! a w A {.1- \ 0 4 ;_ V _ , h I .--e.- ?A..’A-- €J~m_f‘f. _ 1 Q ft ’3‘- 0‘. "' ' " ""'" Ll, ‘. .-°..--..-“.a. L———:i“_ ”"5 I'll, ’YHeszs This is to certify that the dissertation entitled EROS ET DRAMATURGIE: LE THEATRE DE JEAN ROTROU presented by Jean-Claude Vuillemin has been accepted towards fulfillment of the requirements for Ph.D. degree in French (M. E. WOM£3%€_C_ Majorpr 55 Date October 311 1986 MS U is an Affirmative Action/Equal Opportunity Institution 0-12771 * MSU RETURNING MATERIALS: Place in book drop to remove this checkout from .jigfifififlfiL .your record. FINES will __. be charged if book is returned after the date stamped below. mrww 57-‘4 .Wfi" {2- \."t.3"”: OOC H151} EROS ET DRAMATURGIE: LE THEATRE DE JEAN ROTROU BY Jean-Claude Vuillemin A DISSERTATION Submitted to Michigan State University in partial fulfillment of the requirements for the degree of DOCTOR OF PHILOSOPHY Department of Romance and Classical Languages 1986 “4? .7/30 c. Copyright by JEAN-CLAUDE VUILLEMIN 1986 ABSTRACT EROS ET DRAMATURGIE: LE THEATRE DE JEAN ROTROU By Jean-Claude Vuillemin S'inspirant de l'approche thématique suggérée par Truchet ainsi que de plusieurs éléments empruntés a la sémiologie du theatre. notre étude s'efforce de saisir et d'analyser l'utilisation dramatique faite par Rotrou. tout au long de son oeuvre. du ressort primordial de sa dramaturgie: l'Amour. Loin d'épuiser le sujet. les rares critiques qui ont abordé ce theme ont laissé inexploré l'aspect essentiel de la representation de l'amour dans la dramaturgie rotrouesque: la concomitance de l'évocation du sentiment amoureux et la passion pour l'illusion théfitrale. La collusion entre ces deux elements permet d'établir que la representation de l'amour dans le theatre rotrouesque est subséquente a cet amour de la representation qui pourrait étre la solution préconisée par le dramaturge au probleme que pose a l'homne sa condition d'acteur involontaire sur une scene du monde régie par les desseins impénétrables d'un metteur en scene divin. Tout en constituent pour le personnage rotrouesque la preuve tangible d'une presence divine dont la principale distraction consiste a perturber le theatre du monde en y faisant régner une passion souveraine que le dramaturge rend sensible au spectateur-lecteur par l'utilisation de la "parole en diféré" et l'analogie avec le merveilleux magique. l'Amour est a l'origine de la prise de conscience chez certains que le meilleur moyen de contrBler un univers qui parait sans cesse se dérober reside dans l'imitation du modele propose par les dieux. Partageant sa distribution entre personnages-acteurs Jouant abondamment du déguisement et de la feinte et personnages-spectateurs autant fascinés par tout spectacle qui s'impose a leurs regards qu'émerveillés par l'illusion dont ils découvrent avoir été les premieres victimes. Rotrou offre a ces premiers la possibilité de créer sur la grande scene du monde un theatre second ou. avec la complicité du spectateur. peut s'exercer la parfaite maitrise d'un individu ayant endossé. pour les besoins de la cause. 1e r51e de metteur en scene. Envisagé a la lumiére de ces nouvelles considerations. Lg Ignitaplg Saint Genes; donne lieu a une lecture s'écartant radicalement de toutes les analyses qui n'envisagent cette tragédie qu'a partir de l'idée préconcue de la conversion de son auteur ou. encore. a l'ombre de Corneille et dans la lignée de Eplxgngtg. En recentrant l'éclairage sur le personnage trop négligé de l'empereur Diocletian. nous aimerions suggérer que Rotrou. loin d'opter unilatéralement en faveur de Genest. permet d'arriver a la conclusion que. dans le theatre du monde ou il évolue. l'homme a la possibilité de s'inspirer du modéle et se l'approprier a sea propres fins: en faire un exemple a suivre. TABLE DES MATIERES Avant propos:0....OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO00.00.000.000. 1 Chapitre I: De l'évanescence d'une vie a la permanence d'un theme: approche methodologique............................ 7 I. Jean Rotrou: une existence mystérieuse...................... 7 A. Rotrou et le monde des lettres.............................. 9 B. Le Véritable saint RotrOU?QOOOOOOOOIOOOOOOOOOOOOOOOO00...... 15 C. EpitapheOOOO0.00.00.00.00.0.0...00.0.00...OOOOOOOOOOCOOOOOOO 18 II. ApprOChe méth0d01ogique000000.0000...OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO 19 A. Q‘Jestion de thématiqueOIO...0.0:0000000000OCOOOCOOOOOOOOOOOO 21 B. Le theme de l'amour dans le theatre de Rotrou............... 23 Chapitre II: Le theatre de Rotrou devant la critique................ 30 I. Une production dramatique méconnue: le theatre de RotrOUOO0.00000COOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOIOOOOOIOOOOOOO0.0. 30 A. Les blameSOOOOOOOOOC00......OIOOIOOCOOOIOOOOOOOCOOOOOOOOOOOO 32 B. Les élogeSOOOOOOCOO...OOOOOOIOOOOOCOOOOOCOOOOOOOOOOOOOOOOOO. 38 II. La Ignitapia Saint Ganaat: une rehabilitation de l'oeuvre et de son créateur............................. “0 A. La recherche des influences................................. "2 B. Genest ou le refus de tout compromis: une approche eXistentiaJ-iste...0.00.00...0.0.0.0...OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO 1‘? C. La lacitapia Saint Ganaat: une dramaturgie baroque.......... ”9 D. La conversion de Genest: une perspective chrétienne......... 50 III. conCIUS1onOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOIOOOOOOOOOOOOOOOOOOO 55 Chapitre III: La representation de l'amour dans la dramaturgie rotrouesqueOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO0.00.0.0...OOOOOOOOOOOIOOOOO0.0. 59 I. La nature de l'amour dans le theatre de Rotrou.............. 61 A. L'mimtencede1'amur000000000000OOOOOOOOCOOOOOOOOOOOOOOO 62 ii B. C. Passion et raison: le triomphe de l'Amour................... Variation sur un théme: l'amour du "je ne sais quoi"........ II. La representation de l'amour............................... A. B. C. La pUissance du regardOOIOOOOO...000......OOOOCOOOOOOOOOCOOO Amur et drmturgieOOOOlcOOOCOOOOOOOI0.000000COOIOOOOOOOOOO Nature et fonction du merveilleux magique................... Chapitre IV: L'amour de la representation........................... 1. A. B. C. Une double image de l'amour: l'amour réaliste?.............. La raillerie des valetSOOOOOOIIIOOOOOOOOOOOOOOOOIOOOOOOIOIO. Inconstance et concupiscence................................ verdiCtooooonococococooooooooooooooooooooooo0000000000000... II. L'amur de la représentation.OOOOOOOOOOOOOICOOOOOOOOO0.0... A. B. C. Raison d'étre d'un episode superflu......................... La £3301nat10n du speCtaCIe...OOOOOIOOOOOOOOOOIOIOOOI0.00... La mutation du désesp01r...OOOOOIOOOOOOOOOOOOOOCOO....00... Chapitre V: Theatre du monde: un exemple a suivre................... I. Les artisans de l'illusion.................................. Un theatre dans le theatre du monde......................... Amur et.mise en sceneOOOOOOOCIOOOOO~OOCOOOOOOOOOOOOOOOOCOOOO me la fete cmnce.O...0....COOOIOOOOOOOC0.000.000.0000... II. La witrise de la SCéneOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOCOOOO0.00.00... III. Le Prince et le méatreOOOOOCOO...OOOOOOOOOOOOOOOOOOOCOOOO CODClUSj-onoooocooooooococo00......one...oooooooooooooooooooo0.000... WCCOOOOOCOCCCCIOIOO...00.0.0...CCOOIOOOIOC00.000.00.000...C...C. BIBLImRAPHIEOOCOOOOOO00......00......OCOOOCCOOOOCCOOOOO0.0.0.000... iii 70 78 86 86 99 106 106 107 111 1111 119 119 123 130 1112 1113 1:15 1116 155 166 171 180 183 208 Avant propos Si le mot bananua. aussi complexe et aussi difficile a définir que le sont aiaaainna et namantinna. continue a étre employé i1 faut l'appliquer a Rotrou plut6t qu'a nos autres grands dramaturges.1 Si depuis 1950. date a laquelle Raymond Lebégue semblait encore manifester quelques reserves quant a l'avenir du concept "baroque" employé en littérature. ce terme "magique. perfide autant que stimulant"2 a finalement réussi a obtenir gain de cause at a recevoir ses lettres de noblesse.3 il est toutefois curieux de constater que la production dramatique du debut du XVIIeme siecle en France. a laquelle est en general attribué auJourd'hui 1e qualificatif de "theatre baroque." demeure profbndément inconnue et qu'elle est loin d'avoir bénéficié du regain d'intérét dont la poésie de cette méme période a fait l'objet. Sans doute. de multiples travaux ont. dans ces derniéres années. mis an evidence les traits baroques contenus dans des oeuvres u dramatiques considérées Jusque 1a sous leur seul aspect classique. mais ces nouvelles perspectives. bien que permettant parfois de jeter un regard neuf sur un theatre qui peu a peu sombrait dans l'ennui et a propos duquel il semblait que tout avait été dit. ne changent en aucune facon 1e verdict établi de longue date: Corneille. Moliére et Racine conservent la premiere place au palmarés des auteurs dramatiques du XVIIéme siecle. Pour étre moins illustres que ces trois grands du theatre francais. les dramaturges qui les ont precedes. ou ceux qui les ont accompagnés. n'en ont pas moins trouvé chez les partisans du baroque en particulier. de fervents défenseurs et d'éminents exégétes qui se sont intéressés a des textes dramatiques négligés de la postérité.5 Il est cependant a regretter que ces oeuvres découvertes et commentées par les spécialistes n'aient guére franchi 1e cadre étroit des colloques ou des départements de littérature. et qu'elles n'aient su encore atteindre le grand public pour lequel elles fUrent en général concues. Si les Hardy. Racan. Mairet. Du Ryer. Rotrou. pour n'en mentionner que quelques- uns. souffrent parfbis d'un rapprochement et d'une comparaison discutable parce qu'anachronique avec les Corneille. Moliere et Racine. il ne faut pourtant pas oublier qu'ils connurent pour la plupart. en leur temps. des succes non négligeables.6 Si pour d'obscures raisons qui ne tiennent pas toutes. loin de la. a la mediocrité de leurs oeuvres. ils se sont vus. depuis. rejetés dans l'oubli. il suffirait peut-étre de l'initiative d'un metteur en scene érudit et entreprenant pour que le public a son tour découvre dans l'une de ces pieces oubliées. sinon un chef; d'oeuvre. du moins une creation bien faite aux qualités theatrales indéniables. capable de séduire un auditoire. C'est en tout cas ce que l'expérience tentée par Rafael Rodriguez a parfaitement démontré lorsqu'en 1963. au Theatre de Paris. ce jeune metteur en scene d'origine péruvienne présenta: "un spectacle fort étrange qui propose au spectateur bien des raisons de s'irriter et bien des occasions d'applaudir."7 Il s'agissait du Véritable Saint Qanaa; de Rotrou. Précisons encore que les motifs d'irritation que souligne Jacques Lemarchand dans La Eigang Litténaina ne procédérent en aucune facon du texte méme de la piece de Rotrou. mais au contraire. de la mise en scene audacieuse et peut-étre inadequate de Rodriguez qui habilla les comédiens de Rotrou: "comme 1e sont ou l'étaient. les acteurs francais qui interprétaient les opérettes de style Europe centrale des années 1910."8 Quoi qu'il en soit. les nombreux comptes rendus dans la presse a l'occasion de la reprise. en plein XXéme siécle. d'une oeuvre dramatique dont les derniers contacts avec les planches remontaient aux 17 novembre 18A5. 30 octobre 1899. 31 décembre 1908. et au 2" octobre 1912 a l'Odéon.9 prouvent indiscutablement 1e vif intérét du public moderne ayant eu la chance de se trouver exposé au Yénitablg Saint Qanaat de Rotrou10 pour que les études consacrées a la dramaturgie de cet auteur se trouvent amplement Justifiées et qu'elles en encouragent d'autres afin que le nom du contemporain de Corneille cesse d'étre une énigme pour le grand public.11 Ecoutons la réponse que donna 1e dernier metteur en scene du Yénitabia Saini Qanaat a un journaliste de Campa; qui lui demandait pourquoi il avait jugé opportun d'investir cinquante mille francs pour monter cette tragedie peu connue: Cette piece-la. Monsieur. est extraordinaire. en ce sens au moins qu'elle caractérise a elle seule un style: le baroque. et une époque: celle qui s'étend a peu prés. de 1§80 a 1670. Elle en a l'emphase et l'exageration. le gout de l'horreur -qui est 1a une approche sensuelle de la réalité- le sens du theatre: illusions. contrastes. surprises. mouvements. Hélas! pendant longtemps. on n'a voulu y voir qu'irrégularité. extravagance. médiocrité. Saint Qanaat loin d'etre une tragédie classique mal concue. est un chef-d'oeuvre dramatique baroque.12 Le professionnel de la scene rejoint ici le critique littéraire et reconnait assurément avec lui que Rotrou est bien ce "worthy companion for the great three of seventeenth-century French literature" 13 dont nous parle Robert J. Nelson. et que La anitania Saint Qanaat est tres certainement. comme l'affirme Imbrie Buffum. "Rotrou's undoubted masterpiece."1u En general. ainsi que nous l'examinerons plus loin. les critiques qui se sont intéressés au venitatie Saint Qanaat ont surtout mis l'accent sur les dimensions métaphysiques de la piece.15 Tout en reconnaissant avec Jacques Morel que "la tragédie de Saint Qanaat constitue le plus haut effort de la pensée dramatique de Rotrou."16 tous paraissent avoir tacitement accepte le point de vue de Jacques Scherer selon lequel il serait vain de tenter de rechercher une certaine "unifbrmité <...> dans les nombreux themes que Rotrou a utilises."17 Les deux principes de diversité et de variété que. dans un ouvrage recent. Wilfried Floeck présente comme formant l'ame de l'esthétique baroque.18 donnent assurément raison a tous ceux qui. a la suite de Raymond Lebegue. ont été amenés a qualifier de baroque l'oeuvre dramatique de Rotrou. Pourtant. méme si 1'on peut affirmer. a juste titre. que la diversité et la variété gouvernent la dramaturgie de Rotrou. et si l'on accepte ces deux caractéristiques pour en faire le principe fOndateur de la nouvelle esthétique qui succéde a l'esthétique classique de la Renaissance. rien ne permet toutefois de poser 1e baroque comme une fOrme du désordre et de conclure a l'absence totale d'une certaine coherence. Comne le souligne fort a propos Jean Rousset: "La decoration peut Etre abondante. elle est active et utile. elle n'est pas gratuite."19 En accordant le statut d'oeuvre baroque a la production dramatique de Rotrou. la critique. dans sa grande majorité. s'est dispensée d'examiner certains facteurs capables de fournir une coherence a l'ensemble. de lui donner un ordre et de prouver de la sorte que cette dramaturgie est. a sa maniére. organisée et achevée. La Ytnitahia Saint fianaat est. assurément. la piece de Rotrou qui. mis a part les travaux d'inspiration sartrienne de Jacqueline Van Baelen.20 n'a Jamais donné lieu a une analyse tenant compte de la perspective que pouvait offrir l'examen de la dramaturgie dont elle est issue. Dans la mesure 00. a l'unanimité. la critique s'accorde auJourd'hui a apposer 1e label baroque sur l'oeuvre de Rotrou. il nous parait quelque peu paradoxal d'isoler ensuite Saint Qanaat de la dramaturgie rotrouesque cu s'inscrit cette tragédie: une analogie avec les arts plastiques étant appropriée puisque ce sont eux qui permirent essentiellement de définir les critéres baroques qui allaient servir de mesure a des ouvrages non plastiques.21 nous aimerions suggérer qu'une telle approche s'apparente d'une certaine maniére a celle qui tendrait. par exemple. a privilégier l'Extaaa da aainta Ihgngaa au detriment de l'atmosphere ambiante que Bernini a su créer dans la Chapelle Cornaro de l'église romaine de Santa Maria della Vittoria.22 Deux raisons majeures se trouvent a l'origine des analyses partielles portant sur la seule tragedie de Saint Qanaat: d'une part. le presuppose théorique qui. ainsi que nous l'avons vu. refuse toute espece d'unité a l'oeuvre baroque (c'est la position que semble defendre Jacques Scherer); d'autre part. la facilité avec laquelle la critique s'est trop souvent laissé aller a faire l'amalgame du destin de l'acteur Genest avec un element hypothétique emprunté a la biographie de Rotrou: 1a prétendue conversion de celui- ci.23 Autant la comparaison de l'oeuvre littéraire et de la réalité qui la supporte peut Etre enrichissante. autant il nous semble délicat. voire téméraire. d'inférer la réalité a partir de l'oeuvre pour ensuite se servir de celle-c1 pour expliciter celle-la. Puisque. conme nous 1e verrons. l'élément biographique ou. plus exactement. anecdotique a Joué un rSle determinant dans les nombreuses interpretations du Ménitahia Saint Qanaat qui partent du principe que la piéce intérieure du martyre d'Adrian constitue le message du dramaturge. notre premier chapitre établira le bilan actuel et probablement définitif de ce qu'il convient de retenir dans les affirmations qui ont pu étre avancées a propos de l'existence du poéte de Dreux. Minimisant ainsi 1'impact de l'aspect rhétorique qui a empéché trop de critiques de considérer la piece sous un angle beaucoup plus large. il nous sera plus facile ensuite de tenter de découvrir au moins l'un des rapports que La Yfinitatia Saint Qanaat entretient nécessairement. selon nous. avec l'ensemble de la production dramatique de Jean Rotrou. En limitant notre recherche a l'étude d'un theme: l'amour. et en examinant la representation qu'en a donne Rotrou tout au long de son oeuvre. nous espérons Etre en mesure de conclure a la presence effective d'une structure dramatique cohérente du theatre rotrouesque et. ainsi. aboutir a une interpretation du Ignitapia Saint Qanaat qui. un peu a la maniére de la toile peinte du décorateur de la piece. ne peut briller de tout son lustre. acquérir sa vraie dimension. qu'envisagée sous une certaine perspective. Chapitre I De l'évanescence d'une vie a la permanence d'un theme: approche méthodologique Mais outre qu'a Jouer on git qu'il est enclin. Je le soupconne encore d'etre un peu libertin; Je ne remarque point qu'il hante les églises. Moliére. We II! 11. I. Jean Rotrou: une existence mystérieuse Les historiens et les biographes de Rotrou. tout en essayant de jeter un peu de