et Hamlet spectateur d'Hamlet? Je crois avoir trouve 1a cause: de telles inversions su gerent que, si les personnages d une fiction peuvent étre lecteurs ou spectateurs, nous, leurs lecteurs ou leurs spectateurs ,pouvons étre des personnages fictifs. Dans une perspective analogue, 1e Voyage de Nerval pourrait s'assumer comme un acte de nolonté, ou une affirmation de 301 dans at par la negation existentielle. NOTES 137 INTRODUCTION lDictionnaire de l'Académie de 1762. 2A. de Vigny, Cinq-Mars, Oeuvres completes, Paris: Ed. Conrad, p. 214. 3Victor Hugo, Les Orientales, Paris: Didier, 1952, Tome I, p. 11. 4Cité par Maxime Du Camp, Théophile Gauthier, Paris: Hachette, 1890, p. 108. 5Maxime Du Camp, Souvenirs at Paysages d'Orient, Paris: Arthur Bertrand, 1848, p. 256. 6Abel Rémusat, "Premier discours sur la littérature orientale", Mélanges posthumes d'histoires at de littérature orientales, Paris: Imp. royale,-I843, p. 258. 7Comte d'Estourmel, Journal dfun voyage gp_0rient, Paris: Crapelet, 1844, Tome II, p. 490. 8P. Le Roux, "De l'influence philosophique des fggges origntales", Revue Encyclopédique, Avril-Juin, , p. . 9Edgar Quinet, Lg génie dgg Religions, Paris: Hachette, 1905, p. 63. 10Felix Nave, Introduction §_ifhistoire générale des littératures orientales,ILouvain: Universifé de Louvain, 1844, p. 782 11G. de Nerval, Oeuvres, Texte établi, annoté et présenté par A. Béguin at J. Richer, Paris: Gallimard, 1956, 2a ed., tome II, p.16. Les citations suivantes du Vo a e an Orient, se rapportant au.meme texte at a 1a m. e difion, seront mentionnées seulement avec la pagina- tion. 138 V-fi 139 12Cité par J.M. Bailbé, Nerval, Paris: Borbas, 1976, p. 217. 13 & 14voir Bibliographie: Editions des oeuvres d§_Gérard d2 Nerval pp_ouvrages pp articles sur NervaI. 15 J.M. Carré, Vo a eurs at écrivains fran ais gplE ta, Le Caire: InstItut ffanpais d'arcEEoIogie orients e, 1932, Tome II, p. 17. 16Hassen El Nouty, Lg Proche-Orient dans ig littérature fran aise gg_NervaI é BarrEs, Paris: I958 ’2""' ra r e izet, , p. . 17Jean Richer, Gérard de Nerval pp les doctrines. ésotériques, Paris: GrIffon drar, I947, p. X. 18Jean Richer, Nerval, Experience 92 Creation, Paris: Hachette, 1963, pp. 370-371, nous soulignons. 19‘M.J. Durry, Gérard de Nerval de Nerval gp_ig mythe, Paris: FlammarIon, 1956, pp. 73:74. 20Mi.J. Durry, p. 126. 21Léon Cellier, Gérard g2 Nerval, Paris: Hatier- Boivin, 1956, p. 103. 22J.P. Richard, L'univers imaginaire d2 Mallarmé, Paris: Seuil, 1961, p. 35. 23Gérard Genette, "Structuralisme et critique littéraire", Figures i, Paris: Seuil, 1966, p. 151. 24Gerard Genette, Figures i, p. 155. 25Jean Rousset, Forme g; signification, Paris: Corti, 1962, p. XII. 26Paul Ricoeur, "Structure et herméneutique", Esprit, nov. 1963. 27Paul Ricoeur, Finitude pp Culpabilité II (La symbolique g2 mal), Paris: Aubier, , p. 5. 140 28Gérard Genette, Figures 1, p. 161. 29appela ainsi avec condescendance par Sainte- Beuve. 30 Formula stéréotypée par la plupart des ouvrages d2 littérature francaise; cf. Julian Cain, "Preface", G rard de Nerval, exposition organisée our le centieme anniverEIre §g_p§_mort, Paris: oth que fiEtionale, , p. . 31 & 32 Gerard Genette, Figpres II, Paris: Seuil, 1969, p. 201. - 33 Andre Gide, Journal 1889-1939, Paris: Gallimard, 1955, p. 41. 