L'UTOPIE DANS LA LITTERATURE FRAN-CAESE DU mx-ssmim SIECLE Thesis for the Degree of Ph. D. MMHEGAN STATE UNIVERSITY Jean Mere} 196.5 THESES LIBRARY Michigan 5”” University This is to certify that the thesis entitled L'UTOPIE DANS LA LITTERATURE FRANQAISE DU DIX-SEPTIEME SIECLE presented by Jean Méral has been accepted towards fulfillment of the requirements for Ph.D. degree in Romance Languages fat/Lush (d .' 8’7’7’3’9‘M 11 ‘ Major professor Date l/(¢1«.( /2 /?65'- .l a 0-169 ABSTRACT L'UTOPIE DANS LA LITTERATURE FRANCAISE DU DIX-SEPTIEME SIECLE by Jean Méral Motivée par un double intérét pour l'utopie et pour le dix-septieme siécle, cette étude est partie d'un theme abstrait plutot que d'oeuvres particuliéres. Elle a commencé par le dépouillement d'oeuvres romanesques inconnues, a la lumiére d'une definition assez large de l'utOpie, centrée autour de l'aspect politique et social. L'idéal efit été de pouvoir lire tous les ouvrages portés au catalogue du Fonds Ancien de la Bibliothéque Nationale, ou sont classes séparement les ouvrages de fiction. Nous avons dfi nous limiter a sender 1e catalogue aux rubriques histoire, roxaume et voyage, et nous reposer sur les quelques biographies, souvent inexactes, 6e l'utOpie. Bien qu'il ne nous ait pas conduit a élargir le domaine de l'utopie par la découverte de nouvelles oeuvres, ce travail nous a permis d'en mieux préciser les frontiéres et de corriger les erreurs de certaines bibliographies. A la suite de ces recherches, nous avons aussi tenté de découvrir le nom de l'auteur d'Antangil. L'examen d'ensemble des oeuvres principales sur lesquelles se fonde notre étude -Anta il, les récits de Cyrano de Ber- gerac, les "voyages extraordinaires" de Foigny, Vairasse et Jean Méral Gilbert, et le Télémaque- a montré qu'elles partent toutes d'une analyse de la réalité politique contemporaine et de la découverte d'un certain nombre de foyers du mal social: l'inégalite, l'absolutisme, l'intolérance religieuse, 1e luxe et la guerre. Nous avons remarqué que les utopies contiennent une critique implicite des institutions contemporaines et que, mis a part le Télémaque, elles combattent violemment les re— ligions révélées et contribuent au développement du déisme. La critique politique des utopistes est rarement positive et seul le Télémague propose de véritables projets de réforme. Nous avons aussi dégagé des éléments ou l'esprit critique et la logique cédent le pas a l'imaginaticn sur le sujet des questions sexuelles, les langages imaginaires et des possi- bilités de la science. Cette étude a fait apparaitre d'abord les rapports étroits entre les royaumes utopiques et la réalite historique et la récurrence des themes de la critique politique. En deuxiéme lieu, elle a permis de mesurer le progrés du genre utOpique qui se manifeste, par rapport au canevas relative- ment simple de la Renaissance, sur plusieurs points: l'affa- bulation, les personnages, l'intrigue, le décor et l'expres— sion des idées. Enfin cette étude a souligné la double in— fluence de la doctrine classique et de l'esthétique baroque. Quand les utopistes veulent construire dans l'abstrait, ils raisonnent avec legique, mais quand ils veulent détruire, bafouer cu s'évader sur les ailes de leur fantaisie, ils cédent au bouillonnement et a la luxuriance du temperament Jean Méral baroque. Leurs oeuvres sent a la fois des utopies de re- construction et des utOpies d'evasion: le premier terme correspond au classicisme, le second au baroque. L'UTOPIE DANS LA LITTERATURE FRANgAISE DU DIX-SEPTIEME SIECLE By Jean Méral A THESIS Submitted to Michigan State University in partial fulfillment of the requirements for the degree of DOCTOR OF PHILOSOPHY Department of Romance Languages 1965 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION 00000 OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO CHAPITRE I : Les oeuvres......................... CHAPITRE II : Les Foyers du Mal.................. l) L'inégaliteOOCO0.000.000...O....0. 58 2) L'absclutisme..................... 65 3) L'intolérance religieuse.......... 76 Ll) Le luerCOOOOOOOOQOOOCOCOOO0...... 81+ 5) La guerre......................... 92 CHAPITRE III : Les elements de critique et de réformGOOOOCOOOOOOOOOCO...OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO 1; La critique implicite............. 104 2 L8 critique directeOOOOOOOOOOOOOOO 120 3) Les projets de réforme............ 135 CHAPITRE IV : Le jeu sur les possibles........... 1) Les questions sexuelles........... 148 2 Les langages imaginaires.......... 166 3 Les possibilités de la science.... 176 CONCLUSIONOOOOOOOOO...OOOOOOOOOOOOOIOOOOOOOOOOOOO APPENDICEI : Les texteSOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO APPENDICE II : Jean Du Natz est-i1 l'auteur d'Antazgil?OO0......O...00......OOOOOOOOCOOOOOOOC BIBLIC‘GRAPHIEOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO...0.0.0.0000... ii 21 57 103 1&8 188 208 21h 234 INTRUDUCT ION De tout temps, les hommes se sont crus, pour une raison ou pour une autre, a la double porte de l'Apocalypse et de l'Age d'or. Nous avons maintenant l'impression de vivre dans l'imminence, comme les croisés du Moyen-Age, les navigateurs du quinziéme siecle au bord de leur gouffre imaginaire, les ouvriers du dix-neuviéme siécle et les révolutionnaires de tous les temps. L'utopie represents un dépassement par le réve de ce sentiment énervant d'imminence. L'utopie, c'est la refuge de l'humanité malheureuse, mécontente et incertaine de ses fins; c'est le grand projet de vacances de llhumanité ayant enfin terminé ses classes. L'utopiste donne une forms 5 cs reve; il échappe au réel et a l'actuel, et cherche a re- construire dans une zone neutre, située hors de l'espace et du temps connus, le monde meilleur qu'il imagine. Mais l'utopiste est un réveur éveillé; il exprime son.idéal per- sonnel avec logique, au nom de la communauté humaine, dans -des oeuvres faites pour étre lues et comprises. Si 1a tendance au rave est éternelle, 1e reve part pourtant du présent, et le present éternellemsnt, change. C'est pourquoi le contenu et la forme du réve varient; 1c contenu, selon les circonstances historiques, la forms, an gré des modes d'expression. Le réve change aussi selon ce- lui qui réve. 2 Comme l'analyse des réves dévoile des aspects caches dans la conduits en état de veille, 1'étude de l'utopie éclaire d'un jour nouveau une époque historique et une pé- riode littéraire. Meme si les utopistes ne sont souvent que des auteurs médiocres, il faut réprimer le sourire de pitié amusée que pourrait faire éclore sur nos lévres la mention du mot utopie, évoquant a tort un idéalisme farfelu et un manque total du sens des réalités. Le mot utOpie est, en vérité, un de ceux qui découragent les tentatives de definition. 11 semble que la désaffection actuelle pour le genre établi par le Libellus de More, s'ac- compagne d'un intérét grandissant de la critique pour la lit- térature dite "utopique". Malheureusement ce terme recouvre pour chaque critique des domaines différents. Une réaction se dessine pourtant contre le pillage du domains utopique. Le St. Thomas More Project de l'Université de Yale vient de patronner la publication, en 1961, d'une bibliographic pré- liminaire des oeuvres de More, par R. W. Gibson, a laquelle s'ajoute une bibliographic de la littérature utopique entre les dates 1500 at 1720, compilée par R. N. Gibson at J. Max Patrick. Dans l'introduction de cette seconds bibliographic, ces deux auteurs remarquent: "With a latitude which defies definition, the words 'utopia' and 'utopian' are applied to the imaginary land in Which novels, romances, and comic ope- ras take place, to documents ranging from the Sermon on the Mount and the Declaration of Independence to the Communist Manifesto . . . . and almost anything that a librarian 3 cannot classify elsewhere".l Notre propos n'est pas de faire un historique des significations successives du mot utopie, ni de mettre en lumiere les contradictions d'opinions entre les critiques. D'abord parce que les auteurs partent sou- vent de definitions différsntes et finissent par selection- ner les memes oeuvres et par les étudier de la meme maniere. Ensuite parce que nous nous intéressons seulement au dix-sep- tiéme siécle, c'est a dire a une période, encore proche do l'oeuvre do More, on les intentions des utopistes sont rela- tivement simples. En effet, les definitions de l'utopie que nous trouvons dans des ouvrages récents sont souvent gauchies par le fait que l'évolution scientifique rend possible la realisation do beaucoup d'utopies. Le développement du systems communists a fait naitre une certaine peur de l'utopie.2 Le mot lui-méme est devenu péjoratif. Des 1878, Engel flagella les révolu- 3 tionnaires bourgeois en les traitant d'utopistes, et do la 1 R.w. Gibson et J. Max Patrick, "Bibliography of Utopiana" dans R.w. Gibson, St. Thomas More: A preliminary bibliography of his works and of Moreana to the year 1750, (New Haven: Yale University Press, 1961), p. 293. 2 or. Robert Elliott, "The Fear of Utopiaf‘ Centennial Review, V11, 2 (Printemps 63), 237-251. 3 Cf. Frederik Engels, Herrn Eugen Duringls Umwalzungder WissenschaftJ Philosophie, Politische Oekonomie, Sozialismus (Leipzig, 1878), traduit en anglais par Emile Burns sous la titre Anti-During or Herr Eugen Duringls revolution in science (Londres: Lawrence and Wishart 193h), cf. aussi Die Entwicklun des Sozialismus von der Utopie zur Wissenschaft lZurich, 1882), traduit en alglais par Edward Aveling sous le titre de Socia- lism,_Utgpian and Scientific (Londres: Allen & Unwin, 189?). h méme fagon les écrivains et journalistes occidentaux appli- quent volontiers le mot aux dirigeants actuels de l'U.R.S.S. pour signaler la faiblesse de leurs projets de réforme.u Comme l'écrit Robert Elliott, "Utopia is a bad word to-day not merely because we despair of being able to achieve it. It is a bad word because we fear it: utopia itself has become 5 the enemy". C'est pourquoi, a l'exception de la derniere oeuvre d‘Aldous Huxley, Island,6 les grandee utopies du ving- tiéme siécle sont les fausses, celles qui peignent le monde en noir et provoquent chez le lecteur un mouvement de recul: Le fig de Zamiatine, Brave New World de Huxley et Nineteen Eighty Four d'Orwell. Il faut done reconnaitre cette evolution du mot et de la chose et admettre aussi que cette mmlvaise conscience du vingtieme siécle vis-a-vis de l'utopie ne nous aide en rien a comprendre l'utopie telle qu'elle se présente au dix-sep- tiéme siécle. Dans ce cas particulier, 1e recul du temps risque de fausser plutat que de preciser notre jugement. Les remarques préliminaires que nous allons faLre no tiennent pas compte de cette evolution récents du mot. Dans la présente etude le mot n'aurajamais de sens péjoratif. ’+ Time vd.83, No 8 du 21 février 1963 porte sur la couverture ‘un portrait du président du Soviet Supreme, Leonid Brezhner avec la legends: "Breadlines in Utopia". £3 Robert Elliott, art. cit. p. hl. Aldous Huxley, Island,_a novel, (New York: Harper, 1962). 5 On s'est souvent demandé dc quel préfixe grec le "u" I! I! H H on . initial de "Utopia" est la contraction: eu ou bien Selon les cas, utopia signifiera la terre du bonheur et de la perfection ou la terre qui n'existe nulle part. On peut, néanmoins, sans prejudice laisser sommeiller les trésors d'érudition amassés par les partisans du "ou" at par ceux du "eu". N. Dupont en fait un inventaire complet dans l'a- vant-propos de son ouvrage.7 Les "ou-istes"'l'emportent nu- mériquement sur les "eu-istes" et trouveraient, s'il on était besoin, un argument supplementaire dans la derniere oeuvre d'Aldous Huxley, Island, on l'ile utopique porte le nom de Pala. Ces débats de pure forms no débouchent sur rien, tant sont inséparablement liées dans toute utopie les notions d'irréalité et de perfection: il est certain que More, lui-méme, spécula sur les incertitudes de l'étymologie. Selon Lewis Mumford, "Sir Thomas More was an inveterate punster, and Utopia is a mock name for either Outopia, which means no place, or Eutopia, the good place".8 Ces discussions académiques sur une étymologie ambigue attirent cependant l'attention sur la nature meme de l'utopie. 7 Victor Dupont, L'thpie et le Roman Utopique dans la litté- rature anglaise (Toulouse: Didier, lghl), pp. 10-12. 8 Lewis Mumford, The stor of Utopias (Gloucester, Mass: Peter Smith, 1959), p. 287. 6 Partons d'une definition simple, extraite du diction- naire do Lalande: l'utopie représente "sous la forme d'une description concrete at détaillée (et souvent meme comme un roman), l'organisation d'une société humaine".9 Remarquons que cette société n'est pas nécessairement parfaite dans tous ses aSpects. La plupart des oeuvres veulent simplement ren- dre sensible les resultats qu'on pourrait obtenir par d'autres institutions on les supposant réalisées; elles établissent un models auquel on peut comparer les sociétés existentes. L'utopiste parle forcément a partir du present et certains maux du présent passeront dans l'utopie. Les utopies sont-elles toujours critiques ? Y a-t-il une intention critique dans le tableau de cette autre société qui n'existe nulle part ? M. Dupont penche pour la négative,10 ainsi que les collaborateurs du Vocabulaire Technique de la Philosophie. Au contraire, R.w. Gibson et J. Max Patrick pensent que l'iconoclasme est le complement indispensable do l'attitude utopique. En effet, si on prend la peine de lire en entier 1e Libellus de Thomas More, on remarquera que l'oeuvre se divise en deux parties et que la premiere partie est essentiellement critique. Sans parler des contre-utopies critiques, nous pensons qufil y a toujours, dans toute utopie, une intention critique. Souvent 9 André Lalande, Vocabulaire technique de la Philosophie, (Paris: Presses Universftaires do France,_I§SO), p. 117?. 10 Victor Dupont, p. 12. 7 la critique est seulement implicite; elle apparait dans le choix dos institutions que les utopistes veulent modifier; mais elle peut etro tout a fait directs et attaquer, do plain front, les abus do la société réelle; elle pout meme se dou- bler d'un apport positif qui prend la forme de projets de ré- forms. Une autre difficulté réside dans les limites de l'utopie. Certains critiques adoptent une definition tres large. Solon M. Ruyer, "on pout tres bien concevoir, et il existe réelle- ment, dos utopies non politiques, portant sur la biologie, ou sur la psychologio, ou meme sur la structure géométrique dos choses".11 C'est, semble-t-il, la un élargissement abusif de la notibn d'utopie. Nous considérons que l'utopie doit toujours comporter des éléments politiques, sociaux et econo- miques; en d'autres termes une utopie est toujours par certains cOtés, une utOpio sociale. Cependant, elle pout comprendre dos aspects scientifiques et aussi des aspects fantastiques, produits par le libre jeu do l'imagination do l'auteur. Le tout est une question do dosage. Par exemple le roman scien- tifique qui no jouo que sur les possibilités techniques et qui se situe dans le monde ordinaire, sans en déranger 1'ordre, (les romans do Jules Verne par example) n'entrent pas dans les limites de l'utopie. Maia si les effots de la science imagi- naire perturbent l'équilibre de la vie quotidienne, le roman 11 Raymond Buyer, L'Utopie et les utopies (Paris: Presses IJniversitaires de France, 1950), p. 8. 8 scientifiqus ss rapprocho do l'utopio st pout se confondre avec elle. Notre "science-fiction" moderno so situe sur les frontioros du genre utopique. D‘autre part, si l'on accords a l'utopiste uno certains latitude pour laisser jouer gra- tuitemont son imagination, il faut, malgré tout, que les ele- ments ludiques qu'il introduit, aient uno certains valeur speculative. Les contes fantastiquos ou surnatursls sont é- loignés do l'utopis. Comms 1e marque M. Ruyer, "l'autre monde n'est pas un autre monde";12 l'utopis no retrouve pas la vi- sion archaique st "prélogiquo" du conte do fées, elle décrit un autre mondo et non pas uno autre nature. Mais l'utopis no s'oxpliquo pas uniquemont par la défi- nition d'un genre littéraire. La sommo do toutes les oeuvres utopiquos n'épuise pas la notion d'utopie. 11 y a une atti- tude utopique qui est commune a tous les sieclss. Toutes les utopies représentent la négation d'uns situation historique ot d'uno table dos valeurs admisss au nom d'une théorie per- sonnolle plus an moins liée aux ideologies existsntes.13 Les utopies représentent l'expression d'un myths do l'sxis- tencs possible d'un autre ordre, que Roger Mucchielli appelle "lo myths de la cité idéale". Pour lui l'utopie représente "ls dévsloppement du myths do la cité idéals en cité imagi- naire‘parcs que l'action est "bouchée" smpiriquement par un 12 Buyer, p.h. 13 ‘Cf.Karl Mannheim, Ideologie und utopia (Francfort, Main, 1936). 9 psssimisme sur ses conditions actuelles."lu Ce myths est en quolquo sorts ls motsur du processus utopique. L'utopiste, qui n'a pas les moyens matériols do fairs oeuvre do reforma- tsur, recrés le monde dans l'abstrait. Ls développsmsnt de cs myths, apres son éclosion dans l'imaginaire, s'opere selon une dialectique que M. Ruyer caractérise comme un "exercice mental sur les possibles latéraux." M. Ruyer explique que, dans le monde utopique, l'intellect "s'amuse a essaysr men- talomsnt les possibles qu'il voit déborder le résl, il est relatif au comprondrs st il aide a son tour a uno compréhonp sion moillours."15 Ls déve10ppement d'une utopie met on jsu deux fonctions mentalss, 1'imagination et la logique, st so fait selon un certain nombro do procédés généraux tel que l'analogie, la symétrie, le contrasts, la miniaturisation, le grossissement g£_gl. Ces tentatives complémentaires d'interprétation de la gonése do l'utopis nous aident a comprendre les particularités do l'utopie on tant que genre littéraire. L'utopie implique nécessairemont beaucoup plus que des traditions st dos rosettes esthétiques, mais au contraire, dos sa genése, une prise ds conscience globalo do la condition humaine historique et aussi do principos philosophiques st politiques. 1h Reger Mucchielli, Le Myths do la Cité Idéals (Paris: Pres- ses Universitaires de France, 1960) p. 87. 15 Buyer, p. 9. 10 On pout décomposer idéalement la démarche de l'utopists 16 on six phases dialectiques. L'utopiste so revolts d'abord individuelloment st do facon non égoiste devant 1e désordre st l'iniquité do l'époquo historique. Puis, par une obser- vation lucids et méthodique do la société contemporains, il aboutit a la determination dos foyers do tous les maux poli- tiques ot sociaux ainsi qu'a leur explication a partir d'une cause bien limites. Ensuite, i1 éprouve un pessimisme abso- lu quant aux possibilités d'intorvention efficace, devant 1a conscience do l'immensité du mal. Les deux phases suivantes, assoz proches l'une do l'autre, comportent d'abord une contra- diction entrs 1e mouvemont do révolte et la conscience do l'impuissancs totals, st, d'autro part, uns fuits de la force do revolts vors 1'irréel. Le dernier mouvsment consists en la construction logique d'un pays idéal dont les principes ont déji été posés lors do l'affirmation dos foyers du mal. Cotts construction logique, pour etro valable, doit tenir compte du caractéro concret do ses éléments; ainsi nous voyons que l'uto- piste fait un vaéot-visnt perpétuel entre la réalité et le monde imaginairs, entre "la sphere du réol et la sphere do l'idée."17 La notion d'utopie mot done on jeu tout un snchevétremont l6 17 Cf. Mucchiolli, 62. Ruyor, S9 11 do nuances. Pas nécessairoment satiriquo, elle implique une mise en question do la réalité historique; representation idéalo, elle a son point do départ dans le reel; apparsmment opposéo a 1'action, elle est souvent l'oeuvrs d'hommes poli- tiquos ot souvent donne lieu a dos réalisations concretes; isolés dans 1'ospace ot dans le temps, elle n'a pourtant de valeur que par rapport a un espace geographique ot a un temps historique donnés; organisée la plus souvent autour do pro- blemos économiquos et sociaux concrets, elle comporte aussi dos aSpocts gratuits st ludiquss. Nous pouvons roprendre st complétor 1a definition do l'utopio st considéror comme critsro do selection pour la pré- sente étude, qu'une utopie est la representation concréte d'un pays imaginaire et quelquefois fantaisiste, illustrant dans uno plus ou moins grands mesuro, un idéal raisonné do bon- heur, généralomont contenu dans les limites do l'accsssible, qui rend sonsiblos les résultats qu'on pourrait obtenir par d'autres institutions, tout on critiquant, implicitoment ou directomont, les institutions existantes. I1 y a, bien avant 1e dix-soptiéme siécle ot bien avant ls Libellus (1616), un grand nombre d'oouvrss qui répondent a cette definition. Si Thomas More crée 1e mot, il no crée pas la chose elle-meme. Dos utopies ont été écrites des avant Platon. Dans lo quatriemchhapitro du livre II du Politiquo, Aristote, par example, on cite deux dont il réfute les systemss et dont les auteurs sont Phaléas do Chalcédoine st Hippodsmos de Nilst. Le premier sxigs 1'égalité dos fortunes, de la 12 propriété fonciére, do l'éducation; 1e second compose une république do dix-mille citoyons divisée on quatra classes; les artisans, les laboureurs, les guerrisrs ot les pretros. Il divise 1e territoire an trois parties: les terros sacrées, les terros publiquss qui nourrissont les guerrisrs, st les terros particulioras. Il propose un gouvsrnoment constitué do magistrate élus. Si les ouvrages do cos auteurs sont por- dus, csux do Platon nous sont, au contraire, connus. Dans la République (389-369) at les Lois (353-352), Platon déve- lOppe deux projets d'état ideal, tandis qua dans la Timée (353) at 1a Critias (?) i1 décrit pour la premiere fois lo pays perdu at parfait do l'Atlantide. Cos quatre dialogues font do Platon la plus grand, sinon 1e premier dos utopistes do l'Antiquité. Ausa suits, Diogans lo Cynique (h13-323), at Zénon do Cittium (336-26h) écrivent, chacun, uno Répu: bligue. Hécatés do Milet met ls Nord a la mods avec ses Hyporboréens. Au quotrieme siaclo svant Jesus-Christ Evhémero situe Panchaie, son ils dos Dioux, su regime socialists, dons 1'0céan Indien. Au deuxiemo siocle avant Jesus-Christ Jambulo écrit une Cité du Soloil ou regno un communismo do typo agri- cole st arcadion. Dans 1e mondo fermé du Moysn-Ago, 1'utopio no flourit guors. I1 y a pourtant dos élémonts utopiques dans la notion do cité célests at par example dans la Civitas dgi (h20-h29) de Saint Augustin, st dans les aspirations égalitairss dos moinos, trés souvent hérétiques: les Carpocratiens du douxiéme siecle, les Pélagiens, qui sant empreintes d'un 13 nihilisme dont les Parfaits cathares sont un example extreme. L'Evangilo Eternal do Joachim do Flore, écrit au douziéme siocle, divise l'histoire do l'humanité selon les trois por- sonnes do 1a trinité at fait du monastere la cité idéalo do 1'époqus du Saint Esprit, dont il fixs la début en 1260. Plus ou moins liées aux croyancss orthodoxes persistent dos légendes do pays imaginaires: 1'Atlantida at les ilas For- tunées: ils do Saint-Brendan plains do pierras précieuses, 11o Antilia, peuplés do parfaits chrétiens organisés commu- nautairoment, ot enfin 1e Paradis torrestro qui pour certains auteurs subsisto toujours qualque part sur la planets. Lo moins Honorius d'Autun décrit 1a paradis terrostre situé on Asia et les quarante-quatrs regions do l'Inde dans son.23 Imagine Mundi publiéa au douzieme siécle. Le procédé utopique est loin d'etre nouveau a1 moment do 1a grands floraison do la Renaissance. Mais la Renaissance est cependant un moment privilégié dans l'histoiro ds l'utopie. Salon M. Dupont, "par cette alliance étroito dos facultés imaginativas st intollectualles qui 1a caractérissnt, par les ospoirs que favorisent ses découvertas at ses experiences politiques, par ses besoins, ses curiosités, ses ferveurs, cette périoda est éminamment favorable a l'éclosion do romans .o18 utopiques at d'oouvrss similairos. Thomas More rotransmet une impulsion qui sxistait déjd, mais son chaf-d'oouvro 18 Victor Dupont, p. 82. 11L domino tellsment la périoda qu'on 1e considers quelquofois, a tort, comme la premiere dos utopies. Les multiples voyages imagintiras contenus dons l'osuvro do Rabslais no sont pas tous dos utopies; parmi coux du Quart Livre et du Livre Cinquisms, nous accordons que beaucoup no sont que des sllé- goriss satiriques, par example dans la Quart Livre, la pays dos Chicanous, 1'isls dos Macréons, l'islo dos Tapinois, l'islo dos Papsfiguas, 1'is1e dos Papimanes, l'isls Farouche, 1e royaums do Messer Gastar, at dans la Livre Cinquiomo, l'islo sonnanta, ls royaums dos Chats Fourrés, 1e royaums do la Quinta-Essence, la pays de Lanternois. Toutefois, l'sbbayo do Thélsme qui occupe les chapitrss 52-57 do Gargantua pré- sente les caractérss d'une veritable utopia. Trois oeuvres utopiquos écritos tout au début du dix-ssptisme sisclo appar- tiennont par leur esprit a la Renaissance: Civitos solis do Campanolla, Nova Atlantis do Bacon, at Christianopolis d'Andrsae. Il est difficils do définir les utopies do Is Renaissance car on est tenté d'sttribusr i l'snsemblo do la production utopique do cette périoda les caracterss do l'ouvrage do More, tent 11 la dépasss on stature. 0n pout cependant noter quel- quos traits généraux qui serviront do base i dos comparsisons avec les oeuvres du siecls suivant. Les utopistes de la Renaissance construisant leur étst imaginsirs on fonction d'un idéal auquel ils croisnt; pour Campanolla c'est une organisation monastique du monde, pour Bacon, la croysnce d 1'efficacité sciontifique, pour More 15 c'est l'aspiration vers un état bienveillant, justo at fort. Les utOpistes do la Renaissance sont en général dos optimistos. Co sont aussi dos patriotes qui voient dens leur cité imagi- nairs uns image évoluée st épurés do leur proprs patrie. Victor Stouvenol voit meme un tras not nationalisma dans la Libellus qui pour lui est uno "formula d'organisstion inté- riouro st do politiqus sxtériours i l'usago d'une notion dis- tincts qui pour un Anglsis no pouvait atra que 1'Anglsterro."19 La plupart dos oeuvres do ls Renaissance décrivent dos systemes communistss at égalitairss, c'sst d dire dos systemss qui n'admettent pas la propriété privés et qui reconnaissent 1'égalité théorique do tous les citoyans devant la 101. A Amaurots par example, 11 n'y a ni propriété ni monnaie; l'état est responsablo do 1a nourriture et do 1'sntrotien du psuple qui sont réalisés au moysn do magasins généraux. .La propriété n'sxiste pas non plus dans la cité du Soloil. Il est curisux do constator avec M. Ruyer que "les utopistes do ls Renais- sance continuont a fabriquor dos systemss communistss au moment meme ou commence l'ero du capitalisms at da ls libre entrspriseJ'aO Do meme alors qua fleurit 1e luxs, les utopistes s'stto- chant a un idéal ascétique. Le mépris dos métaux préciaux est total dans 1'oeuvrs do More. L'or est, par example, 19 Victor Stouvenel, Uto is, (Paris: lo pot cassé, 1927), le. 20 Ruyor, p. 1590 l l6 utilisé pour fabriquor dos chaines at dos vases do nuit. Les porlos servant a amuser les onfants. Tout luxe est sembla- bloment rojoté par Campanella, Andréa at Bacon. De plus a 1'aubo dos guerros ds religion, ou moment on so multiplient les soctos protostantos, les utopistes sssayent do dégager uno religion universallo qui soit acceptable par tous les hommcs do bonno volonté, un christianisms natural qui no so heurterait pas aux sxigancos do l'oSprit critique. 0n pout dire que les utopistes do la Renaissance qui vivent a uns époquo do grands boulevorscments politiques, sociaux st roligisux, tantont plus ou moins consciemmsnt do réduire l'originalité, 1a diversité do leur époquo st d'im- poser a leur mondo imaginairs un ordrs qui va a l'oncontre du sons do l'histoira. Enfin, bien que lo Libellus soit présenté sous la forme d'un récit do voyage fait par le portugais Hythlodée, ancisn compagnon d'Améric Vospuca, les utopies do la Renaissance sont, on général, d'uno lecture assoz aride. L'affabulation y domeuro sommaire st réduits au minimum. Meme dons l'ouvrago do More, les utopiens sont dos Stres bien ternos d qui rien n'insuffls la vie. Les descriptions d'Amauroto manqusnt, do mama, do coulaur at do vigueur. Les utopistes sont impuissants a rendre vivanto st attrayante la description do leur pays imaginaire. Ils no so préoccupant pas d'imaginor d'intriguos qui pourrait accaparor l'attontion du lecteur. En voulant tout dire et tout expliquor, i1 no font aucune différoncs entrs lo réalisme ot la copis do l'authentique. Il leur l7 manque les qualités et les techniques du narratour ot du ro- mancier. Le but do notre étude n'ost pas do passer en revue toutes les utopies écritos au dix-septieme siecle et do les examiner isolémont, au fil do 1a chronologio, pour faire rossortir leurs ressemblancos et leurs différencos, et pour porter sur elles un jugemont do valeur. Co que nous voulons fairo, c'ost offectuor un examen d'onsemble do l'utopio dans la littérature franoaiso entro les dates 1600 ot 1700. Au lieu do rochorcher ce qui, dans la formo ot dans le fond, sépare dos oeuvres do valeur parfois inégalo, nous nous efforcerons do mettre on évidonco co qui les unit. Nous ossaierons do montrer qu'ollos s'intérossent aux memos questions politiquos et sociales, qu'ollos rovétent une formo littéraire idontiquo, et qu'elles s'inscrivent dans une tradition commune. A travers les di- verses utopies du dix-soptieme sioclo, nous voulons prouvor l'existence d'une littérature utopique, possédant une cortaino unité ot uno certains indépondance vis-a-vis dos autros genres littérairos. Il sorait rolativoment facile, on effet, do disperser cos utopies. Les oeuvres écritos aprés 1670 ont été souvent anne- xées au sieclo suivant par souci do simplification. Les autres peuvent etro réparties sous dos rubriques différentes et de- vonir dos romans, dos contes ou dos traités politiques. I1 nous parait, cependant, beaucoup plus fructueux do grouper cos oeuvres que do les laisser isolées comme elles 1e sont, le plus souvent, dans les manuols do littérature. Nous nous 18 offorcorons do montror que cos utopies qui sppartiennont, par leur date, au dix-soptieme sieclo, sont tout i fait so- lidairos de leur époquo historique ot qu'ellos so fondent sur l'examen do la société franoaise contemporaino. Cetto étudo nous permettra, aussi, do mesurer l'évolution du genre utopique. Le dix-septiemo siocle sort do lien entro les utopies do la Renaissance et cellos, beaucoup plus nom- breuses, du dix-huitiemo siecle. Au dix-septieme siéclo, l'utopio progresso et s'onrichit; nous ossaierons do mesurer co progrés ot cet enrichissoment. Nous avons pris 1o termo "dix-soptiemo sieclo" 3 son sons. littéral, c'est a dire comme représentant 1a périodo do temps comprise entro 1600 st 1700. Pout-Otro est-il nécosssiro do justifior cette socondo dsto, puisque l'histoire littérsiro a l'habitude do prolongor 1o sioclo do quinzo sns. L'snnéo 1700 est uno borne commode dans l'histoiro do l'utopie csr elle marque lo début d'une production intense. Prolongsr notre étudo jusqu'on 1715 out été on doubler l'étondue et lo volume. De plus, les oeuvres do Lshontan apportont 1s con- sécration définitive du theme du bon ssuvage on 1703,21 et coci change sonsiblomont l'orientstion dos utopies on mottant l'omphaso sur lo rotour a la nature. Enfin, les utopistes {qui écrivont apros 1700, dissortent do moins on moins sur les rnérites do is religion naturolle ot les tares de la religion 221 Cf. par exomplo Nouvosux vo a as do Mr. 1e baron do ILahontan, (La Kaye: E'Honoré, 1%5g). 