lumiére sur la vie et les activités du dramaturge de Dreux. ont laissé dans l'ombre un grand nombre de faits qu'une approche biographique se devait d'aborder mais qui. dans l'état actuel des connaissances. n'ont pu étre élucidés et ne le seront probablement Jamais.1 En effet. soit en raison d'une reserve naturelle. soit du fait que Rotrou est mort prématurément. dans une petite ville de province et a une époque troublée. la vie de l'auteur du Yénitahia Saint Qanaat reste trés mal connue. Aucune lettre écrite ou recue par Rotrou ne semble avoir subsisté; aucun écrit théorique sur la conception que le dramaturge se faisait de son art ne nous est parvenu. Une biographie complete et authentique de celui qui passe aujourd'hui pour le quatriéme dramaturge du XVIIeme siécle ne parait n'avoir que trés peu de chance de voir le jour dans la mesure cu. d'une part. la critique littéraire a certainement pris 1e pas sur l'histoire littéraire. mais surtout. d'autre part. du fait que les infOrmations pertinentes. susceptibles de nous éclairer sur la carriere de Rotrou. sont extrément rares et relévent encore. assez souvent. de la seule fantaisie. Deux anecdotes dénuées de tout fondement. surtout en ce que concerne la premiere. reviennent sans cesse lorsqu'il est question de Rotrou: tout d'abord. la passion pour le Jeu qui lui aurait donne l'idée d'un moyen astucieux. sinon efficace. de protéger ses economies: 1e célébre tas de fagots dans lequel 1e poete jetait son argent;2 et. en second lieu. les circonstances tragiques qui entourerent sa mort et qui lui auraient donné l'occasion d'écrire héroiquement a son frére qui le pressait de quitter Dreux pour le rejoindre a Paris et. ainsi. se mettre a l'abri de la peste: "Ce n'est pas que le peril ne soit fOrt grand. puisque. au moment on je vous écris. les cloches sonnent pour la vingt-deuxieme personne qui est morte aujourd'hui. Elles sonneront pour moi quand il plaira a Dieu."3 Quelques jours plus tard 1e dramaturge devait. a son tour. succomber a l'épidémie de fiévre pourprée qui s'était abattue sur la petite ville de Dreux. Rotrou fut enterré dans cette méme ville 1e 28 juin 1650; 11 approchait son u1éme anniversaire. "Si nous n'avions certains details transmis par la tradition et méme sous forme de conjectures." avouait déja Jules Jarry en 1868. u "la biographie du poéte tiendrait en quatre lignes." L'auteur de 1'Essai m: 12.1 new We de Jean 8:212:22 ne se trompait pas et rien. depuis lors. n'est venu démentir son affirmation. Baptisé a Dreux le 21 aofit 1609.5 poéte a gages de l'HBtel de Bourgogne de 1629 a 16311.6 protégé des seigneurs de Dreux. du comte de Fiesque. de Richelieu. du comte de Belin;7 Rotrou retourne dans sa ville natale en 1639 on 11 se fait acquéreur de la charge de lieutenant particulier au Baillage de Dreux. Si les années parisiennes s'entourent de mystére. celles qui ont preside la naissance du veritable Saint Qanaat sont encore plus difficiles a cerner; et rien. come nous 1e démontrerons plus loin. ne permet d'affirmer la conversion du dramaturge qui serait. comme beaucoup l'ont pensé. a l'origine de cette tragédie. A. Rotrou et le monde des lettres S'il est difficile. voire impossible. d'établir avec quelque certitude 1a biographie physique de Rotrou. tenter d'écrire sa biographie intellectualle releverait de la gageure. Aucun document extérieur a son theatre ne nous permet ni de définir ni de saisir la pensée personnelle de Rotrou. Les seuls écrits de circonstance que nous ayons de sa main se résument en quelques dédicaces en l'honneur du comte de Soissons; du Cardinal de Richelieu. de sa niece Madame de Combalet; du Cardinal Mazarin; de Corneille; et. peut-étre. quelques pieces de vers composées par la poéte lors de ses possibles visites rue Saint-Thomas-du—Louvre. a l'HEtel de Rambouillet.8 Pour 1a plupart. ces textes ne contiennent que des éloges conventionnels; ils ne nous apprennent rien de ses gofits et de ses ambitions d'écrivain. 10 Si un certain contact avec Corneille et ses fOnctions de poete a gages auprés de la troupe de Pierre le Messier. a l'HBtel de Bourgogne. 9 paraissent définitivement établis. ses autres activités au cours des années passées a Paris et a Dreux nous restent mal connues. Tallemant des Réaux. le plus exact chroniqueur de son temps. ne 1e mentionne qu'une seule fois dans ses fliataniattaa: Rotrou. le poete comique ou tragique ou tragicomique comme i1 vous plaira. cajolloit une fille a Dreux. sa patrie. Elle le recevoit assez mal. On lui dit: "Vous maltraittez bien cet homme: "scavez-vous bien qu'il vous immortalisera? --Luy?" dit-elle. "Ah! qu'il y vienne pour voir."10 Nous somnes trés mal renseignés sur les relations que Rotrou entretenait dans le monde des lettres; les indications que nous possédons 5 cc sujet sont extrémement rares. Nous savons. grace aux travaux d'Antoine Adam. quel était le cercle de poétes que Rotrou a cotoyé lors de son séjour a Paris: Dans la capitale. 11 se lia avec Pichou. et par consequent avec le groupe de Pierre du Ryer. Celui-ci pourtant ne semble pas s'etre intéressé a lui. gt Rotrou fut surtout l'ami d'André Mareschal: Vers la meme date 11 se liait avec Scudéry et. peut-etre un peu plus tard. avec Corneille.11 La légende. encore une. de Corneille appelant Rotrou "son pere". et de Rotrou defendant Corneille. seul contre tous ses confreres. au cours 12 de la querelle du Cid. semble maintenant définitivement abandonnée. Les trois textes essentiels qui prouvent les rapports entre les deux dramaturges sont. d'une part. le mot de Corneille sur Rotrou: "M. Rotrou 13 et moi. ferions subsister des saltimbanques;" et. d'autre part. la piece liminaire de La Ianya qui. avec l'hommage contenu dans le premier acte de Saint Ganaat. témcigne de l'estime que Rotrou portait a son rival: Pour te rendre Justice. autant que pour te plaire. Je veux parler. Corneille. et ne me puis plus taire. 11 Juge de ton mérite (a qui rien n'est égal) Par la confession de ton propre rival. iéiéz. fais-nous souvent des enfants si parfaits Et que ta bonne humeur ne se lasse jamais.1u Il semblerait que ce fut lors d'un séjour dans le Maine. chez 1e comte de Belin. que Rotrou assista a la querelle du Cid. Certains se sont plus a croire. aprés Jules Jarry. que: <...> seul en effet. de tous les écrivains dramatiques (Rotrou) soutint son rival devenu son maitre. alors que surgissait un ensemble de voix haineuses. et que les "étoiles" ameutées s'attaquaient au "soleil" qui. cette fOis. les avaient repoussées dans l'ombre.15 Rien. malheureusement. ne permet de confirmer cette these. Henri Chardon consacre plusieurs pages a ce probleme et. sans trop de risques d'erreur. nous pouvons conjecturer que Rotrou a adopté une reserve prudente dans ce conflit on 11 avait des amis dans les deux camps.16 Méme en supposant que Rotrou ffit effectivement l‘auteur de la lettre intitulée l'"Incognu et véritable amy de messieurs de Scudéry et Corneille."17 nous sommes amenés a conclure que Rotrou. dans la querelle du Cid. n'a voulu Jouer qu'un rBle de conciliateur et qu'il a été extrémement habile a ménager la susceptibilité des personnes qu'il fréquentait. Esprit de Juste milieu. soucieux de ne pas se compromettre ouvertement. Rotrou ne s'est pas davantage engagé dans les controverses religieuses de son temps qu'il ne semble avoir pris parti dans les querelles d'amour-propre entre gens de lettres. Moins une preuve d'amitié entre les deux dramaturges qu'un commentaire élogieux sur un talent réciproque. le mot de Corneille cite plus haut. l'Elégie mise en téte de La lanya. ou encore 1e bel éloge de Saint 53085:: 12 Genest Nos plus nouveaux sujets. les plus dignes de Rome. Et les plus grands efforts des veilles d'un grand homme A qui les rares fruits. que la Muse produit Ont acquis. dans la scene un légitime bruit. Et de qui certes l'art comme l'estime est juste. Portent les noms fameux de Pompée et d'Auguste. Ces poémes sans prix. on son illustre main D'un pinceau sans pareil a peint l'esprit romain. Rendront de leurs beautés votre oreille idolatre. Et sont aujourd'hui l'ame et l'amour du theatre; (19V) ne permettent pas d'affirmer que les relations de Rotrou et de Corneille aient Jamais été au dela d'une profbnde estime mutuelle.18 Cette prétendue amitié qui aurait liée l'auteur de Enixanata a celui de Saint fianaat se voit d'autre part démentie par René Guerdan. 1e dernier en date des biographes de Corneille qui. sans Jamais faire état du r51e de Rotrou dans la querelle du pin. affirme que l'auteur de Eelxznet§= <...> s'il a des relations. 11 n'a pas un ami. L'homne est solitaire. Entre les autres et lui. il a. comme pour se protéger. élevé une barriére.19 Nous somnes encore moins bien renseignés sur les rapports de Rotrou avec l'HBtel de Rambouillet 00 11 aurait peut-étre participé a l'élaboration de la célébre "Guirlande de Julie";20 ainsi qu'avec l'Académie francaise on 11 n'eut Jamais de fauteuil. alors que paradoxalement il semblerait que ce fut lui-méme qui suggérat a Richelieu le proJet de creation de la docte assemblée. En excellents termes. de toute evidence. avec le ministre de Louis XIII a qui il dédie son Hanania mannant et l'ode élogieuse qui accompagne la piéce.21 Rotrou. on 1e sait. collabore en outre a la petite "académie". celle des cinq auteurs charges de donner corps aux velléités dramatiques du Cardinal. Pourquoi. dans ces conditions 13 propices a une nomination a l'Académie francaise. Rotrou ne fit-i1 Jamais partie de la célébre assemblée? Il est surprenant que les biographes de Rotrou ne se soient pas vraiment intéressés a la question et qu'ils aient jugé suffisant d'alléguer que Rotrou. contrairement aux statuts de l'Académie francaise exigeant une residence parisienne. n'était pas domicilié a Paris. 0n oublie ainsi que Corneille. en 16u7. lors de son intronisation a l'Académie francaise. habite toujours Rouen et. qu'en dépit d'une vague promesse de résider dans la capitale. attendra encore quinze ans avant de se résoudre a quitter définitivement sa ville natale et a s'installer véritablement a Paris.22 Plus surprenant encore. il semblerait que ce fut Rotrou qui ait donné a Richelieu l'idée de créer a Paris une académie renouant avec les pratiques inaugurées en 132A par Clemence Isaure de la maison des comtes de Toulouse. En 1867. lors d'une séance de l'Académie des Sciences. M. Chasles fit état de deux lettres de Rotrou adressées au cardinal de Richelieu qui tendraient a prouver que la premiere idée de l'Académie francaise appartient a l'auteur du Manitania Saint Qanaat. Puisque. a notre connaissance. aucun critique de Rotrou n'a Jamais mentionne ce fait. il nous a paru opportun de reproduire ici le texte de ces deux lettres:23 Monseigneur. Je vous ay dit qu'au moyen age 11 se fbrma des Sociétés ou academies pour Juger du succés de celuy des scavans qui avoit 1e mieux traicté ce qu'on appeloit alors 1e chant Royal. Ce fust en 132A que Clemence Isaure de la maison des comtes de Toulouse convoqua tous les poétes et les trouveres du voisinage de Toulouse. et promist de donner une Violette d'or a celuy qui feroit les plus beaux vers. Elle donna un fond dont le revenu devoit estre employe a ce prix. Aprés la mort de cette illustre dame. dont la memoire est si célébre. 1H les magistrats de Toulouse ordonnerent que tout ce qu'elle avoit institué seoit exactement observe a ladvenir. Ceux qui jugeoient des ouvrages estoient appelés les mainteneurs de la gaye science. Celuy qui remportoit le prix estoit recu docteur en science gaye; on demandoit 1e doctorat. on estoit recu et les lettres estoient expediées en vers. Celuy qui remportoit le premier prix estoit honoré du nom de Roy. Telle est Monseigneur. le commencement de ces societes ou academies. Ne vous semble-t-il pas qu'il seroit bien d'en establir de semblables ou si nom une a Paris. Je vous y laisse penser. Je suis monseigneur votre trés humble serviteur. Rotrou. Monseigneur. J'approuve l'idée que vous avez concue destablir a Paris une académie a l'instart de celle qu'establit Clemence Isaure a Toulouse et ea sera un grand bien faire aux lettres. Et je ne doute pas que la postérité vous en scaura beaucoup de gré. Je m'estime heureux que ma précédente lettre vous ay suggeré cette noble idee. Vbus me mandez si dans les recherches que Jay faites au subjet de la fondation de ces sortes de societes ou academies. jay trouvé comment se pratiquoit les statuts ou plustost les reglements de ces societes et dans quelle condition se faisoit cet espece de combat demulation. Selon ce que Jay observe: on faisoit ordinairement un chant de trois ou quatre stances; 1e dernier vers de la premiere devoit servir de Refrain aux autres. et cet ouvrage estoit appelé chant Royal. parce que ordinairement on laddressoit au Roy. 0n fist ensuite des Ballades qui estoient moins longues que le chant Royal. Ordinairement a fin de ces poémes on mettoit en cinq vers un abbregé du sujet quon appeloit envoy. parce quon ladressoit au Roy pour se le rendre favorable. Voila monseigneur ce que Je scay. Jay bien lhonneur destre vostre humble serviteur. Rotrou. Le mystere de la non participation de Rotrou a une assemblée dont il avait eu l'intuition et qui aurait dfi. en principe. lui ouvrir grandes ses portes demeure entier. 15 B. Le veritable Saint Rotrou? Devons-nous. a la suite de l'abbé Brillon. accepter l'idée que dans les dernieres années de sa breve existence. Rotrou se soit mis a penser "sérieusement et solidement a sa principale affaire." c'est- a-dire son salut. et qu'"il ne manquait guére un jour d'aller devant le Saint-Sacrement prier et méditer avec la plus grande dévotion sur nos plus sacrés mysteres?"2u ou. au contraire. donner foi a l'anecdote rapportée par Victor Fournel. selon laquelle Rotrou venait de terminer sa tragédie Manaaaiaa. vers 1647. lorsqu'il fut arrété et conduit en prison pour dettes?25 Telles sont. en effet. les deux hypotheses antinomiques entre lesquelles il faudrait se prononcer si l'on voulait. a toute force. decider des occupations de Rotrou dans la période au cours de laquelle le magistrat de Dreux composa les trois chefs-d'oeuvre qui donnerent au dramaturge ses lettres de noblesse.26 Si. en général. la critique n'établit aucun parallele entre des faits biographiques alléatoires et les textes dramatiques de Vanaaaiaa et de annnaa. il n'en est plus exactement de méme lorsque cette critique envisage 1a tragédie du ygnitania Saint Ganaat a laquelle nous consacrerons notre dernier chapitre. Sans doute. les vers constamment invoqués a l'appui de la position défendue par l'abbé Brillon manifestent bien un évident repentir de la part du poete: Combien 1e souvenir de ces jours criminels En l'état ou je suis m'offense 1a mémoirel Que le ciel me devait de tourments éternels Quand i1 me vit l'ame si noire! Mon Dieu. que ta bonté rend mon esprit confus! Qu'avec raison Je t'adore! Et combien l'enfer en dévore Qui sont meilleurs que je ne fus! Les rayons de ta grace ont éclairé mes sens; 16 Le monde et ses plaisirs me semblent moins que verre; Je pousse encore des voeux. mais des voeux innocents Qui montent plus haut que la terre.27 Ces vers ne sauraient toutefois constituer la preuve irrefutable de la conversion de Jean Rotrou. Ils ne furent par ailleurs composes qu'en 1631. par consequent a une période antérieure de plus d'une dizaine d'années a celle de la conversion présumée de Rotrou. Ce n'est évidenment pas parce que ces vers trouvent un echo manifeste dans quelques scenes du Vanitanig Saint fianaat. ainsi par exemple 1e monologue de Genest dans sa prison: 0 fausse volupté du monde. Vaine promesse d'un trompeur! Ta bonace la plus profonde N'est Jamais sans quelque vapeur; Et mon Dieu. dans la peine meme Qu'il veut que lion souffre pour lui. Quand il daigne etre notre appui. Et qu'il reconnait que l'on l'aime. Influe une douceur extreme Sans mélange d'aucun ennui; (V.i) que nous devons. sans precaution aucune. aJouter fOi aux affirmations soutenues par l'abbé Brillon. De méme qu'il nous parait extrémement problématique d'essayer de découvrir l'homme derriére les vers du poete. comment pourrions-nous atteindre 1a réalité du dramaturge a travers les répliques de ses personnages? Ainsi que le constate Jean Larthomas: "L'auteur dramatique ne peut s'exprimer qu'a travers des personnes interposées; son 'Je' est touJours un autre; ce qui limite ses possibilités d'expression. rend dans une certaine mesure sa 28 confession impossible." Personne. mieux que Sainte-Beuve. n'a su insinuer toute la prudence dont il conviendrait de s'entourer si l'on voulait tenter d'opérer un rapprochement entre le destin du personnage 17 Genest et l'existence de Rotrou: "0n peut dire de lui (Rotrou). qu'il voulut: 29 D'une feinte. en mourant. faire une vérité.“ Cette reference a la derniére réplique du Vénitanla Saint Qanaat est particulierement appropriée dans la mesure on. trop souvent. les critiques qui ont abordé cette piece ont difficilement résisté a la tentation d'inscrire le texte dramatique de Rotrou dans un contexte biographique qui. curieusement. ne semble tout d'un coup plus quet a discussion. C'est ainsi. par exemple. que Kosta Loukovitch. persuadée de la validité de la these de l'abbé Brillon et s'appuyant sur celle- ci. a pu affirmer: "Ces faits nous aident a comprendre dans quel esprit a été écrit Saint fianaat."30 Robert Nelson. de méme. est également convaincu que "the subject of the actor who becomes converted through his acting should prove doubly irresistible to him (Rotrou): as both practising dramatist and practising Catholic."31 81 la conversion de Genest. a la différence de celle du Polyeucte de Corneille. n'entraine pas une reaction en chaine a la fin de la piece. elle parait. en tout cas. avoir bel et bien accrédité la conversion hypothétique de Rotrou.32 S'il n'y a. selon nous. aucune raison de se priver des infbrmations irremplacables. qu'il serait par ailleurs dangereux d'ignorer. qu'apporte la situation d'une oeuvre dans son milieu historique. il nous semble tout aussi délicat de faire procéder l'interprétation d'un texte de certaines affabulations inhérentes a la vie légendaire de son auteur. et de se servir ensuite de cette interpretation pour étayer les faits sur lesquels elle s'appuie. 