34C.E. Magny, "'La mise en abyme' ou le chiffre de la transcendance", Histoire du roman francais depuis 1918, Paris: Seuil, 1950, pp. 269-278. 35P. Lafille, André Gide Romancier, Paris: Seuil, 1972, p. 242. 36 p. 242. Gérard Genette, Figures III, Paris: Seuil, 1972, 37Bruce Morrissette, "Un héritage d'André Gide: La duplication intérieure", Comparative Literature Studies 8, No. 2, 1971, p. 125 sq. 39Lucien Dallenbach, Le récit §pécu1aire, essai sur i2 mise pp abyge, Peris:—SeuII, 1977. 40André Gide & Paul Valéry, Correspondence, 1890-1942, Paris: Gallimard, 1955, p.138. 41Ar Foras, La Blason, dictionnaire pp remarques, Grenoble, 1833, p. 67 42Jean Ricardou, Lg nouveau roman, Paris: Seuil, 1973, p. 41. 141 43Lucien Dallenbach, "Intertexte et autotexte", Poétigue, No. 27, 1976, p. 284. 44Roland Barthes, "L'ancienne rhétorique", Communications 16, 1970, p. 200. 45F. Grappin, Le théorie du nie dans le préclassicisme allemafidr aris: %II, 1952, p. _115. 62 46Lgvi Strauss, La pensée sauvage, Paris: Plon, 19 p 3 47 T. Todorov, Les genres du discours, Paris: Seuil 1978, p. 284. 48 T. Todorov, p. 294. 49F.Schlege1,"Zur Peesie: , Cahier, 1802, Tome II p. 12; cité par T. Todorov, Genres du Discours, Paris: Seuil 1978, p. 294. 50 & 51 Mdré Helbo, "Dialogue avec Michel Butor,‘ Michel Butor vers une littérature dus signeI Bruxelles: Ed. CompIexe, 1975, p. 15. 52G. de Nerva1,1ettre a son pare, de Lyon 1e 25 décembre 1842, Oeuvres, Paris: Gallimard, 1956, Tome I, pp. 856- 857. 53Michel Butor, "Le voyage et l'écriture", Repertoire i2, Paris: Ed. de Minuit, 1974, p. 25. 54Voyage, abbreviation de Voyage en Orient de G. de Nerval. 55F. Ricoeur, Finitude et Cul abilité II (La symbolique du‘Ma1,ParIs:AuEier, I950, p. 323- CHAPITRE I 16. Genette, Figures 3;, Paris: Seuil, 1969, p. 202. 2André Gide, Journal, 1889-1933, Paris: I““" Gallimard, 1955, p. 4 . 3 & 4G. Genette, Figures III, Paris: Seuil, 1972, p. 788. 5Lucien Dallenbach, Le récit spéculaire: essai sur ;§_mise gg’abzge, Paris: SefiIl, I977, p. 83. 6Lévy Strauss, Lg pensée sauvage, Paris: Plan, 1962, p. 38. 7Julia Kristeva, "Le texte clos", Semeiotike: Recherche pour une sémanalyse, Paris: SeuII, I969, p. 121, note 8. 8Gilles Deleuze, Difference gE_Répétition, P.U.F., 1968, p. 78. 9A.J. Greimas et J. Courtés, Dictionnaire raisonné gg_Lg_théorie g9 langage, Paris: Hachette, 1979, p. 29. 10vs (versus). 11Julia Kristeva, L§_traversée des signesL Paris: Seuil, 1975. 12, 13 & 14 G. Genette, Figures LL, pp. 202-203. 15Lucien Dallenbach, p. 79. 16 & 17J. C. Giroud, Analyse sémiotigue des textes, Lyon: P.U.L., 1979, p. 16. 142 143 18 & 19A.J. Greimas et J. Courtés, pp. 61 & 108- 20A.J. Greimas at J. Courtés, p. 2863. 21A.J. Greimas et J. Courtés, p. 2308. 22R. Barthes, §[§, Paris: Seuil, 1970, p. 26. 23Terminologie freudienne. 24J. Le Galliot, Psychanalyse gg|laggage littéraire, Paris: F. Nathan, 1977, p. 65. 258. Freud, Deuil g£_Mé1ancolie, Paris: P.U.F., 1960, p. 65. 26 & 27René Girard, Menso e romantique g; vérité romaneggue, Paris: Grasset, , p. 123. 28Michel Deguy, "Destin du desir et roman", Critigue no. 176, Janvier 1962, p. 20. 29Allusion aux Memoirie inutili de Carlo Gozzi. 3QAllusion au Second Faust de Goethe: L'éternel féminin nous attire vers Ie cIeI”. 31Marcel Brion, LfAllema ne romantique, Paris: Albert Michel, 1962, Tome , p. 9. 32Gilles Deleuze, Proust gE|Lg§_sig§es, Paris: P.U.F., 1964 (4e ed. 1976). p. 50. 