19 révélée, comme lo faisaiont leurs prédécosseurs; ils admottent tout simplemont que la religion est une affaire do morale et que soul 1e culte rogardo la société. Mottro on valeur l'unité fondamentslo dos utopies, mon- trer qu'elles appartiennont bien su dix-soptiemo sieclo psr leur contenu et leur forms, évaluer 1'évolution du genre uto- pique pendant is période que nous nous sommos sssignéo, tels sont nos buts; msis 3 cos buts no correspondent pas les divi- sions do notre étude. Pour menor do front l'exsmon do toutes les utopies, nous avons sdopté lo plsn suivant: Dans un premier chspitre, nous présontons uno liste cri- tique dos oeuvres ot nous apportons quolquos précisions sur des détails do bibliographio. Dans le second chapitre, nous examinons les foyers du mal tels qu'ils rossortont do l'analyse dos oeuvres. Nous on distinguons cinq qui sont: l'inégalité, 1'absolutismo, l'in- toléranco, lo luxo et la guerro. Nous montrons en quoi cos foyers du mal sont caractéristiques du siocle. Le troisieme chapitre évalue l'apport critique, négstif et positif, dos utopies. Nous étudions, d'sbord, ls critique implicito qui apparsit a l'oxamon dos institutions utopiennos, on particulier 1'apparoil judiciairo, 1o systems do taxation ot l'organisetion scolsire; onsuito, nous onvissgeons ls cri- tique directe, ossontiollemont sxée sur la critique religiouse; enfin, nous examinons les suggestions qui peuvent Gtro con- sidérées comme do véritables projets do réformo. Le quatriéme chapitre, intitulé "lo jeu sur les possibles" 20 s'intéresso a dos aspects, moins directement liés d l'utopio socislo, qui représentont lo jeu plus ou moins libre do l'ims- ginstion des auteurs. Nous y groupons les questions soxuel- les, les langues utOpionnes ot les possibilités do la science imsginaire. Iotre conclusion généralo porte sur la place du genre utopique au dix-septiemo siocle. Nous évaluons 1'évolution do l'utopie comme forms littéraire et tachons enfin do situor les utopies au coeur meme du dix-septiéme sieclo littérsiro, par rapport a l'idésl classiquo st 3 l'osthétiquo baroque. CJAPITRZ I Les oeuvres Etablir 1a liste critique dos utopies du dix-soptiémo sieclo no représente pas uno tautologie mais bien un travail do mise au point indispensable étant donné l'imprécision ro- lative du termo et la raroté do cortaines oeuvres. L'étudiant qui vout so familiariser avec 1'utopie trouvo assez faciloment 1a bibliographie dos oeuvres les plus impor- ta1tos dans les ouvragos consacrés a l'utopio en général, ou- i dos périodes bien délimitées do 1a littérature utOpique. Lorsqu'il s'agit d'oeuvres mineuros, i1 lui faudra so reporter a dos listes publiéos sous forme d'articles ou ajoutées i dos étudos critiques. Souvent cos listos sont tres approximatives et leurs auteurs avouent honnfitement n'avoir pas consulté cer- taines dos oeuvres qu'ils mentionnent. Parmi les nombrousos bibliographies que nous avons dé- pouilléos pour cette étudo, la plus ancionne est cello drossée par James T. Presley} Elle n'a maintenant d'autre intérat que do nous montror qu'Antangil était connu avant la redécouverto qu'en fit M. Lachévro on 1921.2 Les ouvrages généraux sur 1 "Bibliography of utopias," Notes and Queries, uth series, X1 (Jan-June 1873), 519-521. 2Voir plus bas p. 2114,. V 21 22 l'utopie comme coux do Lewis Mumford, et do Frances Russel compronnont dos listes assoz incompletes pour le dix-soptieme siéclo. La plus récents chrono-bibliographie dos utopies h compiléo par Régis hossac et polycopiée on 1962, est beau- coup plus étondue mais cependant moins complete que cello do R.w. Gibson et J. Max Patrick. Cetto derniero bibliographie, que nous avons prise pour base de notre étudo, comporte quelquos points d'interrogation auxquols nous allons d'abord tflcher d'apporter dos réponses ot aussi quelquos errours que nous essaierons do rectifier. R.N. Gibson ot J. Max Patrick mentionnent dos oeuvres do Jacques Guttin, I. do Lapierre, Louis Moréri et Joan do la Picore et avouent no rien savoir i leur sujot. D'aprés nos rocherchos, i1 apparait que I. do Lapiorre et Jean do la Picore sont uno soule ot mdme personne, c'est a dire Joan do la Pierre auteur du "Grand empire do l'un et l'autre monde divisé en trois royaumos: 1e royaums dos avougles,_dos borgnos, et dos clairvoyants."5 R.w. Gibson at J. Max Patrick men- tionnent lo memo titre deux fois, sous dos noms d'auteur dif- férents. La Picore est vraisemblabloment l'interprétation erronnée du nom do Is Pierre écrit manuscritemont. AJoutons que l'ouvrage ci-dossus so trouve bien 3 1a Bibliothequo Na- tionals, (Y2u7286) et qu'il est bien do Jean do is Pierre 3 Touring Utopia, (New York: Dial, 1932) 4 . Esqiisso d'une chrono-bibliogrsphie dos utopies, (Lausanne, 19627. ’ (Paris: Moreau,ll625). 23 alors qu'aucun catalogue no porte mention do Jean do la Picore. Nous avons lu cos ouvrages, qui so réduisent done i trois, et aucun d'eux ne nous parait dovoir étro considéré comme une utopie. Colui do Jacques Guttin, Epigone,6 n'a do promottour que lo sous-titre: "Histoire du siéclo futur.’ En fait Epigono est le héros d'un roman sentimental doublé d'un roman d'aven- tures. Nous no possédons d'aillours que la premiere partie ot, selon toute évidence, la seconds n'a jamais vu lo jour. Rien do ce que nous avons lu no justifio lo sous-titre, rien no pcrmot do relier do pres ou do loin Epigone aux ouvrages d'anticipation. Le pays d'amour do Louis Noréri7 est uno tres courts nouvelle allégorique signéo Oronte et dédiée d une cortaino Aminthe. Elle comporte uno invitation a1 voyage vers ce pays do l'amour ou no vivent que des couples jounos ot boaux qui "mourent en mangeant un excellent fruit qu'on nommo jouissan- co."8 Nous doutons que cette oeuvre anodine soit d'un intérot quelconquo. En tout cas elle n'a pas sa place dans uno bi- bliographie dos utopies. Lo livre do is Pierre est un pompeux et diffus sermon surchargé d'allégories. L'explication du titre so trouve dens 6 E i.one, histoire du sieclo futur, lore partie, (Paris: Pierre Lamy, 1639). 7 Louis Noréri, Le pays d'amour, (Lyon, 1655). Le pays d'amour, p. 29 24 1e passage suivant: "Cos Aveuglos sont les Amaits, inforttnez E désastroux do co mondo: ces Borgnos E Chassieux, sont les mauvais Politiques: les clair-voyants sont les belles ~ grmidos émos choisioz qui regardont du coing do l'oeil les grandeurs, dont faisant paille 5 lictiore, elles affoctent d'emporter co glorioux élogo d'honnour."9 Cotte longue dissertation moralisatrico tire souvent dos oxemplos do l'histoire contomporaine. Hais i1 no s'agit que do louor Louis XIV et son ministro que l'on voit sur deux gra- vures voguant au-dessus dos trois parties do l'Empire dans un navire conduit par Richelieu. Un bandoau porte 1o distique suivant: "Va naviro no crains, ton pilots est un Diou/ Jamais ancro no fut en un plus Riche-Lieu."' La qualité du calembour donne une juste idée do la valeur do l'ouvrage qui lui non plus no pout 6tre considéré comme une utopie. En douxiemo lieu, nous différons d'opinion avec R.N. Gibson et J. Max Patrick au sujct do quelquos titres portés dans leur bibliographio. Les oeuvres mentionnéos so situont selon nous tout a fait on marge do l'utopie. Alors que lo nombre d'utopies proprement dites, est ro- lativemont potit, 1a littérature d'imagination du dix-sop- tiemo siecle abondo on oeuvres qui so situont sur les marge du genre utopique sans pourtant en fairo partie. L'utopio est un voyage dans l'irréel, mais c'ost dans l'irréalité du 9 Jean do la Pierre, Le grand empire.., épitre non paginée. 2% I voyage et non dans lo voyage lui-memo, que reside la compo- sante utopique. Il est vrai que les oeuvres du dix-septibmo siecls so sont inspirées dans leur forms st dans leur matiére dos récits do voyages réels dans dos pays réels, mais ces ré- cits on sux-mSmos no sont pas dos utopies. On admot que les .grands voyagours du dix-soptiemo sieclo décrivent beaucoup plus qu'ils no voient réellement. Ils ajoutent dos récits qli leur ont été transmis par d'autres voyageurs; ils colloc- tionnent légendos et racontars. Parfois ils onjolivont et projettont leurs désirs st leurs conceptions d'un pays parfait dans un cadre géographique réel: leur attitude est alors som- blable A cells d'un utopiste. Maia cette attitude est rare choz les auteurs do relations do voyages ot elle n'est do toutes fagons ni conscionto ni volontaire; elle est plutdt l'effet d'une imagination fertile a qui lo dicton "a beau mon- tir qui viont do loin" confers uno relative impunité. Nous no nous égarorons pas dans les multiples récits do voyageurs, de militaires, do missionnaires st do Jésuites dont M. Atkinson a fait un réportoiro complet¥3mais nous forons appel I oux chaquo fois qu'ils nous éclaireront sur certains aspects dos utopies véritables. Il pout paraitro aussi tentant do vouloir fairs entrer peu ou prou la féconde littérature pastorale et les romans d'aventuros dans le perimetro do l'utopie. Cortes, on pourrait, par example, rapprocher l'idéal pastoral dos récriminations dos utOpistos contra les villos-et dos critiques qui déplorent 10 Gooffroy Atkinson, Ihe extraordinary voyage in French .litersture before 1700, (New York: Columbia Nnivorsifif_Fress, 1920f, pp 1-11. 26 l'éiat do l'agriculturo on France. he memo i1 serait facile do trouver dans tout roman pastoral, ou dans tout roman d'avon- tures, la description d'un royaums, d'une ville, d'un hamoau possedant ct illustrant lo secret du bonheur en société. Com- mo l'écrit U. Roussot: "la pastorale so présonto d'abord en ce début du dix—septiéme siecle comme un modéle do vie et do con- duits; sous ses donors réveurs ou raisonneurs, elle veut édi- 11 fior ou protester." Kai i1 s'agit d'avantags do protesta- D) tions contro la grossiereté dos moours que de revsndications a caractére politiqus et social, ou snaaro do régles do con- duits personnello,plut6t que de principes do gouvernsment. 0n no pout, a moins do s'abuser, considérer l'Astrée ou les oeuvres dos Scudéry comme dos utopies. Pourtant, R.N. Gibson at J. Fox Patrick tombont quelquofois dans l'errour do trop élargir le domaine utopique. L'ouvrage intitulé, l'Histoiro veritable, ou les voyages dos princes fortunez}2 montionné par oux, est un long roman dont 1e quatriéme ot dernier volume parait ~ A Paris on 1610. L'auteur marque dans le sous-titre qu'il s'agit d'une oeuvre "stéganographiquo". Il oxplique dans l'Avis aux Bcaux Lsprits que la "stéganographie" est "l'art do représenter naivoment ce qui est d'aiséo conception qui toutofois sous les traits cspaissis do son apparence cache dos sujots tout 11 Jean Roussct, La littérature do l'ago baroque en_7ranco, (Paris: Corti, 19gb), p. 32. 12 Béroaldo do Vervillo, [frangois Brouart7, L'histoiro Véritablo, ou les voyages des_princes fortunes, (Paris: Che- Valicr, 1615). 27 artros que co qui semble cstro prOposé."13 Au fil d'une Lutrigue comploxo ct embrouilléo, les princes sont mélés a do multiples avontures guerrieros et galantos. L'autsur pose et résoud dos problémcs do casuistique amoursuse et comments les oxemplos do vortu fournis par ses héros. Maia il n'ost nullement question d'un pays imaginaire qui pourrait servir do models aux pays réels. Ces Voyages des_princes fortunoz no sont d'aillsurs pas uns oeuvre originals. Ila s'inspiront do pres du Perrogrinaggio di tre giovani d'Arméro Christoforo. 15 La relation du royaums do Coqueterie reprond l'idéo do la carte du Tondre en la combinant avec cells do l'ilo d'Utopie. Le royaime do coquetterie est uno ile dont les lieux-dits sont allégoriquos. 0n y trouve 1e "pallais dos bonnes fortunes", l"abismo do dosespoir", la "place do cajollerie", le "tanple de la pudour", le site du "combat do belles juppos". Dans uno ils voisino, 1"ile do S. Retour", so trouve 1c capitaine Ropentir. L'abbé d'Aubignac so targue do vouloir fairs oeuvre de moraliste ct i1 insists "que toutes les douceurs do cotto Isle no sont que dos amertumcs déguisées, que les plaisirs apparons y 13 Les voyages desgprincos fortunes, épitre non paginée. 1" Arméro Christoforo, Porregrinaggio di tre‘giovani, (Venice: Tramozzino, 158d). R.w. Gibson et J.‘Hax‘Patrick inversent 1o nom et le prénom do l'auteur dont ils donnont uns orthographo défsctueuso (Christoféro Arméno)y 15 Francois Uédelin, abbé d'Aubignac, Histoiro du temps ou relation du,royaime do Coqusterio (Paris: do Sercy, 165M). DTAubignac a d'aillcurs prdtendu que c'était lui qui 1e premier avait eu l'idée do Is Cartc du Tondre. Le roman de Clélio com- mence i paraitre en 16Su st sera achové on 1661. 28 produisent tousiours do véritables doulours."16 La majeure partie do out ouvrngo do format minuscule réside malgré tout dans une pointure asses leste do moeurs licencieuses, mais 13 oncore,l'élémont utopique est absent. Avsc son Lucionll7Perrot d'Ablancourt no fait que tenir 1a promesse faite (et oubliée) par l'auteur latin: "Voili ce qui m'arriva dans mon voyage du nouveau mondo, je décriray aux livrss suivants les merveilles que j'y ay veuos."18 Parrot d'Ablancourt ajoute donc un Suplément do l'Histoiro Véritablo en deux livros (III at IV). Le livre III décrit la républiquo dos Animaux et narro 1e passage do Lucien aux Antipodes, la bataille dos Animaux contrs les Sauvages et la pacification dos animaux par l'sntromise do Lucien. Ls livre IV décrit l'ilo dos Pyrandiens, ou hommes do fou, st lo pays dos Aparctiens qii ont 1a particularité d'Otrs transparents. Puis, traversant lo roymimo do Numisnacie on do 1a monnaio, Lucien aborde i l'ils dos poétss et visits l'ile dos pygmées et cello dos Magicians avant do retournor finalement on Grece. Porrot d'Ablancourt fait lo récit do voyages faitastiques qui sont a vrai dire dos contes fantastiquos sans aucune valeur socialo ou politiqus st sans aucune relation avec la réalité contomporaino. Lo Suplément no présonte aucun intérat pour 16 17 N. Parrot d'Ablancourt, Lucien, 2vols. (Paris: Augustin Courbé, 1654). 18 Coqueterie, p 75. Lucien, vol. I, ABA. . . l 9 ~ . C'r.t av!c :iVuLCUS ou 1'1816Ah31?Lt€ que R.u. Gibson t J. Zax Pctrick somblont avoir erré lo plus loin dans leur désir légitimo d'étoffer leur bibliographic dos utopies. C 1 Qu'on nous parmotte un rapioo résumé do l'oeuvro qui d r—ae sponso— 1 re do tout commentaire. Granicus ct Emilie, dont les pores sont brouillés, fuyent leur famille at so marivnt a Nantes avant do s'embarquor pour la Guadeloupe. Aprés avoir essuyé les avatars traditionnels do la mor, tempotes et corsaires, et apros une sscale a Nadere, lo jeune couple s'installo a la Guadeloupe ou Granicus devient officior. Granicus, que ses campagnos appellont i l'exté- rieur, laisso Emilio en butts aux avances do N.N. et do Damon. Ce dernier finit par 1‘emportor et, lorsque Granicus rsviont, Damon ot Emilie completent sa mort. L'assassinat échoue et les doux amants s'enfuient. Damon abandonne Emilie alors que leur batoau s'cst immobilisé sur un haut-fond. Emilie finit par regagner Brest, mais biontdt elle décido do repartir on Guadeloupe et do solliciter lo pardon de son époux. Au moment de son depart de La Rochelle elle retrouve Damon qui so rend on Yartinique. Les deux amants reconciliés partent ensemble, mais lo vent ontraine leur navire non pas vers la Martinique, mais vers la Guadeloupe ou Emilie st Damon sont toujours ro- cherchés. Arrives a Basso-Torre, les amants déjouent un mo- ment les poursuites que Granicus a toujours essayé d'empécher. 1 "I 9 'fi 0 I“. e e e ‘- 9 rran901s bPlCc, Granicus ou 1'1sle galantc, (PQTLS: yazuel, 1693). 3O 'Lors d'uno perquisition Damon est tré par les archers. Umilio, nowjorrs on fuits, let au mondo un garoon qu'elle snvoio a son Epoux on lui .ssurant qu'il en est le pore. Bientdt prise ot oondamnée a l'échafaud, Emilie mourt avant son exécution. Granicus, lui, n'a jamais cessé do l'aimor ot continue a croiro Ch 3 so fidélit~. Les oeuvres qui vont suivro sans Gtro Véritablomont dos utopie", utilisont cependant 1e procédé du voyage dans un pays imaginairo pour développor cortainos critiques a l'endroit do personnos, do groupos sociaux ct roligioux. Cos oeuvres sont ossontiollemont satiriquos at leur étondue est souvent asses limitéo. Maia elles transfigurent 1c réel at is dépasso par la caricature. Ce sont dos utopies critiques qui parodient, déformcnt, certains aspects do is réalité sans tontor d'appor- tor une quolconquo solution. Zachario do Lisieux omploia un procédé utopique quand i1 veut so moquer dos jansénistos. Dans sa Relation du pays do I Jansenio, il imagine un pays pouplé uniquemont do jansénistes 20 ct fait parlor un voyagsur qui viont d'sn arriver. De mémo Gabriel Daniel parodio le systems dos tourbillons ot so fait l'écno do la quorollo Arnauld-halobranche dans la Voiage du monds do Descartes.21 20 Louis Fontainc [isobaric do Lisioux La Relation du pays do Jansénio (Paris: 1660). Il nous a oté impossible dc trouvor cot ouvrago a la Bibliothoquo Nationals. Nous nous roposons ontioromcnt sur la mention qu'en font R.w. Gibson at J. Eax Patrick. 21 a e ' [Snoriol Daniol7, Lo vo Sivan donard, 1690): He C.) du mondc do Descartes, (Paris: C) 31 qr) 1" Avec la Lcttre écrite do Buiavia“ (lb h). 'C”lt€ P3P Loni nclle, le pamphlet utOpique s'élarpit jusqu'a fairs la satire d as reli ions cstEOquuo et lWIOtt:1.te. Lo royaime do Bornéo repre éscnte la chr etienté. Bans co roymime 1a sou- voraine Myséo Moyse= la religion juive) a une fillo légitime éro Home = 10 religion catholique) qzi no lui ressemblo pas du tout. Par contre, la princesse Enogue, (Cenovo = la ro- ligion protestante), dont on n'est pas sfir qu'ello soit 1a fills do Hyséo, lui ressemblo néanmoins beaucoup. L'autour décrit les difficultés dans lesquelles so trouve 1o royaumo do Borneo et les actions respectives do Vizol (Louis XIV) ot d'Esanjunis (Jansénius). Le Nouvcau Penurgs 23 dépasse les pamphlets on amplitude ct on complexité. Dans cc récit anonyme qui fait suite a l'ocuvre do Rsoelais, Psnurge abordc a l'isle Imaginairo ou les hommcs rajeunissent et 00 i1 n'sst point do fommes. Pen- dant le rajeunissement do son corps, son esprit descend aux enfers par 16 trou do la Sibyle. Il visite les sopt villes do l'Enfer: Orgucuilleuse, Avarice, Luxurc, Enuio, (ville dos ccinss ct SUpUliCCS), Ire s, 2ourmandiso ct Parosse . L ! Enfin, tr rav MP .t la ville dos Vniversites, Panurgo rajmini 22 Cotte Lettre sc trouve incluse dans ll Relation do l'Islo do Bornéo, ls.I., 1807), attribuée a Jabriel Peignot. 23 Le "ouveau Panurge - Avec sa navigation on l'Isle Imaginairo son rajeunissement on icollo, Elle voyane que fit sor esprit en l'autre mondoppendant lo ra eunis cement de son corps. En- sonble une exacte observation dos merveilles par luv veuos baQE en l'un que I'autre monde. (Iafiochello: HiéheIlfiaillard, 10137 s"rive aux Cirn.ps jlysées. Les voyages du héros rabelaisirn no sont pas simploment dos tinés é amuser lo lecteur. ils comportont dos attaques vio- lontes contre la religion réforméo ot aussi contre la Sorbon- no. C'est en cola que l'oeuvro pout nous intéresser. '7 — .. W 2h ; o . Le voyage do hercure, merit on vers octosyllabiques ct publié anonymement par Purotiéro, est sous-titre par son au- teur " satyre". 11 no s'agit pas d'un voyage vers la planoto Mcrcuro comme l'omploi do la préposition "do", au dix-soptiomo sioclo, pourrait lo laisser supposer. Lo "do" est ici simple- mcnt un génitii ot Mercure cs 5t lo dieu Mercure onvoyé sur la terre comme délégué et espion dos Dioux apros que coux-ci eussent ropoussé une attaquo massive dos Titans: 11 falloit avoir sur la terre, Soit on temps do paix ou de guerro, Des Pensionnaires secrets, Ou quelquos Espions discrets Qui lors qu'il so faudroit deffondro Ho les laissassont pas surprendro25 Furetiore renverso on quolque sorte 1e procédé utopique: au lieu que ce soit un voyageur d'un pays familior qui visito dos contrées inconnuos, c'est un étrmiger d notre mondo qui £a+ZEntoine Furetiér g7,L VOyaqe do Mercure, (Paris: Louis Chamhoudry, 1653). R .W. LGibson et J. Max Patrick dcnnent IJno edition on 1659. Col aparait etre une erreur. 2 5 Le Voyage do Mercure, p.2. 33 viont lo visitor et s'étonner do co qu'il y voit. C'est évi- demmont 1e procédé repris par Les lottros porsanos, ot comme dans Les lettres porsanes, Mercure, pour qui tout est nouvoau, critique a l'envi les financiers, les colleges, les doctours en Sorbonne et la cour du Roi-Soloil. Il doit finalement s'enfuir on toute hate pour éviter 1a potence ot romonto narrer son périple aux autres dieux. 26 psru on 1605 est Le récit intitulé Les Hermaphroditos un voyage imaginairo'longuement déveIOppé dans lequol doux frangais abordent une ilo entiéremont peupléo d'hommes offémi- nés ot amoraux. Lo but do l'ouvrage est do présentor une ca- ricature tres poussée do la cour do Henri III. 11 s'agit d'une satire morale et politiqus violento mais sans vraie profondeur. Sans jamais mettre on question les principes do gouvernement, l'auteur reste a la surface dos choses et groups toutes ses critiques auteur du theme central do l'homosexualité. _ 27 Avoc Les moours dos israelites nous nous approchons d'un type d'utopio que Lénolon illustrora par lo Télémaque, c'est d dire l'uchronie ou l'utopio archéologique. L'abbé Fleury con- siders les ancions Israelites do Is Bible comme des étrangers ot non comme des ancétres. Les moeurs dos Israélites comme cellos dos habitants do Salonte ct do 18 bétiquo sont pour lui riches d'onseignemcnts pour les hommos du dix-soptiéme sioclo: 2 . a « . a. 6 (Thomas Artus, sieur d‘smbr , Les IiermaphroditosJ aiscours do Jacophilo i Limno, (3.1., [l 057) ' 2 v . . - . q 7 Claude Fleury, Les Joeurs dos Israelites,(raris: vouvo Gorvais Clouzier, lotl). 3h "nous y pouvons approndre, écrit-i1, non soulement la morale, q, mais encore l'oeconomique 8 la politiqus."ce L'autour cher- che bien dens l'Ancien Testament la clé du bonheur en société et dresse dos comparaisons critiques avec la société fran- eaiso, mais son désir constant do fairs l'apologie do la reli- gion l'ompache dc dévoloppor dans le sons do l'utopio une oeuvre qui possedo cependant dos éléments utopiquos certains. Intércssants aussi dons leurs relations aux utopies sont les traités do politiquo générale ou les projets et plans d'or- ganisation politiques. Les idéos qu'ils expriment sans aucun travesti littéraire sent on relation directe avec cellos dos utopistes. 29 Les traités do Jean Bodin parus i la fin du seiziome siécle ot au début du dix-septiome siécle sont importants pour expliquer certains themes politiquos du dix-septiomo siocle et en particulier la toléranco. En 1623, Emeric Crucé propose dons Lo Eouveau Qynnée3ouno sorto d'assombléo dos Nations Unies avant la lettro. Avec Le Prince31 qui no rappello 28 Les moeurs dos Israelites, p.l. 29 Les six livres do la Républiquo,(Paris: Jacques du Puys 1577); Consilia do principe recto instituendo, (Paris: 16035. 30 Emeric Crucé, Le Nouveau Cynnée, (Philadelphie: Allen, Lane et Scott, 190?7} On croit dfltort que le livre do l'abbéide Saint Pierre est le premier i proposer un projet do paix uni- versolle. 31 Jean Louis de ”uos sieur do Balzac Couvros - _ J I ,2 vols(Paris: Jacques Lecoffro 185M): vol. 1, pp. 5-265. l'o uvre do Hachiavol que par le titre, Guez do Balzac fait lo tableau do Is situation politique de la France sous Louis XIII et a travers lo portrait embolli do so roi exprimo son idéal du prince chrétien. Enfin Le Conseiller d'estat32de Philippe do Bethune est uno longue dissertation sur les moyens d'établir un étst, do lo conserver et do l'accroitre. En dernier lieu avant d'aborder les utopies propromont dites, mentionnons doux oeuvres qui occupent uno place un pou particulidro. La relation do l'Islo Imaginairo,33attribuée d Sograis ot pabliée on 1656, montre uno certaino originalité car elle est une parodio do l'utopie elle-moms dont la maniére pourrait ‘ s'apfaronter a cello do nos chansonniers modernes. oograis pastiche les techniques dos faiseurs d'utOpies et caricature les episodes dos voyages extraordinairos traditionnels: nau- frage, roncontro do pirates et al. Sur un ton constamment bedin l'auteur décrit son pays imaginaire avec, semblo-t-il, l'assontimont, 1a collaboration tacito do son lecteur. C'est, si l'on veut, une utopie au conditionnel dont lo sous-titre fl pourrait otre - "3i j'avais d écrire une utopie ... . Lo Pooucil do inelques memoires servans d'instructions I‘ I 32 Philippe do sethuno , Le conseillor d'ostat ou recuoil dos plus généralos considérations servant au maniment dos affaires publiquss, (Paris: EstiEnno'RioHEr, 1633). 33 [icon Ragnault do Segraig7, La Relation do l'Isle Imagipaqrc ot l'histoirc do la princesse do Paphlqgonic,(Paris: Frault, ppur l'itnblisscment do l'islo d'bdon3u est un curioux optsculo :H;s lcquel lo marquis Henri Du Quesno oxpliquc son projot do fender une colonic do pro ostants dans l'ilo Bourbon, ou Esscareigno, c'est a dire la Réunion actuello. Co projet n'ost pas rosté a l'état d'ébaucho. Toute les diSpositions iuront prises pour assuror ls répartition dos terros ot cons- tituer lo gouvernoment do 1'ile confié a un sénat do douze personncs. Les Etats Généraux hollandais autorisoront Du Queens A armor une flotte qui fut prdte on 1690. Mais la flotto n'apparcilla pas. Comme l‘expliquo M. Sauzier:“Le marquis Icnri Du Quesno abandonna ses rojets parce qu'il apprit que des vaisseaux do guerre partaient do France avec ordro do s'opposer au débarquoment do son expedition i l'ile Bourbon et qu'il no voulait pas s'oxposor a violer le sermont qu'il avait fait au grand Du Quosne, son pore, do no jamais combattre L les Trongaisf35 O G *d *3 O jot trds réaliste d'établicsemont pout nous inté- rcseer cans la mesuro ou l'organisatour a toute latitude pour O "S to CD :5 in] o C) "S as républiquo, ce qui 1o place un peu dans la situa- tion d'un utopiste. Les institutions qu'il propose pourront dtro comparées a cellos qu'imagincnt les utopistes. 3“ (Amsterdam: Henry Desbordes, 1669), oxemplaire unique ap- partenant a N. Th. Sauzier, réimprimé sous lo titre: Unpprojet do républiquo a l'Ilo d'Eden (l'Ilo Sourbpn) on 1689 par le _g9rquis Henri'Du Queens, (Loris: Dufosse,41387). r 3” Un_projet do républiguo,pp. 10-11. 37 Molgré do nombrousoo référoncos aux oeuvres déjfi pré- sontéos, notro étudo portero ossontiollemont sur sopt oouvros. Lm promidro, dons l'ordro chronologiquo, ost l'Histoiro du grand ot admirable royaumo d'Antongil?6 Lo oocondo oot l'fiég- toiro comiquo dos 6toto ot ompiros do lo luno.37 Lo troioidmo l'Histoire comiquo dos étato ot empires du soloil.38Lo quo- 39 triomo est la Torro Austrolo connue. Lo cinquidmo, do boou- coup la plus longuo, ost l'Hiotoiro dos Sévoromboo.uOLo oixio- mo oot l'oouvro bion connuo do Fénolon, loo Avonturoo do T616 moquo filo d'Ulyooo.hl Elfin lo dornidro oouvro t pour titro l'Hiotoiro do Coléjgvo.u2 Loo oouvroo do Cyrono ot do Fénolon no domondont oucuno introduction. Cyrano oot un utopioto pour qui 1'1moginotion jouo un grond r61o. II no oo limito poo I la doocription d'un soul poyo 1moginoiro, d'un point do vuo otrictomont politique; 11 on décrit pluoiouro, un pen on hooord, ot molo 36 I.D.M.G.T. , Hiotoiro du rond ot odmiggplo roxgumo d'An- ' tangil(Saumur: Tfibmoo Portou, 6167. *' 37Cyrano do Borgoroc. publio dans Oeuvres diverses(Paris: Sercy, leh). Bacyr‘no d9 Bfirgorlcg publié dans Oeuvres diverses et les nouvelles oeuvros(Paris: Sorcy, 1661:I§62). 3?§§.br1.1 do Foigni7, Lo Torro Auntrolo oonnuo (Vonnoozaono- vo VornouilZlo Piorro7, 15737. “015.211. Voiroooo], Hiotoiro doo Sévoromboo (Pox-1o, 1677-79). ylL'ouvrogo I été publié por un éditour piroto ddo 1699. ‘uZZEloudo Gilborg7'H1otoiro do Coléjovo (D1Jon:[§ooooyrg7,1700L iNouo utilioorono loo titroo ouivonto: Anton 11,Voyogo dong L! lune, Voyage dono 1o ooloil. 1o Torro Kuotrowlo ,Tévoromboo, ERmoguo , Told jovo . 38 In politique d l'ostronomio at o lo philOSOphio. Solon N. Yuyrr,"l'oouvro do Cyrano fait'ponsor plutdt A un conte féériquo qu'd uno utopie... mais les morcoaux typiquoment utopiques y sbondent, selon tous les procédés du genre: ex- péricncc montalo, extrapolation, inversion, deduction, substi- "#3 tution do postulets, pastichos. Sa vision utOpique ost surtout parodiquo, négativo et critique, mais elle mot aussi en jeu do grands themes do ponséo du dix-septieme sioolo, ‘ l'sthéismo, lo pluralité dos mondes, l'héliocontrismo, l'étor- nité do l'univers. De plus, on poote ot on visionnairo, ignorant souvent les principes les plus élémontaires do la physique, il anticipe les voyages intorplanétoiroa, 1a mon- golfidro, lo parachute, lo phonographo. Lo Télémaquo no pout otro range parmi les utopies aana quelquos precautions oratoiros. L'oouvro, trds comploxo, rolovo du roman d'ovontures ot do 1'6pop6o dans la tradition do l'Iliade, do l'Odzsséo ot do l'Enéido; ollo ost i la fois un pastiche littérairo ot un poems on prose. Maia oopondant, Fénolon-no décrit pas moins do cinq royaumes imaginoiroa qui illustront do diverses maniéres sos principes politiquoa. Co sont: l'Egypte, Tyr, la Créto, la Bétique ot Salonto.hu 43 Ruyor, p. 175. 14'h'En co qui concerns 1e Télémaquo, notre pagination corros- ‘pond I l'édition do Charlos Lo Brun, Philadelphio: Towar, J. & D.M. Hogan, 1830. Los passages qui nous intéressont plus particulidromont sont, pour l'Egypto, livro II, 23-26, pour Tyr, livro III, u9-56, pour la Croto, livro V, 78-82, pour 1o Bétiquo, livro VII, lu3-150 ot onfin pour Salonto loo livros IX, X, XI, XII, ot XIII. 39 La description do Chypro, contenus dans le livre IV et les nombrouses allusions aux royaumos qui ontourentSalonto, affront assoz peu d'intérét car l'élémont social on ost absent. Un point particulioremont remarquablo est l'opposi- tion entro 1'état idéal do la Bétiquo ot l'état r6form6 do Salonto. Los autros oouvros no connaiosont guére la favour du publio. Antangil a été rodécouvort par M. Lachovro on 19.22}LS Lo nom do l'éditour do l'utopio a causé quelquos controversosgué l'auteur rosto inconnu. M. Van Wijngaardon pretend qu'égtgg- .Eil a été écrit par Joachim du Moulin, pore du célébro théo- logien protestant Pierre du Moulin,u7mais son hypothéso no résiste pas a l'analyso. Nous avancons une nouvelle hypothe- so dans l'appendico II, at ossayons do déchiffrer les initia- les derrioro lesquelles so cache lo nom do l'autour. Dans l'épitro dédicatoire, lo narratour oxpliquo comment il est ontré on relation avec l'ambassadour du royaums dflgg tangil: "Il mo print onvio do m'ombarquor sous la conduits do l'Admiral Iaquos Cornoillo Nocq afin do Pouvoir voir d: l'ooil los chosos raros & admirablos que nous lisons on tant d'authours modernos. . . . Or pendant lo soiour que io fai- soie d Bandan. . . il advint un jour que io m'aocoatai d'un MS Cf. l'sppondico do l'ouvrago do Frédéric Lachevro, Los successours do Cyrano do Bergerac (Paris: Champion, 19227, pp o 261‘269 o #6 Cf. appendice II, pp, 21h-217, #7 Cf. Nicolaas Van Wijngaardon, Les odysséos philoso hi uos on France ontre 1616 ot 1789 ( Haarlom:DrufikorijViIEriof, I§32}, pp.ZI-23. Pour*Ies roféroncos suivantos nous no men- tionnerons que le nom do l'autour. MO marchand Italion nommo Francisco Renuchio. . . . I1 mo demanda ... . si ie prondrsi pleisir a visitor l'Ambmssadeur d'un grid Roi Chrétien dever lo Su."h8 I.D.M., 1e narratour, apprond ainsi do l'ambassadeur comment ost organise 1o royau- me. Lo roi oat élu d vie ot severement controls par doux consoils. L'état est soul propriétairo ot afformo toutes les richessos du sol pour trois one an plus offrant et der- nier enchérissour. Lo torritoiro est organise militairoment. Les rosponsablos locaux,"dizoniors", "conteniors" ot "mille- niors" connaissont on détail 1a valeur dos bions do ohmcun. 