18 C. Epitaphe A l'image du buste de Rotrou sculpté par Caffieri pour le hall de la Comédie francaise. l'existence du poete de Dreux. telle qu'elle s'impose aujourd'hui. n'a plus qu'un tres lointain rapport avec un original que nous devons. sans doute. considérer perdu a tout Jamais: 11 y a 1: comme une exuberance de séve qui sort pour ainsi dire des pores du marbre. comne une flanme intérieure qui Jaillit par la bouche et les yeux. C'est le génie. libre impétueux. s'abandonnant volontiers a la fantaisie. Jetant a tous les vents les trésors d'une imagination prodigue. Ce chef-d'oeuvre du sculpteur Caffieri est 1e buste de Jean Rotrou.33 Qu'il nous soit permis de réver un instant. non plus en face d'un marbre comme 1e fit 31 bien Léonce Curnier. mais plutat en considérant un élément particulier de la légende. Renoncant a toute approche biographique. avant que de quitter définitivement le domaine mouvant des hypotheses. il nous plairait cependant de croire que notre poete efit vraiment recours a un "tas de fagots" et. surtout. que ce dernier ne l'efit jamais totalement guéri d'une passion sans laquelle il n'aurait eu aucune chance de fréquenter des lieux qui. si l'on se souvient de la taverne décrite par Scarron dans son Baman naminua. ne pouvaient que se montrer bénéfiques a l'imagination d'un magistrat: Dans toutes les villes subalternes du royaume. 11 y a d'ordinaire un tripot ou s'assemblent tous les jours les fainéants de la ville. les uns pour Jouer. les autres pour regarder ceux qui Jouent; c'est la que l'on rime richement en Dieu. que l'on épargne fOrt peu le prochain et que les absents sont assassinés a coup de langue. 0n n'y fait quartier a personne. tout le monde y vit de Turc a Maure. et chacun y est recu pour railler selon le talent qu'il en a eu du Seigneur.3u 19 C'est par consequent vers la taverne. une taverne identique peut—étre a celle mise en scene dans Laa Dan; Enaaiiaa. plut8t qu'en direction du Desert de Port Royal que nous aimerions. quant a nous. diriger les aspirations de l'auteur du Vénitabla Saint fianaat. Vers ces bas-fbnds qui possedent souvent toutes les qualités requises pour constituer. ainsi que l'affirme Jean Duvignaud: <...> une "Fontaine de Jouvence" pour l'artiste qui mis en presence de faits criminels ou simplement anormaux y trouve le prétexte d'un renouvellement général de la vie.35 En exergue a ce chapitre. nous évoquions les propos d'Orgon a l'encontre de Valere. ces vers de Moliere peuvent-ils s'appliquer a l'égard du dramaturge drouais? Rien ne permet de l'affirmer. Ils constituent. en tout cas. l'épitaphe que nous aimerions apposer sur la biographie mystérieuse de Jean Rotrou afin de permettre aux futures interpretations du Ignitania Saint Qanaat d'échapper au carcan religieux que lui imposait la prétendue conversion du dramaturge et qui. jusqu'ici. aura empéché la critique de s'intéresser suffisanment au personnage de Diocletian et de saisir la lecon pratique qui. a l'échelle humaine. nous est proposée par cette tragédie. II. Approche méthodologique Devant ce manque flagrant de précisions adéquates qui permettraient d'établir. sinon le portrait fidéle de l'auteur du vanitablg Saint Qanaat. du moins nous feurniraient quelques indications inhérentes a la pensée et aux aspirations métaphysiques de Jean Rotrou. obligation nous est faite de nous pencher exclusivement sur une oeuvre théétrale qui. seule en l'occurrence. est a méme de nous 20 eclairer quelque peu sur la conception dramatique de son auteur. Ainsi que l'enonce Jean Rousset. c'est dans l'oeuvre. en effet. que se cache "1e secret de l'ouvrier; c'est dans l'avenement de la ferme que 36 l'artiste se fait poete. peintre ou musicien." Lecteur respectueux des usages. nous laisserons la parole au texte seul en nous efforcant de nous assimiler le plus possible a ce lecteur ideal dont Rousset nous brosse ici les caracteriques: Ce lecteur complet que j'imagine. tout en antennes et en regards. lira donc l'oeuvre en tous sens. adoptera des perspectives variables mais toujours liees entre elles. discernera des parcours fermels et spirituels. des traces privilegies. des trames de motifs ou de themes qu'il suivra dans leurs reprises et leurs metamorphoses. explorant les surfaces et creusant les dessous Jusqu'a ce que lui apparaissent 1e centre ou les centres de convergence. le foyer d'ou rayonnent toutes les structures et toutes les significations. ce que Claudel nomme le "patron dynamique".37 Une analyse thematique nous a paru. dans cette perspective. particulierment interessante du fait qu'elle presente l'avantage d'accorder la primaute au texte plut5t qu'aux traditionnelles references extraglitteraires et a la recherche. souvent alleatoire. 3 des influences. Bien que parfois ces considerations ne soient pas denuees de tout interét. elles existent au dela de l'oeuvre etudiee et ont souvent le grave inconvenient d'omnibuler totalement 1e critique et de l'entraIner tres loin du texte lui-méme. Le hombre par trop eleve des pieces de Jean Rotrou ne nous ayant malheureusement pas permis d'envisager une etude qui prenne en consideration tous les aspects de sa dramaturgie. nous avons concentre nos recherches sur l'etude de la representation de l'amour que propose son theatre. Cette approche methodologique s'est revelee a plus d'un egard fructueuse puisque. non content de faire penetrer le 21 lecteur dans l'univers meconnu mis en scene par Rotrou. elle a ete a l'origine d'une interpretation du Menitania Saint anaat qui s'ecarte radicalement de toutes les analyses de la piece qui. comme nous l'avons vu. envisage cette oeuvre a partir de l'idee preconcue de la conversion de son auteur ou. ainsi que nous aurons l'occasion d'en 39 reparler. a l'ombre de Corneille et dans la lignee de Enixanata. A. Question de thematique II a ete propose bien des definitions de la thematique et du concept méme de theme. Sans nous perdre dans des considerations plus theoriques que pratiques nous voudrions simplement resumer ici la perspective de Jacques Truchet dans la mesure ou c'est elle qui Justifie le mieuxué'approche methodologique que nous avons adoptee pour notre etude. Selon l'auteur des Rannanahaa d: thematigue theatrale. un theme c'est. au depart et dans l'acceptation pragmatique du terme. un sujet. Mais. pour que ce quet puisse acceder au statut de theme. 11 est imperatif que ce sujet remplisse trois conditions. Tout d'abord il faut que le sujet revienne et qu'il entretienne une liaison perceptible avec les autres ecrits du méme auteur. an encore avec d'autres oeuvres appartenant au méme genre ou a la méme epoque. "Qui dit theme dit recurrence; 2 la limite un theme est un leit-motiv."u1 En second lieu il est necessaire que le sujet acquiere une charge affective et un dynamisme qui le distinguent par IA-méme d'un discours a caractere ideologique et partisan. Si. par exemple. des idees veulent triompher sur une scene. elles ne 1e pourront qu'en perdant une partie de leur 22 precision conceptuelle du fait de leur incarnation dans des situations et des personnages. Enfin. un sujet devient un theme lorsqu'il se trouve. d'une certaine maniere. impose par la forme litteraire qui 1e represente. L'etude des themes se voit par consequent etroitement rattachee a celle des techniques et des structures. Le texte dramatique. mieux peut-étre que tout autre secteur de la litterature. se préte admirablement a l'observation du fenctionnement des themes tels que Jacques Truchet les concoit. En effet. la brievete et. en principe. la nette structuration des pieces. permet de reperer facilement la recurrence de tel ou tel quet. La charge affective et dynamique du quet parait quant a elle evidente dans la mesure cu l'auteur dramatique s'applique le plus souvent a disparaitre derriere ses personnages et donne ainsi l'impression de ne pas opter en faveur des solutions preconisees par eux. Comma nous le disions precedemment. le dramaturge se trouve dans l'obligation de se partager entre plusieurs personnages. Si. d'aventure. il desirait prouver. convaincre ou enseigner. son oeuvre se confbndrait avec une lecon. un discours ou un sermon; elle ne serait plus. ainsi que semble l'affirmer Eugene Ionesco. une veritable piece de theatre: Les demonstrations. les pieces 5 these sont grossieres. tout y est approximatif. Le theétre n'est pas le langage des idees. Quand il veut se faire le vehicule des ideologies. il ne peut etre que leur vulgarisateur. <..:> Il devient "naif". mais gans 1e mauvais sens. Tout theatre d'ideologie risque de n'etre que theatre de patronage.u2 Enfin. pour en revenir au troisieme point evoque par Truchet. en ce qui concerne les structures et les techniques qui influencent le sujet. l'on se gardera de perdre de vue que les textes dramatiques qui nous occupent auJourd'hui ont ete ecrits pour le public. Concus en 23 fonction de la representation. ils comportent. par consequent. toutes les exigences techniques. sociologiques ou autres. propres au monde du spectacle de la premiere moitie du XVIIeme siecle. Devant la penurie extréme d'informations viables touchant a la vie et a la pensee de l'auteur du Vanitanie Saint Ganaat. nous ne pouvions prendre comme point de depart de notre recherche que le texte lui-méme. D'autre part. si comme nous en avions l'intuition. il devait necessairement exister un certain rapport entre le Vézitable Saint Qanaat et l'ensemble de la production dramatique de Rotrou. c'etait par consequent a partir de la totalite de son theatre qu'il convenait d'aborder notre etude. Ce fut de cette maniere que le theme de l'amour nous a paru pertinent. ce n'est certainement pas l'inverse qui a eu lieu. Le theme de l'amour fut impose par les textes dramatiques de Rotrou. ce ne fut Jamais lui qui s'imposa au texte. B. Le theme de l'amour dans 1e theatre de Rotrou Qu'il s'agisse du roman. de la poesie ou encore de la litterature dramatique. 1e theme de l'amour n'est certainement pas nouveau: les ecrivains de tous les temps et de tous les pays l'ont evoque. Cependant. ce sentiment tres souvent sollicite se presente toujours quelque peu differemment pour chaque Etre humain. Si l'amour est un phenomena important pour tout homme qui pense et auquel de nombreux poetes ont consacre bien des pages. 11 pourrait paraitre pueril de pretendre eriger ce sentiment en un theme que. sans risque de beaucoup d'erreurs. nous sommes pratiquement certain de retrouver dans n'importe quelle oeuvre de n'importe quel auteur. L'on connait 2a l'ouvrage fameux d'Octave Nadal. La Santimant da iiannnn dana iinanyna da Bianca Ennnaiiia;u3 l'on pourrait. bien entendu. envisager une etude similaire pour rendre compte de la presence quasi obligee de ce sentiment chez n'importe quel ecrivain. Pourtant. ainsi que nous 1e disions plus haut. telle ne fut pas notre methode; si nous avons choisi de traiter un theme aussi depourvu d'originalite c'est en premier lieu a cause de la representation at de l'utilisation particuliere qu'en fait Rotrou. Ce n'est certainement pas dans l'invention de ce theme que s'affirme l'originalite de Rotrou. mais bien plut6t dans les consequences pratiques que le spectateur peut tirer de la facon avec laquelle Rotrou concoit et represente un amour qui. ainsi que nous 1e demcntrerons. est tout entier mis au service de son art. Rares. d'autre part. sont les dramaturges francais qui ont. aussi constamment que Rotrou. aborde ce quet. rares encore sont ceux qui lui ont fait une aussi large place dans leurs oeuvres. L'intrigue generale du theatre de Rotrou est banale et n'offre. a premiere vue. rien de tres original. Comme dans le roman et la pastorale du temps cu s'abreuve l'inspiration du poete de Dreux. nous retrouvons dans l'oeuvre dramatique de Rotrou les themes fundamentaux du repertoire baroque: travestissements. metamorphoses. ostentation et dissimulation. comedie sociale et theatrum mundi. Ce feisonnement hallucinatoire. cette sarabande de transformations. a deje fait l'objet de plusieurs travaux et 11 pourrait paraitre artificiel de vouloir isoler 1e theme de l'amour dans une oeuvre dramatique faite de tant de diversite. Ce qui pourtant Justifie notre etude est le fait que tous les themes que nous venons d'evoquer et que Jacques Morel a brillamment passes en revue dans Jaan BQLEQH dramaturge d: 25 iiannignite. sont essentiellement conditionnes par l'amour. Ils gravitent tous autour de ce point crucial et n'apparaissent finalement qu'en tant que ramifications du theme que nous croyons fundamental. L'amour apparait a l'ensemble des personnages qui peuplent l'univers mis en scene par Rotrou comme la donnee fendamentale de l'existence a partir de laquelle il convient de construire sa propre vie. Tout en constituant pour le personnage rotrouesque la preuve tangible d'une presence divine dont la principale distraction consiste : semer la perturbation au sein du theétre du monde en y faisant regner une passion a laquelle l'homme ne peut se soustraire. l'Amour sera egalement a l'origine de la prise de conscience chez certains que le meilleur moyen pour parvenir a contr61er un univers qui parait sans cesse se derober sous les pas. reside precisement dans l'acceptation de se plier au modele suggere par les dieux et de tenter. a l'echelle humaine. de construire sur la grande scene du theatre du monde un theatre second 00 pourra finalement s'exercer. sous l'oeil complice du spectateur. la maItrise de ces personnages-acteurs que Rotrou semble prendre plaisir a opposer a ses personnages-spectateurs fascines par tout spectacle qui s'impose a leurs regards. Il est curieux de constater que les commentateurs de Rotrou n'aient pas prEte d'avantage attention a un element que la simple lecture de l'ensemble de la dramaturgie rotrouesque suffit a distinguer. Apres 1e Jugement negatif de Sainte-Beuve qui faisait de Rotrou "l'un des derniers Gaulois.”uu les seuls critiques qui se soient interesses au probleme de l'amour dans le theatre rotrouesque sont Wblfgang Leiner qui. dans un article: "Deux aspects de l'amour dans le thefitre de Jean Rotrou." souligne la presence de deux types d'amour antagonistes: le 26 romanesque et le realiste. et fait. comme nous aurons l'occasion d'y revenir. aller trop facilement la preference de Rotrou vers ce dernier;u5 ensuite. Jacques Morel qui. dans son ouvrage deJe mentionne. remarque la persistance avec laquelle Rotrou n'a Jamais voulu accorder a ses personnages d'autres certitudes que celles imposees par l'elan spontane du sentiment et les engagements du mariage: Ce qui appartient a l'homme. dans l'aventure amoureuse. c'est 1e droit a se tromper. Les realisations appartiennent a ces dieux que sont Hymen et Amour. deux avatars de la Providence.u6 Plus recemment. a partir de l'examen d'une seule comedic de Rotrou. La ceiinena. Hadley weed tire des conclusions sur "The language of love in Jean Rotrou's comedies": In La ceiimena. as in Rotrou's other comedies. comedy itself is Rotrou's primary concern. and the language of love remains an obstacle to be overcome as well as possible.fl7 Enfin. il convient de mentionner egalement la these de Ph.D. deja ancienne d'Ira David Dudley qui. tout en reconnaissant que l'amour "is by far the most important theme in Rotrou's plays. outweighing all others in frequency of occurrence and in the amount of space devoted to A8 it." se limite a une description de l'amour qui lui permet de A9 conclure que "Rotrou denies the reality of freeawill": Love is almost universally regarded by Rotrou's characters as being quite irresistible in its power. Once one has been attacked by it. all struggle against it is useless. for it is impossible to conquer it. or to lay it aside. or not to yield to it. <...