33André Niel, L'anal se structurale des textes, Paris: J.P. Delarge, 197 , p. 7. 34Pulsion fondamentale. C'est la "libido" de S. Freud dans son sens le plus général. 35G. de Nerval, "El Desdichado", Les Chimeres, Oeuvres, texte établi par A. Beguin et J.—§Icfier, Paris: GEIIIfiErd, 1956, 2e ed., Tome I, p. 29. L.I 144 36G. de Nerval, Oeuvres, Paris: Gallimard, 1956, 2e ed., Tome II, p. 1293, note 2. 37 5‘ 38André Neil, p. 51. 39 & 4OAndré Neil, p. 53. CHAPITRE II 1Lucien Dallenbach, Lg_récit sgéculaire: essai sur L§_mise gn_abzge, Paris: SeuII, , pp. 83-898. 2Un rayah est un sujet non musulman du gouvernement turc; tandis que le fellah est le paysan arabe. 3"Histoire du Calife Hakem”, dans Druses et Maronites (voir graphique représentatif plus HautTT 4Ceux des spéculateurs, des marchands de cirage de Piccadilly etc. G. de Nerval, Oeuvres, Paris: Gallimard, 1956, Tome II, p. 220. 5 & 6André Niel, Anal se structurale des textes, Paris: J.P. Delarge, 1976, p. I90. 7G. de Nerval, Carnet g2 notes, Oeuvres, Paris: Gallimard, Gallimard, 1956, Tome II, p. 8Ce sont des Judéo-chrétiens, des Mandéens ou chrétiens de Saint Jean. Ici Nerval semble avoir pris les Ismeliens pour des "sabéens". 9Gerard éprouve souvent le besoin d'emprunter une nouvelle apparence, comme pour s'identifier a l'autre. Si j'avais pu me regarder dans les miroirs du café...j'aurai pris plaisir a essayer quelques uns de ces costumes; mais assurément je ne veux pas tarder a prendre l'habit oriental (144). La recherche d'une nouvelle identité et l'acte d'aliéna- tion se confondent dans une fusion narcissique transforma- trice: Avec les deux bonnets superposés, 1e cou découvert et la barbe taillée, j'eus peine a 145 146 ‘me reconnaitre dans 1' élégant miroir incrusté d'écaille que me présentait 1e barbier. Je complétai 1a transformation en achetant aux revendeurs une vaste culotte de coton bleu et un gilet rouge garni d'argent.. .(p.166). Son image embellie se détache de "Gérard" pour venir s 'accoupler avec d' autres images mythiques ou légendaires des personnages bénis de la tradition orientale. Déraciné, Gérard prendre racine ailleurs. 10G. de Nerval, Garnet dg_notes, Oeuvres, Tome II, p. 714. 11Moritz, Sur 1' imitation formatrice Lu beau, Paris: Hermann, 1965, p. 12L nous soulignons. 12Episode capital qui mmene la mort symbolique d' Adoniram, opposant 1a nature maléfique de la femme a la création de 1 artiste: Jéhovah l'a chatié! dit Soliman a son h6tesse.. -La vanité qui immole tant de victimes est criminelle, prononca 1a reine. Seigneur, vous auriez pu perir durant cette infernale épreuve.. Adgniram qui passait pris g'eux, 1(en2endit; il 8 01 na en rugissant e ouleur 55 nous souIIgnons). 13 712 G. de Nerval, Carnet dg_notes, Oeuvres, Tome II, p. . CHAPITRE 111 1G. de Nerval, Oeuvres, Paris: Gallimard, 1956, Tome II, p. 718. 2Lucien Dallenbach, Le récit s éculaire, essai sur la mise en abxme, Paris: SeuEI, 1977, p. 87. 3Commentaires dans C.G. Jung, T es psychologigues, Geneva: Librairie de l'Universite, 197 ,‘p. 2368. 4G. de Nerval, Oeuvres, Paris: Gallimard, 1956, Tome I, p. 246. SLucien Dallenbach, p. 100. 6G. de Nerval, Oeuvres, Paris: Garnier, 1966, Tome I, p. 810. 7Montaigne, Essais, Lausanne: Guilde du Livre, 1965, Livre II, ch. V1, p. 379. 8G. de Nerval, Oeuvres, Paris: Gallimard, 1956, Tome II, p. 710. 