11 y a deux classes socialos, les nobles et les."riehos du oommun" d'uno part, at lo psuple d'autre part. L'instruotion varie avec la classo sociale mais elle est toujours publiquo ot obligatoiro. L'état paio les magistrats, rocrutés parmi les aavants; la justice est gratuito. La religion officiollo est uno sorto do christianisme qui allie 1a croyance mu meri- te dos oouvros ot lo respect do la hiérarchio ecolésiastiquo a dos caracteres protostants: on no roconnait que doux sacro- monts, 1e baptémo ot 1a cone; on no prio pas les saints; on no prio pas pour les défunts ot on no croit pas au purgatoiro. La Torre Australo Connue parait on 1676, i Genevo, bien que l'édition porte 1a mention Vannoa. Les circonstancos do ls publication sont maintenant bien établios. On sait MB Anton il,£d. 1616, pp. 81, £2, 83. En co qui concerns les citaéions dos textes du dix-soptiemo sioolo, nous nous sommos efforoés do oonsorvor l'orthographo originals. Nous no signalons par [3137'quo loo fautos exceptiennollos qui s'éloignont oonsidérabloment do l'usago contomporain ou qui 'présentont un intérot particulior. hl avec cortitude que l'auteur est Gabriel do Foigny.u9 Gabriel Foigny, qui s'adjuge plus tsrd 1s particulo, est no i Foigny, pros do Rethol, vers 1630. Peut-Btro était-11 parent do Joan ot Simon Foigny, imprimeurs i Roims. Ayant roqu uno solids education, connoisaant parfaitemont 1e latin, Foigny entro dans 1'ordre dos Cordolisrs do 1'Observancs. Sa grando faci- lité d'élocution lo designs comme predicatour; mais son temperament voluptuoux s'acoommodo msl dos rdglos monastiquos. Il quitte 1e royaums et change do religion, 1e 8 mars 1666, devant le consistoiro do Genove. Les écarta do so vio privéo l'obligont d.quittor cette ville pour Lausanne ed il domeuro do 1666 d 1668 ot ed il finit par épousor, pour dea motifs sssoz intéressés, Léa do la Maison, veuvo Ducrost. Nsmmé régent au collage do Merges, 1o 1or mars 1669, 11 s'ongago dans dos polémiques pour défendro son ouvrago les Attraits on service divin. 11 y ost aussi sanctionné pour ivrognorio dans Jo temple. Do 1672 i 1675, Foigny reside do nouvoau d Genovo. Ls Venerable Compagnie demands 1a suppression do son edition dos Psoaumos do Marot st do Bozo. En 1676-77, as déroule lo proces do la Torro Australs. Lo 1or mars 1677, Foigny ot l'imprimeur La Pierre sont incarcéros. Foigny, relSché provisoiremont, doit quittor Genevo avant un moia, mais la decision rosto lottro morto; il roste, sans provoquor do scandalo, jusqu'on 1683. Maia, i cette date, so oorvanto, Joanne Borli, so trouve encointo do sos oouvros. La vie no Cf. Frederic Lachovro, La vie do Gabriel do Foiggz (Paris: Champion, 1922). h2 do Foigny ost d nouvoau passéo au crible par les autorités religiousos. fioigny so retire pou aprés dans un couvent do Savoie, roviont au catholicismo ot mourt on 1692. 11 y a doux parties dans la Torre Australo; la promiéro relate les avontures torrestros ot maritimes du héros Nicolas SO ou Jacques Sadeur avant d'arrivor dans la Torre Australo; la seconds décrit 1e pays austral prepremont dit. C'est la seconds partie surtout qui nous intéresso. Les Australions sont hermaphroditos. Commo Sadeur a aussi co privilege, il n'est pas mis é mort, contrairemont a la coutumo du pays qui est do mettro a mort tous les étrsngors. Un vieillard nommé Suains lui oxpliquo que tout gouvernoment est inutilo car les Australians so conduisent selon leur raison. Le pays ost divisé on quinzo mille unités appelées soizains. "Chaquo seizain contiont seize quartiors sans compter 1o Hob ot les quatro Hobs. On trouve vingt-cinq maisons dans chaque quar- tior, et cheque maison a quatro separations qui contiennont 51 Lo Hab ost un templo, 1o Hob ost, chacuno quetre hommes." 3:18 fois, une maternité ot une école, les Hiebs sont les maisons communes diviséos on quatro Huids. Les Australions vivent nus, so nourrissont do fruits et sont normalomont immortals; ils so donnont volontairomont la mort on absorbent lo fruit do l'arbro do béatitudo, 1e Balf, mais souloment 50 L'onfant Sadeur ost baptisé Nicolas (p. 69, édition Lsche- vro), le titre do l'édition do 1676 porto Mr. Sadour ot colui do l'édition do 1692 porto Jacques Sadour. 51 Torre Australo, éd. Lachovro, Successours, p. 90. Notro paginition de la Torre Australo so roforora toujours au texto établi st publié par M} Lachévro. 1L3 lorsqu'ils ont trouve un lieutenant pour les remplacer dans la société. Ils adorent 1e Haab, c'est—A-diro l'incompréhon- sibls; 1e travail on commun est dirigé; 1a journéo ost divisée on trois parties: "Ils commoncont 1e Sluoc d cinq houros du matin st i1 dure jusques d dix houres; lo Suocz suit, qui duro jusquos d trois heuros du soir, apres loquel est le Spuoc qui finit d huit houres. L'une do ces parties ost pour le Hob et les Sciences, la seconds pour lo travail, la troisiémo pour l'oxorcico public."52 Les conneisssncos sciontifiquos dos Australians sont tros étenduos. Ils ont doux onnomio: dos oisoaux gigantosquos appolés Urgs ot leurs voisins "demi-hommos", c'sst-d-dire non-hermaphrodites, les Fondins. Au cours d'une guerre, Sadeur séduit uno bello Fondine. Devant 1'atrocité d'un tel crime, sos froros hermaphrodites lui domandont do'bsssor d'oxfistor". Maia Sadeur procrastine st finit par s'enfuir sur les ailos d'un Urg apprivoisé. L'autsur dos Sévarambos ost bien connu. Déjd, on 1920, M. Atkinson pouvait écriro:"Thoro can be no doubt that the Histoiro dos Sévarambos is the work of Denis Vairasso d'Alads. The articles mentioned in Merchand's Dictionnaire and in Haag's La France Protestants leave no doubt on this point. A further proof, heretofore mentioned, is the signature "D.V." of tho To the reader of the English version."53 52 Torro Australo, p. 126. 53 Atkinson, Ext. Voy. before 1700, p. 89. uh Denis Veiras, ou Vairasso ou Vairasso d'Alais (ou d'Allais) ost né i Ales entro 1635 st 1638. Fils d'un minis- tre protostant ot lui-moms dostiné 3 1a robe, il est oblige do s'éloigner do son pays natal immédiatemont apros uno rixo avec un do ses voisins catholiquo, st s'engago d quinzo ou seize ans dans les arméss royales. Il combat dans 1e Piémont st, do retour on France auX environs do so vingtioms annéo, il étudio 1e droit, passe son doctorat st doviont pour un temps avocat, sans douto au barroau do Toulouse. Il aban- donne sa profession, aliens tous ses bions ot parcourt la France, 1'A11emagne, les Pays-Baa ct l'Anglotorro. Il so fixe a Londros en 1665. I1 connait ls latin, 1e groc st 1'anglais ot cola apparaitra dens sos oouvros. I1 ost on Hollands on 1672,,commo plénipotontiairo attaché d Buckingham ot 5 Arlington qui, avec Halifax, vont négocisr i La Hays. Il so lie avec Locks, ccnseillor do Shaftosbury. La disgrico do Buckingham ot d'Arlington 1e forco do rentrsr on Franco au momemt cu l'on imprimait on anglais, d Londros, 1a premiers partie dos Sévarambos (1675). Il habits Paris, onsoigno 1o frangais, l'anglais, 1'histoire ot 1a géographio. Il est, un moment, gouverneur dos jeunes comtos do Lichtenstein. I1 public en francais 1a premiere partie dos Sévarambos.en 1677, puis 1a douxioms on 1678 st 1679. On pout avoir quelquos doutos sur ses qualités moralss. Il aurait, selon M. Lachevro, donné un témoignago accusateur ot certainemont rémunéré contro ‘un.de sos amis, 1o colonel Scott, dont 1'ancien Secrétaire i la Marine, Pepys, cherchait i so vengor. Son nom roturior 1L5 lui pass; 11 s'adjudgo colui do so ville natalo, qui s'épo- lait alors Alais ou Allais et non Aloe, sous 1e prétexto d'uno parenté fantaisisto avec un baron d'Allais. Vairasso fréquonte les jansénistos et fait figure do conférsncior mondain. I1 public uno grammairo frangaise on 1681 ot un abrégé do ce manual, en anglais, on 1683. On perd so trace on 1683.5u Le porsonnago qui sort do lien entro la France du dix- septiome siocle ot 1o pays dos Sévarambos, ost lo capitains Siden. En route pour la Batavie, Siden fait naufrags ot, aprss quelquos péripétios, so réfugie choz les Sévarambes dont il apprend 1'histoirs ot dont il étudio les institutions. 55 Sévarias, vsnu do Porso, a organisé 1e pays, 11 y a plusieurs générations. L'orguoil, l'avarice st 1'oisivoté étant los trois grandos sources dos malheurs dos sociétés, Sévarias a conqn dos institutions qui puissont rendre impossiblo ces trois vices. Le chef supreme, appelé vice-roi du soloil, est tiré au sort entrs les quatre dignitaires les plus méritants désignés démocratiquomont. Théoriquement, toutes les riches- sos du pays so trouvent dans les mains du vice-roi qui ost rosponsable do Is nourriture et du bien-étro do cheque citoysn on particulier. Un hiérarchio pyramidalo do fonctionnairoa permet 1e maintiont do 1'ordrs, 1a surveillance du travail Sh Pour 1a biographio comploto do Vairasso, cf. Georges Ascoli, "Quolquos notes biographiques sur Denis Voiras," ‘Melanges Lanson (Paris, 1922), pp. 165-177. 55 On voit que Siden ost 1'anagrammo do Denis ot‘Sévarias colui do Vairasso. C'est pourquoi nous choisissons 1'ortho- grapho Vairasso do préféronce i Voiras. M6 at la distribution dos vivres entroposés dens dos magasins générsux. Les Sévsrambos vivent on commun dens dos batimcnts appelés osmasies. Les Sévarambes sont tous égaux. Leurs enfants, élovés dans la famille jusqu'a l'fige do sept ans, sont onsuito pris on charge per l'état. Le mariage ost obligatoire. I1 n'y a, on Sévarambie, auoun procos civil; il n'y a que dos causes criminelles, mais on no punit jamais do mort. Tous les Sévarambcs font dos oxercicos d'armes do sopt a quatorzo ans st sont incorporés dans dos milicos torritoriales do quatorze é quaranto-trois one. "De plus toute 1a Nation est divisée on douze parties, 1'une dosquelles ost toujours on armss & sort trois mois a 1'armé’e."56 La 'roligion sévarambe unit 1a croyanco persons en la divinité du soleil, au christianisme. Les Sévarambos adorent Khodimbas, 1o roi dos Esprits st son double Erimbaa, 1s roi do lumidro, c'est-d-diro 1e soleil. La tolerance ost do rigueur. "Les Sévarambes ont pour maxime do n'inquiéter personne pour sos opinions particuliores."S7 Caléjava, publié anonymement en 1700, est 1'oeuvre do l'avocst dijonnais Claude Gilbert dont 1a biographio rests i fairs. Les quelquos ronsoignemonts que nous posoédons our lui provionnont do 1'abbé Philibert Papillon,58 chanoine de lo 56 Sévarambes, II, 1, 307. Notre pagination correspond I 11 dzti3n_frzncaiso 1677-79; 1e premier chiffre indiquo 1a partie, 1e second, 1o toms, 1o troisiomo, la page. 57 _1_g_.,II, ii, 28k. 58 Philibert Papillon, Bibliotheque des auteurs do Bourgogno, 2 vols.,(Dijon: P. Marteret,‘17h2), voll I, 2&9. ’47 chspcllo au Niche, A Dijon. On sait que Gilbert ost no lo 7 juin 1652 a Dijon, qu'il a fait dos études do droit et qu'il est dovenu avocat au barroau do la meme ville. Il épou- so Marie Roy lo 15 juin 1700 ot mourt é Dijon lo 18 févrior 1720, spree avoir été un certain temps paralysé. On suit aussi qu'il s laissé un manuscrit intitulé Primus in orbo do- dit logos timor. Apres quelquos sventures sur lesquelles l'auteur passe rapidement, quatro ouropéens découvrcnt l'ilo do Csléjava. Cos voyageurs ont pour nom Christophile, Eudcxo, Alatro ot Samieski. Abraham Christophile ost protestant; sa fillo Eudoxo, dont la mere était catholiquo, suit pendant doux jours la religion do son pore ot pendant qustre jours collo de so more. Son cousin Eugene Alatre est aussi son mari. "Alatro atoit bon Philosophe, bon Mathématicion, & box Juris-Consulto; il méprisait oxtrememont la Theologio Scholastiquo."59 Samieski, originairo do Somos, oat mahométan. L'étymologie dos autros noms est assoz clairo pour qu'on so dispense do l'oxpliquor. Les habitants do Caléjava, les Aveltos, vivent on com- munsuté. Ils sont tous égaux. L'héritage est inconnu chez eux. Ila portent dos numéros ot non dos noms. Ils jouissent d'un bonheur conforms a la nature car ils suivont leur raison en toutes choses. Leur gouvernement ost uno république. Les cent conseillors do la républiquo, oppolés Glébirs, 59 951%11131 PPo 1h-15. Notro pagination correspond l l'ox- omp a re unique do la Bibliothéque Nationals. hB d*mcurcnt au milieu do l'ile. Lour principal omploi est do fair» dos lois. Los onfants nvaitos sont affranchis do l'om- pirc paternal ot sont élovés par l'étst. Lo programme d'on- ccignemont resto sssez vague. Le plus sacré dos devoirs est do so marior. La polygamio ost permise ainsi que lo divorce. Les Avaites, pou soucioux do dogme, suivant uno religion simplifiéo et insistent surtout sur la morale. Il s'agit pour oux do recherchor lo bonheur personnel dens 1o bonheur d'outrui. L'Avsite 753 qui sort do guide aux voyageurs, fait uno critique en rogle du catholicisme. A la fin du récit, lo protostant Christophile et le mahométsn Samioski fuient 1a république hérétiquo tandis qu'Eudoxe et Alatre décidont d'y roster. Voici, rapidomont présontéos, los sopt oouvros sur lesquelles nous fondons notre étudo do l'utopio au dix-soptiémo siécle. His d part 1c Tolémoquo ot les deux oeuvres do Cyrano, on trouve pou do trace do ces utopies dans la littérature du dix-soptiémo siéclo ot dos doux siOclos suivants. Bayle consacrc un article do son dictionnairc i "Sadour"; Prosper Marchsnd étudio longuement les Sévarambos dans son Diction- naire historiqucgéo Caléjava tombo dans l'oubli et,onfin, il faut attendre 1922 pour qu'Antangil soit redécouvert. A la fin du dix-nouviémc siéclo, lo Cyrano de Bergerag d'Edmond Rostand (1898) rend populairo, supres du grand pu- blic, la figure du faux gascon dent les oouvros sortent do 60 2 vols., La Hayc: P. do Hondt, 1758-59, vol.I, 20. #9 l'oubli. Mais d cotto mfmo époqur, un intérét croissAUt pour la: théorics socialistos pré-révolutionnairos orients aussi loo critiqucsvcrs les utopies du dix—huitiémc siécle duxqucllc: sont injustomnnt assimiléos cortainos do cellos du siecle précédent: Ia-Torro Australe ct les Sévarambos. André Lichtonbcrger consacrc quelquos pages 3 la Torre Australc, aux Sévsrombcs ot A Caléjava dans son livre 1e 61 §29ialismc au dix-huitiome siécle. En 1908, Gustavo Lanson donne, a la Sorbonne, unc série do confércncos sur "Les ori- gines ct premieres manifestations do 1'esprit philosophiquo do 1675 d l7u8." Sa logon du 2 svril 1908 a pour titre: "Ma- nifestation du déismc vors 1676: lo roman do la Torre Austrslo et l‘Histoire dos Sévarambes"; cello du 10 décembro do ls meme année s'intitulo:"L'inf1uonce do Fontenollo (suite). Les ouvrages do Marana, Gucudoville ct Claude Gilbert'.’62 M. Lanson s'intérosso aux oouvros do Foigny, do Vairasso et do Gilbert pour leur contribution au dévoloppomont du ratio- nelismo et du déismo. Dans son ouvrago l'Amérigpo et 1o revs cxotiquo dans la littérature frangsiso au dix-soptiomo 6 et au dix-huitiémo siéclo, 3 Gilbert Chinard décélo dons les utopies do Cyrano, Foigny, Vairasso ct Fénolon, l'influenco dos voyagcc on Amériquc ct caroctériso les élémonts exotiquos. En 1920, Gooffroy Atkinson, ancion étudiant do M. Lanson, 61 Paris: Alcsn, 1595. 62 Revue dos cours et conféroncos, vol. 32(1905), 1h5-2h0 ct voi‘j‘fl‘f. 9097 , 210 -250. 63 Paris: Hschotte, I913, 50 public The extraordinary voyage in French literature before lvnw et en 1623 Fr5d(ric Lochdvre fait pornitre les Successeur: do lyrdno do Bergerac, ouvrngo dens lequel il reproduit le texte do l'édition do 1672 de la Torre Austrele, des fragments des Sévorambes et de Caléjevs, ot dens lequel i1 donne, en apnendicc, un réeumé d'Antaneil qu'il viont do découvrir. L'opposition entre les attitudes respectives de RM. Atkinson et Lachévre est bien marquee par M. Pons qui écrit: Tandis que R. Atkinson s'attache surtout d dégager dons ses analyses les themes fondamentaux de ces romans idéologiquos et les éléments constructifs do cette philosophie rotionoliste, qu'il considers surtout dens ces ouvrages,. . . h. Lachevre, au contraire, ost freppé surtout par les éléments do dissociation ou d'ansrchie que représente co libertiniswe et sa force destructive. Pour le premier, le roman philosophique est un devenir plein dc virtualités ou do promesses, pour le second, il est 5 la foi" un phénoméne et un agent ectif do decomposition. u ‘Ir n. Lochevre considere, en effet, Foigny, Vairasso et Gilbert comme des disciples de Cyrano do Bergerac, comme des "liber- tins" dont 1e soul but sereit 1a destruction de toute religion révélée. Par "libertin" M. Lachévre entend "un faible d'es- prit incapable de maitriser ses passions, en d'autres termes un homme rétif d toute discipline intollectuelle volontaire- ment consentie et eyent perdu lo sons dos réalités; un désé- n65 quilibré chez qui 1a sensation l'emporte sur la raison. En.1933, M. Lachévre ré-édite le texte d'Antangil, mais 6h Emile Pons, "Deux points do vue sur le roman philosophiquo en France A l'époque classique," Revue de Littérature Compsrée, 111(1923). 313-320. V . 62 anhévre, Successeurs, avant-propos non paginé. 51 o .o o ‘ o o I 66 cette pULllCQtLOD é tirsge limits est essez rare et, per exemple, 1e Bibliothéque Nationals n'en posséde pas d'exemplai- re. on 1932 H. Van Uijnganrden publie so these les Odyssées philosophiques en France entro 1616 et 1789; son but est de fairs ressortir "que toute cette littérature ost née dos conditions politiques sous lesquelles ont vécu ses auteurs, qu'elle n'est qu'une reaction contre le systems do gouverne- ment on vigueur du vivent des écrivains: plus la détresse gé- nérale est grands, plus la critique est impitoyable."67 Signa- lons enfin que N. ”manuel Von der Muhl a écrit une monographie dos Sévarsmbes : Denis Veiras et son Histoire des Sévarambes Toutes ces études nous ont été tree précieuses pour la lecture et la comprehension des textes. Elles ont permis une familiarité rapids avec la biographie des auteurs et leurs themes do pensée. Cependant, la fréquentation dos editions originales fait apparaitre que les critiques ont souvent lu un peu rapidement les textes, et font 3 leur sujet do nombreuses erreurs, et sont coupables de quelquos negligen- ces. Par exemple, leur pagination est souvent incorrecte. M. Van Wijngaarden donne l'édition de 1677 des Sévarambes comme référenco et aucune do ses notes no correspond i la réalité. En ce qui concerns Caléjava, dont l'exemplaire 66 Frédéric Lachdvro, Histoiro du grand et admirable royaume d'Antangil (Paris: la Conneissance,l933). 67 van Wijngaarden, p. 15. 68 Paris: Drcz, 1938. S2 ost unique, H. Van Mijngaerden fait six orreurs sur seize citations. On s'étonne aussi, aprés avoir travaillé sur l'exemplaire do la Bibliothéque Nationale que H. Lachévre sit pu donner une lecture erronée du now do l'éditeur dfléfl- tangil. M. Atkinson reproche, d'autre part A M. Chinard d'avoir employé le texte expurgé des Sévarambes contenu dans 69 la Biblicthegue des voyages imaginaires; ceci est faux: h. Chinard explique trés clairement qu'il utilise 1'édition 0 Amsterdam : Rogers, 1716.7 M. Chinard, de son c6té, parait avoir parcouru assez hativement la Torre Australe, si l'on en juge par le résumé qu'il en donne. Il telescope les pé- ripéties relatives aux naufrages de Sadeur sur les c6tes d'Aquitaine. Il affirms par exemple, "lo vaisseau fait naufrage, équipage et passagers périssent, sauf le jeuno Nicolas;"71 ceci est inexact car 1e maitre du bateau, Monsieur do Sore, qui est aussi le parrain do Nicolas, échappe aussi au naufrage et réapparait dans la suite du récit.72 M. Chinard écrit plus loin que Sadeur "aurait vécu heureux on Portugal done so situation do domestique ou de parent pauvre, quand allant passer so those d l'université de Coimbre, i1 fut n73 enlevé par des pirates barbaresques. En réalité, Sadeur 69 Cf. Atkinson,_§xt. Voy. before 1700, p. 92. 70 Of. Chinard, Eeve exotique, p. 205. 71 _i_51_. p. 196. 72 Torre Australe, pp. 71-72. 73 Chinard, Réve oxotique, p. 197. 53 accompagnc soulemont lo fils do la Comtesse de Villafranca: "on trouve bon do disposer 1e Comte a des theses publiquss dens l'Univorsité do Coimbra, ou je fus obligé (c'est Ssdour qui parle) dc haranguer a son honneur et de donner ouverturo o la dispute."7u On se domando aussi pourquoi M. Chinsrd écrit que Ssdeur "double le cap do Bonno-Espérsnce su moment do l'équinoxe. C'était pour le moins imprudent; nous devons nous attendre A un quatriéme naufrage qui no manque pas de se produire."7S Le texto de la Torre Austrslg indique expres- soment que tous les capitaines et les pilotes jugorent, 1 meme temps, qu'il ne fallait pas s'exposor é doubler 1e cap do Bonne-Espérsnco pendant les approches de l'Equinoxe, ce qui fit qu'on arréta do demeurer dans co port (anings) jus- qu'au mois do décombre."76 M. Chinard aursit pu romarquer que cette decision justifie seulo 1e long voyage terrestre é trsvors 1e Congo. Le meme genre do negligence se retrouve dans la critique do M. Chinard A propos dos Sévarambes. M.Chi- nerd écrit: "du jour od un citoyen refuse d'obeir aux lois parfaites dictées par Sévariss, il est rejeté de la société, condamné é dovenir le servitour do tous les autres, sans es- 7? poir de jsmsis se réhabiliter." Ceci est totsloment sans 78 fondement; E. Atkinson signalo cette erreur et suggére que 7” Torre Australo, p. 73. 75 Chinsrd, Réve exotique, Po 197' 76 Torre Australe, p. 76. 77 Chinard, Rave exotigue, p. 203. 78 Atkinson, Ext. Vex. before 1700, p. 125, note u8. 5L!» H. Chinard confond pcut-étro les Sévarambos avec les Voyaros fin Jacques Massé, mais 11 no cite pas lo soul passage des Sévnrambos qui eXplique lo recrutcmont dos esclaves: "pour suvcnir au bosoin qu'on a do grams nombre do ces Esclaves, on impose [3i97 un tribu d'enfans a quelquos Nations voisi- nos, 8 on on achopte dos autres Hations, qui quelquofois sont bien aises do so défsire do leurs enfans quand ils en ont plus qu'ils n'en pouvont nourrir."79 Cos inoxactitudes dont on pourrait multiplier les exem- ples n'ont d'autre danger que d'irriter les rares lecteurs qui so ponchent sur les textes originaux at nous ne les signalons que pour mémoire. Nous voulons surtout remarquer qu'aucun de ces critiques no s'intéresse i l'utopie on soi. M. Lichtonberger centre son étude sur le socialisme, M Lansen s'interesse a l'esprit philosophique, H. Chinard recherche les éléments exotiqucs et M. Lachévre pourchasse le libertinage. MM. Atkinson et Van Wijngaarden créent, pour designer les oouvros, doux périphrases 1g hog, "voyages extraordinaires" et "odyssées philosophiques." M. Van Mijngaarden no precise pas co qu'il ontond par cello-oi at M. Atkinson a qualque difficulte a définir cello-1d. Il s'oxcuse de l'imprécision du termo on s'abritant derriere l'usage qu'en fait M. Lansen et avoue: "The term Extraordinary Voyage is merely a label, convenient for the purposes of classification. It implies not of itself, but because it has been so defined here, the 79 Sévsrambes, II, ii, 170. 55 limitations which have been arbitrarily assigned to it."80 En deuxiéme lieu, il est bien certain que N. Lachevre no pouvait considéror Fénelon comme un libertin et un succes- sour ds Cyrano. De méme M. Atkinson a quelque mal a fairs entrer Caléjava dans la catégorie des voyages extraordinaires, 1e récit des pérégrinations des quatre européens se réduisant a deux lignes.81 Eat-i1 cennu Antangil, qu'il aurait rencontré la meme difficulté i faire un voyage extraordinaire d'une oeuvre ou le héres ne voyage pas. Nous ne pensons pas que M. Chinard eat pu davantage trouver une influence américaine dans l'oeuvre do I.D.M.. Nous voyens ainsi que ces études critiques envisagont un nombre réduit d'oeuvres at no les snalysent pas dans leur ensemble mais approfondissont au contraire, un soul de leurs aspects. Voici délimité le domaine do l'utepie dans la littératu- re du dix-septiéme siécle; voici les principales oeuvres situées par rapport i la critique. Remarquons tout d'aberd cuss ces oeuvres occupent une place assez modeste dens 1'his- tn>ire littérairo. Soul le Télémaque peut étre censidéré Ccnmme un chef-d'oeuvre. Mais cela no signifie pas que les utxapies soient i l'écart de la littérature du temps. Au Ccnatraire nous avons vu qu'il est assez difficile d'iseler 1'utOpie ds la nombreuse production remanesque du siécls. 1&5: ouvrages utopiques sont aussi liés aux traités politiques. 80 8 1‘.Atkinson, The extraordinary voyage in French literature Elflzm 1700 to 1720 (Paris: Champion, 1922), pp. 1-2, .Atkinson, Ext. Voy. before 1700, ix-x. 56 Des utopies ont été écrites A divers moments du siécle et non pas soulemont dans lo dernier quart. C'est pourquoi la liste dos oeuvres nous empéche de considérer les utopies comme des productions écrites en fin de siécle et servant seulement do signes précurseurs du dix-huitiéme siicle. Elles appartiennent bien au dix-septieme sidcle par leur date at ferment, dans leur chronologie, uno chaine qui unit les utopies do la Renaissance é cellos du siecle des lunieres. Nous allons voir que c'est bien sur l'analyse de la société frangaise du dix-septiéme siecle que les auteurs se fondant pour dégager ce qu'ils considérent comme les foyers du mal. CHAI ITRE I I Les Foyers du Mal Recherchor les foyers du mal, c'est aller l l'invorso do la démarcho théorique do 1'utopisto; 11 so pout que l'ana- lyse dos oeuvres no révéle pas toujoura les véritsbles faits historiquos qui leur ont donné naissance, n1 lo schéma dia- loctique dont elles sont l'aboutissement. En d'autres termes, il est souvent difficilo do remontor dos résultats aux causes at dos applications aux principes. La logique do l'utopisto pout atre défoctueuso. 11 no presente pas un systdmo, mais décrit plutot la miso en oeuvre d'un systomo, ce qui lui por- mot do masquer les inconséquoncos do so dialoctique. Il Opére, do l'extérieur, uno sorto do plitrago qui cache les faiblesaes do son oeuvre. Ou bien 11 so méprend sur les causes du mal, ou bien 11 no parvient pas i gerder groupé lo faiscoau divergent do see raisonnoments déductifs. 11 y a, dans toute utopie, dos hiatus ot dos failles; il y a des moments cu lo mondo complot, fermé, logique qui nous est présonté, sonne in- dubitablemont faux. Ainsi, pour rechercher les foyers du mal et leur accorder leur justo valeur, i1 faut, tout i la fois, fairs 1s part do 1a tradition utopique, so méfier dos solutions optiques, ot, surtout, rechercher co qui pouvoit avoir uno si- gnification préciae et une valeur humaine pour la lecteur du dix-septiéme sieclo. 57 58 Nous distinguons cinq foyers du mal: l'inégalité, l'sbsolutisme, l'intolérance, 1e luxe et la guerre, mais nous remarquons que les utopistes sont plus idéalistes que réalis- tea 3 propos du premier. l) l'inégalité: L'affirmation do l'égalité entro les hommcs est répétée avec insistence par les utopistes du dix-septiéme sidcle. L'oiseau qui plaids contre Dyrcona déclare par oxemplo: "Je pense, messiours, qu'on n'a jamais révoqué on douto que les creatures sont produites par notre commune more, pour vivre en société... . La premiere et la plus fondamentale loi pour la manutention d'une républiquo, c'est 1'égalité."1 Lo réfor- mateur Sévsries abandonne son premier projet do divisor le pays en sept classes do citoyens. Il reconnait que: "l'Or- gueuil & l'Ambition portant la pldpsrt dos hommes d vouloir s'élever au dessua dos autrea pour les maistriser & rien no nourrit tent cette passion que les avantages d'uno extraction illustro dans les lious ou la Noblesse est héréditaire."2 Sévarias no voulut pas "qu'il y out d'autre distinction que cello dos Magistrate & dos personnes privées; & que parmi ces dorniers l'inégalité do 1'8go decidsst soulsde l'inégalité Voyage dans lo Soloil, p. 20h. Notro pagination correspond i l'odition as Frodéric Lachévre, L'Autre Mondo en los Etats et Empires de la Lune ot du Soleil, (Paris: Garnier, 1932). 2 Sévarambos II, 1, 178. 59 du rang."3 Lo Capitaine Siden expliquo que les Sévarembes "sont tous Nobles & tous Roturiors, & nul no pout reprochor sus autros 1a bassosse do leur naissance, ni so glorifior do la splendour do la sienna.""L Une dos lois laisséos par Sé- varias aprés as mort prescrit "do ne pas permettre qu'il y sit do rang ou do dignité héréditaire."S Toue les Australiens do Foigny sont égaux. Ils sont tous "clés", c'est d dire fréros et no connaissont pas l'ambition. 11 on est de mfime dos Avsites chez qui n'oxiste aucune classe sociale. Gilbert cite Saint Paul pour défendre l'égalité: "Du moment que voue Ctes Chrétiens, vous n'Stes plus Juif ou Grec, esclave cu libre, homme ou femme, vous n'étes tous qu'en J.C. (Ad. Gal III, 2b)?6 11 cite plus loin 1o meme saint sane donner do référenco bi- blique: "J'entends que pour 6ter toute sorts d'inégalité, votre abondance suplée aujourd'hui i leur pauvreté & que reciproque- ment vdtre indigonce soit un Jour soulagée par leurs richesseg & qu'ainsi tout soit roduit dens l'égalité."7 Les habitants do 1a Bétique no roconnaiasont aucune hiérarchie: "ils sont 8 tous libres, tous égaux." Sévarambes, II, 1, 181.. 33., II, 1, 307-308. 1g., II, 1, 192. Caléjava, p. 280. 33., p. 281. a> «a O~ V1 #7 u: Télémaque, VII, 1&6. 60 D'autre part, 1e communisms existe dans les sociétés utopiquos. Par communisme nous ontendons l'absencs do pro- priété individuolls. Une tells propriété est pratiquement inexistante d Antangil. L'état posséds toutes les richesses du sol st d'aillours les quelquos bions meublss ou immeublss que 1'individu a le droit do poaséder sont sévoremont contra- 1és par les dizoniers et conteniors: "il est commidé i chaqus Dizenior civil tant dss villes que villages do rapporter f1- dolement 1a valeur dos bions do chacun."9 Les Australisns no possédont rien on propre: "ils no savont ce que c'est que lo mien et 1e tion, tout ost commun entrs oux avec une bonne foi st un desintsrossemont qui me charmérent,"10 écrit Sadeur dons sos mémoires. La propriété privés n'existe pas non plus chez les Sévarsmbes: "Et pares que les richssses & la propriété dos bions font une grands difference dans la Societé & que do 1d visnnont l'Avarice, l'Envie, les sxtortions & une infinite d'autros maue; i1 (Sévarias) abolit cette propriété do bions, on priva les particuliers & voulut que toutes les terros & les richesses do 1a Nation appartinsent proprement i 1'Etst, pour on disposer absolument sans que les Sujets on psussent rien tirer que cs qu'il plairoit au Msgistrat do leur en dopartir."11 9 Antangil, p. 62. 10 Torre Australe, Po 95- 11 Sévarambes, II, 1, 181-182. 61 Une dos lois do Sévarias conseille "do no pas souffrir que la propriété dos bions tombe en aucune manioro entro les mains des personnes particuliérea."12 Le communisme ost aussi pra- tiqué d Caléjava et dans la Bétiquo. Gilbert écrit: "Disu no nous ayant créés que pour etre heureux ot puisqu'il nous aimo tous égsloment, il veut sutant qu'il ost possible que les bions soient partagés do mes."13 S'il ss trouve qu'une chose soit indivisible ou devisnno inutile uns fois psrtagés, on 1a donne i colui qui pout en fairs 1e meillsur usage. Les Bétains vivent tous ensemble sans partagor les terros. "Tous les bions sont communs; les fruits dos arbros, les legumes de la terre, 1s lait dos troupeaux sont dos richeeses si abondantos que des psuples si sobres st oi modérés n'ont pas bosoin do les portager."1h Ainsi nous trouvons exprimées au dix-septioms siécls uns théorie do l'égalité ot uno théorio du communisms qui dovion- dront les grandee idées militantos, respectivemont, du dix-hui- tiems ot du dix-neuviéme siocles. Il n'y a pas loin I aller pour on trouvor 1'origins. Les voyages extraordinairos s'ins- piront dos voyages tout court, car les innombrablss relations dos Jésuites, dos militaires ou do simples particuliers ren- trant d'Afriqus ou des Amériques, répdtsnt i 1'envi que, dans cos heursux pays, les hommcs sont égaux et sont unis par des 12 Sévarambos, II, i, 192. 13 Calé'ava, p. 157. 1h Télémaque, VII, 1&6. 