> As one has no means of turning love away when it comes. so one has no means to prevent it from coming. Loving is involuntary. and to love or not to love does not depend on us.50 Ces rares etudes qui. seules Jusqu'ici. ont aborde 1e theme de l'amour dans la dramaturgie rotrouesque. mEme lorsqu'elles aboutissent 27 a des conclusions interessantes. ne nous paraissent pas entierement satisfaisantes. Occupes presque exclusivement a dresser la liste des elements susceptibles de corroborer leurs conclusions. les critiques que nous venons d'evoquer ont pris grand soin. semble-t-il. de negliger les aspects de l'oeuvre en passe d'infirmer leur demonstration. Ces analyses trOp partielles. souvent partiales. de la representation de l'amour chez Rotrou ne permettent pas d'arriver a un tableau d'ensemble capable d'integrer les elements disparates. voire contradictoires. qui pourtant appartiennent de plein droit au theme considere; et. encore moins. de saisir en quoi reside l'originalite du dramaturge dans sa mise en scene de la passion amoureuse. Loin. par consequent. d'epuiser le sujet. ces etudes laissent en effet dans l'ombre l'aspect que nous croyons essentiel de la representation de l'amour dans la dramaturgie rotrouesque: la theatralite du theme; ou. si l'on prefere. la concomitance de l'evocation du sentiment amoureux et la passion pour l'illusion theatrale. La collusion que nous releverons entre ces deux elements nous permettre d'etablir que la representation de l'amour dans le theatre rotrouesque est subsequente. en fait. a l'amour de la representation qui. comme nous le verrons. pourrait Etre la lecon preconisee par le dramaturge pour trouver une solution satisfaisante au probleme que pose a l'homme sa condition d'acteur involontaire sur une scene du monde regie par les desseins impenetrables d'un metteur en scene divin. Envisagee a la lumiere de ces nouvelles considerations. la tragedie du yenitania Saint Qanaat pourra donner lieu a une interpretation qui. tout en operant un recentrage de l'eclairage sur le personnage trop neglige de l'empereur Diocletian. tentera de demontrer que le dramaturge. loin 28 d'opter unilateralement en faveur de son personnage Genest ainsi que l'a trop aisement assume la critique. permet a une partie au moins de son public d'arriver a la conclusion que. dans le theatre du monde 0:) il evolue. l'honme a toutefois la possibilite de s'inspirer du modele et se l'approprier a ses propres fins: en faire un exemple a suivre. Ainsi. notre travail. qui ne pretend pas fournir une interpretation exhaustive de l'oeuvre dramatique de Jean Rotrou. a ete entrepris dans l'intention de saisir et d'analyser l'utilisation dramatique faite. tout au long de son oeuvre. par l'auteur du yenitania Saint fianaat. du ressort primordial de son texte dramatique: l'amour. Nous verrons que ce ne sont ni Aristote. ni les theoriciens italiens ou francais contemporains. ni encore la fidelite a une doctrine donnee qui ont determine l'esthetique du dramaturge de Dreux. mais bien davantage son sens de l'efficacite theatrale et l'acuite avec laquelle il percevait la sensibilite d'un public qu'il s'efforce de concilier en presentant une peinture de la passion amoureuse qui. conme nous le verrons. s'avere en mesure de satisfaire aussi bien les partisans de l'amour idealise que ses plus farouches detracteurs. Contrastant avec cette unite que la peinture de l'amour rotrouesque parait avoir ete a m'éme de realiser parmi les spectateurs de l'HBtel de Bourgogne ou du Marais. l'attitude de la critique vis-a-vis de la production dramatique de Rotrou se montre. au contraire. profbndement divisee. Avant de nous pencher a notre tour sur l'oeuvre dramatique de l'auteur du Menitania Saint Qanaat. et de penetrer dans un univers dont 1e supréme raffinement consiste a feindre l'inorganisation et le 29 desordre. il convient maintenant de faire un tour d'horizon. de passer en revue les Jugements portes sur Jean Rotrou. afin de voir quelle est la place qu'occupe ce dramaturge aux yeux de la critique. Nous signalerons ensuite les positions et les Jugements exprimes dans les travaux que mes predecesseurs consacrerent au yetitania Saint Ganaat. Nous aurons ainsi l'occasion de mieux comprendre les raisons qui contribuerent largement a l'ignorance totale que le public actuel manifeste a l'egard de cet autre grand dramaturge du XVIIeme siecle dont la posterite se trouva beaucoup plus compromise par la presence contemporaine de Corneille que par la valeur intrinseque de ses textes dramatiques. Chapitre II Le theatre de Rotrou devant la critique I. Une production dramatique meconnue: le theétre de Rotrou Un simple regard lance sur les deux seules bibliographies consacrees Jusqu'a ce Jour a l'oeuvre dramatique du poete de Dreux. celle de Charles B. Osburn: "Introduction to Jean Rotrou: A Bibliography (1880-1965)."1 at celle plus recente de Molly Ann Bullard Howard: "Jean 2 Rotrou: A Critical Bibliography. 1701-1974." permet de constater que si l'auteur du Venitanie Saint Qanaat n'a pas laisse les critiques totalement insensibles. il est tres loin cependant d'avoir beneficie de toute l'attention et de toute l'ardeur qu'ont suscitees pendant trois siecles les oeuvres des trois grands dramaturges de son epoque. Cette observation n'aurait en soi que peu d'interEt si l'on ne savait d'autre part que celui qui se voit quelque peu delaisse par la critique. et ignore souvent des manuels de litterature. est loin de meriter ce rang obscur dans la mesure 0D. par un curieux paradoxe. il est regarde par les historiens du theatre en tant que quatrieme dramaturge de son siecle. C'est ainsi. par exemple. que Voltaire n'hesita pas 3 en faire 1e fendateur de notre theatre et le maitre 30 31 3 de Corneille. Petit de Julleville de son c6te ne craindra pas de louer Rotrou et de le qualifier de plus grand poete de son temps. Juste apres Corneille.“ Moins abondante que la production de son aIne. Alexandre Hardy.5 ou bien evidemment que celle de son confrere espagnol. Lope de Vega. dont il s'inspira abondamment. l'oeuvre de Rotrou est tout de méme appreciable puisque. en l'espace seulement d'une vingtaine d'annees. le poete fut a méme de composer les quelques trente-cinq ou trente- six pieces qui nous sont aujourd'hui parvenues. Parmi celles-c1. neuf seront qualifiees de tragedies. quatorze de tragi-comedies. et treize de comedies.6 11 se peut toutefois que les fenctions de Rotrou vis-a- vis de la troupe de l'HBtel de Bourgogne aient contribue largement a l'exploitation maximale de la veine poetique du dramaturge et. ce faisant. aient empéche ce dernier de consacrer un temps suffisant a la composition des pieces que son r51e de "poete a gages" lui prescrivait. Une feis degage de ce que Chapelain considerait comme "une servitude si honteuse."7 Rotrou ralentit quelque peu sa production mais ce ne fut vraiment que dans les toutes dernieres annees de sa breve existence qu'il eut les moyens de se permettre d'echapper a des travaux trop rapides et en partie serviles.8 C'est alors qu'il composa les pieces qui passent aujourd'hui pour la meilleure partie de son oeuvre: Saint Qanaat (1645). Ianaaaiaa (16A7). et finangea (16A8). ou pour reprendre les mots de Frederico del Valle Abad: "lo que podiamos llamar su trinidad dramAtica."9 Le premier. semble-t-il. a avoir manifeste un quelconque interEt pour l'ensemble de la production dramatique de Jean Rotrou fut l'architecte-ecrivain Viollet—le-Duc qui. en 1820. realisa la 32 premiere et la seule edition complete des oeuvres du poete. Quelques soixante-trois annees plus tard. Felix Hemon selectionna 7 pieces at edita un Theatna Enniai.1o Ces premiers critiques auxquels nous devons Joindre les noms de Jules Jarry. de Leonce Person. at de Henri Chardon. se consacrerent ainsi que nous l'avons vu au cours de notre premier chapitre. surtout a l'aspect biographique at anecdotique de l'auteur. Plus recemment. da nouveaux erudite se sont replonges dans l'oeuvre de Rotrou et ont entrepris la reedition critique de ses pieces sinon les plus populaires du moins les plus souvent mentionnees.11 Il est cependant a remarquer que personne Jusqu'e ce Jour n'ait juge utile de donnar aux lecteurs une nouvelle edition complete du theatre de Jean Rotrou et que. de ce fait. l'amateur potential de cette dramaturgie negligee se trouve dans l'obligation d'avoir recours soit a l'edition assez rare de Viollet-le-Duc. soit a l'onereuse reimpression suisse de celle-oi.12 Pourtant. ainsi que la declarait Gustave Lanson: "Rotrou est a lire. méme apres Corneille."13 Il est regrettable que la critique ne se soit pas montree unanime sur ce point. A. Les blames La piece de Rotrou qui. sans aucun doute. connut le plus grand succes. sinon toujours aupres des critiques mais du moins aupres du public. fut assuremant la tragi-comedie da Manaaaiaa.1u Dans un article intitule: "Rotrou at Moliere." Pierre Melese se demande si Nbliere jouait aussi du Rotrou en province. voici sa reponse: " (...) nous n'en savons rien. mais il nous est permis de le conjecturer. car la succes parisien de 'Saint Genest' et de 'Venceslas' ne pouvait le 33 laisser indifferent." Plus loin il ajoute: "Toujours est-il que. lorsqu'il fut etabli a Paris. un des premiers spectacles qu'il monta au Petit-Bourbon fut la tragedie de 'Venceslas' qu'il representa 1e 27 juin at 1e 19 aofit 1659. (...) 'Venceslas' demaura au repertoire du theatre de Moliere. C'est cette tragedia qui accompagna sur l'affiche 1a representation generale du 'Cocu Imaginaire' le 28 mai 1660. (...) C'est encore avec le 'Cocu' que Moliere donna 'Venceslas' au Palais Royal le 26 mars 1662."15 L'edition critique du yanaaaiaa de Rotrou que nous devons a Wblfgang Leiner presente la liste complete des representations que connut la piece. at il est aise de se rendre compte de la fortune enviable de celle-oi a travers les trois siecles qui nous separent de sa creation.16 C'est au sujet de cette mEme piece que M. Guizot. fidele admirateur de Corneille. decretait en 1866: "Vanaaaiaa est au nombre de ces ouvrages originaux produits par une impulsion etrangere. Rotrou. depuis longtemps auteur dramatique sans inspiration. se montre poete apres avoir entendu Corneille."17 Dans un desir evident de braquer les feux de la rampa sur l'auteur du Sin. Guizot ne menaga guere Rotrou dans une etude consacree an fait a la gloire de Corneille. Lorsqu'il sera question de certaines autres pieces de celui-1e. l'eloge ambigu reserve a yanaaaiaa sera remplace par un Jugement tout a fait hostile. Evoquant par exemple ce qui. selon les freres Parfaict. devrait Etre considere comme "la coup d'essai du celebre Rotrou. poete. a qui le Thefitre Francais 18 doit quelques fleurs. et que le grand Corneille appelait son pere." Guizot declare: "Liflynaanndziagna. qui a precede Melita tout au plus d'une annee. est un peu moins dans les regles que cette derniere piece. 00 du moins Corneille a observe l'unite de lieu. dont Rotrou 3A ne s'est pas plus soucie que des autres; at. quant au bon sens at a la vraisemblance. ce n'est assurement pas dans Liflynnannnnianna qu'il faut charcher aucune superiorite de ce genre. L'intrigue de Melita est un 19 modele da raison en comparaison des aventures de Cloridan." Comment. en effet. la raison de ce critique du XIXéme siecle aurait-elle pu se satisfaire des aventures de ce jeune heros. Cloridan. qui. desespere par la mort presumee de sa maitresse. se croit descendu aux enfers. veut a tout prix habiter un cercueil. at ne se resoudra que bien peniblemant a se rendre a l'evidence de sa parfaite sante. dans un final spectaculaire at un denouemant accompagne de musique at ponctue de coups de feu? Si Liflynnanndnianna n'a pas eu l'heur de plaira a Guizot. elle a. de toute evidence. trouve un meilleur accueil chez 1e public puisque l'auteur da Melita sera amene a reprendre tres exactement 1e procede dramatique imagine par Rotrou: tout comme Floridan. l'Eraste de Corneille est convaincu de la disparition de celle qu'il aime; toujours comme lui. il pense Etre descendu au royaume des ombres: Cliton Monsieur. que faites-vous? votre raison s'egare. Voyez qu'il n'est ici de Styx. ni de Tenare. Revenez a vous-meme. Eraste - Ah! ta voila. Charon. Depeche promptament. et d'un coup d'aviron Passe-moi. si tu peux. jusqu'e l'autre rivage. Cliton Monsieur. rentrez en vous. contemplez mon visage. Reconnaissez Cliton. (Ma No V1) 35 En depit de la tentative de Cliton. l'illusion d'Eraste se poursuivra. comme chez Rotrou. encore pendant plusieurs scenes: IV. vi.viii.ix. at V. ii. 11 est de ce fait amusant de remarquer que ce que Guizot considere comme une aberration chez Rotrou. puisse subitement passer pour un "modele de raison" chez Corneille. L: Xécitahia Saint Ganaat ne devait pas trouver un meilleur accueil chez ce méme critique. Pour lui. la piece de Rotrou est un "ouvrage qui d'ailleurs n'a rien de remarquable. surtout paraissant 20 plusieurs annees apres Enizanata." Par contre. le Saint fianaat de Desfontaines. pourtant de la méme annee ou peu s'en faut qua celui de Rotrou. trouve chez Guizot quelques excuses dans la mesure on 11 s'inspire davantage des lumieres du Maitre: "On a de 16A5. un Saint Ganaat de Desfontaines. un peu moins mauvais que celui de Rotrou. parce 21 que l'auteur y a plus imite Enixanata." Pris en flagrant delit de partialite. le temoignage de Guizot n'est pourtant pas aussi negligeable qu'il pourrait 1e paraitre au premier abord car son attitude envers le theatre de Rotrou resume bien les reproches dont l'on a souvent abuse pour deprecier l'oeuvre du dramaturge drouais: Tout le fatras romanesque qui remplissait alors la scene. des enlevements. des combats. des reconnaissances. des royaumes d'invention. des amours de traverse qui naissent precisement au moment 00 11 s'agit d'embarrasser la piece. et qui meurent lorsqu'il est convenable de la denouer; des baisers sans nombre at sans mesure. demandes. donnes. rendus sur la scene. quelquefois accompagnes de caresses encore plus vives. et suivis de rendez-vous dont on ne dissimule pas l'intention; des heroines embarrassees des suites de leurs faiblesses. at courant le monda pour retrouver 1e perfide qui refuse de reparer leur honneur; c'est 1a ce qu'on rencontre dans la plupart des pieces de Rotrou. (...) Corneille seul avait su ecarter de ses ouvrages ces monotones enormites.22 Ce jugement n'est pas sans rappeler celui de Fontenelle pour qui 1a scene du debut du XVIIeme siecle avait 1e defaut de montrer au 36 public des personnages qui "se baisant volontiers sur la Theétre; & pourvfi que deux Amans ne soient point brouilles. vous les voyez sauter au col l'un de l'autre."23 Guizot ne fut malheureusement pas le seul. en effet. a Juger avec severite 1e theatre de Rotrou. Au debut du xxeme siecle Emile Faguet devait lui emboiter le pas en reconnaissant dans son fiiatnina da ia Littanatane que "Pierre Corneille est le premier home d'un grand genie qui ait paru sur notre scene."2u Attribuant malgre tout "presque du genie a Rotrou". il prend cependant bien soin de preciser que celui-c1 ne fit "des tragedies distinguees qu'apres les premiers succes de Corneille."25 Toujours au debut du siecle. le grand historian de la litterature dramatique que fut Henry Carrington Lancaster souligne le manque d'unite de l'ensemble de l'oeuvre de Rotrou. "It is lacking in unity and possessed of no psychological struggles or subtleties (...)."26 ecrit le critique americain au sujet des Qaaaainna Bananaa; en ce qui concerne gleaggnn: at Dnniatea. Lancaster declare: " (...) it is partly a play of outdoor adventure. partly one of domestic intrigue. The reader's interest is lost between the two."27 Quant au yenitania Saint Qanaat. tout an attenuant quelque peu le severe et hatif verdict d'Hippolyte Parigot selon lequel la personnage principal de la piece "n'a point fait un pas."28 Lancaster trouve tout de méme que "too much time is spent on the inner play and that between verses ”A5 and 12A3 there is practically no change in the situation."29 C'est ca méme reproche qui. una vingtaine d'annees plus tard. allait Etre repris par Antoine Adam dans son fliatnina fig 1a W {Kansans an W £13212: "Le mum Saint Genest est une oeuvre vivante et belle. Son defaut evident. c'est la longueur 37 de la piece interieure. L'action se trouve ainsi suspendue pendant huit-cents vars."3o Sans aller jusqu'e reconnaitre que la piece de Rotrou est un chef-d'oeuvre. Lancaster lui confere tout de méme une certaine qualite. at an apprecie surtout le caractere documentaire: " (...) the work is well written. with the exception of a few examples of 'preciosite'. and contains a number of passages that are of great interest to the student of drama. for. like the two Canadiaa daa anneniana and th§1innnnnntn da yanaaiiiaa. they give us a glimpse of a troupe at work." 11 est a relever que l'ensemble des critiques a qui nous avons essaye de donner la parole pour nous presenter la theatre de Jean Rotrou semblent. pour la plupart. beaucoup moins concernes par le texte proprement dit des pieces qu'ils evoquent que par des elements exterieurs a celui-oi. Guizot est avant tout un fervent admirateur de Corneille. at. afin de mieux etablir la suprematie de l'auteur de Eniyannta. il n'hesite pas a condamner sans appel les pieces qui s'ecartent trop du modele etabli par son idola. Lancaster ou Adam. pour ne citer que les plus illustres. se montrent de leur c5te plus particulierement attaches a la problematique des unites. at manifestent une entiere confiance aux canons qui pendant longtemps allaient permettre a la critique de mettre an evidence le classicisme d'une production dramatique. L'hypothesa de travail de Lancaster suggere que l'adherence a certaines unites doit Etre interpretee comme 1e signe avant coureur de la periods classique. at que par consequent elle peut Etre utilisee en tant qu'etalon de mesure pour l'evaluation d'une oeuvre dramatique. De tels parti-pris ne peuvent certainement pas rendre compte de l‘oeuvre de Rotrou dans la mesure ou 38 ca dernier se voit juge non pour ca qu'il fut. mais pour ce qu'il aurait dfi Etre. Sans doute Viollet-le—Duc avait-il parfaitement raison lorsqu'il ecrivit dans sa preface de Saint Qanaat: "Il est peutAetre digne de remarquer que cette variete de tons employee par Rotrou. que la verite des divers sentiments qu'il a decrits at mis en Jeu. furent la cause principale de l'oubli dans lequel est tombe cette tragedie (...)."32 Mais ce qu'ignorait tres probablement ce critique etait que l'oubli dans lequel se trouvait plonge le theatre de Rotrou devait se poursuivre pendant encore bien des annees et que les mots qui soulignent ici le manque d'unite at d'harmonie allaient devenir le leitmotiv des attaques visant non seulement La Venitania_Saint Qanaat. mais aussi l'ensemble de l'oeuvre dramatique de Rotrou at. avec elle. la presque totalite d'une production theétrale qui fit pourtant les beaux Jours du Marais et de l'HBtel de Bourgogne dans la premiere moitie du XVIIeme siecle. B. Les eloges A the cependant des jugements defavorables portes contre le theétre de Rotrou. et dont le plus excessif se trouve peut-étre sous la plume d'Hippolyte Parigot qui decreta an 189” que l'auteur du Venitania Saint fianaat etait "un dramaturge qui procedait d'instinct. et savait peu son metier."33 i1 nous faut tout de méme accorder ici une place aux critiques qui. a la suite de Sainte-Beuve. se firent les defenseurs d'une dramaturgie qui. a leurs yeux. pouvait correspondre aux criteres que revendiquaient les tenants du theatre romantique. C'est ainsi que l'auteur de Enntzfinxai. pour qui "Saint Qanaat en plein dix-septieme siecle est la piece la plus romantique qu'on puisse 39 34 imaginer." n'hesite pas a affirmer que Rotrou "vient tout derriere at par moments presque coude a coude avec Corneille. Il n'en parut Jamais plus pres que le soir de cette tragedie: Saint Ganaat annenian Reign representant 1e maztxza diAdzian."35 C'est egalement l'avis d'Emile Deschanel qui. dans La Banantiana daa Ciaaainnaa. ecrivit: "On peut dire que le theatre de Rotrou a quelque chose de 36 Shakespearien." Voici en conclusion a sa "neuvieme lecon" consacree au Saint Ganaat de Rotrou ce que declare Deschanel: "(...) l'intérét de l'action. avec la beaute des sentiments et des vars; puis. la variete curieuse de la partie familiere. qui sert de cadre 37 au tableau; tout cela ensemble. attache. emeut. captive." Enfin. nous aimerions terminer cette section an mentionnant le point de vue de Felix Hemon qui accordait au theatre de Rotrou une valeur que trop souvent cette premiere generation de critiques lui avait deniee: MEme apres Corneille on peut lire Rotrou; car le "vieux" Rotrou est plus moderne qu'on ne pense. C'est une surprise delicate pour le lecteur. un peu defiant d'abord. bientfit rassure. que de rencontrer. a c6te de bien des subtilites et des fadeurs. ici la méme energie de Corneille. 