9Jacques Pohl, Symboles et langages, Paris: Sodi, 1968, Tome I, p. 31. 10Stephane Mallarmé, Oeuvres completes, Paris: Gallimard, 1945, p. 367. 11J. Kristéva, Semeiotike:Recherche pour une sémanalyse, Paris: SeuII, I974, p. 146. 12 Aristide Marie, Gérard g5 Nerval, lg poéte 25 lfhomme, Paris: Hachette, I955, p. 1358. 147 148 13G. de Nerval, Vo a e en Orient, Edition critique par Gilbert Rouger, Paris: Ea. Richelieu, 1950, Tome I, p. 468. 14G. de Nerval, Oeuvres, Texte établi, annoté et présenté par A. Beguin et 3. Richer, Paris: Gallimard, 1956, Tome II, notes du Vozage. 1Ssurout La Pandora, Les Chiméres, et Aurelia. CHAPITRE IV 1G. de Nerval, Carnet de notes, Oeuvres, Paris: Gallimard, 1956, Tome II, p. 719. 2Shoshana Felman, La folie et 13 chose littéraire, Paris: Seuil, 1978, p. 69. 3G. de Nerval, Oeuvres, Paris: Garnier, 1966, Tome I, pp. 782-783. 4G. de Nerval, Oeuvres, Paris: Garnier, 1966, Tome I, p. 786. 5G. de Nerval, Carnet de notes, Oeuvres, Paris: Gallimard, 1956, Tome II, p. 711. 6L.M. Porter, The Literar Dream in French Romanticism, Detroit: Wayne tate University Press, 1979, p. 78. 149 CHAPITRE V 1Paul Robert, Dictionnaire alphabétigue et analo i ue gs lg 1an ue francaise, ar 8: ociéEE du Nouveau IIttré, l , p. 359. 2 L. Jungblut, Magic Songs 9: the Bhils g; Jhabua State, London: Imago Pu cat ons, p. 5. 3Image du monde. 4D'aprés Charles Mauron, Des métaphores obsédantes au‘m the ersonnel Introduction gfgg psychocfitIQue, Fir s: ortI, I963. 5sur le‘modéle des boites japonaises qui"8'emboitent" les unes dans les autres. 6Expressions relevés au hasard des pages 76-79. 7Gaston Bachelard, Lg terre g£_les réveries g3 repos, Paris: Corti, 1948, p. 8Ici Gérard de Nerval suit de prés le texte de Séthos de l'abbé Terrasson. 9 Gaston Bachelard, p. 230. 10Gaston Bachelard, p. 192. 11Gérard de Nerval, Oeuvres, Paris: Gallimard, 1956, Tome II, p. 163. 150 CONCLUSION 1J. Derrida, De la grammatologie, Paris: Ed. de Minuit, 1967, p. 434. 2G. de Nerval, "L'Ane d'or, presentation de J. Richer", Mercure g5 France, mai 1955, no. 1101, pp. 42-60. 3G. de Nerval, Ibid., p. 50. 4G. de Nerval, "Introduction de H. Lemaitre", Oeuvres, Ed. Garnier, 1966, p. XII. 5 T. Todorov, Theories dus szmbole, Paris: Seuil, 1977, p. 198. 6J. Ristat, Du cou d'etat en littérature suivi d'u mles tirés de a e et es autres auteurs ncIens, ParIs: GalIIfiE—d, 1970— p. 4? 8. 7 p. 838. J.L. Borges, Enguétes, Paris: Gallimard, 1957, 151 BIBLIOGRAPHIE 152 I. (l) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) II. (12) BIBLIOGRAPHIE EDITIONS DES OEUVRES DE GERARD DE NERVAL Oeuvres com létes. Ed. A” Marie, J. Marsan, Paris: ampIon, I926-32, 6 vols. Oeuvres. Révision du texte et introduction par H. Clouard, Paris: Le Divan, 1927-28, 10 vols. Oeuvres. Texte établi, annoté et présenté par A. Eéguin et J. Richer, Paris: Gallimard, 1956, 28 ed., 2 vols. Oeuvres. Ed. H. Lemaitre, Paris: Garnier, 1966, vols. Oeuvres com.1émentaire8. Ed. J. Richer, Paris: HInard, I959-67, Tomes I,II,III,V,VI,VII. Aurélia ou le réve £3 la vie. Ed. J. Richer, Paris: HInardT I965 . Les Chiméres, Ed. critique par Jean Guillaume. BruerIes: Palais des Academies, 1966. La Pandora, Edition critique par Jean Senelier. ParIs: Klincksieck, 1975. Vozage en Orient. 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