62 lions do fraternité. Lo communisme ost, do meme, pretiqué par ces bons sauveges qui font irruption dans la littérature: Indions do la Nouvells France, Astiquos, Incas, Australiens. Il rests i savoir si les utopistes donnont i ces deux idées politiques touts leur signification st tout leur poids. Pout-on dire que lo systéms dos classes sociales st 1'exis- tones do la propriété privés apparaisssnt i la lecture comme 1a cause ossontiollo dos maux politiques st sociaux ? Il sem- ble bien que non. Vairasso, Foigny et Gilbert attaquont, cortos, avec quelque véhémenco 1a hiérarchis nobiliairs et la propriété. Fénélon r3vs do Is Bétiqus. Mais,dsns l'ensemble dos oeuvres, l'accent n'est pas mis sur 1'égalité dos citoyens ni sur la propriété collective. I1 y a deux classes sociales i Antangil st sopt d Salonte. Si dans l'état idéal de la Bétiqus la propriété n'existe pas, elle est au contraire tree réglomontée dans l'état réformé do Salonts: "Pour tenir votrs psuple dans cette moderation i1 faut régler dds d préssnt, l'étondus ds 1a terre que cheque famille pourra possédsr. Vous ssvez que nous avons divisé tout votrs psuple en sept classes, suivant les différsntss conditions; 11 no faut por- mettrs d chacun, dons cheque classo, do no pouvoir posséder que l'étendus do terre absolument necessairs pour nourrir 1e nombre do personnss dont elle sera composes."15 0n pout avoir aussi quelquos doutes sur la pureté do 1'idéa1 égalitaire do Vairasso quand on pense que 1'état do Sévarsmbis sst fondé 15 Télémaquo, XII, 215, 63 our l'osclavage. N'syant ni femme, ni possessions, les Aus- tralians no connaissent ni l'avarice, ni l'ambition. Ils n'ont aucun problems i résoudrs car leur hermaphroditisms leur facilits singuliorement la vie. Comma 1a remarqus M. Chinard: "lo regime politique dos Australiens est soulement applicable 3 des peuplos qui préssntent cette particularité do constitu- tion ce qui diminue notablement 1a valeur sociale ds cette l6 utopie." M. Lichtenbergor, qui étudie 1e socialisme, con- clut sa breve analyse do la Torre Australo par cette courts phrase: "nous no sommes pas ici dans 1e domains do Is réalité."17 A propos dos Sévarsmbes, il écrit: "La critique do la propriété so borne i quelquos objections d'un carsctore moral, st l'orga- nisation pratique do cette scciété communists, dans ls détail do la production et de la consommaticn, est fort vagusment in- 18 diqués." La réacticn do M. Lichtsnberger nous parait on tous points justifies. 0n trouve par aillours dons 1s Télémogug une défsnse et moms un élogo dos classes sociales: "Rég1es les conditions par la naisaancs, recommande Mentor, mettsz au pre- mier rang ceux qui ont une noblssse plus ancienne st plus éclatante."19 Il justifie cette mesure en ajoutant: "ceux qui ssront 1e mérito ot 1'autorité des emplois ssront assez contents do venir aprés ces illustres famillos, qui sont dans 16 Chinard, Rove exotique, p. 198. 17 Lichtonbergor, Soc. au XVIII‘siécle, p. no. 18 gg., p. 39 19 Télémaqus, XII, 207. 6h uno si longue possession dos premiers hcnnours."2O Ce réa- lismo politique n'a rien do tros liberal mais il correspond bien d 1'attitude d'un noble du dix-soptiéms sidcle. Pour lui, 11 est certain que "la distinction htmcins expcsés d l'envio est cello qui viont d'une longuo suits d'ancetres."21 Ces éléments d'égalitarisms st do communisms perdent une partie de leur velour quand on les replace dons leur contexts. 0n pout dire qu'ils no découlent pas ds 1'ana1yse critique do 1a réalité historique. Aiguillés par les récits de voyages, les auteurs sont revenue 3 do vieillos formules utopiques. Le communismo so trouve déjd dans la République do Platon st 1'égalitarisme est, avec 1e communisme, un trait permanent dos aspirations utopiques du Moyon Ago, do la Jerusalem célesto.22 Les utopistes du dix-septiéme sioclo voient dens les institu- tions égalitairos et communistss un moyen do perfectionner 1 homme on tent que citoyon. Le raisonnomont do Vairasso ost significatif a cot égard: 1'ambition ct 1'evarice sont né- fastes A la société; par consequent on supprimant les classes sociales et la propriété on supprime 1'smbition st 1'svarico; on pout ainsi améliorer 1'hommo on tant qu'animal social et, ea faisant, améliorer la société. L'égalité ot 1e communisme sont dos moyens do simplifier 1'utopion et do lui enlever dos 20 Télémaque, XII, 207. '2 1 i§., XII, 207. 22 M. Ruyor, p. 150, écrit "La condemnation dos riches égoistos, ct méme, théoriquement, do Is prOpriété privés au nom do l'idéal évangélique, est fort notto choz Saint Ambroise st Saint Jean Chrysostome". 65 rcssorts qui 1e feraient agir dans un sens contraire au bon- heur de la communauté. Llidéal communists ot égolitairc est posé dans l'abstrait, sans qu'il ait aucun rapport avec la réalité. Les utopistes brfilont les étapcs, court-circuitont les phases disloctiques ct décrivent un idéal dont 1a contem- plation est asscz stérile pour qui vcut trouvor uno vision critique do la société contemporaine ou dos romédes d cello-Ci. On s'attendrait a co que l'suteur d'une utopie égalitaristo ot communists 1a justifio par dos arguments économiques: il n'en est rien. Cos themes militants sont introduits, dan- gerousoment, par des utopistes qui n'en mesuraiont pas 1a fé- condité. Il est important do les mentionnor car ils ssront ropris tros souvent au dix-huitiome siécle, mais la mise en avant do ces principes d'égalité st do communismo no doit pas fairs perdro do vuo les éléments utopiques moins sensationnels qui so rapprochent beaucoup plus do l'analyso critique du sioclo. 2) l'absolutisme: I1 y a do Is part do Foigny ot do Gilbert un rsfus ot uno crainto do 1'autorité politique. Le pouvoir corrompt colui qui l'exerce ot i1 serait souhaitable que personne n'ait do pouvoir politique. Les Australians so gouvernent aux-memos selon les principes do la raison sans qu'aucun d'eux n'ait do pouvoir sur l'autrs. A Caléjava 1o pouvoir legislatif et oxécutif est dans les mains do cont conseillers de la Répu- bliqus appolés Glébirs. Coux-ci usont do leurs pouvoirs avec beaucoup do circonspoction; ils font dos lois et "ils les 66 preposont aux deux Caludos ou Intondans do cheque habitation, & coux-ci on parlont aux particuliers, qui sprez on avoir conféré entro eux, leur disent leurs sentimens & leurs rai- sons 3 la troisiéme pleine lune."23 Le pouvoir est d'autant plus dangeroux que colui qui l'oxerce est, déjd, par 1Ui-m6mo, puissant ot hors du ccntrdlo ot do la portée du psuple. Dans 1e royaums dos Oisoaux, lo roi élu est une colombo. Dyrcona, qui pense so mettro a ge- noux on voyant arriver un aiglc, so fait sormonner par la pie qui lui sort do guide: "C'cst une imagination do vous autres hommcs qui, a cause que vous laissez commander aux plus grands, aux plus forts ot aux plus cruels do vos compagncns, avez sot- tement cru, jugoant do toutes choses par vous, que 1'aig1s nous devait commander." Les choses sont différentes choz les oiseaux: "nous no choisissons pour notre roi que lo plus faibls, 1o plus doux, 1e plus pacifique; encore lo changcons-nous tous les six mois, et nous 1e prenons faible afin que lo moindrs d qui i1 aurait fait quelque tort, so pflt vengor do lui." Les abus do pouvoir sont rondus totalement impossibles: "Chaquo semaine, 11 (1e roi) tient les Etats, ou tout le mondo est requ i so plaindrs do lui. S'il so roncontre soulemont trois oiseaux mal satisfaits do son gouvernement, 11 on est dépossé- dé, et 1'on procéde i une nouvelle election." Lo roi est d tous moments 3 1a merci du psuple. "Pendant 1a journos que 23 Caléjava, p. 69. 6? durcnt les Etats, notre roi est monté au sommet d'un grand if sur le bord d'un étang, les pieds et les ailes liés. Tous les oisosux l'un apros l'autre passent devant lui; si quolqu'un d'eux lo sait coupeble du dernier supplies, il pout lo jetor d 11037-1."2LL A cotto plaisante maniore do controlor lo pouvoir central dens lo royaums solairo, correspond, d Antangil, uno constitu- .tion qui limite considérablemont los pouvoirs du monsrquo. Le roi élu ost sssisté do deux assembléos. Lo monsrquo no so fletto pas do tonir son mandat do Diou ni do Justifior sos dé- cisions per son bon plaisir. I.D.M. qui choisit do fairs sen utopie une monarchio s'on expliquo on cos termes: la plus grando difficulté . . . fut d savoir si on dovoir osliro un Roy, ct quollo suthorité on lui dovoit donnor. Les uns absoluoment n'on vouloiont point du tout, dissns que s'il ost ainsi que les hommcs qui sont sous la puissaneo dos loix pour la mauvaiso inclination de leur nature corrompue no laissont, pour la crainto d‘icellos, do fairs mal ot do so laisser glisser i toutes sortos de vices, combion qu'ils voient los chastiomens préparés de- vant leurs youx, que sera-co done d'un Roy, di- soiont-ils, qui n'a rien par dossus lui ? Il est certos difficilo et prosque impossible qu'il so com- porte comme il doit, alleguans 3 co propos d'uno in- finité d'oxomplos do Royaumes leurs voisins, aux- quels i1 no s'ift vou aucun bon Boy on quatre ou cinq cont ans. 5 On rstrouvo les memes argumrnts dons Les Némoiros Servans d'Instruction pour l'Btablissemont do l'Islo d'Edon, d'uno commune voix, nous avons élu . . . pour etro notre Chef ot Conductour do notre République . . . 2“ Voyage dons lo Soloil, p. 200. 25 Antannil, p. 29. M. Van Wijngsardon a tort lorsqu'il écrit d prOpos d' ntangil: "Nulle part son auteur n'attaqua lo systémc Couvernemcntal on viguour". (p.uu.) 68 De plus comme 11 est impossible 3 un soul bomme do supporter un si grand poids; ot que memo il est dengoreux que commottant d un soul l'sutorité su- preme, 11 no vienno enfin d on abuser; Nous avons jugé d propos do choisir douzo dos plus ssgos ot dos plus avisez d'entre nous . . . pour aidgg notre chef dens lo gouvernoment do ls Républiquo. Le roi d'Antangil n'a pas d'autorité réollo. Lo Consoil dos Etats ot 1e Sénst détionnont presque tout le pouvoir. En co qui concerns lo premier, "11 foust ordonné, trois hommes si- gnalez, prudents sages & advises do chascuno province, scavoir un noble, un citoion do villo & un pour les bourgs & villages losquols asseblez feroient lo nombre do trois cents & soi- xanto que l'on nommorsit 1o corps dos Estats généraux."27 Les députés sont élus pour un an et doivent résidor i Sangil, capitalo du pays. Le Conseil dos Etats renseigno 1o roi sur toute question intéressant 1a ehoso publique; il onvoio les ordros dans les provinces ot on recoit les doléancos; 11 pout surtout rojotor los décisions du roi ot du Sénst. Dans un style assoz diffus, I.D.M. oxpliquo l'éloction et les attributions du Sénat: 11 so résoluront done d'éliro cont grands & scavants psrsonnagos les premiers du Roymlme, non on riches- ses, credit & pouvoir mais on suffissnco & bonté d'esprit, amateurs du bien public plus que do lour particulier, estans au moins sages do quaranto ans, d'autant que la jeunosso n'ost nullement proprs I gouverner mais plustost A précipiter, combien qu'il s'on puisse trouver do modostos, sages & advises, 26 Un Projet do Republiquo i l'Ile d'Eden, p. 6h. 27 Anton il, pp. 21-22. 69 toutofois cola et fort rare, & no pouv€t avoir l'cxporionco que lo temps & les affaires donnent, & d'autant que le Roy‘& co conseil no doivont fairs qu'un soul corps & que sans icelui, i1 no pout dis- poser do cnosos impprtantos d l'Esggt, on le nom- mast conseil oo sa Majeste Royals. Los Sénateurs élisent 1e roi et lo vice-roi, possodont le droit do paix et do guerro, nomment ot chétiont les juges, concluent les alliances. 'Lours décisions sont toutofois sou- mises d cellos du Consoil dos Etats pour tout co qui toucho a l'intérét dos provinces. Il rests, on fait, pou do chosos au roi: il préside 1e Sénst, recoit les ombassadours, ot com- mando l'armée, assisté do dix sénstours. Lo vies-roi pout lo remplscor lo cas échéant. Tout on étsnt sristocratiquo et tres conservatour, lo re- gime politique d'Antangil congu tout au début du sidclo no laisse pas d'Stre assoz révolutionnaire par la critiquo do la royauté qui s'y trouve énoncéo ot par l'établissomont d'un sys- témo constitutionnel ou lo monsrquo est élu. On pout croiro que lo passage sur lo roi, cité plus haut, ost rosponsablo du camouflage do l'édition do Saumur.29 Cetto critiquo directs de la royauté do droit divin pout étro rspprochée des pamph- lets régicides qui circulaient on grand nombre i la fin du régno do Lonri III. Au moment do la réunion dos Etats Géné- roux do Blois on 1588, tout lo psuple faissit, on offet, front contre le monarquo. Au début du dix-septiemo sieolo, dos 28 Antan 11, pp. 23-2u. 29 voir Appendico II, p. 217. 7O idécs républioainos, nourrios do l‘osprit dos démocrsties grecques, étaient tros répanduos dons lo pays. Apres Henri III on 1589, Henri IV, on 1610, sera 1a victims do co dis- crédit do l'idée monarchiquo.30 Solon M; Gaxotto "lo meurtrior Ravaillac avait cru fairo oeuvre sainte. Les prédicatours gui avaiont achevé do lui brouillor la tEte, n'aveiont point par- lé autrement que les moinos liguours qui avaiont armé Jacques Clémont",31 Cotte méfianco vis a vis do la monsrchio héréditaire et absolue so rotrouvo dans les institutions do la Sévarsmbis. Les attributions du vice-roi du soloil sont cellos d'un v6- ritablo dictatour, mais sos décisions sont influoneéos ot controléos par uno hiérarchio compliquéo do fonctionnairos. Lorsquo Sévarias so voit offrir lo pouvoir, il refuse le titre do roi. La voix miraculouso qui est consée rapporter les ps- roles do Diou déclare que Dieu no voulait pas que Sévarias fut roi "pares que nul mortol n'était digne do comandor souvorai- 32 nemot 5 un psuple," C'ost ainsi que Sévarias portera non 3O Voir Pierre Caxotto, figstoiro dos Francois, 2 vols. (Paris: Flammarion, 1951). Vol. II, p. 18. "L'onnéo’lS72 marque uno date dans le dévoloppomont do la pensée politique francaiso. Il semblo que l'horreur do Is Saint Barthélomy sit rompu lo charms monarchiquo . . . . Cotte fois, c'ost l'institution monarchique q1i ost discutéo. Pas soulemont dans des pamphlets, qui sont in- nombrablss, mais dons dos livres graves, longuoment médités, do ces livres dont l'importmnco so fait sentir pou i pou. A l'origino, la royauté, n'était-ollo pas éloctivo ? Entro le pouplo ot lo souvorfi.n n'existo-t-il pas un contret tacito @li limits lo pouvoir du roi et donne au psuple lo droit do révolte, si lo contrat ost violé . . . ?" 31 Gaxotto, p. 59. 32 Sévarsmbos, II, i, 166-167. 71 pas le titre do roi mais colui do vice-roi. Dans lo chapitre "hos loix, hoours & Coutumos dos Sévarsmbes d'aujourd'huy,"33 Vairasso donne uno vuo d'emsemble do son.systéme. Lo vice-roi est tiré au sort ot décide lui-memo do démissionnor quand il so sont incapable d'assumor sos fonctions:"lorsqu'il s'agit d'éliro un Viceroy, le grand Consoil choisit do son proprs Corps quatre porsonnos qui jottent au sort entr'ollos; & colui a qui la figure du Soloil échot, est par 13 déolaré Chef, comme par le choix do co bol astro."3u Les nombroux magistrate ot fonctionnairos sont tous élus par la pmuplo: "tous eoux qui sont olovez aux Offices, lo sont promiéroment par’lo choix Ru Fouple dons cheque Osmasio."3S Tronto Bromasiontos constituent lo Consoil d'Enbas, vingt-quatre Sevarobsstos, élus par at por- mi los Bromasiontos, composent lo Sénat ou le Grand Consoil d'Etat. Les provinces sont dirigées par dos gouverneurs. Les chefs d'osmasios, les osmasiontas, sont aux-memos assistés do lieutenants appelés derosmasientas. Tous les citoyans sont rigourousomont surveillés par les fonctionnairos mais, on re- vancho, ils jouent un r616 important dans le gouvernement du pays. Les lois guident los magistrats ot non lo bon plaisir du prince. "En effet, il n'ost point do Monarquo plus sbsolu que 33 Sévaranbos, II, 1, 271-312- 3“ 351., II, i, 2711. 35 33., II, ii, 275. 72 sent les louverreurs do toutes les Villas do cette Tation 0 od tous les bions . les interests publics sont commie d leur conduits, 9 on leurs ordres sont ponctuellomont observes, pourveu qu'ils soient selon les Loix osteblies."36 Le carac- tore complexe du gouvernement est résumé par l'auteur: " on trouvera que cot Etat est une Nonarchie successive & despo- tique, mosléé d'Aristocratie & do Démocratie."37 Dans lo Télémaque Fénelon no suggére pas l'institution d'assemblées élues comme i1 lo fait dans les Tables do Chaulnos,38 mais i1 insists sur la notion do loi at sur les devoirs du monarque. Le roi "pout tout sur les peuples; mais les lois peuvont tout sur lui. Il a puissance absolue pour faire lo bien, et les mains liées pour faire lo mal . . . Ellos veulent qu'un soul honme serve par so sagesso at par sa moderation a la félicité do tant d'hounes."39 Les sages do 36 Sévarsmbes, II, ii, 273- 37 351., II, ii, 273. 38 On soit que les Plans do Gouvernemont appolés d'habitudo Tables do Chaulnes, du bourg do Picardio ou ils ont été con- certés avec le Due do Chevrouse, dovaient étro proposés au Duc do Bourgogne devonu dauphin i la mort de son pore. Voir Fénelon, Ecrits et Lettres Politiguos, Introduction et notes do Ch. Urbain, (Paris: Bossard, 1920). On lit par exemplo: "50 Btsblissomont d'Etats généraux . . . Composition: do l'évéque do cheque diocese, d'un soigneur d'ancienne et haute noblosso, élu par les nobles; d'un homme considerable du tiers état, élu par la tiers état . . . Election libre: nulle re- commendation du Roi." pp. 103-1ou. 39 Télémaque, V, 81. 73 JrOic affirment que "coux qui ont dans leurs mains les lois pour gouvernor les pouplos doivont toujours so laisser gou- vernor aux-memes par les lois. C'est la loi, non pas l'hommo, mli doit régner.“+0 Le roi no jouit pas do privileges. I1 no doit "rien avoir au-dessus dos autros, excepté ce qui est necessaire ou pour lo soulagor dans sos pénibles fonctions, ou pour imprimer aux psuples le respect do colui qui doit soutenir les lois.""1 Sa conduits doit étro irréprochablo pour servir do models au psuple. Ce sont ses qualités hu- mfl.nos qui haussont lo roi au-dessus dos autres hommes. "Il no doit point avoir plus do richosses et do plaisirs, mais plus do sagesse, do vortu, ot do gloire que lo rosto dos hommos . . . c'est su psuple qu'il doit tout son temps, tous ses soins, toute son affection.""2 Lo pouplo est lo déposi- taire do la puissanco royals qui est fragile at éphémére. Idoménée, choose do son ile par son psuple, aprés avoir tué son file, témoigno do la précarité do la condition royals. "Quel exemplo terrible no suis-je point pour les rois . . . Ils s'imaginent n'avoir rien a craindre a cause do leur élé- vation au-dessus du rests dos hommcs, ct c'est leur élévation mémo qui fait qu'ils ont tout a craindre.""3 La monarchie "0 Télémague, V, 90. "1 3g,, v. 81. L12 ‘12., 1V7. El. "3 id., Ix, 16a, 7h fi'nst pas un droit divin pour Fénolon; elle pent étre élec- rive: par example les Crétois élisent un nouvcar roi apres lo départ d'Idoménée, ot elle n'est pas forcémont héréditaire. t" (D roi rcste toujours le délégué du psuple. "Nines n'a vou- lu que ses enfants régnassent spree lui qu'd condition qu'ils régneraient suivant ses maximes. Il aimait encore plus son psuple que sa famille."""'L Comma l'écrit M. Ruyor: "Cot évéquo veut laicisor, en un sons, 1a royauté, ou revonir 3 la concep- tion ancienne du roi possessour do tous les bions do son royaums, et non pas "oint du Soigneur." Le roi n'ost pas, pour lui, un représentant do Jéhovah . . . c'est un sage qui écoute 1a voix de la ssgosse antique."LLS Dans leur ensemble, ces utopies mettent on question l'ab- solutisme tel qu'il s'est dévoloppé on France au dix-septiéme siécle sous l'influence do Louis XIV. Dans les utopies qui sont dos monarchies, lo droit divin ost rojeté. Lo roi ost choisi par le peuplo. Il lui apportiont do gouvernor selon dos lois qui le dépassent et qu'il n'a pas lo pouvoir do chan- ger. Le roi n'est pas absolu; il est assisté do conseils élus démocratiquoment. La monarchie no doit pas stro héréditairo. Lo roi no doit fairs 1'objot d'aucun culte particulier. I1 est un homme comme les autres et qui doit servir do models 1 son pays. On a souvent 1'improssion en lisant l'ensemble do "A Télémague, V, 85. "5 Ruyor, p. leu. 75 cos utOpies que ces regimes monarchiquos constitutionnols pourraient facilement otre remplacés par des regimes répu- blicains présidontiols. Les utopistes croiont que le pouvoir use et corrompt nécossairement colui qui l'oxorce. "Sachez que los rois s'usent toujours plus que les autres hommes", ditMontor."6 L'oxsrcice dangoreux du pouvoir est limité ot contrdlé par l'action directs du psuple. Dans les Sévaranbes et lo Télémaquo on pout voir lo prototype du despots éclairé tel que lo revere Voltaire au siécle suivant. Les utopistes du dix-septiémo siocle s'opposent beaucoup plus vivement que ceux de la Renaissance a l'absolutismo po- litique. Alors que les oeuvres do 1a Renaissance présentont un pouvoir bionveillant et paternal dont l'étenduo ost asses mal delimitée, les auteurs du sioclo suivant pénotront beau- .coup plus avant dans le detail du gouvornemont ot prévoiont avec minutie l'oxorcico du pouvoir et la representation po- pulaire. Aux principes politiques s'sjoutent dos rocottos pour le bon fonctionnemont du pays. Cotte croyanco en la vor- tu dos institutions, si caractéristiquo du dix-huitiémo sio- clo, dénote chez les utopistes du dix-soptieme siéclo une ma- turité politique et un sens pratique dos problémes sociaux plus grands que chez les auteurs do la Renaissance. On pout penser que les utopistes du dix-septiémo siocle ont puisé dans les oeuvres do Bodin, do Guez de Balzac et do Philippe "6 Télémaquo, IX, 160. 76 do Béthuno un intérfit pour les probldmos pratiques do gou- vernement. Au paternalisme politique do 1a Renaissance, les utopis- tes du dix-septiéme siécle opposent un état organise on fonc- tion do 1a structure at dos besoins de la nation. Ils dis- tinguent nettemont les doux idées d'état et do nation. Cot état pout étro une république, uno monarchio éloctivo ou une monarchie constitutionnolle. La nature méme do l'état ost dé- terminéo par la nature du pays, par ses caractéros geographi- quos et ethniquos. On trouve en quelque sorta, dens cos uto- pies, uno ébauche do 1a théorie dos climats. Enfin, 1'apport 16 plus important parait étre l'importanco donnée aux lois: Vairasso ot Fénelon surtout affirment que la soumission aux lois est lo premier dovoir do l'état. Bion que la loi soit considéréo comme un rapport et non comme un absolu, elle sort do base a toute forms do gouvernoment. 3) 1"ntolérance religiouso: Laissant do cdté pour 1'instant la critiquo religiouso que nous abordorons au chapitro siivant, nous voulons souls- ment montrer que tous les utopistes so font les avocats do 1a toléranee. Mdlhourousoment Fénolon choisit do no pas par- lor do religion dans le Télémaque. A peine fait-11 quelquos allusions aux rites grocs pour ajouter a la couleur locale et a peine donne-t-il, par la boucho do Mentor, quelquos con- seils généraux: "Surtout, 6 }recs, aimez ls religion: lo 77 route mourt; elle no mourt jamais."u7 C'est aillours at par example dans les Tables do Chaulnos que nous devons chorchor l'exprossion do son idéel do tolerance.)+8 La religion dos Australians so réduit é l'adoration muotto d'un diou incompréhensiblo qui no pout étro l'objet d'sucune discussion ni d'aucuno priéro: "on lo suppose ot on l'honoro portout avec tous les respects imaginablos, mais on élévo la jounosso é l'adoror sans en parlor, ot on la persuade qu'olle no saurait discourir do ses perfections sans l'offen- sor."1+9 En Australio, chacun est libre do réglor 3 ss guise sos rapports avec Diou. On lui domande soulomont do no pas empécher autrui do faire do meme. Co refus do discutor ls nature at les attributs de Diou, ot do fixer un dogma rend impossible les conflits d'opinions. Avent d'etre sdmis i Csléjsva, il faut que les voyageurs "soient persuadés do l'existenco d'un Diou, do l'immortslité do l'flmo et des poinos ot récomponsos do l'autro vio."50 M7 Télémsquo, XII, 21h. “8 Cf. Ecrits et lottros politiques, p. 106. "Egliso por- mise et autoriséo dans un pays, y devrait étro encore plus libre dons ses fonctions. Nos rois laisssiont les protestants, on France, libros pour éliro déposor leurs pasteurs; commis- saires aux synodes. Le Grand Turc laisse los chrétiens libre: pour élire déposer leurs pastours. Hottant l'Egliso en France au mémo état, on aurait liberté qu'on n'a pas d'éliro déposor, sssembler.- protection du Prince doit appuyor, faciliter, etc... non genor ot assujettir." Ls ponctuation est cello do Fénolon. “9 Torre Australo, p. 108. 50 , Calojsva, p. 32. 78 Rois aucune contrainte n'est oxorcéo our oux: "il faut qu‘ils soient conveincus do cos verites par dos reisons solides et . r n51 - naturollcs ct non per l'autorite. Leur cults ost d'aillours trés roduit: "i l'égard du culte oxtériour do 18 Religion, les Avaitos on out pou pour atre les vreis adoratours dont Jesus- Christ parloit e la Semaritsine quand il lui dissit: quo Diou est un esprit & qu'il feut qu'il l'edoro on esprit & sans rJ fointe."92 Eudoxo et Alatre, dens leurs longuos discussions avec Christofile, Samieski ot l'Avafto, préchent la tolérsnco et pensent que toutes les religions tondont i pou pros vors lo meme but qui est une vie morale. Alatre déclsre: "ainsi quand nous prendrions un hérétiquo pour notre ennemi . . . nous sommos obliges é l'aimer & a lui faire du bien: Pour nous on montrer l'exomplo J.C. n'hésita pas d fsire du bien a la Canenéene preferablomont aux Juifs."53 Le groupe dos voyagours symbolise d'sillours, lui-meme, un idéal do tolerance puisqu'il comprend un mahométsn, un déisto, un protestant, ot Eudoxo qui so portage entre la religion catholiquo ot la protestanto. Il est caractéristique que la religion d'Antangil s'ins- pire A la fois du catholicismo ot du protestantismo. I.D.M. qui, quelque soit son identité, a do connaitro les guerros do religion, considére comme uno chose oxtrdmoment souhaitsble 51 Celéjava, p. 32. 52 53 .‘o, 13. 25h. id., p. 291. l 79 e Vous les utOpicns puissant s'ontondro sur uno religion ‘Vigre. Il y a un peu do naiveté dens lo fait que lo reli- vion idéale n'est on réalité que lo justo milieu ou plutdt lo milieu géométriquo qui aursit quelque chance do mottro tout le mondo d'accord. Le peix religiouse appsrait conmo un.idésl é l'autour réformé d'Antangil comme é sos coreligionnsiros Foigny et Vairasso. La religion d'Antangil a un but poli- tique, colui d'empéchor ot do rendre inutile la formation de sectes et lo développoment do querelles religiousos. Le dogme reste assez vague pour satisfaire tout le monde. Avec quelquos concessions mutuelles, les catholiquos ot les protostants pou- vont embrasser la religion antangilienne. "iremiorement ils no croiot que deux Secremens, scavoir est, le Baptosmo e la saincte Cone. . ."Su ceci sppartiont su calvinisme ainsi que la maniere do prior ot lo refus du pur- _atoire. On prio aucunoment pour les doffuncts, no croisns "1 point cesto chimére do Purgatoire, ni qu'il puisse fsiro au- cune satisfaction par do 13, car 15 ou il n'y a plus do quoi paier do quoi peuvent-ils satisfairo ? Et si oux mosmos no pouvont contentor leur Créancier, comment les autres paio- ront-ils pour eux.SS On no prio pes non plus les saints: "La priere dos Saincts trospassez n'est aussi non plus on usage, d'autant, disent-ils, qu'il nous est doné un soul Advocat du Pore, pour interceder pour nous, loquol promot nous exaucor W n 2h Antangil, p. lc2. ff 2) id., po 183. toutes fois 8:1pnintes que nous lo fiflxnxmis on son Nona"; ’ J' ztres CO cessio: s sont Iaiics su protestantisme, dens cette H critiquo dos oruene nts, les artar iliens n'eians images, sta- tues, ni re :re sentotions lens les te2uolos ni aus i dohors, hormis lie. croix , pour merquo et souvonence do la mort 6c Tassion do nostro Sci "heir TCSLs-JIT: fl iton pour l'adorer." De mEmo: "Ia Cerosme, Vendredi E Samodi, n'y sont observoz, mais ohescun mango do co qu'il lui plsist indiffcromnont; la bOJVJLcr o 8 lo poisso nnorie estens ouvertos on tout-temps r1 suivant la doctrine do l'Apostre." Meis d'outro port les Antsngiliens croiont aux méritos dos oeuvres comme les cotholiques: Ils croiont que sens les oeuvres nul no pout ostro seuvé, & qu'il les feut necesseirement fairs qui veut pervonir 5 la vie oternello, d'autant que bien que co soit la miséricorde do Diou qui soit ls cause efficients do selut cstfit miso on liberté per lo lavoment du Beptesmo, si ost- -co qu'il requiert les bones oouvros, comme ostans signs at marque ne- esseire do la vrai foi (laquolle comme dit Sainct loq2os opero par bonnos oeuvre 3%? promettsnt remu- norer jusques a un vorro d eau. Ls hiérsrchie trds complete set aussi d‘inspiration catholiquo quoiquo les prétros aient l'autorisstion do so marior. Il y a un évoque den 8 cheque copitslo dos cent vingt provinces, un HF a1snt" ou "archiprosto" do dix en dix peroisses ot .... 56 S7 58 S9 Antangil, p, 183. q Cog, p. 1814-. Ho 1., p. leu. It”: I A id., p. 182. 81 4i ”;ssieur" ou "cure" par paroisso. Jusque dans cette double appellation du ministro lu culto, on rotrouvo l'intention 1.n.7, do concevoir une religion nationals inspiréo par un oesir do reconciliation et do tolérance. Dans le chapitro intitulé "De la Religion dos Sévarsmbes d‘Aujourd'huy"60 Vairasso souligne la toléranco dont font preuve les individus et les autorités. La religion offi- cielle dcmnndo l‘adorstion d'un soul diou en deux personnos: I3 Khodimbas, le Grand Dieu, roi dos “sprite et primoas, lo Soloil, roi do lumioro. lei" cette religion C'étot, dont lo chef est le vice-roi du soleil lui-memo, laisse aux Sévarsmbes uno li- berté do conscience entiero. Per exemple: norm- les grands osprits do cozte Nation, on set fort partagé touchant l'immor- l rielle, d'autres affirment qu'olle doit 6tre spirituollo. Ls relirion d'état indique qu'elle doit étro immortello et cette croyance est, on general, partaeée per lo pouplo; "l'opinion commune ost qu'apres cette vie il y a des recompensos & doe [Sic peincs pour les bons et pour les mechans, & que les ames des horses au sortir du corps on vont ocuper d'autros plus prés ou plus loin du Soleil selon lo bien ou le mal qu'elles ont fait."02 60 Sévarsmbes, II, ii, 232. 61 _i_d_.., II, ii, 312. 62 .1 .. $2.0! II! i1: 313'31140 82 Les Sév varambzs no sont d'silleurs pas astreints aux croyancos do 13 religion officiolle. Ln certain nombre i'ontr'eu dx, 1 I descendant do Giovanni, 1e précopteur do so Fmv rias, sont dos cnretiens dies i ents. "Ils ont dos Opinions fort particulie- ros & qui no sont guéres conformos aus dogmes do In sainto n63 Eglise Catholique. Ils no croiont pas au Saint-Sacrament D ni en la divine do Jesus-Christ; lo Saint-Esprit est pour eux l'a ccord entro lo Pore et lo Fils. Ils honoront, néan- moins, lo Pope et Jospect ont "presquo tout ce que croit l'dglise Romaine, comme le Purgatoire, la priéro pour les morts, l'invocation dos Saints, lo merits dos oouvros, & plu- sieurs autres doctrines do l'Eglise Catholiquo."6u Non sou- lement doux reli dions tres dif'férentes peuvent co-exister sans heurts mais encore cette liberté do conscience s'accom- pagno d'un manque total do dis crimination religiouso: Car les Sévarsmbos ont pour maximo do n'inquiéter personne pour sos opinions particulieros, pourvou qu'il oboisso extéricurement aus lois & so conforms a la coutumo du Pays dons les choses qui regardont lo bien do la société. Ainsi quand il s'agit do rendre la justice 3 quolqu'un, ou do lo rocevoir dans quelque charge ou dignité, on no s'informo pas do sos sentiments touchent la religion, mais de ses moours ct do sa probité. On n'esclud point non plus les Protres ni aucuns Ecclesiastiquos du Couveggo- civil, comme on fait prosque partout aillours. 63 Sévarsmbes, II, ii, 320. 6“ id 65 id. TI, ii2 F28u-285, (a). Is pagination est la suivanto: 0 282,-283, 20W1, 85, uno page non numérotée, 285, 286. Nous distinguons per a at ‘o les doux pa gee 255, ., II, ii, 32h. 83 O .