1a cette sensibilite presque feminine. cette exquise penetration de Racine. plus loin encore le merveilleux tourmente ou la profonde melancolie de Shakespeare. L'oeuvre de Rotrou est un de ces pays a peine explores. dont quelques sommets se distinguent dans le lointain. mais qui reservent mille decouvertes imprevues au voyageur patient.38 Se lancer a la decouverte de "ces pays a peine explores" dont parle Felix Hemon n'allait pourtant tenter reellement les critiques qu'e partir des annees 1950. periode au cours de laquelle commenca a s'elaborer la notion d'un baroque litteraire. Avec la commemoration du tricentenaire de la mort du poete. 1950 marque tres A0 certainement. sinon la gloire. du moins le debut d'une reevaluation de la dramaturgie de Rotrou. an particulier de l'oeuvre que nous examinerons dans notre dernier chapitre: La zenitahia Saint Qanaat. II. La Menitania Saint Ganaat: une rehabilitation de l'oeuvre et de son createur Ainsi que le suggere la premiere partie de ce chapitre. Rotrou compta longtemps parmi "ces auteurs qui souffrent du voisinage des grands createurs."39 Longtemps on le presenta comme incontestablement inferieur a Corneille; plus souvent encore. on se contents de l'ignorer. Raymond Lebegue. a l'occasion du tricentenaire de la disparition du dramaturge. etait peut-étre méme en deca de la verite lorsqu'il declara: "Rotrou n'est plus qu'un nom."u0 Aujourd'hui. si le nom de Rotrou demaura encore trop souvent ignore du grand public pour qui le patronyme du poete n'evoque la plupart du temps que cette petite localite d'Eure-et-Loir qui porte son nom. il est cependant indeniable que l'oeuvre du dramaturge drouaix a fait l'objet d'une profonde rehabilitation de la part des specialistes qui. depuis 1950 environ. an ac penchant a nouveau sur son theatre. ont su parfaitement mettre an pratique la these de Roland Barthes selon laquelle: Il n'y a rien d'etonnant a ce qu'un pays reprenne ainsi periodiquemant les objets de son passe et les decrive de nouveau pour savoir ce qu'il peut en faire: ce sont 13. ca devraient etre. des procedures regulieres d'evaluation.u1 Il fallut en effet attendre les recherches entreprises dans le domaine du baroque applique en litterature pour que la critique trouve dans le theatre de Jean Rotrou l'illustration parfaite d'une asthetique qui “1 se demarquait des canons du classicisme et qui permettait de considerer enfin l'oeuvre du dramaturge de Dreux a la lumiere d'elements qui lui convenaient davantage. La definition du baroque que nous trouvons. par exemple. sous la plume d'Imbrie Bufom: <...> the baroque is a style often characterized by excess. and animated by a strong will toward that which it conceives as good; it is acutely aware of the physical aspects of the world. in all their beauty. horror. picturesqueness. diversity. and movement. While at times deriving an almost perverse pleasure at shock. surprise. and illusion. it ultimately hopes fer the triumph of positive and meaningful values #2 evoque parfaitement les nouveaux pales d'intérét vers lesquels allaient se sentir attires les critiques pour qui le baroque litteraire n'etait plus un vain mot mais. bien au contraire. un precieux outil d'investigation. On s'interessa desormais aux textes dramatiques de Rotrou non plus pour ce que l'on aurait souhaite qu'ils fussent. mais bien davantage pour en presenter les caracteristiques et en apprecier la valeur theatrale. Dans son ensemble. 1e bilan primordial qui ressort de ces nouvelles investigations s'accorde unanimement a rendre totalement obsolete le severe verdict d'Hippolyte Parigot. et a etablir la preeminence du Venitania Saint fianaat sur le reste de la production dramatique de Rotrou. "Saint Ganaat "3 is certainly Rotrou's best play to date." affinme Joseph Morello a la suite de Jacques Morel: La tragedie de Saint Qanaat constitue la plus haut effort de la pensee dramatique de Rotrou. Elle en est l'expression la plus complexe et la plus claire a la r613.uu Nous devons a Judd D. Hubert. at plus recemment a Robert Nelson et a Jacques Morel. d'excellentes etudes qui permirent de mettre an evidence l'extréme complexite du Venitania Saint Qanaat de Rotrou “2 at. ca faisant. de lui octroyer une place d'honneur dans la production dramatique du poete de Dreux. Il serait bien entendu trop long de passer en revue tout ce qui. dans ces dernieres annees. a ete ecrit sur l'oeuvre qui nous occupe aujourd'hui mais. comme nous l'annoncions dans le chapitre precedent. nous aimerions tout de méme evoquer dans ses grandes lignes le traitement accorde jusqu'ici a cette tragedie afin que la lecteur soit mieux a mEme par la suite de voir en quoi notre analyse du Venitania Saint fianaat. en se demarquant radicalement des chemins deje si brillamment parcourus par la critique. permet une nouvelle interpretation de la piece qui. nous l'asperons. contribuera ainsi a la reevaluation de notre dramaturge. Quatre grandes modalites d'approche resunent parfaitement l'eclairage sous lequel apparait aujourd'hui la piece de Rotrou: une etude des sources. une approche existentialiste. une analyse des composantes baroques de la piece. at enfin un commentaire sur l'aspect dominant de l'oeuvre: la conversion de l'acteur Genest. A. La recherche des influences A c5te d'une approche surtout biographique dont nous avons suffisamnent parle dans notre premier chapitre pour pouvoir nous dispenser d'y revenir maintenant. les premiers critiques qui se sont interesses a l'oeuvre de Rotrou ont ete enclin a rechercher les sources de la production dramatique de l'auteur du Venitania Saint Ganaat. Le regain d'interEt dont allait beneficier Rotrou n'a guere favorise la reprise d'un commentaire qui semble epuiser le sujet. Les premieres decouvertes realisees en ce domaine conservent en general toute leur validite. "3 Par dale les differences qui indeniablement prouveraient que si Rotrou a effectivement utilise le meme materiau que certains de ses predecesseurs. il a neanmoins ete en mesure de porter a la scene une oeuvre originale. la critique. selon nous. s'est trop souvent penchee sur des similarites superficialles et. pour reprendre la judicieuse remarque de Robert Garapon: "(...) a force de rechercher les #5 sources. on a laisse de c6te l'essentiel." C'est ainsi que l'on fait generalement deriver La genitania Saint fianaat de Rotrou de la piece espagnole de Lope de Vega. Ln Eingidn Vandadann. publiee vars 1621. Ce courant rallie bien des suffrages: Person. Petit de Julleville. Deschanel. Felix Hemon. pour n'en citer que quelques-uns. Plus interessante cependant. l'etude recente de Noel M. Valis qui souligne les differences entre la piece espagnole et celle de Rotrou: Lope proceeds by expansion. Rotrou by contraction. <...> The method of exteriorization and expansion in Lope leads to the presence of an external and superior fbrce on stage. In Rotrou. the reverse method leads to the concentration of inner strength within the main character himself.fl6 Une deuxieme opinion rapportee par Person est celle de Puribusque at de Von Schack qui affirment que la piece de Rotrou est une oeuvre absolument originale. Sainte Beuve partage ce point de vue. mais 11 note malgre tout des emprunts a Eniyanata. Pour Robert Garapon. les emprunts a la piece de Corneille sont manifestes: "Non seulement l'auteur de Saint Qanaat tente visiblement de reecrire certains des plus beaux endroits de Mata. mais encore. méme quand il suit de pres 1e P. Cellot ou Lope. il préte a ses personnages 1e style de Enixaugta."u7 Tout en reconnaissant de nombreuses similitudes entre Enixanata at Saint Qanaat. 1e professeur Auguste walras est le seul qui. an a notre connaissance. attribue a la piece de Rotrou une certaine suprematie sur celle de Corneille: Ce qui fait la merite de Eniyanata. c'est que c'est un drama. 11 y a dans le Eniyanata une action du plus haut interEt. Nous y trouvons un certain nombre de caracteres admirablement dessines at parfaitement soutenus. des noeuds bien lies. at das peripeties remarquables. Mais les elements les plus dramatiques de la piece sont empruntes a ce drama profane qui se Joint au drama religieux. qui l'enlaca et la penetre. et qui en etouffe les developpements naturals et necessaires. Ce qui fait le defaut du Enixanata. c'est qu'il est double <...> et que la saint martyr n'y est paint. pour ainsi dire. que de profil. Ce qui fait la merite du veritahia Saint Ganaat. c'est qu'il est un. La situation du personnage important ne s'y complique d'aucun elements etrangere. <...> Si le Saint Qanaat nous a paru l'emporter. a certains egards. sur le Enixannta. il faut reconnaitre aussi qu'il lui est posterieur da cinq ou six ans. et que. dans la plupart des choses de ce monde. il suffit de venir le dernier pour faire tourner a son profit les efforts da ceux qui nous ont precedes dans la carriere. Le Enixanata a servi de modele au Saint Qanaat. at ca n'est pas un de ses moindres merites que d'avoir produit un pareil rejeton.u8 Il est toutefois a regretter que le coumentaire elogieux da ca critique meconnu ne tianne absolument pas compte des elements contenus dans la piece cadre at que son analyse toucha exclusivement a l'episode enchasse de la conversion de Genest at celui de son martyre. Une troisiema opinion soutient avec R. w. Ladborough que la source la plus evidente se trouve dans une legende du Moyen Age contenue dans A9 les Vitaa Sangtnnnn de Surius composees en 1618. Salon Lancaster. une autre legenda du Moyen Age: Lzataina an ginnianx annna na aaint Qania a xiiii nanannnagaa. aurait pu inspirer Rotrou mais l'argumentation avancee par l'erudit americain s'appuie uniquement sur la similarite existant entre le vars 606 de Rotrou: "J'en serai plus leger pour monter dans les cieux." et un vars du mystere du XVema siecle. Rien “5 ne prouve d'autre part que l'auteur du Venitania Saint Qanaat ait eu 50 connaissance de cette derniere piece. En ce qui concerne la piece intercalee: la martyre d'Adrian. Felix Gaiffe pense que le modele est a rechercher dans la piece scolaire du jesuite Cellot: Sanatna 51 Adrianna. Enfin. il convient de citer l'oeuvre de Desfbntaines: W 2M3}: en La Marina de Saint Genest. représentée probablement quelques annees seulement avant la piece de Rotrou. qui. en plus d'une possible influence. pourrait Etre a l'origine du titre choisi par Rotrou pour l'edition de sa piece.52 A l'exception de l'etude de M. Walras et du recent article de Noel Valis. l'on constate que c'est bien davantage le sujet apparent de la piece da Rotrou que la maniere dont il a ete traite qui. dans une tres large mesure. a oriente la recherche des sources. Si cette perspective est sans aucun doute parfaitement justifiee. at loin de nous l'idee de minimiser l'importance des travaux effectues par les eminents historiens du theatre que nous avons mentionnes. elle a eu cependant l'inconvenient. a nos yeux. de contribuer largement a favoriser l'aspect religieux du Venitania Saint Qanaat au detriment de l'aspect puremant theatral de la piece. Une perspective puremant fermalle aurait montre que Rotrou s'inspire egalement de la technique du "theétre dans la theatre" etudiee par Georges Forestier. Selon cette perspective. il eut ete certainement possible de rapprocher la piece de Rotrou moins peut-étre de Eniyanata que de cet "etrange monstre" que constituait. aux dires mEmes de Corneille. son Iiinainn namigna; ou encore des nombreuses productions dramatiques de l'epoque 53 qui utilisaient frequemment la procede de la piece dans la piece. “6 Les critiques qui se sont efforces d'etablir des filiations et de relever les emprunts que la piece de Rotrou devait a certaines oeuvres de ses confreres ont. dans leur majorite. perdu de vue que pour le spectateur du genitania Saint fianaat. le poete n'etait pas necessairament celui qui invente mais davantage celui capable de su presenter brillamment ses connaissances. C'est bien la ce que reconnait Richard Malpigano dans une etude recente consacree a une autre piece de Rotrou. La Snann: Il est bon de se rappeler que Rotrou ne pretendait pas Etre original. S'il a pulse ses intrigues et ses personnages dans les litteratures latine. italienne. espagnole et francaise. il ne fait que suivra le manna nnananai de ses contemporains.55 Sans souci d'originalite et tributaire dans une large mesure de sa source espagnole. l'auteur du Venitania Saint Qanaat a pourtant ete a méme de faire une oeuvre originale. Cette observation quelque peu paradoxale peut paraitre choquante du point de vue de nos ideas at de nos habitudes mais cela ne devait avoir aucun sens pour les contamporains de Rotrou. Ce dernier. da mEme que Corneille ou Moliere. possede des aspirations qui se situent au dale des données heritees de la tradition: il ne veut pas faire autre chose. il veut faire 56 autrement. Cet etat da fait se trouve d'ailleurs nettement illustre par les propos de Valerie qui. au debut du Venitania Saint fianaat. tout en se declarant au passage en faveur des Modernes. manifeste clairement sa preference pour la maniere au detriment du quet: Mais on vante surtout l'inimitable adresse Dont tu feins d'un chretien 1e zele et l'allegresse. Quand. le voyant marcher du bapteme au trepas. Il semble que les feux soient des fleurs sous tas pas. (Io V) :17 Ce ne sera pas par consequent un spectacle nouveau que la troupe de Genest offrira a sea illustres spectateurs mais. au contraire. une action dont l'intrigue etant connue de tous n'aura de charmes et d'attraits que grace a l'art d'imitation des acteurs a qui l'on demandera. comme le souhaite Maximin a propos d'Adrian. de faire: <...> remourir ce traItre apres sa sepulture Sinon an as personne. au moins en sa figure. (II: V1) B. Genest ou le refus de tout compromis: une approche existentialiste Se demarquant totalement de l'approche biographique at laissant de c6te le probleme des sources. est venue s'aJouter en premier lieu l'interpretation existentialiste de huit pieces de Rotrou que nous 57 devons a Jacqueline Van Baelen. Dans La henna tnaginna at ia neyaita. Jacqueline Van Baelen nous invite a penetrer dans un univers depourvu de regles et dans lequel l'homme se trouve prive du confbrt moral que lui procurerait une croyance en certaines valeurs: Qu'il s'agissa des revendications d'un-individu. d'un groupe ou d'un pays entier. on aboutit a la meme constatation deprimante qu'il n'existe au fond aucune valeur absolue. aucune regle inviolable.58 Selon la perspective adoptee par Madame Van Baelen. Genest serait la premier heros de Rotrou qui soit parvenu. grace a sa mort. a trouver un moyen afficace de resoudre 1e probleme de la via an changeant le spectacle en realite et en niant absolument la valeur da la via. 11 appartiendra cependant a Ladislas et a Syra. heros respectifs de Ianaaaiaa et de anangea. d'ameliorer le procede quelque peu radical de Genest. et de trouver dans l'absence de valeurs absolues du monde qu'ils habitent la preuve de leur liberte at de leur 48 puissance. at de se donner une morale individualiste fendee sur la satisfaction de leurs desirs: La morale que propose Rotrou est celle de l'individu at de la force. <...> L'auteur propose an quelque sorte une morale d'houma superieur. absolument libre. mais aussi absolument responsable envers lui-meme et envers sa conscience. ne devant de compte a personne. agissant dans le bien ou dans le mal. Justifiant cette action par le but qu'il se propose d'atteindra en dehors de toutes les considerations morales imposees par la société ou par les dieux.59 Que 1a soit la morale proposee par Rotrou n'est peut-étre pas aussi manifeste que se plaIt a le croire Jacqueline Van Baelen. En detachant les huit tragedies etudiees de tout contexte historique. sans doute ce critique parvient-il a nous donner l'illusion d'une dramaturgie etonnamment moderne a laquelle on peut. sans anachronisme. faire subir l'eprauve des theories de Sartre ou de Camus. mais. ainsi que s'interroge pertinemment Wblfgang Leiner a propos de l'ouvrage de Madame Van Baelen: <...> le monde da Rotrou est-il vraiment si desesperement moderne? Peut-on Juger l'oeuvre d'un dramaturge du XVIIe siecle sans tenir compte des ideas religieuses et philosophiques de l'epoque. des croyances et de la vision du monde at de la vie qu'avaient les hommes du XVIIe siecle at non pas ceux du XXe?60 A c5te cependant de ces reproches que l'on peut sans doute adresser a la perspective choisie par Jacqueline Van Baelen. il convient pourtant de noter les efforts de ce critique pour tenter de mettre en lumiere une certaine coherence souvent deniee a l'oeuvre 61 de Rotrou. Sans partager l'opinion du professeur Edouard Morot-Sir selon laquelle: "(...) notre regard est plus clair. quand. avant de se tourner vars Corneille. Pascal. ou Racine. il s'est d'abord porte vers 62 La Nanaea ou Lifltnangan." nous aimerions dans la suite de notre etude nous souvenir de la mise en garde fermulee par welfgang Leiner. 119 Les criteres que nous utiliserons pour tenter de definir l'univers dramatique dans lequel s'insere La Menitania Saint Qanaat seront. ainsi que la recommande Eugene Ionesco. puises dans l'oeuvre méme de Rotrou: Que doit donc faire la critique? on doit—il charcher ses criteres? Dans l'oeuvre elle-mama. son univers et sa mythologie. Il doit 1a regarder. l'ecouter. et dire - uniquement si elle est ou n'est pas logique avec elle-meme. coherente an 301. Le meilleur Jugement sera une description attentive de l'oeuvre elle-mEme. Pour cela il faut laisser l'oeuvre parler d'elle—meme. en faisant taire les ideas preconcues. les partis ideologiques et les Jugements prefabriques.63 C. La lenitania Saint Qanaat: une dramaturgie baroque Si la redecouverte de Rotrou correspondit dans les annees 1950 au soudain interEt suscite par le baroque applique en litterature. il n'est pas surprenant que la grande majorite des critiques qui ont traite La Menitania Saint Qanaat se soient afforces de souligner le caractera baroque d'une oeuvre qui precisement illustre a la perfection de nombreux elements qui. tel 1e deguisemant. la metamorphose. 1e trompe-l'oeil at l'ostentation. sont quelques-unes des principales caracteristiques souvent evoquees pour tenter de definir 6” le baroque. Dans ca domaine. nous retiendrons principalement l'etude maistrale de Jacques Morel: Jean 8912mm dramaturge 11: W: les deux chapitres que Jean Rousset consacre en partie a Rotrou: "Le comedian et son personnage. de Don Juan a Saint Genest." dans Liintanianr at iiaxtEnianr; "Le deguisement at le trompe-l'oeil (La tragi-comediel." dans La Littenatnna Qa iiaga nannnna; enfin. Imbrie 65 Bufflmzfiudiesinthafiamuemuentaisnamm- Touten epuisant le sujet. mais sans toutefois s'apercevoir que tous les 50 elements envisages procedent en grande partie de la passsion amoureuse. ces analyses ont engendre de nombreuses etudes qui tendent a satisfaire les voeux de Raymond Lebegue qui. en 1950. ecrivait: Puisque la curiosite des lettres se porte actuellemant sur le baroque. les pieces de Rotrou devraient sortir de l'oubli ou. depuis plus de deux siecles. elles sont plongees.66 Si aujourd'hui la critique parait quelque peu pessimiste devant un concept de baroque qui. pour reprendre le mot de Giovanni Dotoli. fait souvent office de "passe-partout."67 force nous est tout de méme de reconnaitre que ce fut un precieux outil d'investigation pour aborder l'oeuvre de Jean Rotrou. D. La conversion de Genest: una perspective chretienne A la suite de Jean Rousset qui. dans "Le comedian et son personnage. de Don Juan a Saint Genest." tout en montrent l'erreur de confondre la piece de Rotrou avec une oeuvre romantique. analyse la psychologie de l'acteur amene a abandonner sa personnalite pour se perdre dans le personnage qu'il interprete. les critiques qui ont aborde La Eenitania Saint fianaat. ont en general privilegie le motif de la conversion de l'acteur Genest. et ont considere la piece dans una perspective chretienne. Cela nous parait quelque peu discutable si l'on considere que le plus souvent les conclusions precedent l'analyse et que le destin de Genest est confbndu trop aisement avec la biographie pourtant equivoque de Rotrou. Nous avons deJe signale dans notre premier chapitre que l'hypothetique conversion du Juge de Dreux allait. dans une tres large mesure. contribuer a donner naissance a des interpretations de la piece qui 51 ne manquent pas d'etablir un rapprochement entre la conversion supposee du dramaturge et celle de son personnage Genest. Partant de 1a. rien d‘etonnant a ce que des critiques qui. tel Robert Nelson. sont persuades que: <...> in La lenitania Saint Qanaat (16A5) the subject of the actor who becomes converted through his acting should prove doubly irresistible to him (Rotrou): as both practising dramatist and practising Catholic 68 ea soient plus particulierement penches sur les aspects religieux d'une oeuvre qui. aux yeux. par exemple. de J.H. Hubert. passe pour le "drama sacre de Rotrou;"69 selon Francesco Orlando. "e una comedia de santo a non una tragedia."70 et qui. d'apres l'affirmation de Frederico 71 del Valle Abad: "Saint Ganaat (16u5). su lama es la religibn." Envisage sous cet angle. La Venitania Saint Qanaat donna lieu a d'excellentes reflexions qui mettent en lumiere le probleme de la gréce evoque par la piece. C'est notamment le cas de Kosta Loukovitch at de Robert Nelson qui voient dans la piece de Rotrou. a la difference de Ln Einginn Mannadann de Lope de Vega. une illustration de la cooperation entre la liberte humaine at la grace divine. Le Saint Ganaat de Rotrou constituerait. selon ces deux critiques. la plus nette expression de la pure doctrine catholique at. de ce fait. s'inscrirait aux antipodes du Jansenisme. Interpretation ingenieuse egalement que celle de Jacques Morel pour qui le martyre d'Adrian soulignerait les theses pronees par l'augustinisme. alors que celui de Genest s'apparenterait davantage a la doctrine thomiste.72 D'autres encore. et nous pensons ici tout particulierement a J.H. Hubert. toujours envisageant la piece sous son aspect religieux. se sont 52 efforces de faire apparaitre les analogies existant entre les trois nivaaux 00 se deroulent les trois actions mises en scene par Rotrou: <...> Rotrou a etabli trois nivaaux differents et en quelque sorte superposes; at a chacun de ces nivaaux il fait correspondre la fbrce qui lui est propre: c'est d'abord le monde du theatre et sa farce de suggestion; ensuite Diocletian et sa puissance imperiale; enfin Dieu at as toute-puissance.73 Sans doute. les interpretations du Venitania Saint Qanaat qui mettent l'accent sur le caractere religieux de l'oeuvre ne sont-elles pas denuees d'interEt dans la mesure on 11 serait vain de pretendre niar la presence d'un tel element dans la piece. mais une trop grande polarisation de ce motif a eu parfois l'inconvenient da releguer au second plan. voire d'ignorer totalement. les ressources puremant theatrales que Rotrou a utilisees et. surtout. d'engendrer une lecture de la piece qu'il nous appartiendra de nuancer. Ainsi que nous le verrons en examinant la representation de l'amour qu'offre la dramaturgie rotrouesque. le dramaturge s'avere particulierement habile pour menager les differentes sensibilites de ses spectateur a l'egard d'une passion amoureuse dont la peinture. en fin de compte idealisee. possede neanmoins l'avantage de seduira la totalite de son public. 11 an va exactement de mama en ca qui concerne La Henitania Saint Ganaat at. alors qu'une partie du public peut s'emouvoir at tirar une lecon du destin de l'acteur Genest. une autre partie de ce mEme public peut. tout a loisir. se laisser convaincre par l'experience a laquelle. sous nos yeux. est en train de se livrer l'empereur Diocletian. Trop souvent. d'autre part. sous pretexte de pallier l'ignorance du lecteur quant a l'intrigue de la tragedie de Rotrou. l'on ne craint 53 pas d'offrir un resume de la piece postulant. comma le laisse par ailleurs entendre Jean Rousset: "1e personnage s'empare de la personne et l'annule pour la creer a son image;"7u la metamorphose de l'acteur en son personnage: Genest deviant Adrian. S'il est admissible que les critiques ne faisant qu'une allusion passagere au Venitania Saint Qanaat puissant. comma par exemple Anne Marie Poinsatte dans son etude de La ceiinda de Baro. se laisser abuser par une lecture trop hative de la piece de Rotrou: Pourtant. il ne s'opere pas. an Celinde. une complete metamorphose. conme elle se produit. par example. an l'acteur Genest da Rotrou qui. en faisant revivre sur la deuxieme scene le personnage du martyr Adrien. s'identifie si completement a lui. qu'il 1e deviant a son insu at choisit finalement "d'une feinte en mourant faire une verite".75 Il est surprenant de retrouver parfbis ce meme raccourci de l'intrigue chez ceux qui se consacrent exclusivement a la piece at qui. avec E.T. Dubois. affirment que l'histoire de Genest se termine et se confbnd avec le martyre d'Adrian.76 Nous tacherons de montrer que Rotrou prend. au contraire. grand soin de differencier le destin des deux personnages. De mEme que nous ne saurions confondre la conversion presumee de Rotrou avec celle de Genest. une lecture attentive du texte dramatique revelera l'ecart manifeste que la dramaturge instaure. a l'intention des spectateurs veritables de sa piece. entre Adrian at Genest. Nous ne saurions. de ce fait. partager 1e point de vue de R.W. Ladborough qui. dans l'introduction a son edition critique de la piece. affirme: <...> it must be difficult for a spectator not previously acquainted with the plot to know who is speaking. Genest himself. or the character he is representing.77 Il est vrai que pour ce critique. conme pour tant d'autres apres lui. l'interEt primordial de la piece reside uniquement dans l'aspect chretien de celle-c1: "As Saint Qanaat clearly shows. Rotrou was a 5N Christian of deep conviction. (...) Its subject is martyrdom. and it is obviously the work of a pious Catholic."78 Dans le méma ordre d'idee. Robert Nelson est tellement influence par la dimension chretienne de la piece qu'il en arrive a des conclusions stipulant que la tragedie de Rotrou constituerait une espece d'auto-critique de la part du dramaturge: The esthetic of La Manitania Saint fianaat is antiesthetic. According to the insights of his own actor. Rotrou should not have dallied with Laa Snaiaa. Amelia or any of his earlier plays.79 Si une telle hypothese etait verifiee nous sarions en droit de nous interrogar sur les raisons qui ont. par la suite. pousse Rotrou a composer yanaaaiaa (16“?) at Cnannea_(16u8). Robert Nelson mentionne cet etat da fait contraire a sa theorie. il n'y apporte aucune solution. Loin de partager 1e point de vue du critique americain et de considerer la tragedie de Rotrou en tant que censure de l'illusion dramatique. nous serons. au contraire. amene a envisager La yanitania Saint Qanaat comme l'eclatant manifeste de Rotrou en faveur du theatre at de l'illusion dramatique. Selon Jean Rousset. la procede dramatique largement repandu a l'epoque de Rotrou de theatre dans le thefitre correspondrait a une prise de conscience du phenomena theatral.80 Nous aimerions nuancar quelque peu ca jugement at. a la lumiere de l'ensemble des textes dramatiques de Rotrou. essayer de demontrer que si la theEtre est amene a se reflechir. 11 1e fait moins. peut-étre. par tentative d'auto-examination que par interEt pour le jeu. le desir d'affinmer sa maitrise technique. le gofit de l'effet theEtral ou. mieux encore. afin de suggerer que le moyen le plus efficace que possede l'homme pour echapper a une destinee illusoira passe precisement par la recours a l'illusion. 55 III. Conclusion Ce large panorama des travaux critiques consacres a la production dramatique de Jean Rotrou appelle plusieurs observations. d'autant plus que ca sont ces reflexions qui. pour une bonne part. ont oriente nos recherches at determine notre methode de travail. Les etudes de portee generale ne fent que situer Rotrou d'une maniere approximative et se contentent de relever les aspects que l'oeuvre du dramaturge drouais partage avec le theatre de l'epoque. Les analyses partielles. portant sur une seule piece ou sur un aspect particulier de cette dramaturgie. aboutissent souvent a des interpretations diverses. voire contradictoires. qui confirment tout au plus la diversite de la production dramatique de Rotrou et. nalgre sa concentration temporalle. son caractere heterogene. La tres probable admiration du public du XVIIeme siecle pour le theatre de Rotrou fait place au cours des XVIIIeme et XIxeme siecles a des jugements generalement defavorables. Les critiques de ces deux siecles censurent en particulier la ferme du theatre rotrouesque. qu'ils qualifient de desordonnee. en se servant de normes esthetiques classiques elaborees bien apres Rotrou. Ils condamnent la peinture psychologique et la teneur morale de cette production dramatique a partir d'une perspective anachronique. Il faut attendre les travaux recents lies a la decouverte du baroque litteraire pour rencontrer des appreciations qui s'attachent a faire ressortir la nature et la valeur profonde de quelques pieces de Rotrou. Parmi celles-oi. La yenitania Saint Sanaat benefice dans une tres large mesure de la reevaluation dont les chefs-d'oeuvre baroques de l'epoque ont ete 56 l'objet. Pourtant. tout en reconnaissant que la tragedie de Rotrou merite de sortir de l'oubli. les critiques qui l'ont examinee ont surtout ete sensibles a l'intrigue de la piece: la conversion de l'acteur Genest. au detriment des qualites puremant thefitrales de celle-oi. Si. comma nous 1e croyons. la critique se montra particulierement injuste a l‘egard du dramaturge de Dreux. c'est en grande partie a cause du prejuge esthetique qui. pendant bien longtemps. consiste a mesurer la valeur de toute oeuvre theetrale a la lumiere des exigences etablies par la doctrine classique; et cela. sans tenir la moindre compte des exigences imposees par la presence d'un public que n'aurait pu se permettre d'oublier le poete a gages de l'HBtel de Bourgogne: Art de societe dont les oeuvres s'inscrivent dans une duree limitee. 1e theatre est. par nature. un art brutal qui recherche una efficacite immediate.81 Le principe que souligne ici Pierre Larthomas. est capital car 11 implique necessairement que l'auteur dramatique. moins libre que la poete ou la romancier. n'a pas la possibilite de se soustraire a la presence vivante de son public. de "ce grand creux de chair" ainsi que le nomme Alain.82 Le dramaturge ne saurait ecrire sans penser a cette etrange collectivite a laquelle se sent. par exemple. mysterieusemant confrontee l'heroine de Claudel dans un passage de LiEananga: "11 y a la scene et la salle." s'ecrie Lechy Elbernon. "Tout etant clos. les gens viennent 1a 1e soir. et ils sont assis par rangees. les uns derriere les autres ragardant. (...) C'est ainsi qu'ils viennent au theatre la nuit. (...) Je les regarde et la salle 57 n'est rien que de la chair vivante et habillee. Et ils garnissent les murs comme des mouches. jusqu'au plafond."83 La scene et la salle. ce sont bien ces deux elements fondamentaux qui permettent l'existence du theatre. lui donnent sa raison d'étre. et du mEme coup le conditionnent. Plut8t. par consequent. que de faire violence a la production theétrale de Rotrou afin d'y percevoir. a toutes farces. les signes avant-couraurs d'une esthetique a venir. il nous parait preferable d'aborder l'univers dramatique dans lequel s'inscrit La Heritania Saint Ganaat en tachant de faire abstraction de notre facon parfois trop moderne d'envisager les choses. at surtout en consarvant toujours a l'esprit que pendant la premiere partie du XVIIeme siecle tout au moins. la famause regle de la vraisemblance etait encore loin de tourmentar les meilleurs dramaturges. C'est ainsi. par exemple. que Corneille lorsqu'il publie ses "Discours" at ses Examana pour accompagner. en 1660. la grande edition de ses oeuvres. reprend et argumente les ideas qu'il n'avait jamais cesse de professer jusque-le et qui manifestent clairement 1a preference du poete pour un "beau sujet" a un sujet vraisemblable at moral. pour "les incidents surprenants qui sont puremant de (son) invention. at n'avaient jamais ete vus au theatre."8u Nous avons deja remarque dans la precedent chapitre qu'e 1a difference de Corneille. Rotrou se montra etonnamment discret sur la conception qu'il se faisait de son art. les seuls temoignages que nous possedons en ce domaine sont a rechercher dans les pieces elles-mEmas. De ce fait. c'est en partant d'un examen attentif des textes dramatiques de Rotrou qu'il nous faut essayer de saisir at de comprendre les mecanismes que la dramaturge savait capables de seduira un public forme a l'ecole du roman at. par 58 consequent. friand de ces intrigues. da ces quiproquos. de ces deguisements qui ornent une "belle histcira" pleine de peripeties. fertile en rebondissements. generatrice d'un suspense qui. il serait vain de le nier. agace parfbis un entandement trop moderne. Ce n'est qu'au prix d'un effort d'adaptation a l'univers mis en scene par Rotrou et familiar au public de l'epoque que les quelques trente-cinq pieces de notre dramaturge deviennent intelligibles et que l'on comprend. soudain. l'engouement de nos ancétres pour de telles productions. L: Yézitahle Saint Ganaat. méme si jugee superieure a l'ensemble de l'oeuvre de Rotrou par bien des critiques. nous parait devoir Etre envisagee a la lueur de celle-c1. En effet. ecrita en 16u5 ou 16A6. la tragedie de Rotrou procede sans aucun doute d'un univers theatral que la poete de Dreux. consciemment ou non. inaugura an 1629 avec son flxnnannnnianna. Ce monde en representation est regi par des lois. les personnages qui 1e peuplent obeissent. aux aussi. a un ritual: l'amour. Chapitre III La representation de l'amour dans la dramaturgie rotrouesque Bient5t l'amour-fertile an tendres sentiments S'empara du theatre ainsi que des romans. Boileau. Ant naetinna. (Chant III. vs. 93-“) Nous avons mentionne precedenment que les etudes deja entreprises sur La yenitania Saint Qanaat n'avaient pas manque en general d'etablir les rapprochements qui s'imposaiant entre la piece de Rotrou at les diverses sources dont elle pouvait s'inspirer; ces etudes. pour la plupart tres enrichissantes. eurent malgre tout le grave inconvenient. selon nous. de faire converger le regard de la critique sur certains elements de la piece de Rotrou que l'on retrouve chez qualques-uns de ses confreres. et cela au detriment de certaines autres parties de l'oeuvre qui ne doivent leur existence qu'a la seule imagination du poete de Dreux. C'est ainsi que le premier acte de la piece qui appartient tout entier a Rotrou est. mis a part les considerations techniques de Genest. la plupart du temps passe sous silence at que les amours de la princesse Valerie et du general Maximin. nouvellement promu au rang d'empereur. sont passablement ignores alors que c'est precisement 59 60 gréce a eux que la piece interieure. si abondamment sollicitee par la critique. trouve sa seule raison d'étre: Diocletian Genest. ton soin m'oblige. et la ceremonie Du beau jour OD ma fille a ce prince