‘ 1r connrcnd que do tolles phrases dovaiont avoir un sens par- ticuliéromont fort an moment on louis XIV préparait la révo— cation do l'Edit do Jantes. Nous voyons ainsi que la paix religiouso ost considéréo par les utopistes comme un factcur indiSponsablo au bonheur do la société. A cette tolerance que nous trouvons partout dans les oeuvres, correspond a contre-jour dens l'histoiro, l'intolérance du dix-soptiemo sieclo. Dans leurs projots, les utopistes ont idéalemont résolu l'apparento contradiction entre la liberté do conscience individuelle et la cohesion nationale. Louis XIV n'y est pas parvonu, dans la réalité. Vairasso mosure toute la distance qui sépare lcs états idéaux, comme la Sévarsmbie, dos "autros états": n'y a pout-otro point do Pays su mondo ou l'on .chauffe moins pour la Religion, & ou elle pro- t moins do querolles a do guerros; au lieu que les autres Stats, on la fait souvent sorvir do exto aus actions les plus inhuggines & les plus 03 sous lo masque do 1: piété. (4.19412, H 1 C» -i—-’ tit-“Gs "S (D P‘d‘t U 0 93 . mp H"J Cetto idéo do tolerance nous parait dépasscr do beaucoup on signification lo vague idéal do religion universello que l'on trouve dans les utopies de la Renaissance. Apres l'in- tolerance militants ot systématique dos dorniéres décades du seizieme sieclo, co plaidoyor véhémont pour la tolerance ac- quiert toute sa force dans un 315016 on ont été pcrsécutés tous coux qui se détachaient tant soit pou do l'orthodoxie catho- lique. Les utopistes congeivent que des sectos différontes 66 évarambes, II, ii, 285b-286. U) 8h puissont vivro en bonno intelligence. Toutefois, il somble -ue cette toléranco ait dos limites: il n'ost 'amais uestion q (I. 'athéismo dans les utopies, sinon dans les oouvros do Cyrano oh la virulence do la critique religiouse pourrait 8tro con- sidfiréo comme une prouvo d'athéisme. Aillours, a Antsngil, (D -< 1 Australia, on Sévarsmbis, a Caléjava, il no semble pas que ...: F3 tolerance embrasso a la fois coux qui croiont en un autre dieu et ceux qui no croiont en rien. Les utopistes du dix-septiéme siécle n'omettont pas dieu et lui donnont uno place dans leur utopie, malgré les furiousos attaquos qu'ils ménent contre la religion catholiquo. A) Le luxe: Lo luxo, "c‘est l'usago qu'on fait dos richosses & do l'industrie pour so procurer une existence agrésbloJ’ selon la definition do la Grando Encyclopedia.67 On pourrait con- cevoir que les utopistes révent do royaumes d'Eldorsdo et do pays do Cocagno, puisque l'utopio tend a réalisor lo bonheur do la société et que ce bonheur ost lié, dans notre esprit, a la possession do richessos, do joyaux on do métaux préciaux. Or il n'cn est rien. L'ensemble dos utopies du dix-soptieme siecle s'opnoso au luxo. A un moment ou la Cour s'ontoure d'un faste grandissant, ou le Louvre est ombelli, od Versailles ot Vaux so construisant, ou lo roi fait donnor dos fétos dont l'éclat nous éblouit encore, les utopistes considoront ls luxe 67 Encyclopedia ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, dos Arts 8t dBS Eétiers, 16 vols. (Neufchastol: Samuel Faulche, 1765). IX. 763. 85 comme inutile ct mdme nuisiblo a la société iddslo. Nmzs remarquons une progression dans la critiquo du luxo. Au d6- but du sioclo, I.D.M., on bon gontilhommo, attribuo do l'im- portance aux "marques oxtériouros" qui désigno lo noblo ou lo fonctionnsiro du roi I la révéronco publiquo. Mois on boa protostant, i1 insists sur la simplicité dos msisons ot dos églisos, sur la frugalité do ls nourriture du pouplo ot dos soldats. So critiquo du luxo est modéréo. Par contre, Foigny, Vairasso ot Gilbert marquent tres nottemont leur Opposition I toute ingérenco du luxo dans leur utopie ot c'ost svoc Fénolon que lo réquisitoire atteint son plus haut dogré do violence. Lo luxe n'est pas pourtant tout a fait absent dos utOpies: los batimonts publics, les temples, sont monumentsux ot cons- truits svoc goat. Vairasso décrit longuemont lo magnifiquo temple du 801611.68 Mentor lui-mémo pormet pour les temples do Sslento "les grands ornaments d'architocturo, tols quo los colonnos, les frontons, les portiquos."69 Los fltos no- tionalos revatont uno certaino splendour. Choz los Sévarsmbos, dos solonnités comme l'Osporonibon,7Olo Stricssion,71 ou 1o Nomarokiston,72 s'accompsgnont do musiquo, do chants, do 68 Sévarsmbes, I, ii, 206. 69 Télémaquo, XII, 209. 70 Sévarambes, II, ii, 290. C'ost ls solonnité du mariago. 71 id., II, 11, 293. C'ost ls fete do l'adoption dos enfants par Fétat. 72 $2”, II, ii, 299. C'est la fete dos prémicos. 86 danses, et de beaucoup d'apparat. Mentor, ennemi do la mu- sique qui adoucit dangerousement les moeurs, consent cepen- dant i lui donnor un rdle "aux fates dans les temples, pour ' y chantor les louanges dos dioux, ot des héros qui ont don- ne l'exemple dos plus rares vertus."73 Ces oasis do luxe rencontréos dans le plat pays d'utOpie, ont un rdle bien dé- fini: les batiments publics, les cérémonies publiques doivont improssionner lo psuple et développer son sentiment patrio- tique. Sévarias, et tous les chefs de pays totflaitairos, ont fort bien compris cola. Il soit gagner.l'admiration dos Prostarembes qu'il viont do vaincre: "Sévaris s'étant vetu de ses habits Sacerdotaux les plus riches & lesplus ecletans & usent do ceremonies pompouses offrit au Soloil les armes & les depouilles dos ennemis.w7u Les pazvres Prostarambos, vaincus, "étaient remplis do respect & d'admiration i la vuo d'un sacrifice dont l'éclat & la magnificence surpassait do beaucoup la simplicité dos leurs,"75. . . et ils accoptent leur annexion. On pout dire que lo luxo est utilisé par les gouvornements utopiques comme moyen d'action ot arme politi; que. I.D.M. remarqus avec assoz do naiveté que "lo lustre dos habits & la pompouse suitte apportent je no sgai quel respect & reverence . . . on jugo que tolles personnes sont pleines aussi do vortu & do merites puisqu'ils on portant 73 Télémaque, XII, 209. 7” Sévarsmbes, II, 1, 76. Sévaris change plus tard son nom en Sévarias. 75 19,11, 1, 77. 87 "76 les marques & ensoignes. Partout aillours dans la vie privée dos lflbpiens, 1e luxo est proscrit. Les maisons des Australiens sont cerréos et divisées en quatre compartiments. A Salente, Mentor donne "dos modeles d'une architecture simple et graciouso pour faire . . . uno maison gaio et commode . . . .. Maia il dofondit trds sévorement la multitude superflue et la magni- ficence des logements."77 La simplicité est aussi do rlgle chez les Avaites: "toutes les maimans des Avaites ressemblent i colles de nos Moines i quatre ailes, un jardin 11 milieu & un cloitre i l'extérieur, comme les anciens Romaine."78 Les habits des Sévarambos ot des Avaites sont uniformes et distribués aux particuliers i intervalles réguliors. Les Sa- lontins pouvont distinguor les classes sociales i la couleur des habits,79 mais tous sont fort simples et "on no souffrira jamais aucun changement ni pour la nature dos étoffes, ni pour la formo dos habits."80 Mentor déclare aillours qu"un jeune homme qui d.me so parer vainement comme une femmo est indigne do la sagesse et do la gloire."81 Les Australiens, eux, so passont do vitements tout i fait. Mentor veut que "les meubles do cheque mail): fussent dmples et faits do 76 Antangil, p. 28. 77 Telémaque, XII, 209. 78 Caléjava, p. 76. 79 Télémaque, XII, 208. {30 $9... XII, 208. 01 33., I, 11. 88 maniere a durer londemps."82 Cotte simplicité se retrouvo dens la frugalité de la nourriture. Les Australiens se nourrissent du fruit du Balf, les Bétains considercnt le Vin comme un luxe dangeroux. mentor régle l'alimentation dos Salentins: "la sobriété rend la nourriture la plus simple tros agréable . . . il faut donc borner vos repas aux viandos les meillsures, mais apprétées sans aucun ragoflt."83 Les Sévarsmbos n'attachent aucune importance aux porles, tree nombreusos pres do leurs c6tes.8u Adoam, qui a fait visito chez les Bétains, a trouvé "l'or et l'argent parmi eux em- ployés aux memes usages que le fer; par example, pour des socs do charrue."85 Le discredit du luxe est un principo of- ficiel. Une des lois laissées par Sévarias prescrit do no pas habituor les enfants "i des Arts inutile: & vains qui ne servant qu'ai luxe & a la vanité, qui ne font que nourrir l'orgueiil, qui cngendrant l'envie'et la disoorde, détournent n86 les osprits de l'emour de la vertu. Mentor met plusieurs fois Idoménéo on garde contre le caractére nocif du luxe: "il y a dans le gouvernemont des psuples doux choses perni- cieuses auxquelles on n'apporte presque jamais aucun remade: 82 Télémaque, XII, 210. 53 ‘ig., XII, 208. 8h 0 .. oévarambes, II, 11, 157. 85 Télémaquo, VII, lab. 86 Sévarsmbes, II, 1, 193-I9h. 89 la premiere est une autorité injuste et trop violente dans les rois: la seconds est lo luxe qui corrompt les moeurs."87 Le meme idée reparait sous formo do maxime: "Comma 1a trop grende autorité empoisonne les rois, 1e luxe empoisonno toute une nation."68 On pout craindre que les utopistes ne condemnent sans appel tous les arts comme étant inutiles au bien do la so- ciété. Leur position n'est pas aussi categorique. Ils veu- lent se débarrasser des arts inutiles mais conserver et en- courager les boauX-arts. Ni Vairasse‘ni Fénelon n'eXplique ou, cxnctcment, passe la ligno de démarcstion. Lorsque l'au- teur du Télémaque explique que: "on n'a rejeté de cette ville que les arts superflus qui détournent les pauvres do la cul- ture do la terre pour les vrais besoins et qui corrompent les riches en les jotant dans le faste et dans la mollesse: mais nous n'svons fait aucun tort aux boaux arts ni aux hommes qui "89 ont un vrai génie pour les cultiver, on a encore quelquos difficultés é distinguer les arts superflus des boaux-arts. Que reproche-t-on au luxe ? Prosque tout: il amollit le courage, il éteint les sentiments d'honneur et do patrio- tisme, i1 contribuo a la décadence des arts utiles, i1 favo- risc la dépopulation dos campagnes, il perturbe l'ordre 87 88 Télémaguo, XXII, 362. _I_d__._, XXII, 362. 89 $1,, XXII, 361-. 90 social, "i1 répand sa contagion dopuis lo roi jusqu'aux der- niers do la lie du pcuple . . . toute uns nation so ruins, toutes les conditions so confondent."90 On l'attaque du point do vuo moral, social, économique et politique. En quoi peut-il servir au bonheur ? Qu'est-ce que lo bonheur so do- mande Gilbert: "est-co avoir un lit riche on magnifique ou dormir a son aise ot tranquilloment ? Est-co étre porté en chaise malade ou aller a pié en santé ? . . . En un mot man- qucr do mills incommodités on d n'avoir que lo nécesssire accompagné do l'agréablo autant qu'il est possible ?"91 On a un peu l'impression que le luxe sort do bouo émissaire au mécontentement dos utopistes. Trés tat, au dix-huitidme siocle, des partisans do co luxe tant décrié répondront qu'il adoucit les moeurs, qu'il augments la population, qu'il faci- lite la circulation des monnaies, qu'il développe les connois- sances ct rend les psuples plus puissants at plus heureux. Voltaire et Mandevillo sont do ceux-lé. Tandis que Lahontan, Varenne do Hondasse et Rousseau préchent un rotour a la sim- plicité, 1'Encyclopédie expliquc que, les choses étant co qu‘cllcs sont, on no pout plus so passer du luxe.92 Cotte 90 91 Télémsque, XXII, 362. Caléjava, pp. 30-31. 92 Encyclopedia, IX, p. 770: "Avec un commerce aussi étendu, une industrie aussi universello, une multitude d'arts perfec- tionnés, n'esperez pas aujourd'hui ramenor l'Europe d l'ancien- no simplicité; ce seroit la romenor a la faiblosse a a la barba- rio. Jo prouverai aillours combien lo luxe sjoute au bonheur do l'humanité; o me flatte qu'il résulte do cet article quele luxe contribue la grandeur & i la force des états, a qu'il faut l'encourager, l'éclairer & lo dirigsr." 91 charge contre lo luxe, qxi nous parait pcut-étre trop vio- lente, prouvo que les auteurs d'utopios, comme tous les cri- tiques du siecle do Louis XIV, ont été tres conscients do l'cifot déssstreux dos dépensos extravagantos du Roi-Soloil ct do sos courtisans. Antaneil, écrit bien avant 1e rogno do Louis XIV, réagit contre la périoda brillante ot frelatée do Is régenco do Mario do Médicis. For contre Foigny, Vairasso et Fénolon lorsqu'ils composont leurs pays utopiques avaient cortainement on mémoire les quatre cent trento deux assiettes d'or que Fouquet fit fondre pour les ffites do Vaux en 1661, ainsi que la fEte dos "Ploisirs do l'Ilo onchantée" do l66h et cells do 1668 donnée en l'honnour do Madame do Montospan. L'opposition an luxc était bien partie intégrante de la critique utOpiquo du soizidmo siécle. Les utopistes du éix-soptiome siecle no font que grossir un concert do pretes- tations. Avant eux dos réformateurs religieux comme Calvin et Savonarole, dos réformatours civils comme Michel de fflospital, dos moralistes comme Montaigne, dos critiques po- litiques comme Joan Bodin avaient déjd condamné l'usago de la richosse pour la recherche du plaisir.93 Cependant chacun s'on était pris a une forms do luxe soulement, luxo religieux, luxe militaire, luxe artistiquo. Les utopistes du dix-septibme siécle s'ottaquont d toutes les formos du luxo sans fairs 93 On pout mentionner a co propos la sects calvinisto dos La- badistes fondée par Joan do Labadie (l6lO-l67h); cette socto s'opposait é toute forms do luxo ct voulait ramenor les égli- sos protostantos 5 la sinplicité du christianisme primitif. 92 aucune distinction entro l'amour de la richcsso, l'ambition, le gout du changement, 10 goat do l'omuscment et l'attrait légitimo du confort. La progression de la critique du luxe au dix-septidmo siéole peut s'oxpliquer d'abord par la pré- senco de la cour do Versailles et aussi par l'idéal sous-ja- cent du rotour a la nature qui traverse lo siéclo i travers les romans pastoraux et les récits do voyages jusqu'i la dif- fusion du mytho du bon sauvago par Lahontan au début du diX-huitieme siecle. Les utopistes n'ont pas tonté do con- cilicr la richesso at la vie morale au sein d'une société complexo. Il faudra attondre les oeuvres do Morelly, au siécle suivant, pour trouvor uno tolle tentative. Lo spec- tacle do la vie do société, au dix-septidme siécle, poussent les utopistes a une condemnation totals du luxe: lo luxe est bien un foyer du mal typique du dix-septieme sidcle. 5) la guerre: Les utopistes sont unanimos a condamner la guerro, "cette brutalité qui, sous do boaux noms d'ambition et do gloire, va follemont ravager les provinces, et répand le sang dos hommcs, qui sont tous fréres."94 Mais cot amour do la paix professé partout dans les oeuvres, so double d'un goat trés marqué pour l'organisation militaire. Los utopiens sont i la fois pacifistos st extrémomont militaristos, comme les Suissos du vingtiéme siécle. "Il faut Stre toujours pr6t a fairs la rel guerre, pour n'dtro jamais réduit au milhour do la fairo"99 9” Télémaquo, X, 169. 95 3g” XII, 211. 93 v .' déclero mentor. Tous les gouvornements utopiens semblcnt adopter la maxime si'vis pacom para bollum. Les utopiens no nourrissont aucun désir do conqudte ot souhaitcnt 1a paix. Les Antééiliens st les Avaltes no sortent jamais do leur ile. Les Sévarsmbos ont pacifié tout le con- "une tinont at no font jamais la prouvo do leur puissance: dos principalos maximes do leur Gouvernemont est do no point usurpor le bien d'autruy.’96 Le roi dos oisoaux ost touJours choisi d'un naturel douX "afin qu'il ne haisso ni no so fasse hair do porsonno, ot nous (les oisoaux) voulons qu'il soit d'une humour pacifique pour évitor la guerre, lo canal do toutes les injustices."97 Les Bétsins sont fiers du fait 98 que "jamais ls sang humain n'a rougi cette terro."' Pour eux un conquérant est un hommc "que les dieux, irrités contre lo genre humain, ont donné a la terre dans leur colére pour rsvagor les royaumos, pour répandre par-tout l'effroi, la mi- séro, lo désospoir, et pour fairs autant d'csclaves qu'il y a d'hommos libres,"99 Il pensent qd"il no faut jamais fairo la guerre, que pOur défendro sa liberté."100 Les Mandurions so 96 Sévarsmbes, II, ii, 157. 97 Voyage dans le Soloil, p. 200. 98 Télémaquo, VII, lh6. 99 pig., VII, 147. 100 ig., VII, 1&7. 9h sont retirés dans les montagnes lors do l'arrivée d'Idoménée a Salonto, pour éviter tout conflit. La guerro entro Ido- ménée et la coalition dos psuples d'Hespéric sore, do meme, évitée grics a In sagosso do Mentor. Il faut donc tout fairo pour éviter 1a guerro car "elle est le plus grand dos maux dont les Dioux affligent les hommos."101 Pourtant la guerre existe dans les pays d'utopie. Elle est un mal qu'on no pout supprimer. Elle exists 5 l'état la- tent d Antangil. Memo dans l'ilc paisible do Caléjava, tout est prét pour résistor a l'invasion d'un onnomi maonyme. A quinzo ans, les jeunes gens "vont fairs gardo sur cette grands muraillo qui fait lo tour do l'Isle."102 Il est romarquable qu'aucun des auteurs no parle do paix étornelle. Tous ces pays sont sur le pied do guerre car il leur semble normal que lo rests du mondo soit leur ennemi. Il semble admis que cheque pays doivo nécossairement avoir un agrosseur. La guerrs exists a l'état de caricature dans le Voyage dans le soleil. Les Sévarambes qui ont d0 combattre pour créer leur royaums, rcstent prats a ropousssr los attaques do certains do leurs voisins. Kimpas qui régnait pou avant l'arrivée du capitaine Siden fut un roi-soldat qui défendit lo territoire ct pacifia do nouvelles provinces.103 Chez les Australiens, 101 Télémaque, X, 177. 102 Caléjava, p. 131. 103 Cf. Sévarsmbes, II, i, 3ou-3os. 9S Sadour participe a la guerre contre les Fondins.1ou De l'autre cdté du continent australien, so trouvent troize roymimcs porpétuellomont on guerre l'un contre l'autre. En- fin si on conflit est évité entro les divers psuples d'Hes- pério, Idoménés doit néanmoins participor a uno oxpédition punitive contre Adrasto roi dos Daumions. D'uno part,_les auteurs sont pessimistos et acceptont lo fléau do la guerro comme uno chose naturello, mais d'autre part, puisque 1a guerre est quolquefois inevitable, ils cherchont i la faire sorvir au bien public. Fénolon, lo plus violent dans sa haine de la guerre, adopts une attitude tres réaliste. "Do pourquo toute la nation no s'amollisse at no tombe dans l'i- gnorance do la guerre, il faut envoysr dans les guerros étran— géres la jsune noblesse."105 Cola sorvira i "ontretenir toute la nation dans uno emulation do gloire, dans l'amour dos ar- mos, dans le mépris dos fatigues et do la mort mSme, enfin dens l'oxpérionce do l'art militaire."106 0n sont que, d'une part, les utopistes, vivant dans un siecle do guerros inin- terrompuos, ont conscience que la guerre ost sans douto la plus grands cause inevitable du malhour dos sociétés, mais, d'autro part sonsiblos i la pompe dos arméos et 1 la valeur 10h Cf. Terr. Australo, pp, 1u1-151. Lo chapitro XII est intitulé: "Des guerros ordinairos dos Australians." 105 Télémaque, XII, 198. 106 151., XII, 198. 96 dos qualités guerriéres, qu'ils cultivent chez les onfants, ilSne pouvont so résoudre i concovoir un pacifisme désarmé. Lorsqu'ils décrivont l'organisation militaire du pays et la splendour dos manoeuvres, on sont qu'ils soupiront incons- ciomment pour l'adorable Clio. Lo militaire ct protostant I.D.M., so souvenant sans douto que l'Edit do Nantes fut aussi un traité militaire, no nous fait grace d'aucun détail sur l'orgmiisation defensive d'Antangil. Il consacre un livre entier do quinze chapitrss a la structure do l'arméo, a sa formation on campagne, A ses armaments, sa mise en ordrs do bataillo, son rocrutomont et ses occupations on temps do paix. Sans entrer dans tous les détails si fastidioux a la lecture, notons que l'armée est nationals ot que le rocrutement so fait au moyen d'uno cons- cription obligatoire. Pour ces causes ils ordonnéront que par les villes & villages ou i1 y auroit hommcs propros i porter armes dopuis l'ago do dix-hui iusquos a cinquante cinq ans, qu'ils ssroiont mis par dizaine & sur cheque dizaino un chef & par dessus les Dizoniors, dos Contenniors avec leurs Lieutenas, onsoignes & dsux sergens, & sur diX Centcnicrs un Milonier qui seroit envoié do la Cour, loquol feroit se domeuro en la meillsure dos dix Paroissos & auroit corres- podanco a un Dixmillenier, loquol seroit somblablo- mot cnvoié de la Cour. Un systems assez démocratique do repartition des frais existe parmi la Noblosso. 0n avisa que pour obvicr a la despfiso & aux grands gages, qu'il leur feut nour l'entretenemont do leur osquipags, que les Nobles qui auroient iusquos i cinq cons livres do revonu, entretiendroient un bon 107 Antangil, p. 70. 97 choval do service, pour a toutes occasibs ostre prests aux mandemons do leurs Capitainos: Ceux qui auroicnt mills livres do rents, deux a s'ils on soient trois, quatre, cinq, six ou plus, il on entretiEdroiEt autant qu'ils ont do mills livres do rsvenu, lesquols los pauvros Gontils~hommes ohargoz d’enfans qui miroient moins do cinq cEts livres do revonu, iroisnt prendre sur les susdits Seigncurs, lorg qu'il faut faire monstro, ou aller a la guerre.10 ‘ Chez les Australians lo maniement dos armos et la stratégio font partie do l'instruction dos enfants. Les Australians so porfsctionnent dans lo maniement do "doux sortes d'armos, dont lss unes ont beaucoup do rapport 3 nos hallebardes, et les autres a nos tuyaux d'orgues'.‘109 En outre, la troisiémo partie du jour, lo Spuoc ost consacré par les adultes i l'en- trainoment physique ot a la preparation militairo. L'arméo dos Sévarambos ost mixte; il y a dos bataillons do fommes et des bataillons d'hommes. Maurice, envoyé en éclairour par Siden, rapporto comment so déroulont les manoeuvres. "Lea hommcs marioz occupoiont avec leurs fomnos lo Camp du milieu; les filles celuy do la droite; & los garcons la gauche, & lo mesmo ordro ostoit obsorvé dans la ligne, lors qu'ils ostoient sous los armcs."110 Les exercices d'armes sont obligatoires lll pour les onfents do scpt a quatorzo ans. De quatorze a 108 Antan il, p. 70. 109 Torre Australo, p. 128. 110 Sévarsmbes, II, 1, 182. 111 32-510: II, 1, 321 st II, ii, 130. 98 quarante-ncuf ans, tous les Sévarsmbes sont onsuito incorpo- rds dans la Milice. Ils doivont participor a des fétos, a des solennités ot a dos manoeuvres.112 Un douzidmo do la nation est en permanence sous les armes: tous les Sévarsmbos font, tous les trois ans une périoda militairo do trois mois. Vairasso so complait a décriro les soldats sévarambes, par- ticulidromont les femmes, les cavaliéros montées sur des quadrupodos appolés bandelis, les picquieros, et les archdres. "Jo no pense pas qu'on puisse rien voir do plus charmant que cette aimable jeunosso, qui outre 1a beauté naturelle do cette Nation, avoit uno adresss & uno grace extraordinaire au manioment dos armes."113 En résumé, il y a plusieurs choose a remarquer dens l'organisation militairc do cos utopies: d'abord que lo ser- vice militairo ost obligatoire pour tous st l'armée ost ro- lativomcnt démocratique; onsuito il n'ost point question do mercenaires et enfin que lo systome do racollage par le moyen do sergonts rocruteurs n'existe pas. Aussi la désertion, llu frequents dans les arméos do Louis XIV, n'est pas mentionnée. 112 sévarambes, II, ii, 131- 113 33., II, i, 185. 11h N. Van Nijngaarden écrit que "pendant 1a guerre do Hol- lands, doux mills déserteurs francais passent par Nimogue, quatre mills cont cinquante désertent our six mills nouf cent on 1677, en Sicile, pour so oindre a l'armée dos gueux qui infests los campagnes", (p. 3). 99 Les armécs utopicnncs sont cxclusivcmsnt nationalos, cells do Louis XIV no l'était pas. Elles no sont pas aristocra- tiquos, cello du roi do Franco l'était. Enfin elles relo- vent d'uno organisation centralisée st complete qui fonction- ne normalsment on temps do paix, alors que l'armée do Louis XIV était géréo comme uno ontrepriss comficrciale privés, par delegation do pouvoir. Le licenciomont dos soldats dans la France du dix-septiemo sidcle s'accompagnait do tant do trou- bles qu'il faisait quelquefois regrotter la guerre. Les uto- pistes ont été, on conclusion, conscients dos méfaits dos guerros do religion ot dos guerros civiles et do la grands fauto du roi Louis XIV qui voulut s'ériger on conquérant. Maia ils n'ont pas trouvé idéalomont, abstraitement, do so- .lution au probldme do la guerre. Ils proscrivont.un paci- fisme armé sans concovoir qu'un désarmoment unilatéral soit possible. Cotte revue dos foyers du mal nous indique sur quels aspects do la réalité historique les utopistes ont fait por- ter leur analyse st les points desquels ils sont partis pour déduirc logiquemsnt leurs institutions théoriquos. Si nous considérons les foyers du mal dans uno perspective historique, nous roconnaitrons que l'inégalité ct surtout l'oxistence do la propriété privés no sont pas dos états do fait facilement rémédiablcs. La croyanco i l'égelité at an communismo s'ox- prime donc beaucoup plus par dos principes abstraits que par des mesures concrotes et elle représente davantage un désir 100 altruisto qu'uno cortitudo politique. Los utopistes so ré- voltont on moralistos contre les sbus do l'inégalité sous l'Ancion Regime, Lour critiquo morale los ontraino i l'affir- motion do principos qu'ils sont incapablos do mottro on appli- cation ot qu'ils démontont dans leur oouvros. C'ost pourquoi nous avons padb do court-circuit dons lo processus utopique a propos do 1'affirmetion do l'égalité ot du communismo. Los.auteurs, indignés per lo spectacle do l'inégslité sociale, ont posé d'embléo cos principes. Isis cos principes no dé- coulont pas nécosseiromont do l'onslyso do ls réalité. Lo roméde 5 Itinégalité sociale du dix-soptiomo sioclo n'ost cor- tainomont pas l'égelité absoluo ot surtout pas 1o communismo. Lo choix dos autros foyers du mal sorait facilomont on-’ dossé par un historion du siéclo do Louis XIV. Toutefois, uh historien condamnorsit avec dos résorvos lo luxo on fonction do Is situation financioro du pays. Los utopistes, su con- traire, occablont 1o luxo pour dos rsisons qui sont surtout dos raisons morslos. L'attitudo un pou ambiguo dos auteurs vis-A-vis do Is guerre nous montro 1e difficulté qu'ils é- prouvont A so défairo do l'admiration contompordxno pour la gloiro militairo ot pour loo qualités humabnos que lo métior dos armos met on valeur. Les utopistes dénoncont enfin 1'sb- solutismo ot l'intoléranco qui sont certainomont pour l'his- torion los causes rosponssblos do 1: plupart do msux politi- ques ot sociaux. Ainsi, dons l'onsomblo, on pout dire que les utopistes ont analysé avec justosso ct discornomont lo sioclo dons loquol ils vivsiont. 101 Cos foyers du mal pouvont paraitro d pou pros identiquos d ccux dos utopies do lo Renaissance. Lour significstion ost toutofois différonto. Nous avons noté la plus grando maturité politique dos utopistes du dix-soptiome siéclo. Ils envi- sagont do fagon pratique les problémos do gouvornement et mottont en avant lo notion do loi. Lour idésl do toléranco ost doscondu du ciol sur la terre. Il so réduit i la bonno ontonte entro dos soctes différontos, il oxclut somblo-t-il l'athéismo, mais il est oxprimé avec beaucoup do sérieux ot do conviction par dos hommos qui ont on i souffrir do l'into- lérance. La meme chalour so rotrouvo dans la critique du lu- ;xo ot 1a haino do la guerre. Cotte chalour, co sens pratique, cze gout du détail différoncient los utOpies du dix-soptiimo siéclo do cellos du sioclo précédont. D'outro part les oouvros du dix-soptiémo siocle antici- pont certains thomos do ponséo du sioclo suivant. .Lo combat ccrntro 1'absolutismo, mSmo s'il ost moné jusqu'i l'établisso- fnednt do lo républiquo, fait dos utopistes dos précursours do Pfiaritosquiou qui domando que lo roi so soumotto aux lois ot as- Scbczio la nation a son outorité. Par l'smour do 1a paix ot 34311r idéal do toléranco, les utopistes préfiguront Voltaire. Par l'abendon du luxo corruptour et par lo rotour I la nature Qil"1ls préconisont, ils anticipont déjl Rousseau. Nous avons isolé ces foyers du mal car ils sont dos points °386ntiols de la critiquo utopique ot do la construction théo- riQLIo do ls cité imaginairo. Do cos foyers du mal vent dé- coulor dos institutions nouvelles comportant une critiquo 102 implicito dos institutions oxistontos, on second lieu dos attaquos directos contre tel ou tel aspect do Is réalité et on troisiémo lieu dos projets do transformation concrete do cette mfimo réalité. Nous envisagorons ainsi dons lo chapitro suivant los projots utopiques sous l'anglo do l'spport cri- tiquo négatif et positif. CHAPITRE III Les éléments do critiquo ot do réforme. 11 y a dans toute utopie doux sortes do critiques, uno' critiquo implicito ot uno critiquo directe, sans qu'on puisse souvent tres bien les délimitor. Lo choix dos foyers du mal, 1a connaissanco dos conditions historiques, guidont l'utopiato dans la construction do so cité idéole; il part do co qu'il connait ot change co qui, selon lui, doit atro changé; mais en modifiant les données do l'histoiro, en romplaqant 1o réol par l'imaginaire, l'utopisto ontond bien remplacor l'impar- fait par le souhaiteble: ce faisant il condamne implicitoment la réalité. A cette critique implicito, inhérente & tout processus utOpiquo, s'ajouto souvent, ot c'ost lo cas pour les oeuvres du dix-soptiome siéclo, uno critiquo directo. Les utopistes attaquont souvent do plain pied les conditions de vie do leur éPOquo, comme 1o fait More dans la premiere partie du M. Le: pays d'utopie sont roliés A la France par un ou plusieurs V<>yagours, I.D.M., Dyrcona, Sadeur, Siden, Alatro, Eudoxo, Chl‘istofile ot Samioski; la compsrsison entro cos pays et la Fra nco est toujours sous-jaconto; parfois elle s'exprime on t . armos vaguos, on parle alors do "pays meins fortunés", d v 'v ’ . autros royaumes", do "partout aillours", mais, plus sou- V‘Bnt, la critiquo doviont tout i fait directo et le norrateur, 103. 10h dovensnt lo porto-parole do l'autour, so lance dans do vio- lentes diatribos contro certains sapects do la société fran- qaiso ou bien cherche d les ridiculiser. Dans lo présent chapitro, nous établissons dos compa- raisons entro certains aspects dos utopies ot leurs homolo- gues historiquos: l'oxorcice do la justice, lo systomo do taxation ot l'organisation do l'instruction publiquo. En deuxiémo lieu, nous groupons les principaux motifs do criti- que directs on faisant une place spécialo A la critiquo roli- gieuso dont l'importanco ost primordiale. Enfin nous recher- chons dans quelle mesuro certains auteurs, Vairasso, Fénolon, Crucé, ont ossoyé do proposer dos romédos concrots aux maux do la société du dix-soptiomo sioclo. 1) La critiquo implicito: La justice do Louis XIV nous parait encore moyenageuse A beaucoup d'égards. L'instruction ost socréte; los témoi- gnages sont rocuoillis on dohors do la présonce du tribunal; les suspects sont soumis A la question sans prouvos suffi- santos do culpabilité. Lo fou, lo chovalet, la rouo ot autres .xorturos font l'objet do la conversation quotidionno. Madame de Sévigné considoro comme normalos les tortures infligéos i la Brinvilliors ot a la Voisin.1 Si les voios do la justice royalo sont socrotos ot obscures, les exécutions so font au grand jour ot on public. Les charges do magistrate s'achotont 1 Cf. Lottro du 28 févrior 1680 i Madame do Grignan, (Paris: Gallimard, 1955), t. II, 622. 105 at so vondont. La justice ost souvent soumiso 3 la volonté royale. Si lo roi a bosoin do galérions, sos loyaux jugos y pourvoient.2 De plus, la justice ost onéreuso, les jugos oux-mémos rocevant leurs "épicos", et il va do soi que, comme lo dit La Fontaino dans "Les Animaux Malades do la Pesto": "Solon que vous sorez puissant ou misérablo/ Les jugements do cour vous rendront blanc ou noir.” Obsorvant l'iniquité ot l'inorganisation du systéme ju- diciairo, les utopistes s‘opposent a plusieurs chosos et d'abord a la vénalité dos charges. A Antangil, les jugos sont élus parmi "les plus sgavants porsonnagos, tent on Philosophie qu'en Iurisprudonco, remarquablos par leur sincérité, piété & intégrité de vie, osloignez d'avarice & amateur du bien public."3 Parmi eux, "on esleut aucuns dos plus capables pour Stro Pro- sidons: Autro pour estro Conseillers: Austros pour sorvir do Procureurs & Advocate aux parties."u Vairasso consacro trente-quatro pages a l'exorcice do la justice.s En Sévarsm- bie aussi les jugos sont élus. Les utopistes domandont que les procos so déroulent de fagon equitable. Les formos do laloi doivont etro simples. 