est unie. Et qui met notre joie an un degre si haut. Sans un trait de ton art aurait quelque defaut. (I. v) PlutBt. d'autre part. que de suivra Corneille dans les conversions quasi-miraculeuses qui marquant la denouement de Enixanata. Rotrou s'ecarte d'un modele trop souvent evoque at choisit de clore sa piece sur la vision idyllique d'un Maximin se devant. selon les indications de mise en scene. d'emmener une Valerie paraissant toute disposea a na pas differer plus longtemps 1e mariage annonce au premier acte. Si. par consequent. l'amour est bien present dans la piece cadre et. ainsi que le suggere la relation triangulaire: Adrian. Natalie et Dieu. s'il n'est certainement pas absent de la piece interleure. nous considerons indispensable d'accorder une place de choix a un theme qui. at ca sera le l'objet de la premiere section de ce chapitre. se manifeste sans cesse dans l'ensemble des textes dramatiques de Rotrou et qui. sauf les quelques rares exceptions evoquees dans notre premier chapitre. n'a jamais eveille l'interEt de la critique.1 Apres avoir examine la nature de l'amour dans la dramaturgie rotrouesque nous sarons amene a souligner les procedes dramatiques utilises par Rotrou pour convier son spectateur-lecteur a accepter une peinture de la passion amoureuse qui. a premiere vue. s'inspire abondamment de la caracterisation traditionnelle de l'amour qu'offre la litterature romanesque de l‘epoque ainsi que de la 61 thematique amoureuse heritee de Petrarque. A la difference pourtant de ses predecesseurs at contemporains. nous verrons que le dramaturge na parait nullement vouloir sacrifier a la volonte humaine at qu'il conserve intacte la toute puissance reconnue au dieu Amour. I. La nature de l'amour dans le theatre de Rotrou Lire les trente-cinq pieces qui. peu ou prou. representent la somme dramatique du travail da Rotrou est une tache qui a de quoi effrayer de par l'ampleur du dessein et. surtout. de par la difficulte deje mentionnee de se procurer les cinq volumes contenant des pieces declarees. de surcroit. illisibles et injouables.2 L'un des merites des partisans du baroque litteraire est d'avoir certainement rendu au theatre de notre dramaturge une partie de ses dimensions. mais il n'en demaura pas moins que la rehabilitation entreprise s'est le plus souvent limitea aux oeuvres ecrites par le poete dans les toutes dernieres annees de sa breve existence et que leurs examens ne tiennent en general aucun compte da la perspective que pourrait donner l'inclusion de la piece envisagee dans l'univers dramatique d'ou elle procede. Cette approche reductrice qui. plus encore que pour toute autre piece. caracterise parfaitement les etudes consacrees au Xenitania Saint Ganaat s'explique en partie par la richesse des nombreuses facettes differentes qu'offre l'ensemble des textes dramatiques de Rotrou. mais aussi par des declarations de principe taxant de superficialite tout effort visant a rechercher 1a presence et la fonction de denominateurs comnuns. au sein de cette grande variete de themes utilises par Rotrou et magistralement passes en 3 revue par Jacques Morel dans Rattan anamatnnga da iiamhignite. 62 Si l'ensemble de la critique. ou presque. s'accorde aujourd'hui a reconnaitre avec Jacques Morel qua: La tragedie de Saint Qanaat constitue le plus haut effort de la pensee dramatique de Rotrou u 11 nous parait judicieux de tenter de decouvrir l'une au moins des modalites de cette "pansee dramatique" dont parle 1e professeur Morel et d'examiner ensuite de quelle maniere elle s'inscrit dans l'oeuvre que nous examinerons dans notre dernier chapitre. A. L'omnipotence de l'amour Puisant dans l'incomparable tresor que constituaient aussi bien les romans de l'epoque que les pieces italiennes ou espagnoles tant prisees des courtisans de Louis XIII. Rotrou met an scene une multitude de personnages aux patronymes souvent si proches qu'il peut arriver que le lecteur. sinon la spectateur. se laisse parfbis derouter par la richesse d'une distribution dans laquelle 1e masculin at le feminin se ressemblent fart et ou le deguisemant ajoute encore aux intrigues compliquees a l'extréme 00 A est amoureux de B qui. apres avoir manifeste quelques tendrasses pour C epris da D. se propose de conquerir E promis a un certain F dont la disparition permet a A d'usurper la place... . Voici. grossierement esquissees. les relations amoureuses inspirees du monde de la pastorale que Rotrou a mis en oeuvre dans sa Diana (1630) et qui. a l'image de l'ensemble des comedies at tragi-comedies de l'auteur du Venitania Saint Qanaat. malgre tous leurs meandres et l‘apparente impossibilite de parvenir a un compromis satisfaisant. se denouent au cinquieme acte devant un 63 public dont la probable incredulite trouve un echo chez les personnages mEmas de la piece: Lysimant Je doute si je veille en ce ravissement. (V! X) En effet. dans le cas de La Diana. l'heureux denouement est provoque par l'arrivea providentielle du veritable Lysandre qui oblige Diane a se decouvrir le sein pour prouver son sexe. ce qui permet a Lysandre de la reconnaitre pour sa soeur grace a un signe particulier qu'elle porte a cat endroit. Lysimant. l'amant volage que Diane tentait de recuperer. voyant une grande fertune sourire a celle que jusqu'alors il avait prise pour une simple paysanne. consent maintenant au mariage. Lysandre s'unit a Rosinde; Ariste peut finalement nourrir des espoirs de futur an compagnie de sa chere Orante; quant a Sylvian. regrettant malgre tout la perte de Diane: Sylvian Puisque tout est contraire a ta perseverance. Va dans un broc de vin noyer ton esperance. Malheureux Sylvian. at venge sur les plats La perte que tu fais de ses rares appas (V. x) fait contra mauvaise fortune bon occur. at accepte d'epouser Dorothea. la suivante de celle dont l'evocation des "rares appas" marque 1a fin de la piece. Toutes les intrigues imaginees par Rotrou n'ont peut-étre pas le caractere echavele de cette comedia qua Viollet-le-Duc jugeait 5 "presque inintelligible a la lecture." mais toutes. sans aucun doute. sont fertiles en rebondissements dont l'amour. et non la jalousie come 6 le pretend Madeleine Bartaud. est le premier moteur de l'action. 6A L'amour. cette "passion absolue sur tout ce qui respire." ainsi que le declare Theodore dans Dan Lana pa QEEQQDB (II. ii). nous an trouvons un saisissant portrait dans Laa Qantita; ecoutons Philenie evoquer celui dont elle n'oserait proferer le nom: Philenie Un agreable ecueil. un redoutable port Un penser qu'on nourrit et qui donne la mort; Un penible travail qu'au sejour cu nous somes Les dieux ont envoye pour le repos des hommes; Une captivite qui s'aime an ses liens; Un bien source de maux. un mal source de biens; Un principe da vie. at sa fin tout ensemble; Une fievre qui fait et qu'on brfile et qu'on tremble; Une manna funeste. un fial delicieux; Un savoureux poison qui se boit par les yeux; Une douce amertume. une douceur amere; Une charge a la fois at pesante et legere; Une mourante vie..un renaissant trepas; Une flame qui brule et ne consume pas; Un ciel ou l'on se plaint. un enfer ou l'on s'aime; Une belle prison qu'on se batit sci-meme. (I. i) Cette description qui tient de l'enigme n'est certainement pas un mystere pour Olympia qui. immediatement. reconnait le personnage dont son amie vient d'esquisser le portrait le plus complet que nous offre la dramaturgie rotrouesque: Olympia L'asprit est bien const alors que le discours Pour montrer un secret cherche tous ces detours: C'est d'amour. en un mot. que votre coeur soupire. (I. 1) Les propos de Philenie qui. a plus d'un titre. auraient aisement pu trouver place dans l'anthologie de la poesie baroque de Jean Rousset. refletent la traditionnelle peinture de l'état amoureux caracterise an premiere instance par la juxtaposition des contraires: J'espere & crains. je me tais & supplia Or je suis glace A ores un feu chault. J'admire tout. A de rien ne me chault. 65 Je ma delace. A puis je me ralie. Rien ne ma plaist si non ce qui m'ennuye. Je suis vaillant. A la cuoeur me default. J'ay l‘espoir bas. j'ay le courage hault. Je doubte Amour. A 31 je le deffie. Plus je me picque. A plus je suis restif. J'ayme estre libre. A veulx estre captif. Cent foys je meur. cent feys je prens naissance.7 De mEme que chez Ronsard qui. avec les poetes du XVIeme siecle. nous avait familiarises avec ce type d'evocation. 1e recours a l'oxymore permet au dramaturge de Dreux d'inscrire simultanement chez l'étre amoureux la presence de deux etats antagonistes at. par nature. inconciliables. Typique de la thematique amoureuse heritee de Petrarque. la juxtaposition des contraires utilisee par les amoureux de Rotrou pour depeindre leur passion. servira egalement a accentuer le trait de folie qui. comme nous le verrons plus loin. generalemant. caracterise celui ou celle qui aime. Sacrifiant a la tradition petrarquiste. Rotrou ne manque pas cependant de laisser suffisamment da lucidite a l'amoureuse des Qantifa pour qu'il lui soit possible de signaler la provenance d'un "mal" que: "Les dieux ont envoye pour le repos des hommes;" ainsi que la maniere dont on an est victime: "Un savoureux poison qui se boit par les yeux." Apres Laa Henannmaa (1632) et Laa Snaiaa (1636). c'est encore une comedia de Plaute. Qantiyi. qui donna a Rotrou le canevas des Qantita (1638). A la difference pourtant du dramaturge latin qui se felicitait d'avoir su ecarter les femmes et l'amour de sa piece en donnant aux Qantiyi une distribution exclusivement masculine. Rotrou decentre l'intrigue de la comedia latine qui se bornait a mettre en scene l'evasion astucieuse de Philocrate sous la deguisement de son serviteur Tyndarus. et introduit deux intrigues amoureuses dont 66 l'interEt dramatique a malheureusement echappe 5 Jules Jarry: "Rotrou. mElant des episodes d'amour a l'histoire des captifs. gate la simplicite du modele latin et commet ici una enorma erreur de gout." Rotrou s'eloigne en effat de son modele et greffe sur l'intrigue de la comedia de Plaute les amours ancillaires de Pseudole pour Celia qui. sur la mode parodique. refletent la passion sans issue de Philenie eprise da l'esclave Tyndara: Philenie Mon vainqueur est aux fers. un captif me captive. Et la franchise manque a celui qui m'an prive (I. i) Une fais de plus Rotrou parviendra a resoudre le probleme an ayant recours a une scene de reconnaissance permettant de decouvrir sous les traits de Tyndare. Crisale. le fils disparu d'Hegee. promis de longue date a Philenie: Hegee Et vous aimerez. ma fille. un honrne qui n'est plus: Crisale de retour s'est defait de Tyndare. (V. v) S'il est peut-étre a regretter que notre dramaturge esquive ainsi de se prononcer sur les suites de la situation extémement delicate entretenue tout au long de la piece. ce qu'il convient de souligner ici c'est l'une des principales caracteristiques de l'amour tel qu'il apparait sans cesse dans la theatre de Rotrou: ainsi que l'affirme Grantee. l'amoureux de Lanna nanaeantea. nul n'est a l'abri d'aimer hors da son rang: Orantee L'Amour. cette puissance aux libertes fatale; Ce doux maitre des coeurs. rend toute chose egale. (I. 1) 67 Cependant. Rotrou n'autorise en general aucune mesalliance et cet amour qui semble. au dire de certains personnages. se moquer des barrieres sociales se voit en fait justifie posterieurement par une scene de reconnaissance. C'est ainsi. nous l'avons vu. que se terminent La Diana at Laa Dantifa. c'est encore le cas dans Lanna nanaeantaa 00 l'heroine qui donne son nom a la piece at qui. jusque dans les toutes dernieres scenes du cinquieme acte. pouvait passer pour "la plus vicieuse et [la] plus vile des fenmes" (I. x). se revele n'étre autre que la propre fille du roi de Pologne. Si Rotrou utilise'le procede traditionnal de la scene de reconnaissance pour conclure des mariages que la bienseance interdisait. la plus souvent le dramaturge ampéchera des liaisons socialement disparates par l'impossibilite mEme de leur realisation due au deguisement du sexe de la personne aimee. Nous reviendrons plus an detail sur l'effet dramatique que permet l'utilisation de ce second procede par rapport au premier; mais tout d'abord il convient d'examiner les manifestations d'une passion dont l'on reconnait 1a cecite tout autant que l'invincibilite. Dans la comedia de Celimene. c'est Felicia qui avertit son orgueilleuse soeur da la puissance irresistible de l'amour: Felicia L'Amour est un archer qui n'a jamais failli. Si 1e coeur ne se rend quand il est assailli. Il prend une autre voie. 11 1e farce. 11 la blesse Et l'orgueilleuse alors reconnoit sa faiblesse. (II. 1) La suite de la piece confirmera la validite de l'observation. celimene osait pretendre Etre insensible a l'amour des hommes en general. at a celui de Floridor en particulier; elle sera pourtant contrainte d'accapter ca dernier malgre tous les soins qu'elle avait 68 employes a l'eviter. La demonstration est d'autant plus probante qua Rotrou parvient a annihiler les pretentions de Celimene en utilisant un personnage du mEme sexe que celui de "l'orgueilleuse". Avertis du deguisement de Florante. les spectateurs de la piece peuvent ainsi gofiter. an compagnie de Floridor. l'amant econduit. 1e plaisir de voir la soi-disant insensible succomber aux charmes de ce jeune et beau cavalier qu'elle prend pour Floridan: Celimene Il est bien abuse quand il croit que je l'aime; Un amant bien plus rare occupe mes esprits: 11 me demande un coeur qu'un autra a deja pris; Floridan l'a force. mais avec tant de gloire. Qu'il n'a que d'un moment achete sa victoire. Et qu'ayant jusqu'ici meprise tant d'amours. Je me rends a l'appas de ses premiers discours. (III. ii) Celimene sera par consequent amenee a confesser publiquement son erreur et a donner raison a celle qui avait vainement essaye de l'instruire: Felicia Pourquoi donc mille amans qui vous ont tant aimee N'ont-ils rien profite? Celimene: Vous m'en avez blamee: Vous me peignez l'Amour plein d'appas at d'attraits; Je vous crois maintenant. et je cede a ses traits. (IVs 1V) La belle perfbrmance de Florante sous la deguisement masculin de Floridan se solde par une double reussite puisque. d'une part. elle est a l'origine de la conversion de Celimene; at. d'autre part. elle permet a l'actrice improvisee de seduire un amant qui l'avait jusque- 1a delaissee a cause de la forte seduction qu'exercait sur lui. ainsi que le soulignent suffisamment les scenes iv at v du premier acte 69 de la piece. un autre type de spectacle: l'image d'une Celimene hautaine at inaccessible: Filandre Adorable merveille. En beaute sans example. an rigueur sans pareille. Quand voulez-vous tarir la source de mes pleurs? Quand sera votre esprit sensible a mes douleurs? <...> Je n'attendois pas mieux que d'étre refuse; Et je jure le ciel que s'il m'etoit possible. Je me degagerois de cette ame insensible. (I. iv at V) I1 suffira par la suite que l'amant econduit assiste. cache. a la scene de seduction orchestree par Florante-Floridan (III. iv) pour. tout an invitant retrospectivemant le spectateur a mesurer encore les talents dramatiques du parsonnage-acteur. qu' il retourne finalement a ses premiers amours: Filandre. sortant de l'endroit 00 11 etoit cache. Dieuxl avec quelle grace elle fait le transit Celimene est touchee. et je le suis aussi. II n 'est rien de pareil a son rare merite; Contra moi-meme enfin moi-meme je m'irrite. (III. V) Dans Anaiia ou. une fois encore. la passion amoureuse ne s'est guere souciee des contraintes sociales. Dionis est parfaitement conscient que la haine que sa famille eprouve contra celle d'Amelie devrait lui interdire d'aimer celle qu'il aime. mais il reconnait neanmoins que l'amour est "une puissance telle" qu'il ne peut faire autrement que de se soumettre a "cette necessite" (II. iii). Dans Ianaaaiaa. l'una des toutes dernieres pieces de Rotrou. l'amour n'a rien perdu de son intensite et le duc Frederic ne cherchera pas 70 d'autres arguments pour justifier l'amour qu'il porte a l'infante Theodose: Frederic Osant vous aimez. j'ai condamne mes voeux. Je me suis voulu mal du bien que je vous veux. Mais. Madame. accusez une etoile fatale D'elever un espoir que la raison ravale. (V. 2) B. Passion at raison: la triomphe de l'Amour Cette "raison" qui parfois presente quelques velleites de se faire entendre est bien vite congediee devant une passion a laquelle rien ou personne ne saurait s'opposer. Si Cassie. le lieutenant romain. est sans doute blamabla pour le Viol qu'il commet sur la personne de Crisante dans la tragedie qui porte le nom de la malheureuse heroine. le long monologue qui conclut a la victoire de la passion permet tout de meme d'apprecier un combat dans lequel la raison n'est pas tout a fait absente: Cassie J'aurais nourri sans fruit cette importune flame. Et serois rebute par les cris d'une femme? Non. non. menageons mieux les faveurs du destin <...> Ah! c'est trop consulter. <...> <...> Entrons. at sans respect des hommes ni des dieux. Immolons a l'amour ce butin precieux. (11 vs jusqu'a la porte. at s'arréte.) Mais que vais-je attanter? <...> <...> Le prix de tant d'exploits. mon honnaur at moi-mEme? O trop lache furie! Aveuglement extreme. <...> Quoi! de mes lachetes Rome sera noircie. 71 Et Cesar rougira des crimes de Cassie? Eteins. lascif. eteins ces feux pernicieux. Et laisse a la raison te dessiller les yeux. Rotrou n'est pas Corneille. et si la monologue'de Rodrigue dans La Din statuait en faveur de l'honneur commande par la raison. Cassie choisit 1e crime exige par la passion: Les crimes sont legers quand l'amour est extrEme - Et quand les dieux aimoient ils en faisaient de meme. Cessez. foibles pensers. vos conseils superflus: ' Importune raison. je ne t'ecoute plus. (Wt 119 1V) Si. de temps en temps. Rotrou permet a certains de ses personnages de tenter de s'opposer a l'emprise de l'amour par des arguments proposes par la raison. il est a noter qu'e l'exception peut-étre de Dniaanta. les preceptes avances ne constituent jamais un obstacle tres difficila a surmonter. D'autre part. ainsi que le remarque Ira Dudley: <...