2 Cf. la lottro du marquis do Soignolais a Harley du 21 févrior 1676 citéo par Van Nijngsardon, p. 66. 3 Antangil, p. uh. b' 351.. p. ML. Cf. chapitro "De la Hanioro dent on oxerce la Justice parmi or so 5 les varambos", II, ii, 96-130. 106 Ln Sévarsmbis, tout homme pout etro son propre avocat car 103 lois sont pou nombrouses ot claires, mais pout so faire assis- tcr d'un conseil s'il le desire - comme Dyrcona au pays dos Oiscaux. En France, il n'est pas possible d'étro défondu ot i1 y a encore doux cents législations différentes. "Qu'on lise toutes les codtumos qui ont traité dos justices, on n'y trouvera que divorsité et confusion . . . il sera bien habilo qui, parmi tent d'absurdité, pourra choisir uno resolution assurée et équitable."6 I.D.M. s'indigne contre les tortures. Les Antangilions "n'ont que doux sortes do supplices, assavoir la cordo ot l'espée. Car quand aux cruellos gohennes, elles sont def-‘ fenduos, n'ostimans pas que la parole forcée ot extorquée par la violence dos tourmons soit suffisanto preuve a verifier les délicts."7 Il réprouvo les pratiques barbares comme cello do l'exposition publique dos cadavros: "Les corps dos crimi- ncls sont enterrés vingt-quatro heuros apros l'exécution, ostimans chose deshonnoste ct inhumaine do voir telles af- 8 freuses charongnes on l'air." Les Sévarsmbes ostiment qu'il y a "do l'inbumanité a fairs mourir un concitoyen, & lui 6tor co qu'on no pout pas luy donner: & do la folio, i détruiro uno 6 Sabriel fianotaux, Tableau do la France on 1614, (Paris: Didot, 1898), p. 123. 7 Antangil, p. dB. 8 32100 p0 14-50 107 porsonne qui pout oxpier son crime par dos services utilos su Public."9 I.D.P. ot Vairasso font de la délation un dovoir. A Antangil, les voisins ot parents sont obliges d'arrotor qui- conquo so rondrait coupable d'une faute contre les lois du royaums, ot ceci sous peine d'amendo ct do chfitiments ccrpoé rols. En Sévarsmbis on doit signaler toute infraction on criant "Sévariastoi fomés antai, c'ost a dire: on viole ou desoboit aux lois do Sovarias. Dos qu'on ontond cos mots on "10 court do toutes parts pour arrétor l'accusé. Ce systome so rapproche do certainos pratiquos judiciairos anglo-sa- xonnos.ll On voit que les utopistes rochorchent un systémo judi- ciaire plus humain, plus intogre ot sans relation avec lo pouvoir oxécutif. Tous les critiques du Grand Sioclo ont attaqué le sys- tems do taxation. Les utopistes, eux-aussi, s'oppoaent i la taillo, l'impdt roturior par excellence; ils dénoncent les irrégularités do la perception et lo montant élevé dos contri- butions que dovait payer lo pouple. Dans la France du dix-septiomo sieclo lo nombre dos contribuables diminuo i mosuro que la masso dos impdts augments puisque les bourgeois 9 Sévarsmbos, II, ii, 126. 10 id., II, ii, 128-129. 11 Cf. les recompensos offertes dans les pays angle-saxons pour l'arrostation do malfaiteurs. 108 aisés pouvaient so libéror on achetant dos charges. Pour Sévarias "il somble injuste et tout a fait con- traire 5 la droito raison que cous qui sont mombres d'un état, qui sont pretegoz par les Lois, & qui jouissont dos avantages do la Société, no contribuont rien on section do cette Se- ciété, pendant que les autres sent accabloz do Tailles & d'Impests."12 S évarias supprimo tous les impats: le travail do chacun suffira aux déponseo do l'état. Les Australiens no paient non plus aucun impdt. Mentor, sans inventor un nou- veau systomo do taxes note que "les princes avides et sans prévoyanco no songont qu'a charger d'impdts coux d'entre leurs sujots qui sont les plus vigilante et les plus industrioux."l3 Au contraire, {enter préconise do no pas favoriser ceux que la paresso rend pauvro, mais do mettro "dos taxes, dos amondos, et memo, s'il lo faut, d'autres peines rigoureuses, sur ceux qui négligorent leurs champs,"lu ot do donner "dos graces ot dos exemptions aux familles qui, so multipliant, augmentont i proportion la culture do leur terre.”-S I.D.N. conceit une méthode toute nouvelle d'alimentor lo trésor public. L'état étant propriétairo do toutes les res- sourcos naturolles il les afformo tous les one "en la ville 12 Sévarsmbes, II, 1, 172. 13 Télémague, XII, 2l3. 1“ 3g,. XII, 21s. 15 id., XII, 21s. 109 motropolitaine do Sangil aux plus offrans e dernier oncho- rissans en la presence du Sonat".16 Grace a ceci, "do clair yet do not, sans aucune oxaction, il viont tous les ans dix millions d'or dans les coffros publics."17 Cotte sommo re- présente l'affermago annuel dos mines d'or, d'argont do "pier- rories" et autres minéraux pour quatro millions, et aussi- l'sfformage dos terros labourablos, bois, taillis, prairies, lacs, riviéres ot étangs, haras do chovaux, troupoaux do booufs, moutons, chameaux, éléphants et buffles, pour six millions. Les formages sont dds 3 la fin do l'année et sont porous par un trésorier aidé do deux comnis ot missi do "dix sergents". I.D.M. critique les douanos intérioures ot les droits d'octroi;"Car soit qu'on motto impos sur les denrées, qui so tranSportent, la marchandise do colui qui vond ost' tousieurs achotée a moindro prix, & co qui y entro, au cen- trairo est vondu plus chor, tollomont qu'il y a teusieurs porto, tant aux acheteurs, qu'aux vendeurs, les marchens fai- sons teuiours bien leurs comptos do sorto que lo gabn ost toursiours do leur costé, outre l'impost qu'ils ont paié.18 I.D.M. prévoit aussi une contribution directo mais on sent bien qu'il n'est pas favorable a co genre d'impdt: "s'il ost nécessaire que les paroissos contribuont (co qui n'adviont 16 Antaneil, p. 57. 17 E0: p0 57o 18 25.1." p. 57. 110 que fort raromont) on y procddo avec grands justice & éga- lité. Car comme nous avons dit, il est comadé a cheque Dizonior . . . rapporter fidolemont la valeur dos bions do chacun."19 Ce systéme, nous le voyons, repose sur la possession entiére du pays par l'état ot ceci lo rend tres difficilement applicable 1 la France du dix-soptiemo siecle; mais encore on pout craindre que les adjudications soient teujeurs empertéos par les mSmes porsonnos, bien que les fermos publiquoe so donnent "sans aucune avanco on donnent suffisanto caution."2O Une concentration dos capitaux ost sans douto i rodeutor. Si nous mottons on parallels les utopies et lo royaume do Franco nous constatons que beaucoup do défauts du systome do taxation applique sous Louis XIV ont été supprimés dans les pays d'utopio. Plusieurs points sent i remarquer A propos dos systemes d'éducatien sur losquols nous insisterens plus particulié- rement. Tous les auteurs affirment d'abord que les enfants appar- tiennent i l'état ot que leur education doit atre faito, non pas par leurs parents, ni par les ministres du culto comme dans le Libellus, mais par des éducateurs cheisis per lo gou- vernemont. Les Australians abandennent leurs onfants i l'igo de deux ans, les Avaitos a quatre one at les Sévarambes i 19 Antangil, p. 62. 2° _1_g_.. p. 61.‘ 111 sept. L'adoption dos enfants psr l'état donne lieu 3 uno fete qui ost célébrée quotro fois par en, lo Stricssion.21 Solon une ordonnsnco do Sévariss, dos que les enfants ont atteint leur septiémo année, i do certains jours reglez & qustre fois tous les ans, le pore & la mero sont obliges do les mener au Temple du Soloil, ou sprés unon les a dépouillés dos habits bloncs qu'ils portaiont dopuis leur naissanco, on les love, on leur rose la tote, on les oint d’huilo, on leur donne uno robe jwune, & puis on les consocro a lo Divinité. Lo pore & 1a more so demettont entiéremont do l'ompiro que la nature leur avoit donné sur eux no so roservant que l'amour & lo respect, & gas co moment ils dovion- nent onfsns do l'Estat.2 Ailleurs, dons uno dos lois laisséos per lo memo réformatour, Sévariss demande "do prendro un soin tout particulier do 1'6- ducstion dos onfans . . . pour leur approndro do bonno hours & l'oboissanco dos Lois & 1a soflmission qu'ils doivont aus Ma- gistrats qui sont les voritoblos pores do la patrio."23 A Csléjava, les onfants "sont affranchis do l'empire pater- nol dont lo poids les accablo dans les autres Pays ot les ox- poso aux capricos d'un homme fort souvent deraisonnoblo."2u Les Avaites confient leurs enfonts "a des personnes capsblos do cot omploi"25 qui s'sppellont Lucados y Bergli. Mentor 21 Pour In description complete du Stricasion of. II, iii, 293. 22 Sévarsmbos, II, 1, 319-320. 23 33., II, 1, 195-196. 2h. Coléjsvs, pp, 123.129, 25 gig. , 127-128. 112 conseille a Idoménéo "d'établir dos écoles publiquss ou l'on onseigno 1a crainto dos dioux, l'smour do la pstrie, lo res- pect dos lois, 1a preference do l'honnour aux plaisirs ot I la vie memo."26 Dans Antangil,I.D.M. prévoit un double sys- tome d'instruction publique: les jeunos nobles fréquontent l'Acsdémio27 ot les enfants du commun sont instruits par les Régents et Régentos locaux.28 L'Académie étsnt résorvée aux garcons, rien no semblo avoir été prévu pour les jounos fillos do lo noblosso. Les jeunos garcons du commun, s'ils sont extrememont brillants pouvont accéder é l'Académie. Choz les Sévarsmbes i1 existe une sorto d'Ecole Normalo Supérieuro psur les sujots d'élite: "i1 y a des Colleges faits tout expres pour leur éducation et c'ost du nombre do ceux-cy qu'on prend do sopt on sopt ans, dos Sens pour voyager dans notre Conti- nent et pour y approndro tout ce que nous avons do particu- lier."29 A l'Acodémio d'Antangil les étudos sont divisées on trois périodos: do six 1 douze ans, do douzo i dix-huit ot do dix-nuit a vingt quatro. En Sévarsmbis, l'onseignement comp menco i sopt sns et duro quotro ans, mais il est complété par 26 Télémsguo, XII, 216. 27 Pour la description do l'Académie cf. Livre Quatriomo: De la nourriture ot instruction do ls jounosse, llu-123. 28 Pour 1'instruction du commun cf. Livre Cinquiéme, Chopitro XIV, “De l‘instruction du commun". ‘29 Sévarsmbos, I, i, 323. 113 un séjour do trois ans 3 1a cmnpagno, pendant loquol les on- fonts révisont quatro houres par jour co qu'ils ont appris pendant les quatre années précédontes. Dans la Torre Aus- tralo, l'enseignoment commence aussi i sopt ans, mais so poursuit pratiquomont jusqu'i tronte-oinq ans, ago auquel les Australians pouvont dovonir "lieutenants" et remplaoor coux .do leurs compatriotos qui désiront "cosser d'oxister". Pour les Avaltes les études duront onzo ans, do quatre i quinze ans. I.D.M. entro dans le détail dos aotivitéa dos étudiants do l'Académio. Los étudiants so lovent i quatre houros, prient, appronnont lo catéchisme ot ohantont dos psaumos Juaqu'l cinq houros. ‘De cinq i huit houres, ils vont on classe. A huit houres ils déjeunent d"un morcoau do pain large do quatre doigts".3O Do huit i neuf heuros, ils écoutent un sermon. La classe reprond i neuf houros et duro jusqu'i onzo houros. Do onzo heuros a midi, les étudiants pronnont leur diner ot priont. Ensuite ils passont uno heuro a iouor ot la classe rocommenco a une heuro ot duro jusqu'd quatro houros. Les. jeux et oxercices roprennont a quatro houros et continuont jusqu'a six houros. Lo couchor a lieu a nouf houros. I.D.M. :se montro assoz précis au sujet du programme: "1a promiéro cflnoso qu'on apprend do six i douzo ans, c'est i bien lire & teien oscrire toutes sortes do lettres, puis 1a Grammairo, la jPoosio & l'Histoire, avec la musiquo, & quelquos potits .30 Antangil, p. 128. 11h pri;cipes do Géométrie & do Cosmographio." Au deuxiéme Ego les étudiants lisent "la Rhétorique, les Mathématiquos, la Dialectiquo Phisique & Metaphisiquo, avec les plus boaux & olegans Oratours & les plus belles parties do la Modocino." De plus "aux houros les moins importantos . . . on leur mos- tre a dessigner, peindro, l'Architecturo, fortificatios & perspective, continuont co pendant tousiours la musiquo & autres exorcicea commences au premier sage, conforas & dis- putans outro cola tous les iours apres les locons." Enfin pendant lo troisiéme age, on "continue les mesmes oxercicos, & outre plus, apprend les loix & ordonnances du Roiaumo deux ans durant, doclamer ordinairement & practiquant lo palais afin do so rendre expors i bien iuger dos controversos, & ontondre les formalitoz du Droict!" Enfin "lo rosto du temps qui est quatre ans, ils so rondont practiques, & co confirmont en ce qu'ils ont appris."31 Bion que Foigny ait été regent au Collégo do Morgos, son Iarogrammo d'éducation roato assoz vague: pendant la premiere "teando" on s'occupo dos "principes", c'ost-i-diro la lecture, 11' écrituro et le calcul simple; dans la socondo, les élovos 1‘. isonnont aur les chosos naturollos; dans la troisiomo, i1s 1’“ iaonnent eux-memes sur toutes choses; dans la quatriéme, j-J.s "opposent" entr'eux; enfin, dans la cinquiéme, ils so per- I59<3tionnont en attendant do remplaoor quelqu'un dans la :32L Anton il, pp. 134-135- 115 société. A dix ans, expdique Feigny, les Australians lisont couramment; i quatorzo a%s, ils connaissont parfaitoment la languo; a vingt ans ils sont experts on philosophie; do vingt a vingt-cinq ans, ils so consacront surtout i l'astrologio ot do vingt i vingt-huit i l'histoire. Foigny no montionno nulls part l'onseignement dos arts. II remarquo que la lan- gue australionno, dont nous parlerons au chapitro suivant, facilite beaucoup les étudos dos Australians, do par son ca- ractére rationnel et .systc’amatiquo.3-2 Vairasse, qui a été précoptour et conféroncior, rosto lui-aussi trés imprécis dans sen programme éducatif. A peine montionno-t-il que pendant quatro ans, dans les éceles publi- ques, on accoutume les onfants "a l'oboissaneo dos Loix, on leur onsoigno i lira & i écriro, en los formo i la daneo & i l'oxercico dos Armes."33 Pendant los trois ans pasaés i la campagno "ils appronnont I [3ig7'cultivor 1a torro i quoy on les fait travaillor quatro houros par jour, & on les fait oxeroer les quatro autres houros aux chosos qu'ils avaiont doja aprises dans les oooles."3u Aprés quatorzo ans les Edirnais ot Edirnols,'gargens ot fillos dans la troisiemo septaine do leur vie, continuont i étudior 1a grammairo at so consacrent aussi a l'ensoignement profossionnol. Quand les jeunes fillos “ont atteint leur seisiéme année, & les 32 cr. ci-dessous pp. 170-17h. 33 Sévarsmbes, II, 1, 321. 3“- id., II, 1, 321-322. 116 garqons leur dix-neufiéme; alors i1 leur est permis do faire l'amour & do songer au mariage."35 A Caléjava, ”les Lucades y Berpli onseignent plusieurs choose a leurs éléves jusquos A l'figo do quinze ans, comme a lire, a écriro, a chanter a jouer dos instruments 1a Théo- logie, la Morale, quelquos remarquos et quelquos oxpérioneos sur la nature qui leur tiennent lieu do Phisiquo."36 A qpinzo ans, "3 meins qu'on no los juge tron-propros i qualque science, ils vont fairo garde sur cette grands muraillo qui fait le tour do l'Islo: 13 on leur retrace encore les mSmes legons, & ils y apprennent un metier."37 A vingt ans los garqono sont répartis dans les habitations; les fillos sont élevées séparément mais suivant lcs mamas lignes; elles so marient a l'dge de dix-sopt ans. Ainsi on pout dire sans exagération que les utopistes congoivent déjd l'école publique tolle qu'elle sera partial- lemont réalisée par la Troisieme Républiquo. L'ensoignement qulil préconise est public, laique, gratuit ot obligatoire. L'Académie d'Antangil est en principe payanto mais les nobles sont obliges do s'entr'aider peur subvenir aux frais do 1'édu- (cation do leurs file: "on fit un Edict que [27 les Peres xvobles do toutes les Provinces, aux coditions que les pauvres L15 Sévarsmbes, II, 1, 325-326. .36 Caléjava, p. 129. 37 3g... pp. 129-130. 117 furfitnt nourris, entretenus & disciplinez aux deepens dos ricwes, oars qu'il constast aucune chose aux pores & mores.")U fin svstémo complct d'éducation est aussi prévu pour 16: on- C. iaats du commun: 1e Sénet: "ordonna qu'en chasque paroisse il ‘y'auroit un Regent, logé dans une maison fabriquéo oxprés on loquello soroit unr grande sale assoz capable pour contenir “tous les onions du lieu, & aussi entree chambres & cour pour .1 ,_ "3C. , , n - a son Iogwmcrt. , L5, lo Regent apprend aux cloves pPGmlu- 1?Cm2fit a bien lira, oscriro, jottor & calculer avec quelquos q .. L-.. . ._, _. .‘ ,A ’1, _ IDFUCCprS morons, ensemble bu oati I \ cchisno & principaux poincts (10 la fol Chrestionro."uo Des "bourses d'état" permcttent A :I'importe quel enfent du commun do fréquenter gratuitement 1.'Aoadémie: il lui suffit d'dtre un brillant élove: s'il so trouvait entro tous ses disciples (coux du Régent) uelque esprit relové, rare at excellent tan en memoire, subtilité d'esprit, que jugement, i1 oust a le dénoncor au Contenier civil qui on donne avis au President, & selon lo mandement qu'il on regoit, lo fait mener en la omnitale ville, on laquelle est établi un grand et fameux College, on sont entreten s plusieurs Docteurs en toutes Ia- cultez, ou il 37 a un mi stre qui a aoin d'adminis- tror a la jeunesse que le Roi entretient, la nour- riture, habits & liv'os, & avoir esgard sur leurs moours & etudos, 3i tels jeunes gens n'ont melon do s'ontretenirJL1 Eous ronnrquons que les utopistes organisont l'enseigne- ruerfit primeire laique at national a un moment ou cot ensoignemont 11:: iron::, est d you pram oxtioremont leissé aux mains dos pr tree. Do p113, il ost intéressart do remerquor qu'aucun des auteurs no donne la moindro place a l'étude dos langues lassiq rs. Ceci est en opposition avec les principes d'en- O scirncmont du siéclo. Sans vouloir accablor les méthodes pé- dagogiquos pratiquées dans les colleges du dix-soptiomo sieelo, on pout remarquer avec M. Van Wijngaarden "que l'onsoignomont secondaire, plus étroitoment 1ié qu'aujourd'hui i l'onsoigno- ment universitaire, n'a pu so défairo du carcan soolastiquo."’+2 I1 somblo bien quo dans l'onsomble l'enseignement classiquo du dix-soptiome siecle ait manQué son but. L'attrsit dos charges royales a precipité au début du sieclo beaucoup trop d'étudiants dans la voie dos humanités. "Dans les classes pauvres, c'ost unc ruée vors les études classiquos. Aux Etats Généraux do 161a, les députés du clorgé dénoneeront l'excos d'instruntion qui surcharge l'Etat d'officiers super- numérairoa."u3 Richelieu ot Colbert aprés lui, domandent da- vantage d'innéniours et moins do latinistes. Tandis quo l'enseignemont do la France du dix-septiéme siéelo no forme pas les elites correspondant aux bosoins du pays, I.D.M., Feiény, ”airssso, Fénelon, et Gilbert insistent tous sur les disciplines scientifiques at our 1'snsoigncmont professionnol. Commo Jontaigno, ils veulent divoIOppcr 1e jngemont do leurs 2+2 Van Ni jnga 541,36: c, n, p . U9. . 43 Pierre Gaxotte, p. 37. 119 ' ‘\ t V. - . 9 , ._ 3 I s .,-.,‘A . H ,. .‘ , .., f..- .' CléVCS CL full”; L'GUA CUES hOJ.).z.€3t'3u gellb. hail.) nu‘tfil‘ii-‘ll et '-/ date In Icrre Australo. C'rst peut-étre l'influcrce do Rabalais qui so fait sentir dons l'extrémo amplitude dos programmes at dans la lonaueur dos étudos. Les ecolos no sont mixtes dans aucune utopie. Nous avons vu que l'éducation dos filles n'est pas aussi complete que cello dos garcons. I1 ost romarquablo que 1'éducation physique pronne uno place importante dans 1'emp1oi du temps dos étudiants. Il faut dire qu'elle est liéo a la prepara- tion militairo. Fénolon insists sur la bonne santé et la robustesso physique du roi ot do ses sujots. Vairasso onvoie a Sporoumbe tous les malados ot les mal-formés. I.D.M. eon; goit tout un programme d'exereioos pittorosquos pour les jounes nobles d'Antangil: au premier figs, "ils iouent i la trompe, au moino, a la fossette, i la oresao, i la ballo, i la table au corf; ils appronnont los pas do 1a danao sans aucune cabriolos, ontrochars [Sig7'ni sauts ronds, & autros potits joux ed il n'y va que du eourro sans aucun effort."uh .Au second age, ils appronnont "a tirer dos armcs, danser par haut, voltigor, manier une légdro picquo avec la course, les barres forcées, saultor dos haies, fossoz, & la jarrotiero a hautaur do noietrine, iouor o la ballo foreéo, nager on toutes fagons, jeuor a la longue paume S au tripet."LLS lfl+ Antaneil, pp. 136-137. 'Il est difficilo d'idontifier avoc‘certitfido tous les jeux mentionnés. L6 2351., p. 137. 120 Au troisiéme dye, "ils iottcnt la barre, luictcnt avec les 1‘ J p144 orts, passont d nsgo do grosses riviores l'ospéo d 10 main & la cuirasse sur lo dos, eu bien tirans avec les dents quelquos grands fardoaux apres eux . . . ."ué Do meme, "ils conduisont toutes sortes do batteaux . . . ils appronnont encoros outre cola a aller sur la cordo . . . ils oombattont en la barriero armez do toutes pioces . . . ils appronnont d bien fairo aller un choval."u7 Cotte utilisation do 1'édu- cation physique i heuro fixe au sein do la journos do l'étu- diant so double d'un aménagomont pédagogiquo des horairos: les matiores a étudier sont choisios en fonction do 1'lge de l'étudiant ot aussi on fonction du moment de la Journée. Les arts sont délaissés par les utopistes, co qui s'expliquo par lour opposition au luxe. En conclusion les utopistes so sont efforcés do coneevoir dos systomes plannifiés d'éducation, indépondante de la re- ligion et soumis au controls du gouvornement ot qui puissont répondro aux bosoins do la nation. A l'anerchie du systems frangais, 3 l'archaismo dos méthedos ot dos programmes ils oppesont une organisation simple, dos programmes plus modernos et plus complete. 2) la critique diroeto. Sauf on so qui concerno la religion, 1a critiquo direeto ost on general désorganiséo ot épisodique; elle s'oxprime par ué Antanvil. p. 137. )7 “t 353.. pp. 137-130. 121 do nwubrousos pointes lancdos un peu so has rd au fi1 du récit; les victimos do sos pointes sont lo roi, les nobles, les jugos, les soldats, les fonctionnairos, los peotos, at al. Gilbert, par oxemple, s'insurge contre les oisifs: "Si 1a Noblosso, l'Eglise, les moines, les Valota, les Domestiquos inutilos, les gens du Palais, les faineants, les Ouvriors dos choses vaines ot superfluea partagooint avec les autres le travail qui produit quelque avantago réel et offectif, il n‘y en auroit pas pour chacun autant qu'il en faut pour so bien porter."L"8 A propos do l'histoire do Calénis séduite par Sévaristas pendant l'absence de son fianeé, Vairasso remarqus dans une sorte d'sparté: "Voill comment lea totes eouronné [iig7 avancont bientest leurs affairos, & oommont il leur ost facile do vaincre les ooeurs les plus rebellos.“+9 On trouve, tout i fait par hasard, semble-t-il, sous la plume do Vairasso une attaquo contre les vors rimés et leurs auteurs. Pour Siden les vors rimés "font un certain carillon d pou pros somblable aux clochettos qu'on pend i la cage rondo d'un écureuil . . . quel est l'hommo raisonnablo qui voudrait s'y amuser ou l'écouter plus d'une fois."so Dans lo Voyage dans la lune Cyrano so moque dos soldats do "nos armées"; dens nos arméos, dit-il "lo tintamarre dos he Caléjava, pp. 120-121. “9 Sévarsmbes, II, ii, 26h. 50 191., II, i. 3116. 122 trompottes ot dos tambours ompéche lo soldat do réfléchir sur l'inportance do so via."51 Quolquofois l'autour so lance dans do violentos critiques do l'inégalité sociale: Vairasso exprimo parfois son indignation on dos termes qui font ponser a La Bruyore. "Nous avons parmi nous dos gens qui rogorget do bions & do richesses, E d'autros qui manqufit do tout. Nous on avons qui passent leur vie dis 1a feneantiae & dans la volupté; & d'autres qui auon ($127 ineos - sammont pour gsgner leur miserable vio. Nous on a- vons qui sont elevés on dignité & qui no sont nulle- ment dignes ni capables d'oxoreer les ohargos qu'ils pessedent: Et nous on avons enfin qui ont boauooup do mérite, mais qui manquant dos bions do 1a for- tune eroupissent misorabloment dans %a bone & sent condemnez d une éternolle bassosse." Fénelon vise sans aucun douto Louis XIV quand il aoeable les mauvais rois do consoils ot souligne les fautes d'Ideménée. On pout meme donnor les clés des personnages. Fénelon a'ost roprésonté lui-meme on Philocles. Los deux mauvais conseil- lors d'Idoménée, Protésilas ot Timocrate roprésentont l'ar- ohovoquo do Paris, Frangois do Harley, ot 1e Péro do la Chaise; selon M. Van Wijngaardon.53 "L'archevéque do Cambrai a beau protester contre l'affirmation do eoux qui protest 3 son re- man uno intention politique . . . sos allusions sent trep claires pour qu'on s'y trompo un moment."5u 51 Voyage dans la lune, p. 69. 52 Sévarsmbes,II, i. BOA-305. 53 Van Wijngaarden, p. 85. 51+ 331... p. 83. 123 11 y a done une critique générale du sioclo disperséo on courtos digressions et qui met l'auteur directemont on rapport avec lo loctour par deli la convention utopique. Maia la critique généralo so double d'uno critiquo partieuliére, consciemment, délibérément monée par tous les utopistes sauf Fénolon, contre les religions révéléos at on particulier 1o catholicismo. La premiere idée ost que les religions révéléos no re- posent sur rien; elles sont 1e fruit do la superstition et do la crédulité dos psuples; lo dogma est un ramassis d'élémenta hétérogenos qui so sont accumulés au cours do l'histoiro ot ont été amalgamés par la tradition. D'ailleurs comment at- tribuer uno valeur absoluo a une religion quand i1 y on a tent qui prétondont posséder seules la vérité ? Peurquoi 1e Mahométan aurait-il tort ot le eatholique raison ? "Que risquez-vous, dit Samieski i oreire l'Aloeran a'il ost faux, mais que no risquoz-vous pas i no le point croiro, s'il ost veritable ? Ce raison- noment, dit l'Avaite est tiré do Mahomet, au cha- pitro hécaf. Il parle ainsi: avez-voua censidéré on quel état vous sorez si l'Alooran ost envoyé do Diou ? Maia qui ompéehe toutes les religions de tonir un paroil langago." Alatro remarquo do m8mo que "si lo chrétion pour treuvor . do la difficulté d examiner los prouvos du Mahométisme, a droit do lo rebutor, lo Turc n'on a pas moins do rojeter lo Christianismo; pout-on so fier i l'autorité qui souffle lo froid & le chaud suivant les Pays, & meme suivant les temps ?"56 55 Caléjava, p. 35. 56 if}... p. 35. 12h Meme au sein d'une memo religion, les hommcs no pouvont so mettro d'accord sur les attribute do la divinité. Le vénéra- ble Suains s'étonno qu'en Europe, on soit autorisé i discutor d'un otro dent on no sait qui il est et dent on ignore les attribute: "Vous parloz donc libromont du Haab dit-il -- Ouy sans douto, et co sont nos plus boaux et nos plus justes discours répondis-je . . . . Il n'ost rien do mioux - répartit-il - mais vos sentiments sont-ils los memes sur cot Incomprehonsiblo . . . . J'avouay qu'effoctivemont les esprits étaiont fort partagez dans les conclusions, ce qui causait plu- sieurs mépris et plusieurs hainos, d'eu naissaiont dos guerros, dga mourtros, et d'autros suites trés malheurouses." M. Chinard note i co propos qu'on roconnait iei "l'argumont ad hominom dos sauvagos américains qui s'étennaient tellsment qu'Anglais et Francois, adorant lo memo Diou, no pussont ar- river 3 s'ontondro sur quolques-uns dos attribute do co Dieu."58 Pour les utopistes, toutes les religions révélées parais- sont pou conformos i la raison tandis que cellos qui sont pratiquéos par les Australians, los Sévarsmbos, ot les Avaltos sont éminemment raisonnables. Siden pense qu'on pout "sin- coroment & raisonnablomont abandonner toutes sortes do Reli- gion pour ombrassor cello dos Sévarsmbos, comme etant la plus raisonnablo & la moins chargéo do superstition."59 Do fait, certains compagnons do Siden, dont Morton l'Anglais, rononcent Fl 57 Torre Australo, pp. 110-11 58 Chinard, Héve exotiquo. p.200. 59 Sévarsmbes, II, iii, 27h. 125 publiquement au christianismo. Les utopistes no s'on tiennent pas ll. Point par point, ils attaquont la religion chrétienne. Elle ost fendée sur la Bible, dit-on ? Maia qu'est-co que la Bible, sinon un tisau de mauvaises traductiens ? Gilbert qui écrit i la fin du aie- clo ot connait, par consequent, Richard Simon, critique l'exé- gese traditionnello i l'aide d'oxomples: N'est-il pas vrai "que les diverses sectos dos Chretions ont interpreté do plus de vingt maniéros différentes ces paroles si simples, Ceci ost mon Corps."60 Plus loin Gilbert discuto do la significa- tion do l'oxpression "do préter sans rien on attendre" (Luc VI. 35): "la vulgate on explicant 1e meme mot groc on deux sons differents a donne lieu aux ignorants, c'ost-d-diro, d tout le monde d'oxpliquer ces mots, sans rien on attendro, dos intéréts de la sommo."61 Gilbert l'oxplique autremont: "1a ponsée do Jesus-Christ est que les Chrstions prdtent & détachent do leur prét l'obligation do rendre que les ultras ont coutumo d'y mettro."62 La Bible n'ost done pas pour les zutOpistos la parole do Diou. Dyrcona raconto son interre- gatoiro dans un royaums do la lune, au cours duquol il s'op- pose 5 un do sos juges qui soutient que la structure du monde est éternelle: "Maia sitat que je l'ontendis soutonir uno r8- vorio si contraire i ce que la foi nous apprend, je lui 60 61 Caléjava, pp. Lu-MS. E09 p. 3060 62 _i__q., p. 307. 126 domandai co qu'il pourrait répondre d l'autorité do Moiso et que co grand patriarcho avait dit oxpressement que Dieu l'avait créé on six jours. Cot ignorant no fit que riro au lieu do me répondre."63 Au chapitro IX de la Torre Australo Foigny cri- tique l'Ancion Testament ot 1a chronologio biblique. Les Australians font remonter leur civilisation a douzo millo ans sur la foi do prouvos irréfutables, écorcos d'arbros et livres d'histoiro. Sadeur remarqus lo conflit entre los croyancos dos Australians et la Bible.6h Mais lo culto lui-memo n'a aucune valeur; faisant l'his- torique dos religions avant l'apparition do cello dos Séva- rambos, Screménas oxplique "que dans la suite l'ambitien & l'avarice venant 3 s'y méler on avait farei la religion de millo ceremonies superstieieuses & ridicules, qui a'etoiont établios par lo toms ot la coutumo, malgré l‘évidonoo de la raison & do la vérité."65 Alatro pose cette question rhéte- riquo avec beaucoup do vigueur: "n'ost-il pas plus raisonna- ble do croire qu'il n'y a point do Dieu que de pensor qu‘il prend plaisir i un culto aussi étrango que colui que l'on pretend qu'il oxige do nous ?"66 La priére, on particulier, eat on butte aux attaquos dos utopistes. Suains so souvient 63 Voyage dans la lune, p. 68. 6h A ce sujet cf. Atkinson, Ext. Voy. before 1700, p. 71. 65 Sévarsmbes, II, iii, 266. 66 Caléjava, pp. 73-7u. 127 qu'mltrofois ses compatriotes "faisaiont certains signos extérieurs accompagnez do grimacos ot do contorsions do mem- bros."67 La pordrix qui défond Dyrcona lors do son proces rappolle que l'hommo est un animal qui "love en haut tous les matins sos youx, son noz et son largo boo, oolle sos mains ouvortos la pointe au ciol plat contre plat, ot n'en fait qu'une attachéo, comme s'il s'onnuyait d'en avoir deux libres; so casse les jambos par la moitié, on sorte qu'il tombe sur sos gigots; puis avec des paroles magiques qu'il beurdenno . .. ses jambes rompues so rattaohont et . . . il so relive apron aussi gai qu'auparavant."68 La priéro est ridieule dans ses manifestations extérieuros, mais l'est-olle moins dans sos intentions ? Suains pense que, "pour prior et invoquor lo Haab, c'est une nécessité do supposer ou qu'il ignore ce que nous souhaitons, ou que s'il lo connoit, 11 no lo veut pas, et que nous prétendons lo fléchir par notre importunité, ou du moins qu'il est indifferent, ot que nous ospérons le tirer i notre favour. Ponser lo premier, c'est blasphémor; vouloir lo second c'est impiété, croire le troisiome, c'ost sacrilégo."69 Les Avsitos "no demandont a Dieu que co qui depend d'eux, cette priére no les aoeutflmo pas i attendre qu'il descendra du Ciel (comme par uno machine) quelque puissanee extraordi- naire pour les secourir."7O Eudoxo déolare: "Pour moi no 67 Torre Australo, p. 126. 68 Voyage dans le soleil, p. 20h. 69 Torre Australo, p. 115. 70 Caléjava, p. 292. 128 veux-je pas faire on quelque sorto une éprouve do sa puis- ‘ sance lors que jo lo prio pour la santé d'un parent, je prio inutilement en effet, si co parent doit guérir par dos voies naturellos & par les remedes qu'on lui fora, s‘il no doit pas guorir do cette maniére, il faut un miracle je lo demands a Dieu, n'est-co pas co qu'on appelle lo tontor ?"'71 Mais ces miracles-memos, qu'on somblo demandor i Dieu par la priére, sont-ils une prouvo irrefutable do l'intorvon- tion du Tout-puissant ? La réponso dos utopistes ost bien en- tondu negative. Pour l'auteur do Caléjava: "lo veritable Christ no permottro pas que ses élfls tombent dans l'orrour on ajofitant foi aux miracles, quelque grand qu'ils soient, qui soront faits par les faux Christ & les faux Prefstes: Les miracles sont dos prouvos si équivoquos que ooux qui ssront honorés du don d'on faire au nom du Soignour no laisseront pas fort souvent quo d'Stre reprouvés."72 Dans le passé, Sévarias s'est servi d'un faux miracle pour dovonir Vico—roi. La veix divine qui désigno Sévarias comme le premier dignitaire du pays n'était qu‘uno habilo tromporio. Sidon affirms: "Pros- que tous les gens d'esprit avec qui j'ay conversé fanilieromont é Sévarinde, m'ont avouo qu'il croyoient que co n‘avoit esté qu'une addresse do leur Legislatour pour donner plus do poids (% d'euthorité a son Gouvernoment."73 4aintenant les Sévarsmbos 71 Caléjava p 292 ! 0 o 72 $9., p. 68. 73 Sévarsmbes, II, i, 166. 129 no croiont plus aux miracles; ils pensent que tout pout s'ox- pliqgor scientifiquement. Ils expliquent ainsi les miragos: "les objets inferiours se poignont quelquefois dans les nues comme dans des miroirs, qui fesant uno especo do refraction, portant les images qu'elles regoivent dans quelque ondroit do la terre opposé A l'angle do la lumioro qui portait cos ob- ‘]'ets."rm Ils savent aussi comment l'imposteur Stroukaras a pu réaliser les faux miracles grace auxquels il a tyrannisé 1e pays. II a fait briller son visage artificiellemont, il a fait croire qu'il avait des conversations avec lo soloil, il a prétendu que des aigles lui apportaiont dos messages do Dieu et que dos oiseaux lui apportaiont do la nourriture. Apres une averse, i1 affirms que c'était lui qui avait fait pleuvoir. II a fait construiro une "fosse ardento" dans laquolle il fait ongloutir ses onnemis on prétendant que c'ost Dieu qui les a chatiés. I1 3 scellé uno source dans un rochor et, brisant le bouchon d'un coup do baton, a prétondu qu'il avait lui-méme donné naissance a la source.7S Sos prétros suivant son example dans la voie des faux miracles: Ils dif- ferent l'annonce do la mort de Stroukaras jusqu'i ce qu'un orage éclate "pour faire accroire é ses Sujets que Stroukaras étoit monté au Ciel."76 Plus tard un grand prétro nommé Sug-nimas découvre un serpent dont le "sue" le préservo du 7h Sévarambes, II, ii, 3&5. 75 Pour tous les faux miracles do Stroukaras voir II, iii, 13LL'173. 76 Sévarambos, TI, iii, M3. 130 feu at so livre lui-aussi a de nombreux miracles. Les pré- tres, do meme, corrompent ct teignent en rouge les eaux d'une riviére pour faire croire a une intervention divine. A la lecture de toutes ces utopies on acquiert la conviction que les seuls véritables miracles sont les faux L Les utopistes s'indignont du role que jouont les prétres dans la sociéte. Ils profitont do 1'ascondant usurpé qu'ils ont sur les foules pour diriger l'opinion a leur guise. Dans le Voyage dans la lune, Dyrcona et son compagnon espagnol sont sur le point d'étro oonsidérés comme des hommes sauvages par le psuple a quatre pattes. Mais dans la lune aussi il y a des pretres L "Cette créanco allait prondre racine a force do cho- miner, sans les prétres du pays qui s'y opposéront, disant que c'était une impiété épouvantablo de croire que . . . dos monstres furent-do leur espéces."77 Plus tard Dyrcona raconte que "les prétres, cependant, plus emportés que los premiers (les courtisans), avertis que j'avais osé dire que la Lune d'od je venais était un Monde, ot que leur Monde n'était qu'uno Lune, crurent que cola leur fournissait un prétexto assoz justo pour me faire condomner a l'eau."78 Gilbert s'omporte contre les moines et contre les "contemplatifs". "Ce n'ost pas pour cos fainéants do contomplatifs, mais pour les ouvriors dos oeuvres de misericorde & do Charité du prochain que lo Royaumo 77' Voyage dans la lune, p. 61. 78 _i_gi_., p. 69. 131 H79 du ciel est prepare. Gilbert réitére plus loin: "Quoique Saint Paul recommande tant aux Fidéles do gagner leur vie par le travail, ces fainéant do contemplatifs pour satisfaire leur orgueil en croupissant toute leur vie dans uno honteuso oisi- veté ont inventé la distinction de la vie active at do la vie contemplative at ils ont donné contre la penséo do J-C la pré- férence a celle-ci."80 Peut-étre faut-il voir li une allusion aux quiétistes ? Il s'insurge aussi contre "les pharisiens du christianisme". I1 semblo qu'il entende par 1i lo parti Dévot et particulieromont la Compagnie du Saint Sacrament: Les "pharisiens du christianisme’, dit-il, "imposont aux hommcs des devoirs qui les accablont, ils veulent otro salués par des noms qui impriment 1e respect, ils so distinguent par leurs habits . . . ils font do longuos oraisons i l'aide des- quolles ils épuisont les maisons dos vouves, ils jeunont deux fois par semaine & font une grands diférenco dos autros hommcs a eux."81 La points suivante parait s'adresser aux Jésuitos: "11 y a d'autres Chrétiens qui pour secouor le joug do l'Evan- gile font sans fondemont une distinction des proceptes & dos . C . 2 conseils pour ne pas suivre ces derniers."8 Ainsi nous pou- vons relever dans ces utopies beaucoup d'élémonts d'anticlé- ricalisme traditionnel. 79 Caléjava, p. 29A. 80 30:2" p. 308. 81 32.. p. 305. 82 151.. pp. 305-306. 132 Enfin la charge contre la religion chretienno prend par- fois la forme d'une grossiere parodio. Dans le dernier tome dos Sévarsmbes, toute l'histoiro de l'impostour Stroukaras pout-étre considéréo comme une caricature de la vie du Christ.83 Le long épisode dos amours d'Ahinomé ot do Dionistar n'est qu'un violent libollo contre le clorgé. Les prétres do Strou- karas ménent uno vie dissolue; ils abusont, par oxemplo, dans l'obscurité, dos plus belles filles du pays sous 1e prétexto do les faire visitor par l'esprit du défunt Stroukaras. Ces pages sont omises dans 1'édition do la Bibliothoque des Voyages Imaginaires.. Elles sont oxtrémement virulentes. Solon M. Atkinson, "Vairasso stands condemned of very bad taste in this part of his novel. His condemnation of the‘clergy is vitrio- lic in its force, and one man's bigotry is as displeasing as another's when unrestrained."8u Dans la meme veine,Foigny imagine la création i so fagon. D'aprés lui les hommes avaient autrofois les deux soxos. L'un d'entr'eux fut séduit par un serpent. De cette union naquit un male et une femollo. Cos monstros qui so miront i manger co que mangent les animaux, c'est-a-diro, non pas dos fruits mais do la viande ot du poisson, devinrent vito de plus en plus sauvages jusqu'a attoindro lo dogré do bestialité que nous con- naissons.85 83 Sévarambes, II, iii, l3h-173. 8M Atkinson, Ext. Veg. before 1700, p. 135. 85 Torre Australo, pp. 132-133. 133 hnfin, Cyrano, lui, trouve le Faradis terrestre dans la lune at so livre a do faciles et sacrilégos fantaisies. Elles sont innombrables. La pire a trait au serpent qui pous- sa Eve a commettre le péché originol. Elie explique co qu'il advint du serpent: Dieu, . . . 1e relégua dans le corps do l'hommo. Quand vous ontondez vos entrailles crier, c'ost lo serpent qui siffle, et qui . . . demands a manger aussi, car Dieu . . . vous fit obséder par cat in- satiable, afin que si vous lui donnioz trop a man- ger, vous vous étouffassioz; ou si lorsquo avec les dents invisibles dont cot affamé mord votro estomac, vous lui refusiez sa pitance, i1 criat, il tomp6tfit, i1 dégorgeat co venin que vos doctours appellont 1e bile, et vous échauffat tellement, par le poison qu'il inspire a 583 arteres, que vous on fussioz biontot consumé. Dyrcona ajouto quelquos explications do son propre cru: "Com- mo co serpent ossaio toujours do s'échapper du corps do l'hom- me, on lui voit la této et le col sortir au bas do nos ventres. Maia aussi Dieu n'a pas permis que l'homme soul on fflt tour - menté, il a voulu qu'il so bandat contre la femmo pour lui jeter son venin, et que l'enflure durét nouf mois . . ."87 Dyrcona s'appuie sur la parole du Seignour puisque Dieu a dit au serpent pour le maudire "qu'il aurait beau faire trébucher la femmo on so raidissant contre elle, qu'ello lui feroit bais- ser 1a téte."88 Ainsi, la critique religiouso s'attaque avec violence aux 86 ‘Voyage dans la lune, pp. 29-30 87 .21. p. 30. 58 39., p. 30. 13h dogmrs, a In bible, aux miracles, aux Ceremonies du culto. Elle opére a tous les niveaux depuis 1a critique sincere mo- tivée par des sentiments généreux jusqu'a 1a satire grossiéro qui brave quelquefois la déconco. On conqoit qu'un critique catholique comme M. Lachevro ait quelque raison do s'offonsor do cette charge generalo contre la religion, ménéo par Cyrano, Foigny, Vairasso ot Gilbert, et dont il faut excluro Fénolon et Claude Fleury. On voit ainsi ou so situent la plupart dos utopistes dans les courants do penséo du siéclo. Ils sont pour ainsi dire dans l'opposition puisqu'ils combattont la monarchie absoluo et les religions révélées. Ce sont bien dos libertine, non pas au sens cu l'entend M. Lachevre, mais simplement parco qu'ils font appel a leur esprit d'examen pour attaquer le dog- matisme religieux. Cyrano appartient au mouvement libertin dos années l6hO-16SO avec Naudé, La Moths le Vayor, Lhuillier, Chapelle et Bernier. Sans douto pout-on retrouver dans sos Voyages 1'écho des attaques do La Moths lo Vayor contre les miracles'39 et l'influonco de la méthode historique do Naudé. Foigny, Vairasso et Gilbert sont dos témoins modestes du développement do l'esprit philosophique. Lours utopies no sont pas des signes avant-courours ot prophétiques do l'avénement d'une philosophie nouvelle mais i1 n'est déji pas si mal qu'ellos en soient les syndromes immédiats. Foigny, Vairasso, Fontonelle et Gilbert suivent do trés pres lo mouvement qu'animent Spinoza 89 Dans le Dialogue entro Orasius et Orontes, (Paris, 1631). 135 Dayle, Richard Simon et Balthazar Bokker. Co sont bien dos "rationaux" qui n'ont gardé du cartésianismo que la foi dans la raison comme instrument do connaissance ot dans la pri- mauté de l'exprit critique sur la tradition. Ainsi pouvons retrouver , polo-mole, dans les utopies, des élémonts em- pruntés aux libertine et aux pionniors do l'osprit philosophi- que. Cyrano évoque un panthéismo gassendisto et épicurien; Foigny s'inspire du Tractatus do Spinoza; Foigny ot Gilbert font a leur maniero l'oxégése do la Bible; Fontenello so moque du dogmatisme religieux comme 1e fora plus tard Voltaire. Tous les aSpects do "la criso do Is conscience euro- péonno" so rotrouvont dans les utOpies mais leurs auteurs donnent souvent l'improssion do s'otro saisis un pou hfitivo- ment ot au hasard do toutes les idées qui étaient dans l'air. ils no les poussont pas jusqu'i leur plein développomont sans douto parco qu'ils n'on saisissont pas la prodigiouso portée; ils les oxprimont avec une certaino naivoté ot rattrapent on violence co qu'ils perdont on profondour, on solidité ot en unité. Malgré tout, on pout dire que les utopistes servont do transition entro 1e scepticisme do Montaigne et 1'esprit philosophiquo du dix—huitiéme siécle. 3) Les projcts do réforme: Les critiques représentent un aspect négatif dos rapports de la société réelle et do la société idéalo. Au contraire, les éléments do réformo roprésontont uno contribution positive do l'utopiste a l'amélioration dos conditions historiques. Mais les utopistes sont en général dos réformatours décus par 136 l'impossibilite do toute mesuro concrete. Ils réalisent théoriquement co qu'ils n'ont pu mettro on pratique. Comma l'écrit M. Mucchiolli: "L'utopio n'existe quo parco que l'ac- tion porsonnollo do l'utopisto - ou plutdt la croyanco on l'efficacité do son action porsonnollo - est nulle, impossi- ble ou ontravée. Il porgoit 1a faiblosse do ses moyens d'ac- tion porsonnols, mais 11 no pout s'ompéchor do pensor que si sos idées pouvaiont inspiror quelqu'un qui détiont la puis- sanco absoluo, rien n'ompéchorait la réalisation.du régno do la justice, do 1a liborté ot do la paix, tel qu'il 10 con- soit."90 Do fait, 11 y a "uno utopie do 1a reforms generals do l'Etat imposkePar lo prince inspire, qui vit socrétomont ou ouvortemont au coeur do tout utopiste."91 L'utopisto sa- tisfait idéaloment sa volonté do puissanco on prétant sos désirs a un réformatour imaginairo, Byrachil d Antangil, Sévarias en Sévarsmbis, Mentor d Salento, Ava i Caléjava. Chacun d'entr'oux procure A son créatour une satisfaction vi- cairo. Mais pour 6tro authentiquo uno réformo doit Gtro lo passage d'un état A d un état B, on peasant par toutes les phases intermédiairos détorminées, non pas par le raisonno- xnont théorique et la contemplation finalists do l'état B, mais par l'analyso concrete do l'état A et do ses possibilités do developpemont. Pour avoir uno valeur reformatrico, l'utopio 9° Mucchiolli, p. 105. 91 .43., p. 105. 137 doit étro une utopie on mouvement et non pas uno utOpio sta- tiquo. Or la plupart dos oeuvres décrivont dos pays dopuis longtemps établis, dos sociétos depuis longtomps stables ot apparemmontimmuablos. Le royaums d'Antangil est figé dans sos institutions. Dans la Torre Australo ot 1a Bétiquo, il semblo qu'il no puisse rion so passer: les hommes sont par- faits et il n'y a pas d'institutions. Le chomin conduisant do la France du dix-soptiéme siéclo l cos utopies so perd dans les nuages. Au contraire un plan do reforms n'opero pas complétoment lo "décollage" do Is réalité; 11 s'interosso aux moyens économiques d'arriver lo plus tat possible i l'état idéal. L'vtOpiste classiquo a tondance d noutralisor les obstacles on supposant uno humanité régénéréo at on refusant do prondre on consideration l'évolution do la société, do l'état historique d l'état reforms. L'utopisto-réformatour s'intérosse d l'évolution du mondo tel qu'il est; son plan do réforme "porte on lui l'utopie comme une nostalgic."92 Dans les Sévarsmbes, nous assistons I l'organisation progressive d'un pays parfait grtce d l'action at I la sa- gesso do Sévarias. Lo vice-roi orgmsise la société, 1o gou- vernomont, lo travail, la distribution do la nourriture et l'armée. Nous remarquons que sos decisions so fondont our use connaissance assoz precise dos faits économiques et se- ciaux. Il réglomonto rigoureusemont 1o travail on commun ot organise dos magasins généraux, co qui prouvo l'importanco 92 Mucchiolli, p. 106. 138 qu'il attache i la production ot i la consommation. 11 so sort d'un faax miracle pour assooir son autorité: ce trait do machiavélismo lui donne un cortain.reliof. Vairasso no passe pas sous silence les aspects sordides do son.systomo: les osclaves, la police, les délits. Mais dune l'onsemblo la Sévarsmbis so développe a partir d'un état initial noutro. Sévarias arrive dans un continent vierge ot pout lo reformer d'autant plus facilomont qu'il n'a l tenir compte que do quelquos institutions oxistantes. C'ost pourquoi la longuo histoiro du royaume dos Sévarambos rosto asses strangéro I la France du dix-septiome siéclo. Il n'on ost pas do memo du royaums do Salonte. Lorsquo Télémaquo ot Mentor y abordont, lo royaums rossomblo d la France at a grand bosoin do réformos. Maia lo type do civi- lisation y est déjd evolué et 11 n'ost pas quostion.d'y ope- ror dos changoments radicaux tol que la suppression dos clas- ses ot do la propriété privéo. Mentor recommande uno sério do mesuros at note lo résultat do leur application progres- sive. Cos mosuros sont cellos quo Fenolonivoudrait voir ap- pliquer i la France. Ce aant les memes que l'on retrouvo dans l'Examon do Conscience sur les Dovoirs do Is Royauto, dans la lottro A Louis XIV, Romontraicos d ce_prince sur di- vors points do son administration et dans les Tables do Chaulnos.93 A Lorsquo Télémaquo revient d Salento,_il remarqus que les 93 Cos trois oeuvres sont éditéos dans Ecrits et Lettres Po- litigues, pp. 29-96, pp. 1&3-156, ot pp._§7:IZE} 139 ornaments ont disparu do la ville, que la vie du pouple a été simplifies, que lo nombre do monuments a diminué, que le luxe a étb banni, mais d'autre part que la canpagno, autrofois inculto, est partout florissanto. La prospérité do l'agri- culture semblo ossontiolle,pour Fénolon, i la prospérité du pays. Télémaque ost impressionné par la fertile Egypto. "Nous no pouvions jeter les yeux sur les deux rivages, sans apporcovoir [3197 dos villes opulentos, dos maisons do cam- pagne agréabloment situées, dos terros qui so couvraiont tous les ans d'uno moisson doréo sans so reposer jamais, dos prai- ries pleines do troupoaux, dos labourours qui étaient acca- blés sous la poids dos fruits que la terre épanchait do son; sein, dos borgors qui faisaiont répétor les doux sons do leur flutes et do leurs chalumeaux d tous les échos d'alontour."9u De meme Télémaquo remarqus l'état do Is Crete: "Nous no trou- vions aucun.champ on la main du diligent labourour no fat im- priméo; par-tout la charruo avoit laisse do croux sillons: les ronces, les épines, ot toutes les plantos qui occupent inutilemont la terre sont inconnuos en ce pays."95 Mentor pense que "la terre, cette bonne more, multiplie sos dons selon 1o nombre do sos onfants qui méritont sos fruits par leur travail."96 Il expliquo A Télémaque les changemonts 9“ Télémaguo, II, 2h. 95 $51.. v, 79. 96 351., v. 79. 1&0 qu'il a effoctués: "Nous avons transporté do la ville dans la campagne les hommes qui manquai ent I la campagne ot qui étaient superflus dans la ville."97 Il faut romarquor que Fénelon n'est pas lo premier d défendre l'agriculturo. L'abbe Floury l'a fait avant lui. Dans Les moours dos Is- raelites, il écrit: "Avouons done, do bonno foy, que lo m6- pris que nous avons pour le travail do Is campagno n'est fon- dé our aucune raison solide."98 Co rotour i la terre, cette prééminenco donnée aux questions agricoles so doublont d‘un plaidoyer pour 1o libre-éohange. Fénelon favoriso la liber- té du commerce, les echangos internationaux ot s'opposo au systems mercantile do Colbert. Narbal oxplique ainsi les principes commerciaux do Tyr: Rocevoz bien et facilomont tous les étrangors; faites-leur trouver dans vos ports la sflroté, la commodité, la liberte entiero; no vous laisse: Ja- mais entrainer ni par l'avarice ni par l'orguoil. Le vrai moyen do gagner beaucoup ost do no vouloir .jamais trop gagner, ot do savoir pordro d propos. Faitos-vous aimor par tous les strangers; souffros meme quelque chose d'oux; craignoz d'excitor lour jalousie par votre hautour: soyez constant dans les régles du commerce; qu'ellos soient simples ot faciles accofitumez vos ouplos d les suivro invio- lablement; punissoz sév roment 1a fraude, ot memo 1a negligence ou le fasto dos marchands qui ruins lo commerce on ruinant les hommcs qui lo font. 99 Mentor dévoloppe l'activité du port do Salento on l'ouvrant libroment au négoce: "Le commerce de cette ville etait som- blablo au flux at an reflux do la mor . . . .Tout y éttit 97 Télémaque, XXII, 361. 98 Israelites, p. 53. 99 Télémaque, III, 52-53. 1&1 apporté at on sortait libromont. Tout ce qui ontrait était utilo; tout co qui sortait laissait on sortant d'autres ri- chessos a as place." Mentor crée aussi un code do comnorco. Il voulut "qu'on punit sévéremont toutes les banquoroutes, parco que cellos qui sont oxemptes do mauvaise foi no lo sont prosque jamais do témérité." En memo temps 11 fit dos re- glomonts pour empecher les banquoroutos. Il établit dos ma- gistrate "d qui les marchands rendaiont comptos do leurs ef- fots, do leurs profits, do leurs doponsos, ot do leurs entro- prises." Ainsi il est defendu aux merchands do "risquor lo bien d'autrui ot ils no pouvaient memo risquor que la moitie du lour."100 Nous avons vu que lo systemo fiscal preconise par Fénolon s'apparento d colui do Vauban qui veut supprimer les aides, les douanos, les décimos du clerge, diminuor lo sol do moitié et procuror au roi "un Rovenu Certain ot Suffisant, sans frais, & sans étro a charge 1 l'un do ses Sujots plus qu'd l'autro, qui s'augmontorait oonsidérablemont par la meil- leuro Culture dos Torres."101 Il est certain que les mesuros prises par Mentor 1 Sa- lento oussont pu Btro appliquéos i la France du dix-septiémo siéclo. Ellos auraient pout-etre prévenu lo cataclysmo fi- nancier do la Régenco. 100 Télémggge, XII, 205-206. 101 [Sebastien Lo Prostrg] Marquis do Vauban, Projot d'uno dixmefiroyalo, ([Tarie7, 1702), p. 1. 142 Fénelon propose enfin uno sorte do Société des Nations .avant la lottro. Aprés avoir ompéché la guerre, Mentor s'adresse aux rois on ces termes: songez done a vous rassomblor do temps en tempo, 6 vous qui gouvonnz les plus puissantes villes do l'Hospérie. Faites do trois on trois ans uno as- somblée générale ou tous les rois qui sont ici pré- sents so trouvent pour renouveler l'alliance par un nouveau serment, pour affermir l'amitié promise, et pour déliberer sur tous les intéréts commune. Tandis que vous sorez unis, vous aurez au-dodans do co beau pays la paix, la gloiro ot l'abondanco; au dehors vous sorez toujours invincibles.lo On sait que, dans ses mémoiros, Sully préte a Henri IV un grand plan do reorganisation de l'Europe on quinze états. trois religions ot sopt conseils, dont un conseil général do quarante mombres charge dos affaires communes. Il semblo que ce soit Sully lui-meme qui ait imaginé ce "grand dessein" qui devance l'idée exprimée par Fénolon.103 Par aillours dans Le Nouvoau Cynée,Eméric Crucé demande la constitution d'une assomblée compronant, dans l'ordre ou les place l'auteur, lo Pape, 1e Sultan dos Turcs, l'Empereur d'Allemagne, les rois de France, d'Espagne, les monarques do Parse, do Chine, 1e Grand Duo do Moscovio, et aussi les souverains d'Angloterro, do Pologne, do Danemark, do Suede, du Japon ot du Marco. En conclusion, nous pouvons dire que les éléments do réformes sont peu nombreux. Il est remarquable que Fénelon 102- Télémaquo, XI, 190. 103 Cf. Gaxotte, p. 31: "Cos chimeras sont absolument étran- geres a l'intelligence réalisto du roi, intelligence aux vues courtes et sensées, tournéos vers lo profit immédiat. " 1&3 soit 1e soul, avec l'abbé Fleury, I avoir compris les limites et les dangers du systemo économique mis on application par Colbert. Fleury ot Fénelon préchent lo retour i la terre et le développement d'uno agriculture moderno, qui sont un des bosoins essentials do la France sous Louis XIV. Les autros utopistes no somblent pas avoir ou conscience do co lapsus politique. Pout-etre no possédaiont-ils pas sur l'état du royaums les documents que, par leur fonction, l'abbé Floury et l'archoveque do Cambrai étaiont 1 meme do consultor, mais sans douto aussi étaiont-ils plus disposes d détruire qu'i construiro. La critiquo religiouse représente l'aspoct le plus ico- noclaste do la critiquo utopique. Cyrano, Foigny, Vairasso, Fontonello ot Gilbert attaquont ouvortoment lo dogmo catho- liquo ot lo r616 do 1a religion catholiquo dans la cite. Cotte hostilité so nourrit de la haine qu'éprouvont les utopistes pour l'intoléranco roligieuso. Cotte critique religiouse di- recto rosto un trait assoz pou commun dans l'utopie considéréo dans son ensemble at on pout dire que jamais elle n'attoint l'amplour ot la virulence qu'elle revet dans les productions du dix-septieme siéclo. Mais si les projets do réformo sont raros et si la cri- tiquo religiouse est 1 pou pres puromont negative, 11 faut cependant accorder que les utopistes ont 6té sonsiblos aux imperfections do certainos institutions. Les systemos d'or- ganisation do la justice, des finances ot do l'instruction publique dont nous lisons les modalités dans les ouvrages 1AM utopiques, rondent théoriquomont impossiblos les abus et les oxactions qui avaient coura dans la réalité on France. Qual- ques idéos sont originalos, mais elles no correspondent pas a la situation do la France. 11 est bien evident que dans un pays égalitairo ou la propriété individualle est limitée ot strictement contrdléo, 1o relevoment dos impbts ost théo- riquomont bien plus aisé que dans la France du dix-septiémo sieclo, dont l'organioation administrative proviont on partie du Moyen-Age ot dont la structure sociale tend d créer uno classe do plus en plus grands do privilégiés. Il semblo toutofois que M. Van Wijngaardon simplifio quand il voit uno progression constants dos récriminations dos utopistes d mo- sure que Louis XIV avanco dens son régne ot que, selon M. Van Wijngaarden, so tyrannio s'accontue. I.D.M. est sdroment plus severe pour la monarchie absoluo que no lo sont Vairasso, Fénolon ou Gilbert. M. Van Wijngaarden nJaLmo pas Louis XIV et cola so sent. Cortes, les utopistes ont protests contre l'état do la France contemporaine, mais il est curioux do constator que lo roi lui-memo fut sensible d certains défauts que les utOpistos mottont lumiore ot qu‘il prit dos mesures do réforme dans le sens indique par eux. Il faut so gardor d'impliquer que lo roi Jugeait satisfaisantes toutes les institutions léguées par ses dieux et que es pensee profondo était do les maintenir dans le statu quo ante. M. Van Wijngaarden rend lo roi responsable do tout co qui, dans la réalité, pout paraitre infériour 3 ce que nous proposent les utopistes. Nous opposons, d notre tour, utOpio ot réalité, 1145 non pas pour dire qu'ollos so developpont dans des directions irrémédiablement inverses et qu'olles expriment deux philoso- phies politiques absolument antinomiques, mais au contraire pour montrer que l'utopio s'appuio sur la réalité pour la prolonger et anticiper son dovonir. Au dix-septiéme siocle, asses peu do mesures concrétos ont été prises pour rémédior d l'ineptie du systems d'impbts dont l'uniquo objet semblo avoir été d'assurer au roi un ro- vonu minimum d raison d'une contribution maximum exigée do la fraction la plus pauvre du pays. Par contre, on so qui concerne l'éducation, remerquons que lo roi prit, on 1698, une sério do mosuros que n'oussent pas désavouées les uto- pistes. A cette date, 1'ensoignement primeire est rendu obligatoire jusqu'd l'figo do quatorzo one at lo traitemont do l'institutour est augmenté. Les écolos mixtes sont in- terdites. Les écolos doivont atre construitos ot entrotonues par les paroissos. Memo si cos édits n'ont connu qu'une application partiolle ot éphomére, il conviont do noter leur similarité avec les systémes d'éducation utopiques. De plus, par l'intéret soutenu qu'il porta aux écolos do Montmoroncy, do Ruoil, do Noisy ot plus tard A l'école do Saint Cyr, Louis XIV apparait comme un pionnier do l'onseignement féminin au moment on Fénolon écrit son Traité do l'éducation dos filles, ot alors que certains utopistes negligent cot aspect do l'on- seignement public. A propos do l'agriculture, ot sans vouloir diminuor les méfaits du colbertismo, nous pouvons noter que lo roi prit 1&6 dos decisions pour aider les paysans. En 1655, 11 fait cons- truire dos horas; en 1667, 11 interdit la saisie judiciaire du cheptol ou des instruments arotoires; on 1679, lo roi fait offectuer une enquete approfondie sur les conditions économiques dans les provinces. Quolques années plus tard, il promot uno exemption do taille pour une durée do quatre one a tout paysan qui romettrait on culture dos terros on fricho. Il interdit, do meme, la choose sur les terros onsemoncéos.10h Dans le domaine militairo, l'oeuvro do Louis XIV et do Louvois représente uno tentative fructueuso do mettro do l'ordre dans un conglomérat compact do coutumes at do our- vivencos. No pouvont attaquer do front la vonto dos com- missions, le roi et son ministre facilitent l'avancement dos soldats pauvros et méritants. Dee 1667, on pout dire qu'il y a deux fagons d'atteindre 1e sommet de la hierarchie mili- taire. Lo jeune noble fortune deviendra enseigne, lieutenant, capitaino, colonel ot brigadior. L'homme sorti du rang pout dovonir ensoigne puis aide-major, puis major, puis lieutenant- colonel et enfin brigadior. L'ontrainoment dos soldats, 1'or- ganisation do l'intendance, l'approvisionnomont dos chovaux do cavalerie font l'objot do mesuros de reforms. En outre, dos compagnies do cadets sont créées pour former do futur officiers. En 1672, l'ordro do Saint Lazaro et du Mont Carmel est réorganisé pour secourir les officiers indigents, tandis 104 Cf. w. H. Lewis, The splendid centugy (New York: Double- day, 1957), p. 68. 1b,? que deux ans plus tard l'Hdtel dos Invalides ost ouvert aux ,ancions hommcs do troupe. La milice, organisée par un décret do 1688, rossomble per son recrutoment et sa structure aux armées utopiennes do Sévarsmbio et do la Torre Australo. Il est regrettable, pour les utopistes, do constator que la milico fut A la fois impopulaire et inefficace.105 Atténuons par consequent, le contrasts qu'on pout etre tonté do dresser entre la réalité ot l'utopie. Pour faire ressortir la nouvoauté dos idéos utopiques, no noircissons pas systématiquemont 1e dix-septiemo sieclo on général et l'état do la France sous Louis XIV on particulier. Les uto- pistes travaillent a partir de la réalité ot non point contre elle, par antinomio. Cortains maux do la société réelle réapparaissent dans les utopies ot, bien qu'ils so montront dos réformatours pou féconds, nos auteurs apportent cependant dos suggestions qui coincident souvent avec dos réformos ultérieures. 105 or. w. H. Lewis, pp. 131 et 136. CHAVITHL IV Le jeu sur les possibles Nous groupons dans lo présent chapitro les aspects dos oeuvres qui no sont pas directement 1168 d 1'utopie sociale. Nous étudions d'abord les éléments qui ont trait A la vie soxuello, puis les langages imaginairos et enfin les possibi- lités do la science imaginaire. . 1) Les questions sexuolles. Le mariage, on lui-meme est uno institution. I1 a un rapport étroit avec l'administration et 1o gouvornemont du pays. Mais dans les pays d'utopie, 1o mariage est 116 1 d'autres themes tels que la polyandrie, la polygamio ot l'hor- maphrodisme. C'ost pourquoi nous plagons dans co chapitro l'étude du mariago avec l'étudo do toutes les questions rela- tives a la vie sexuolles. Tous les utopistes considéront 1e mariago comme un dovoir social. Mentor prend dos mesures pour faciliter les mariagos et augmentcr, co faisant, la population do Salento. Le peu- plo dit-il, "doviondra bientdt innombrable, pourvu que vous facilitiez les mariagos. La maniéro do les faciliter ost bien simple: prosquo tous les hommcs ont l'inclination do so marier; il n'y a que la misére qui les on empécho."1 Mentor Efllggéro donc un allegemont dos impdts pour multiplier les 1 Télémaque, x11, 212. 1&8 149 meninges I.b.t. n'a pas d'idées particuliéres a co sujet. , A peine dit-i1 quelquos mots sur le mariage dos prétres qui est nutorisé a Antangil. Ln Sévarsmbis et a Caléjava, au contrairc, les mariagos sont contrdlés par l'état. Chez les Sévarambes, quand les filles ont attoint seize ans ot les garcons dix-neuf, ils sont autorisés a so roncontror et d songer au mariago. Les candidats et candidates au mariago, appolés sparai et omboz, ont dix-huit mois pour faire leur choix. Ils so choisissent solonnellomont lors do la céré- monie do l'Csparénibon qui a lieu quatro fois par an. Les jeunes filles qui, aprés plusieurs essais infructueux, n'ont pas trouvé do partonaire, dovionnont les douxiémes, troisio- mos. . . ou huitiémos fommes des fonctionnaires publics, car la polygamie ost prévue. Un oxamon médical precede lo ma- riage. Les malformés sontonvoyés dans la province do Sporoun- dc.2 Une fois mariés, les jeunos époux no sont pas libres d'organiser leur vie soxuolle a leur guise: "On no leur per- met de couchor ensemble que do trois nuits uno pendant les trois premieres années de leur union, & puis do deux nuits une jusqucs a leur vingt & huitiéme année; aprés quoy ils sont libres & pouvont couehor ensemble quand i1 leur plaist."3 De méme, l'état defend "aus vouves qui ont attoint l'ége do soixante ans & aus hommos qui ont passé colui do soixanto- dix dc contractor do nouvelles neces."u Les lois du mariage ‘1.III.IIII 1 1|“! ‘lllr 130 sont csnsidérées comme oxtrémement importantes pour lo gou- verne ant de la Sévarsmbis. Dans son testament politique, Sévarias recommande "de faire valoir les Lois du mariage & do les faire observer aus personnes adultes, tant pour la propagatio do l'ospeco & l'accroissemont do la Nation, que :5 pour eviter la fornication, l'adultéro, l'incoste & d'autres crimes abominables."S A Caléjava, aussi, lo mariage ost obligatoire. A dix- sept ans pour les jeunes fillos et a vingt ans pour les gar- cons, les jounes Avaitos doivont s'unir. Gilbert consacro tout un chapitro aux prescriptions avaitos sur lo mariago. Lo but du mariage ost avant tout la génération. L'union ost dissouto on cas de stérilité. L'Avaito numéro 7S3 declare: ”Si le plus grand bien que Dieu ait jamais fait ost colui do nous avoir eréés. . . 11 mo semblo qu'on no puisse pas rendre un meillsur office au genre humain que de concourir avec Dieu H a la creation dos homnes. C'ost pourquoi, continue-t-il,"1e plus grand crime est do s'on abstenir; nous lo punissons plus "7 Eudoxe défend 1'obligation du séverement que l'homicido. mariago on se fondant sur la Bible. Elle so référe a la Gonéso (1,28) et affirms, A propos du mariago que "Dieu y a aussi ataché [sic] un plaisir qui fait uno espdco do violence & il punit coux qui y resistant principaloment les femmes Sévarsmbes, II, i, 198-195. "1" Cf. Caléjava, uu mariago dos Avaitos", pp. 122-125. NOW 312., p. 122. 151 no glusieurs maladies incommodes & dangerouses."8 Solon Eu- doxe, la Bible considere la stérilité comme une peine (Deut. c.7, v. 1&).9 Les cérémonies relatives au mariage sont é pou pres les mémes que cellos dos Sévarsmbes. Ainsi, dens Io Télomaque, les Sévarsmbes et Caléjava 1e moriage est considéré comme une institution trés impor- tante do la société utopionne. Il est encourage 1 Salento et rendu tout é fait obligatoiro en Sévarsmbis at 3 Caléjava. Mais pour Cyrano, Vairasso ot Gilbert, 19 mariage ost lié i la polygamie. Polygamie est un termo impropre si on l'appli- que A l'ensemblo dos Sévarsmbes. Dans le premier toms do la premiere partie, lo capitaine Siden se trouve responsable d'un QTOUpe do soixante-quatorze fommes et do plus de trois cents hommes naufragés sur une ile. Deux jeunes hommcs so battent pour obtenir les favours d'une des passagéres; l'un des deux soupironts et la jeuno femme sont griévement blesses. iden so voit ainsi oblige do procéder é uno distribution U.) des femmes: "Il fut résolu que cheque principal Officier auroit une Fomme pour lui, & que chscun d'eux en choisiroit une selon son rang. Nous distribuémes les autres selon le rang des personnes."10 On voit que cette distribution dos 8 Caléjava, p. 265. 9 Les deux passages do la Bible auxquol so référe Eudoxe pp. 26u-265, sans les citer, sont les suivants: "Dieu les bénit, ot Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez 1a terre, et l'assujetissez. . . '(Genése I, 28) et:"I1 n'y su- ra chez toi ni bomme ni femme sterile, ni béte stérile parmi .tes troupeauxV(Deut. VII, 1h). Nous utilisons ls texts de la Saints Bible, ed. Louis Segond, Paris, 1910. 10 t ‘ . cheromoes, I, 1, 68. 152 femmos n'a aucun rapport avec la polygamie. ll s'agit bien plutdt do polyandrio. Co systéme polyondrique no doit pas étre confondu avec colui qui est en vigueur on Sévarsmbis et a Caléjava. 'Dans l'oeuvre do Vairasso, il sort do contro— point aux institutions polygamiquos. Pour l'autour, la poly- gamie a pour but essential l'accroissement do l'ospoco; 1a polyandrie, au contraire, ost nuisiblo a la génération. Vai- rasso dégago les conclusions suivantos: "L'expérienco nous fit voir, on cette rencontro, que la pluralité dos hommes ost contraire a la génération, car pou do cellos (dos fommes) qui avoient plusieurs maris devinrent grosses; & au contrai- re, prosque toutes cellos qui n'on avoiont qu'un, lo furent."ll La polygamie a connu au seiziéme et au dix-soptiémo siocles, nombre do défenseurs mi-sérieux, mi-bouffons: Luther, Bruno, Lysor, Campanella, Milton at Sir William Temple. Chro- nologiquement, Cyrano est le premier a l'introduiro dans l'utopie franqaise. Dans son royaums des Amants situé dans lo soloil, les jounes filles do troizo ans ot les jeunes garcons do seize, sont enfermés pour un an dans un'hoviciat d'amour." A la fin de cette annéo do probation, "la faculté do Médocine va visitor en corps ce Séminaire d'Amans. Elle les tato tous l'un aprés l'autro, jusqu'aux parties do leurs personnes les plus secretes, les fait coupler a ses yeux, puis selon que lo male so rencontre a l'épreuvo vigoureux et bien conformé, on lui donne pour femme dix, vingt, trento on 11 ; s o Sovaramoos, I, 1, 69. 153 qusrsnin filled do cellos qui 1c chdrissaicnt, pourvu qu'ils o 4— p o "l2 s ' a mom rec iproquement . t On voit que Cyrano so complait seulement i réalisor un désir onirique. Mais c'est pout-étre Cyrano qui, per l'in- 13 tormédiaire do Henri Neville et do son Isle of Pines , a inspiré a Vairasso sos institutions polygamiques. A. Owen Aldridge affirmo que "the immediate wide vogue of the £313_ 2£_£inos. . . makes it almost certain that Voiras was fami- liar with it." Vairasso, on effet, résido on Angleterre do 1665 a 1677. M. Aldridge ajoute: "It may be said . . . that polygamy figures also in Cyrano do Borgerac's‘ygyage to the Sun, 1662, which may have been the source of both Nevillo's l! and Voiras' treatment of the theme." * L'attitudo do Neville so situe entro cello presquo paillardo do Cyrano et 1'atti- tude positive do Vairasso. The Isle of Pines est un dos rares ouvrages centres sur la polygamie. Sous lo regno d'Elizabeth, George Pines aborde, aprés un naufrage, la Torre Australia Incognito, avec Quatre femmes: la fills du capitaine, deux sorvantos et uno négrosse. I1 doviont l'amant dos quatre fommes. Les enfants nés do cos unions pratiquont a leur tour la polygamie, si bien que quarante ans aprés l'ilo compte cinq cent soixanto—cinq habitants; cinquante- nouf ans plus tard, ollo on compte millo sopt-cent quatre- vingt-neuf. Lorsqu'ollo est redécouverte par les Hollandais 12 Voyage dans le soloil, p. 258. 13 London, 1668. 1“ A. Owen Aldridao, "Polygamio in early fiction: Henri Neville and Irris Veiras,” PMLA, LXV(June 1950), h6h. 15h on 1667, so population compte douzo millo porsonnos, Le fonctionnemont d'uro tollo sociotfi no va pas sans quelquos difficultés at George Pine doit dicter dos lois séveres et organiser mothodiquoment la vie on commun. On pout penser avec I. Aldridge que Vairasso s'est inopiré de Neville, mais tandis que Ioville est au moins a moitié facétieux (lo nom du héros lo suggére), Vairasso, et aprés lui Gilbert, sont tout a fait sérieux quand ils parlont do la polygamie. Tn Sévarsmbis, polygamio est loin do signifier liberté soxuelle. Solon dos réglements trés précis, personne no doit roster sans femme, Les voyageurs doivont cohabitor avec dos esclaves. Lorsquo Maurice et ses compagnons so retirent dans leur osmasie, Sermondas leur fait romarquer que dos fem- mes attondent leur bon plaisir: "Vous voyoz qu‘on en a amené autant que vous estes icy d'hommes, qui vous rondrons visite do deux en deux jours durant le rosto du temps que vous devez étre parmy nous."15 Lm polygamie veritable est, en réalité, limitéo aux fonctionnaires. Elle vise 3 satisfaire leurs désirs personnels mais aussi a sauver du célibat les jounes f'lles laissées pour compte. D'uno part, les dignitaires du royaums essaient d'épouser les plus jolies fillos du pays, mais d'autre part, ils sont obliges do prondre comme socondes femmos cellos qui n'ont pas pu trouver do mari. Le nombre do femmes ost d'aillours rigourousement réglementé selon lo rang du fonctionnaire. 15 Sévarambes, I, i, 223—22h. 155 In Dolyqamie est beaucoup plus libre a Caléjava qu'elle I ”k (‘I no l'ost on Sévarsmbis. Comme on novarambie los Voyageurs pCUVan cohabitor avec dos femmes. Levant l'étonnomont dos Europdrns l'Avalto 753 oxplique: "Vous voyoz que la poligamio est pcrmise parmi nous. Ces beau" sentiments do vos Romans sont rcgardés comme dos sentiments outrés et oxtravagans." Ludoxo declare que les Romaine sont rosponsables do la mono— gamio car ils en ont fait uno loi do l'Empiro; d'aprés Eudoxo 1a.polygamie est autoriséo par la Bible.l7 Lo divorce ost prévu. En Sévarsmbis il s'agit plutat d'un ochange do femmes que d'un divorce veritable; apparom- du 1e droit a la solitude. Ho ment Vairasso refuse a tout indiv Ainsi, il est permis "a tous les homm 5 do changer do fomme avec leurs Concitoyons, pourvu qu'ils on convionnont tous h dous, o que les femmes y consontont, a cola so pratique sou— vent ouand ils no pouvont s'accorder ensemble." Mais lo mariage est une institution tellsment parfaite en Sévarsmbis "qu'il arrive raroment que ceux qui ont ou des enfans so sé- "lo parent ainsi. A Caléjava, le divorce est permis dans trois cas: par consontomont mutuel, lorsquo l‘une dos parties a uno cause léritime do grief ou enfin si le mariage ost resté sté- rile pendant trois ans. Eudoxo s'apnuie encore sur la Bible ~ 17 A la page 273, Eudoxo donne la reference Hat. 19.9. pour justifier la polygamie. Or nous no trouvons rien dans le tex- te bibliquo qui justifie, méme do loin, 1a pluralité dos fem- mes. Le texto est lo suivant: "Nais jo vous dis que colui qui répudio so femme, sauf pour infidélité, et qui on épouse une autre, commet un adultére." 18 Sévarsmbes, II, ii, 166-167. 156 pour dfifendro lo divorce. Vllc souticnt que lo divorce était ' T e . 0 1 r \l ' 1C) \ permis aux suits ct UOflhC 1a rnjvrrncr: Dout. 2a.. b'apros mufloxc, 1'nvnnrilo "no defend pas do so ropudior conjointe- O a e o P ' ot dos 1013 sur 1o divorce ont existe ment et unanimomont,’ dopuis Noise jusqu'a Jesus-Christ et meme jusqu'au sixiéme e \ Sicclo. 11 faut bien replaccr la polygamie et lo divorce dans leur contexts quand on étudie les Sévarsmbes ct CaléjavaJ avant do s'offaroucher comme 1e fait K. Lachévre. M. Laché- vre qui s'ontéto a voir dans ces deux utopistes dos "succes- seurs do Cyrano do Bergerac? no so rend pas tout a fait compte que Vairasso et Gilbert considérent la polygamio, lo mariage obligatoire et, remarquons-le bien, mémo lo divorce, comme un moyen d'augmonter la population. Il est sfir qu'é 1a fin du dix-septiomo siccle, les gouvornemonts franqais ot —taien préoccupés par la diminution do la population. :3 , '1 H .03 r—‘ O) Os . c+ A propos do l'Anglcterre, A. Owen Aldridge écrit: "That poly- gamy could have been seriously suggested in the seventeenth century as a means of increasing English population is proved by two hills which were actually presented in Parliament to "21 Un do ces projcts do loi déposé en 1658 m 1 galizc it. 19 Le texte bibliquc cst: "Lorsqu'un homme aura pris et épou- sé uno femmo qui viendrait a no pas trouver grace a sos yeux, parce qu'il a découvort en elle quelque chose do hontoux, i1 écrira pour elle uno lottro do divorce, et, aprés 1a lui avoir remiss on main, il 1a ronvorra do so maison." 20 Caléjava, pp. 273-27h. 21 art. 01 ., p. M67. w 157 soutirnt que la polygamie cmpéchcrait lo mourtro dos enfants illcritimes. Un autrr do 1675 y voit 1e soul moyen do repou- plrr lo pays ct d'empdchcr l'usage immoral dos fommos. Vai- rasso et Gilbert no conooivent pas la polygamio comme une source do plaisir pour l'individu, mais comme moyen pratique d'étoblir une société idéale ot d'assurcr son dovonir. D'ail- leurs la discipline est stricte. L'adultore et les relations prémaritolos sont sévéremont punis. La polygamie so double choz Vairasso ot Gilbert d'un certain puritanismo. Sermodas ré ume ainsi les idées do Sévarias vis-A-vis dos questions [/1 sexuolles: Sovarias, notre grand & illustrc Logislateur, ayant considéré toutes ces choose, a bien ordonné de punir l'intcmpérance & la brutalité; mais il prétond aush si qu'on songe a suivro les dessoins do Dieu et do la Nature pour la conservation du genre humain. C'ost pour cola qu'il ordonne que ceux qui sont arrivez a un certain age reglé par les Loix, so marient, fl que les Voyageurs puissent habiter avec les osclaves, dont nous avons un assez grand nom- bre. Ce grand homme nous a deffondu do regarder comme une chose criménelle co qui sort 8 la conser- vation do l'espéce.2 La difference ost grando avec Cyrano. Tandis que Vairas- se et Gilbert rochorchent, avec sérieux, une solution au problémo de la conservation do l'espéce et du mariago. qui concilie le bonheur individuol et les impératifs supérieurs do la communauté, Cyrano laisse libre cours a son imagination. Dans lo Voyage dans la lune, choz lcs hommes a quatre pattes, "tout nommo a pouvoir sur toute femme et une fommo tout de memo pourrait pourrait appelor un homme on justice qui l'aurait 9 I O *2 Sovarambos, i, 1, 222-223. 158 rofuséc."23 L'ndte do Dyrcona lui oXplique que "les fomellcs no sont pas assez ingrates pour rougir a la vuo do colui qui les a forgéos; ot les vicrgos n'ont pas honte d'aimor sur nous on mémoiro do leur more nature la soule chose qui porte son nom."2“i‘L Dans co pays-la, la virginité est un crime et les gontilhommes, au lieu do so distinguer du commun en por- tant uno éoéo, arborent on écharpe"1a figure d'un mombre viril. W Une memo intention érotiquo so dessine dans les pratiquos funérairos. Quand le lunion sent la mort venir, il convoque tous sos amis ot les ombrasso et, "quand c'est au tour do colui qu'il aime le mieux, aprés l'avoir baisé tendremont i1 l'appuie sur son estomac et joignant sa bouche sur so boucho, do la main droito il so baigno un poignard dens lo coeur." L'un apros l'autro les amis boivent 1e sang du défunt, mais surtout, "quatre ou cinq houros aprés on introduit a chacun uno fille do seize ou dix-sopt ans et, pendant trois ou quatro jours qu'ils sont a gofiter les plai- sirs do l'amour, ils no sont nourris que do Is chair du mort qu'on leur fait manger toute crue, afin que si do cent om- brassements il pout naitre quelque chose, ils soient assures que c'est leur ami qui rovit."26 Foigny occupe uno place a part car il est le soul qui introduise lo theme do l'hermaphrodismo dans l'utopie . 2 3 Voygge dans la lune, p. 68. 21* _i__2_., p. 195’. 25 id 26 £20! pp. 103‘10}Lo 159 h. Lachdvrc lui en fait grief on arguant du Fait que les particularités soxuclles dos utopiens choquunt la bienséance. Or, il n'y a, a notre avis aucun érotisme dans la descrip— tion dos moours desAustraliens. Pout-otro Foigny a-t-il voulu surprendre et choquor lo locteur et augmenter, ce fai- sant la diffusion do son ouvrage dont il ospore un bénéfico matériol? ll est vrai que Foigny aimo attirer l'attention. Il est vrai aussi que lo theme do l'hormaphrodisme possode un certain attrait qui a peut-étre poussé l'autour a l’uti- ‘1 J. r-J- sor dans son utopie. N. Van Wijngaerden suggéro aussi que Foigny s'est gardé lui-meme do toute improvisation libidineu- so, et portant s'est protégé do toute censure, en donnent prudomment a ses héros les deux sexes. On pout penser que l'auteur s'est lui-meme interdit un terrain dangereux sur loquol il auroit pu s'égarer. Mais nous pensons que l'on doivo accorder a l'auteur plus de sincérité ot lui reconnai- tre plus do profondour. 11 y a plus qu'un jeu do l'esprit ou qu'unc habilo affaire commerciale dans la Torre Australo; on pout y voir, comme lo dit J.Max Patrick, "a torn and dis- tracted soul seeking amid darkness and confusion for some 4" ' "27 ‘1 ,0 i o‘- ray oi certainty. reigny deplore les appetits sexuels qu'il découvre on lui-meme, il regrette l'état d'infériorité dans loquol est placéo la femme; i1 parait sincéremont déqu par la vie soxuelle. Marie dans des circonstancos assoz sordidos a uno pou vertuouse veuvo, plusieurs fois infidele, 2 . . . 7 J. Max Patrick, "A conSidoration of La Torre Australo Connue by Gabriel do Foigny," PMLA, LXITlQhE}, 739. v 150 pv?P d'un enfonf natural, Foigny associc la déboucho ot l'a- rnour ct, dons son livre cacrifie volontiers colui-Ci pour éviter cello-la. Son utopie monastiquo pout représentor un ideal sincere. L'Australie est un vaste monastére autour chiquol aucun mordo extériour, aucune tentation, n'existe. 1&3 cordelior Foirny n'a pas pu resistor a l'attrait du monde .r ct de ses plaisirs, mais C'ost pourtant dans un monastére (ni'il finira sa vie. Ainsi donc, au lieu do considéror l'hermapbrodismo comme un theme baroque ot do mauveis gout on pout lc rapprocher do co que nous connaissons de la vie et do la personnalite do l'autour. Foigny, qui a un penchant naturel pour la luxure, pense avec un peu do naivoté que la reunion dos deux sexes on une soule ot meme personne simpli- fierait singuliéromont la vie; i1 rejoint, mais sans aucun eminisme, lo sagcsso dos refrains populaires selon losquels, sans la presence dos fommos, tous les hommes se- Lorsquo Foigny public la Torre Australo, lo mot herma- phrodite fait artie du Vocabulaire courant. Il est souvent *d employé pour dési-ner dos hommes affoctés ot efféminés. C'ost lo sens qu'il a déja dans le titre dos Hermaphrodites accompa- gné du sixain suivant: Jo no suis maslo ny femelle Ht sy ie suis bien on corvolle Loquel dos deux ie doibs choisir Eais qu'importo a qui on ressomble ll vault mioux les avoir ensemble 161 [q o +_ s V 1 o o 2 ((3 on on recoit double plaiSlP Le mot apparoit souvent dans les Historiettcs do Talle- \ ’7 mant dos Réaux a propos do Louis Kill et de son entourage ' _° F " .. T) H 2 9 1| ' _o I o o masculin, Cinq nais et narradas. naLS l usage metaphoriquo chi mot n'est pas le soul et nombreux sont les récits qui :rolatont l'existenco d'homnos possedant les deux sexes. On :36 souvicnt dos androgynos décrits dans 1e Banguet do Platon ciu royaume dos Amazonos do la mythologie grocquo, dos récits du Persan Allah Xustawfi écrits au quatorziéme siécle. Au ’0 dix-septiéme siecle, n. Atkinson reléve qu'on trouve dos hermaphrodites dans les relations dos Voyages on Tartario do Pierre Uorgoron, dans les Voyages fameux du Sieur Le Blane ot dans l'America insignia & admiranda Historia do Do Bry et conelut : "Hormaphroditism is one of the commonest of raretios reported by travelers."30 Cyrano lui-meme oxplique do maniére fantaisiste l‘origine do l'hermaphrodisme.‘ Il faut pourtant romarquor que la legendo do l'hermaphro— disme a uno autre origino que les récits do voyages, C'ost la Bible. Lo vorset "Dieu crea l'homme a son image, i1 lo créa a l'image do Dieu, il créa l'homme ot la femme"(Gon.i,27), pout etre compris comme si Dieu créait 1'homme a la fois male 20 Hermaphrodites, page do titre, non paginée. 29 Gédéon Tallemant dos Réaux, Iistoriettos, ed. Antoine Adam, 2 vols.,(Paris: Gallimard, 1960), vol. II, 309. 3O Atkinson, Ext. Voy. before 1700. p. 58. 31 Voyage dans le soloil, p. 225. 162 st fcmelle. Boyle rapporte qu'on condamna au commencement (ju treiziCmc sidcle un hérhtique nommo Amaulri "qui soutenait . . . qu'a la fin du mondo, les deux sexes seront réunis en— sortle dans unc meme personne, & que cette réunion avoit t H 32 c30mnencé on Jesus-Chris Paracelse croyait, do meme, (qu'Adam et Eve n'avaient pas do parties génitales avant la chute, mais qu'apros qu'ils eurent pécbé, "elles sortirent COUWfi uno excresconco, ou comme les ecrouelles Viennent A Lnfin, au moment on Foigny écrit son utopie, une étran- go visionnaire appolés Antoinette Bourignon declare qu'elle a roqu do Dieu la vision d'Adam avant la chute; Au lieu dos parties bestialos que l’on no nommo pas (i1) estoit fait comme seront rétablis nos corps dans la vie eternelle, & que je no sai si je dois dire. ll avoit dans cette région la structure d'un nos, do mesme formo que colui du visage. . . il avoit dans son ventre un vaisseau ou naissaient do petits ocufs, & un autre vaisseau plein do liqueur qui ren- dait ces oeufs féconds. . . & cot oeuf rendu fécond sortoit quelquos toms aprts par co canal hors do 1'homme on forms d'oguf, & venoit pou apros a éclo- re un homme parfait. 4 ll n'est pas du tout sfir que Foigny ait connu les ouvrages d‘Antoinotte Bourignon. La publication do sos oeuvres com- pletes n‘a eu lieu qu'en 1679 sous lo titre do Dix-sopt trai- tés, a fimsterdam, mais deux oeuvres avaient déjé paru. 1a Parole do Dieu .et la Vie oxtérieuro do dem. A.B.39 et Pierre Boyle, Qictionnaire historique et critiquo, u vols., (Amsterdam, 1730), vol. I, p. 73, note G. 33 T a 1d,, vol. L, p. 7h, note u. 3h dans Pierre Boyle, vol. I, p. 73. vita r q 3) Malines, 166b et Amsterdam, 1668. 163 i1 so pcut que Foigny on ait eu connaissance. ioinny no fait pas dc description biclogique; i1 note simplement l'aSpcct cxtérieur dos utopiens. Les Australiens sont do couleur plutdt vormeille que rouge; ils ont les yeux a flour do tote, un nez plus rond que long, "dos épaules grosses et élevées, dos tétons ronds et évidens. . . leurs bras sont norveux, leurs mains larges ot longuos,a six doigts, 1a poitrine fort élevée, 1o ventre plat et qui no paroit que pou on leur grossesse." Sadeur note plus loin que certains Australions ont "sur les hanches une ospéco do bras, menus a la vérité mais do la longueur dos autres, qu'ils étendent a leur volonté, et avec lesquels i1 serrent plus fortement n36 qu'avec les ordinairos. Foigny s'inspire pou de la des- cription dos androgynesdu Banquet; lo troisiémo sexe décrit par Platon a les particularités suivantes: "It has four hands, and legs equal in number to the hands; and two faces upon the circular neck, alike in every way, and one head and both faces placed opposite, and four ears, and two kinds of "3? sexual organ . Foigny rosto tres discret sur la reproduc- tion dos hermaphrodites. Les utopiens produisent leurs onfants "d'uno facon si secrete que c'ost un crime entr‘oux de parlor do 'conjonctions' do l'un avec l‘autre a cot effet et jamais je (Sadeur) n'ay pu connoitro comment la generation n 38 s'y fait. 11 y a un tabou sexuel chez les Australions 36 Torre Australo, p. 96. / 37 Plate, Works, ed. G. Burges, 3 vols.,(London: Bohn, 1859), vol. 11x, Ebb—509. 38 Torre Australo, p. 95. ieu comme choz les Huropfiens. fin conclusion, on pout deduire do ces divers traitements utopiques dos questions so‘uolles plusieurs idéos intéressant a la fois la critique sociale, la morale et les convictions intimes des auteurs. D'abord, i1 no fait aucun douto que les utopistes s'op— posent a l'institution du mariage tel qu’il est compris ot pratiqué au dix-septiéme siecle. Tallemant dos Réaux offre ,un tableau complet do tous les excés auxquels pouvaient conduire les mariages d'intérét on do convenances. La poly- gamie pout étre considérée comme une tentative pour mettro do l'ordre dans la vie amoureuse ot pour réglementer lai"po- 1ygamie" tacite ot illicito qui so pratiquait a la cour et chez les Grands. Louis XIV, successivement séduit par do multiples maitresses, n'est pas loin do ressembler aux vice- rois du soleil auxquels Vairasso accorde uno douzaine do fommes. La polygamie pout diminuor la nécessité du divorce. Pourtant la plupart dos utopistes prévoient la possibilité du divorce qu'ils considerent comme un progrés sur l'attitude hypocrite et pou réaliste du dix-septiéme siécle qui conside- re 1e mariage comme indissoluble. La polygamio serait aussi, d'apros nos auteurs, un reméde contre la prostitution. Cependant, i1 y a encore choz les utopistes at on parti- culier choz Vairasso, Gilbert et Cyrano, l'expression d'un mécontontement contre 1e code moral qui veut que soient volontairement minimises cu passes sous silence, les joies ou les bienfaits do la vie sexuelle. Cos auteurs s'Opposent ; 165 non soulemont a l'idée que l'acte do chair puisse étre un péché mais aussi a la tradition platonicienne qui subsiste dans 1'Astrée, dans la.littérature pastorale ultérieure, dans l'idéal précieux et qui fausse complotoment la conception do l'amour. L'amour n'est pas purement un sentiment romanes- que édulcoré; au contraire, c'ost un phénoméno naturel ; i1 no so développe pas vers une asymptotique union charnelle, il semblo qu'il soit, dos 1o début, uno oxigence physiologique. Cyrano so montro le plus hardi dans sa campagno contre Ile tabou soxuel. L'esprit farci do themes panthéiste emprun- tzés au hasard a Gassendi et a Epicure, Cyrano voit dans 1's- nuour un acte philosophiquo d'union avec la nature, avec le ggrorm.étre, dans le désir do contribuer a sa recreation puormanente. Cotte glorification do l'amour physique semblo éizre 1e produit d'une sorte do liberation qu'on pourrait ca- :haictériser par le termo freudion do "défoulement". Cyrano otlblie ses amours vénales et empoisonnéos on décrivont les ékbats dos habitants do la lune. A l'optimisme do Cyrano pour qui les fonctions physiolo- Siques do 1'homme sont une source inépuisable do jouissanco, 3 ' Oppose 1o possimisme do Foigny qui no voit dans l‘amour hé‘térosexuel que tristosse et inassouvissemont. Nous pensons Glle Foigny a gardé do sa vie do débaucho lo sentiment do l'ianimalite profonde do 1'étre humain et qu'il exprimo dans SCDn utopie d'hermapbrodites son dégout do 1'humanité, un peu GE? 1a meme faqon que Swift 1o fora quelquos decades plus tard or} imaginant son pays dos chovaux raisonnables. 166 2) Les lan;._.r,u(»:s imz‘xginriir'es. Un dos facteurs caractéristiques do tout pays erranger est que la langue qu'on y parle est différente do cello qu'on a l'habitude d'entendro. Les utopistes, qui imaginont des pays nouveaux, no pouvont resistor a la tentation d'inventer dos longuos nouvelles. Ces languos nous intéressent a deux points do vuo: d'abord elles ajoutent un élément do pittores- que a la description des pays imaginairos et elles contri- buont a donner une impression do vraisemblable; C'ost ll uno tacho relativement facile pour l‘utopiste do fournir quelquos :spécimens do la langue et d'en donner uno explication étymo- .;Logique, invérifiable évidomment. Nais surtout, si l'auteur iravente une langue nouvelle, oxplique sa structure at met 811 valeur ses qualités, nous pouvons retrouver quelle est sea théorie du langage. Tous les utopistes parsémont leurs récits do mots indi- sréines aux sonorités étranges. Fénolon soul fait exception; 16% Télémaque so situe dans lo monde grec et son auteur n'a beasoin.d'aucun exotismo linguistique. Par contre, nous sa- Vtxns que les Antangiliens parlont la langue "moclaique ot Jafvano';nous apprenons qu'Antangil signifie "grace célesto" 9‘3 (que lo nom du réformateur, Byrachil, signifie "colonne ‘30 piété". A part cola, I.D.M. so contents do doter sa géo- Englphie do noms pittoresques: l'ile Corylée, 1e golfe Pachin- QLliry les fleuves Bachi et Tarrit par exemple. Gilbert, (38 meme, oxplique que Caléjava,dans la langue du pays)signi— flf3"terre dos hommesJ' Les fonctionnaires portont dos titres ~/p 7 4’3, inconnus on hurOpe: glébirs, caludos, lucades y borgli. Ni jilbert ni I.D.M. ne prétendent inventor une langue nouvelle qui représentorait un progres par rapport aux longuos exis- tantes. Ils dotent simplement leurs récits do néologismes choisis en fonction do leurs qualités vocaliques. Cot aspect superficiol dos longuos utopiques a pou d'in- térét. Dans les oeuvres do Cyrano, Vairasso et Foigny, nous ‘trouvons, par contre, une analyse do la notion do langage. (Zyrano comprend que lo but essentiel de la parole est la (zompréhonsion réciproque. I1 conceit qu'on puisse radicals- nuent supprimer tout langago par la transmission do la penséeég ISL comprend 1e caractére conventionnel du sens dos mots; il irnagine une langue composéo do trémoussements du corps aux- Er 'l'cwipfl“ioruzo (qur: l€:'tennjs o les affaires donnrnt, & d'autant que lo Roy A co conseil no doivont faire qu'un soul corps & que sans icolui, 11 no pout disposer do chosos importantes a l'hstat, on la nommast conseil do so Majocte Roya- le. . . . La phrase continue encore pendant quatorze lignes dans 1'édi- tion originals. Du Eatz aimo les transitions abruptos, nottomont souli- gnoes pasune courts phrase: "Revonons au siege do Vitré. . . (cclxxxj), "Il est a propos do dire quelque chose do la guerre do Basso Brotaane. . . "(cclxxxj), "Rovenons aux Espa— v . . v gnols. . . '(cccv), "Revencns audit Siour do horcoour. . . (cccx'ij). Cos transitions un peu sommaires ressemblent a cellos que l'on trouve dans Antangil. I.D.M. rolie les différonts chapitrss par dos phrases telles que: "Ayant traicté dos arméos terrostres, nous passorons maintenant "Maintenant il est aux navales. . ."(92), cu bien encore, temps do pass-r a la polico"(l3). Nous notons aussi une certaine affinité entro les méta- phores dos deux ouvrages. Dans fintangil, les comparaisons sont assez maladroites. I.D.M. écrit par oxemplo: "Mainte— nant il est temps, aiant moné lo lecteur par la police civi- lo, comme avec les fleuttos & 1e violon, que jo sonne la tro- potte & 1e tambour pour lo conduire parmi les gens do guerre" (69). De meme, i1 compare 1a direction d'un pays a cello d'un naviro on cos termes: "Tout ainsi que lo bon pilots n'attend a bien osquipper son navire do voile, anchros & 233 cordaycs quand la temposte viont: hair y prevoit auparavauf, lo tenant prost d tout evonomont: Do mosmo aussi ces grans politiques n'aitondont l'ouvorturo do 13 guerre a instruire m“ & exercer les soldats"(j3). Du Matz, do son cote, écrit: "T I ‘ o 5 . . ,1 «0115 1'estat miserable do Lenoieur do nrrcoour somblable a ces oyseaux dosamparez, qui no pouvont plus volcr pour la ‘ ! ports to leurs plumes & aisles"(cccxiv). I1 observe que lo {'N baron du Molac " a plus affairs do bride pour lo retenir que d'esperons pour 1'avancer"(cccix). ll note que "lo Roy d'Espagne avoit onvoyé un Agent pour raccommodor les mauvais ménages avec Dom Jouan d'Aquila"(cccxij). Alors que I.D.M. parle do propos "confits evec lo miel de la saints doctrine? "venim [éiq7 couvert dudit sieur do Mercoour" Du Matz parle du (cclxxvij) et montionno que la ville do Saint~Malo ost "onsorcelloe du venim de la Ligue"(cc1xxvij). 0n pout enfin romarquor que les deux auteurs connaissont et emploiont do nombreux termes nautiques, En conclusion, nous n'avons aucune certitude absoluo que Jean Du Matz et I.D.M. soient une seulo ot memo personne. Toutefois nous avons groupé un certain nombre do rossomblan- ces fonCSos sur les toxtes. Les initialos dos deux hommes correspondent, les quelquos faits biographiquos que nous pouvons extrairo d'Antangil coincident faciloment avec la vie do Jean Du Matz, 1'attitude religiouse, la méthode intelloc- tuolle ot les procédés do style dos deux auteurs présontont do constantos analogies. Il semblo done que l'hypothéso selon laquelle Joan Du Matz sorait 1'autour d'Antangil soit tout a fait valable. BIBLIOGRAPHIE Aldridge, A. Owen. "Polygamy in early fiction: Henry Neville. and Denis Voiras," PMLA, LXV(Juno 1950), h6u-h72. Alombort, Jean 1e Rond d'. Encyclopédie ou dictionnairo rai- sonné dos sciences, dos arts at dos métiers. l6 vols. Nonf- chastel: Samuel FauIChe, 1765: [Artus, Thomas, sieur d'Embry7. Les hermaphrodites, discours do Jacophile a Limne. 3.1., [16057. Ascoli, Goor es. "Quelquos notes biographiquos sur Denis Vai- ras d'Alais, Mélangos Gustave Lanson, Paris, 1922, 165-177. Atkinson, Geoffrey. Les nouveaux horizons do Is Renaissance francaiso. 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