> references to unsuccessful struggles waged by the demands of reason are sometimes used loosely as a kind of convenient shorthand method of indicating that a love is overwhelming without actually portraying it and whether or nor such references have any relation to the facts of the play.9 La voix de la raison qui. un instant. tente de s'imposer a Florimant: Il t'est facile encor de rompra tas liens. D'eviter ces malheurs. et de rendre ton ame A l'aimable sujet de ta premiere flamme. Etouffe la fureur de ce brasier naissant; Que ce meme brasier ne t'etouffe en naissant! lorsque celui-ci est sur le point de sacrifier son amour pour Celiane ainsi que de perdre l'amitie de Pamphile du fait de sa soudaine passion pour Nise. la maitresse de ce dernier. ne peut prevaloir bien longtemps. Son nouvel amour pour Nise est plus fort que le devoir ou l'eventuelle colere des dieux: Ah! pensee importune! faux titre de fidele! Nise a charme ce coeur. ne me parlez que d'elle; 72 Vains respects d'amitie. folle crainte des dieux. Ja ris de vos conseils; les amans n'ont point d'yeux. (La Qéllinfiv III. 11) Dans Qleagenar at Daniataa. Doranta. se rendant compte de l'interEt croissant qu'elle porte a Philemond. le jeune serviteur qu'a ramene son mari. va. elle aussi. essayer d'imposer la sagesse de la raison pour eviter une situation qui ne peut que tourner a son desavantage: Dorante Ramps. ce noeud fatal. consulte ton courage. Et rends a ta raison son ordinaire usage. Puisque la seul penser du dessein que tu fais. Offense une vertu qui ne faillit jamais. De meme que Florimand. Dorante ne peut mettre en pratique une saga resolution at. immediatement. va succomber aux "plaisirs de la vie" auxquels voulaient la soustraire les preceptes timores de la raison: Mais. 5 faible discours! cruel tyran de l'éme. Vain fantome d'honneur. laisse durer ma flame. Et fais suivra tas 1013 a ces coeurs hebetes Dont les erreurs d'autrui reglent les volontes. Et qu'un bruit specieux dont leur crainte est suivie Empeche de gouter les plaisirs de la vie. (III. 1) A l'image de l'episode de La Salinena que nous evoquions precedemment. 1e pouvoir sans limite de la passion amoureuse se retrouve ici lie a l'illusion dramatique et acquiert d'autant plus d'impact sur le spectateur que celui-c1 est. tout comme Theandre. parfaitement au courant que ce jeune at beau serviteur en mesure d'entraIner la fidele Dorante dans la voie de l'adultere n'est en fait qu'une personne de son prOpre sexe: Doristea qui. grace a ses habits da page. avait initialement reussi a fausser compagnie a son ravisseur Menandre at a abuser les brigands qui la prennent pour l'un des leurs (I. iv; II. 1. ii). 73 De la meme maniere que son epousa. la flame criminelle que Theandre porte a Doristee eclipse tous ses devoirs at. méme si son dessein avorte. il n'en demaura pas moins que l'ami de Cleagenor se declare tout dispose a sacrifier jusqu'a sa vie pour obtenir l'objet de son desir: Theandre Amis. crainte. respect. Cleagenor. Dorante. Hommes. destins ni dieux ne sauraient arracher De ce coeur malheuraux un feu qui m'est 31 char. Et je tiendrai mon ame heureusement ravie Quand ses moindres faveurs me couteront la vie. (Cleagener EA DacisAEa- V: 111) Puisque 1e pouvoir de l'amour est suprEme at absolu. les questions de devoir sont secondaires. voire superflues: L'Infante Immortal. il possede un absolu pouvoir. Et ne releve point de la loi du devoir. (Laura new. V: viii) L'inegalite de richesse ou de rang ne saurait tirer a consequence et l'amour seul est en mesure de decider des liens du mariage: L'Infante Quelque inegalite qui divise leur sort. L'Amour etant egal doit etre le plus fort. (Laura cement.» V» viii) Les personnages de Rotrou expriment frequemment des commentaires de portee generale sur la nature toute puissante de l'amour ainsi que sur les fausses pretentions de ceux qui. comme Celimene. s'estiment en mesure de pouvoir lui resister. La reine de Naples des Qaaaaiana nandnaa tombe immediatement amoureuse de Clorimand en voyant ce dernier aux prises avec les soldats qui ont pour mission de le tuer. Surprise de 711 la rapidite de ses sentiments a l'egard d'un parfait inconnu. elle explique ainsi le phenomena: La Reina Qu'un moment. qu'un regard put vaincre ma constance? Mais l'Amour est un dieu. tout cede a sa puissance. (II. ii) A l'image de Celimene dont nous avons deja parle. c‘est au tour de la Lysante de Dinninna de se croire a l'abri des attaques de l'amour. Clorinde essaie de la dissuader et lui explique que l'amour ne saurait faillir: Clorinde Ne crois pas ta sauver des filets qu'il nous tend. Un coeur resiste en vain; t6t ou tard il(%§’p::nd. Clorinde a bien entendu raison at Lysante se retrouve tres bientBt soumise a sa passion pour le beau Celiandre. D'apres les quelques examples que nous venons de mentionner. il est manifeste que l'eclair a la fois douloureux at plaisant qui fait naitre l'amour at l'oblige a paraitre aux yeux de tous est celui d'une veritable passion pour laquelle 1a raison et la volonte de l'individu n'ont pas a sanctionner son brutal surgissement non plus qu'e le justifier apres coup par les voies de l'estime. Comment. en effet. pourrait-11 en Etre autrement puisque. comme nous l'avons vu. la dramaturge prend tres souvent plaisir a faire naitra la passion amoureuse entre deux personnages de meme sexe dont la deguisement de l'un abuse l'autre. Cet amour envoye par les dieux pour "le repos des hommes". comme l'affirmait la Philenie des Qantifa (I. i). semble ne laisser a ces derniers aucune sorte d'initiative sinon celle de reconnaitre leur plus totale possession. L'amour bouleverse l'univers 75 moral de sa victima de telle maniere que les 1013 et les principes naguere obeis ne sont maintenant plus capables de s'opposer a sa violence dans la mesure 00 "ca dieu triomphant" (Dniaanta. I. ii) leur substitue d'autres lois dont les paradoxes sont plus convaincants que la raison das precedentes. Ce profond bouleversement se traduit pour l'observateur. non encore atteint de ce "mal". par toutes les apparences de la folie chez celui ou celle qui aime. Rotrou exploite largement le procede traditionnel en vigueur dans la litterature de son temps at se plait a representer souvent ses amoureux comme de doux illumines dont la mania. au demeurant innocente. ne peut Etre qu'a mEme de divertir les spectateurs de Don sens. C'est ainsi que dans Amalia. Dionis se rejouit a l'avance de l'arrivee d'Emile. son rival en amour. at se propose de distraire l'auditoire par les propos et la conduite de l'amoureux econduit: Dionis Oyons ce que veut dire Ca pauvre extravagant. si vous aimez a rire. (I119 V11) Du Dan Qnianatta da Cervantes (1617) au Dangan axtnanagant de Sorel (1627-28). en passant par Liflaanitai daa {ana de Charles Bays (1636). cu encore Laa Eaiiaa da Dannanig de Pichou (1634). et Dainiaai Dinaaina at Eianiaa de Rossignier (1634). 11 est aise de remarquer que la mystique amoureuse est constamment assimilee a la folie.1o D'Urfe lui-mEme ne recule pas devant le mot; il fait dire a Silvandre au cours de l'une des discussions qui l'opposent a Hylas: <...> toute la sagesse du monde n'est point estimable aux prix de ceste heureuse folie.11 Cette "heureuse felie". incompatible avec la "sagesse du monde". est bien entendu l'amour. at nous trouvons une parfaite illustration de ce 76 phenomena des la premiere piece de Rotrou: Liflxnaaandnianna. Dans cette tragi-comedie que Viollet-le-Duc date malencontreusement de 1618. alors que de toute evidence 11 ne peut s'agir que de 1628 cu 1629. l'on assiste aux aventures de Cloridan qui. abuse par le faux message de Phidamant. croit a la disparition de sa chera Perside. succombe au desespoir at ne revient a lui que prive de raison: il se juge mort et descendu aux enfers. Sans insister ici sur les effets sceniques de l'acte V au cours duquel. ainsi que nous 1e notions dans la chapitre precedent. un veritable spectacle dans le spectacle est organise en vue de la guerison de Cloridan. nous aimerions retenir le caractere symbolique de la piece. Pour les amants epris de perfection. les ambitions humaines sont absurdes tout comme 1e sont. pour ceux qui rejettent cet ideal. les sacrifices extravagants qu'impose 1a condition d'amoureux. A l'epoque de Rotrou. partisans et adversaires du parfait amour sont. sur un point au moins. capables da s'entendre: la perfection en amour ne peut s'aquerir qu'e la condition de rompra avec la société des homes at de s'enfermer dans une solitude qui a toutes les apparences de la deraison. Ainsi que la suggere le sous-titre: La Mant amnnanx. adopte par Rotrou pour son HxnaaanQnianna. le parfait amant deviant un autre parce qu'il est entre dans un univers nouveau qui exige da renoncer aux valeurs de la société. de mourir en quelque sorte au monde. La demarche amoureuse est si proche d'un suicide metaphysique qu'il sera de ce fait beaucoup plus facile pour un amoureux de charcher la fin de ses epreuves soit dans un martyre en ce qui concerne Genest; soit. le plus souvent. dans un projet de suicide real. 11 semblerait. en effet. que les amoureux du theatre de Rotrou. loin de ressembler aux jeunes premiers corneliens tentant de concilier 77 les devoirs de leur etat avec les exigences de leur passion. partagent tout a fait le point de vue exprime par Silvandre: <...> je pense sans mentir que l'Amour a beaucoup de ressemblance avec la mort. at que comme on ne peut mourir a moitie. que de mesme on na scauroit aymer a demy."12 La rupture est si absolue entre le monde de la "sagesse" at celui de l'"heureuse folie" que le dialogue deviant impossible entre ces deux univers come l'indique clairement la longue scene de quiproquos entre Cloridan. parlant de Perside. at Erimand. parlant de sa fille Cleonice. (Liflxnaaannnianna. IV. 11). L'amour passe ainsi pour une maniere de folie. sublime pour les uns. aimablement ridicule pour les autres. Si les amants de LiAatnaa sont suffisamment convaincus du bien fende de leur ideal pour accepter. en toute serenite. de braver la sens commun. les amoureux de Rotrou paraissent. quant a eux. beaucoup plus anclins a attribuer leur nouvelle condition a une machination infernala qui nierait totalement la liberte et la responsabilite de l'homme. "Ce n'est pas mon dessein qui fait ce doux martyre;" proclame Felicia pour excuser son inconstanca (Daiinana. III. vi); dans Liflannanx Nantnaga. nous retrouvons une idea similaire dans les propos de Cleandre qui tente de presenter une theorie amoureuse an postulant l'existence d'inclinations secretes qui. seules. disposent de nos affections: Cleandre Certain instinct secret unit les volontes. Et dispose des voeux. des coeurs. des liberEEs. L'instinct dont parle Cleandre demaura inconnu et les causes de l'amour. tout comme d'ailleurs celles de la haine. semblent 78 mysterieuses et ne dependent pas de ceux qui en eprouvent les manifestations: Cleandre Une secrete loi forme nos passions. Fait naitre nos amours et nos aversions. (III. iv) La peinture de l'amour qui sa degage de l'oeuvre dramatique de Rotrou offre. par bien des aspects. de profbndes analogies avec la caracterisation traditionnelle de la passion amoureuse telle que nous la presente la litterature de l'epoque..13 Sur un point au moins. at ca sera l'objet de notre prochaine section. Rotrou se distingue pourtant de ses contemporains par un desir total. semble-t-il. de na rien cedar a la volonte humaine et de conserver au dieu Amour toute la puissance qui lui est generalement reconnue . C. Variation sur un theme: l'amour du "je ne sais quoi" Avant Rotrou. Honore d'Urfe avait lui aussi presente des situations dans lesquelles l'attraction reciproqua qu'eprouvent les futurs amants demaura humainement inexplicable. Pour faire entendre cet etat de chose. l'auteur de LiAatnaa a recours au mythe ancien de l'aimant dont se souviendra Corneille dans La Snita an Mantann: Melissa Quand les ordres du ciel nous ont faits l'un pour l'autre. Lyse. c'est un accord bientot fait que le notre: Sa main entre les coeurs. par un secret pouvoir. Seme l'intelligence avant que de se voir; Il prepare si bien l'amant at la maitresse Que leur Ema au seul nom s'emaut at s'interesse. <...> 79 Lyse Si. comme dit Sylvandre. une ame en se fermant. Ou descendant du ciel. prend d'une autre l'aimant. La sienna a pris le votre. at vous a rencontree. (IV. 1) Lyse. on la constate. a parfaitement assimile la these amoureuse defendue par Silvandre. 1e porte-parole dont se sert d'Urfe pour exposer la theorie platonicienne selon laquelle l'amour procederait de deux moities preformees au ciel qui. une fois sur la terre. seraient ainsi amenees a se rechercher. De toute eternite telle ame est aimantee vers telle autre at ne peut s'opposer a cette attirance: [Oluand le grand Dieu ferma toutes nos ames. il les toucha chacuna avec une piece d'aymant. at qu'apres il mit toutes ces pieces dans un lieu a part. et que de mesme celles des femmes. apres les avoir touchees. il les serra en un autre magazin separe. Que depuis quand il envoye les ames dans les corps. il meine celles des femmes on sont les pierres d'aymant qui ont touche celles des homes. at celles des hommes a celles des femmes. at leur en fait prendre une a chacuna. S'il y a des ames larronnesses. elles an prennent plusieurs pieces qu'elles cachent. Il advient de 1a qu'aussi tost que l'ame est dans le corps et qu'elle rencontre celle qui a son aymant. il luy est impossible qu'elle ne l'aime et d'icy procedent tous les effects de l'amour; car quant a celles qui sont aimees de plusieurs. c'est qu'elles ont este larronnesses et ont pris plusieurs pieces. Quant a celle qui aime quelqu'un qui ne l'aime point. c'est que celuy-1e a son aymant. et non pas le sien.14 Voila qui eclaire sans doute les destinees amoureuses de ces faux bergers du Forez qui peuplent les bords enchanteurs du Lignon. En vouant une adoration sans faille a leur bergere. ils ne font autre que se conformer a un ordre divin prealablement etabli. Mais il va de 301 qu'en l'home. cet Etre doue d'intelligence. il ne saurait y avoir d'amour ni de vertu authentiques sans le concours de la raison. S'il est evident que Corneille se souvient des lacons de LiAatnaa. il n'en demaura pas moins que. pour l'auteur du Din. l'amour se voit gueri 80 d'une grande partie de sa presumee cecite et qu'il implique la 15 connaissance des merites: Lysandre Nous sommes hors du temps de cette vieille erreur Qui faisait de l'amour une aveugle fureur. Et l'ayant aveugle. lui donnait pour conduite Le mouvement d'une ame at surprise at seduite. Ceux qui l'ont peint sans yeux ne le connaissait pas. C'est par les yeux qu'il entre et nous dit vos appas. Lors notre esprit en juge at suivant la merite. Il fait croitre une ardeur qua cette vue excite. (La £31221: in calais- 111: vi) Sans exclure la fatalite des rencontres amoureuses. Corneille leur impose neanmoins l'arbitrage posterieur de la raison at du jugement. Pourtant. ce qu'il convient sans doute de souligner ici. c'est la fait que la "vieille erreur" que le personnage de Corneille se propose de corriger en amputant l'amour d'une partie de son "aveugle fureur" se trouve deja clairement condamnee dans LiAatnaa ou la theorie amoureuse de Silvandre que nous avons mentionnee autorise. et méme necessite. grace a une astucieuse dialectique. la participation de la raison puisque. at d'Urfe insiste tres souvent sur ce point. on ne saurait pretendre aimer quelque chose que l'on ne connaitrait point. C'est ainsi qu'au cours de l'une des nombreuses joutes verbales qui l'oppose a cat ap6tre de l'inconstance amoureuse qu'est Hylas. l'avocat de la theorie des aimants est amene lui-méme a declarer: Et pour ta sortir d'erreur. il faut que je t'explique encores ce secret mystere d'amour. Nous ne pouvons aimer que nous ne cognoissons la chose que nous aimons. <...> Et a la verite. si la volonte dont naist l'amour. ne se meut jamais qu'a ce que l'entendement juge bon. ny ayant pas apparence que l'entendement puisse juger d'une chose dont i1 n'a point cognoissance. je ne scay comment tu te peux imaginer qu'on puisse aimer ca qu'on ne cognoist point.16 81 Dans ses Eniatnaa nanaiaa. Honore d'Urfe est amene a reprendre les propos qu'il préte ici a son personnage et. c'est en des termes a peu pres similaires que l'auteur de LiAatnaa enonce sa propre conception de l'amour: "<...> une vertu contemplative par laquelle nous venons a desirer les choses que nous cognoissons estre bonnes."17 L'amour. on le constate. se porte a ce que l'entendement juge bon et que nous connaissons digne d'étre aime. La volonte. eclairee par l'intelligence de l'esprit. se fait un devoir d'intervenir et. dans les ames bien nees. la raison detient. en fin de compte. l'empire. Cat amour omnipotent qui. de prime abord. semble regir les destinees de ces bergers du Forez et regner sans partage sur l'univers imagine par d'Urfe. se voit par consequent quelque peu battu en breche si l'on considere la dogma amoureux defendu tout au long de Liiatnea par Silvandre. porte-parole evident de l'ideologie revendiquee ailleurs par l'auteur meme du roman. A la difference des amoureux mis en scene par Rotrou qui ne possedent. quant a eux. aucun moyen efficace pour se garantir d'une passion capable de renverser les convenances. 1e parfait amant chez d'Urfe demaura lucide et regent. en principe. de ses mouvements: Et toutesfbis l'amour estant un acte de la volonte qui se porte a ce que l'entendement juge bon. et la volonte estant libre en tout ce qu'elle faict. il n'y a pas apparence que caste action qui est la principale des siennes despende d'autre que d'elle—mesme.18 Avant Descartes. le druide philosophe Adamas imagine par d'Urfe nous enseigne qu'un "grand courage maitrise toutes sortes de passions."19 at 11 ne fait aucun doute que la passion amoureuse est censee se plier a la regle. Si. comme l'affirme Jean Starobinski dans sa preface a l'ouvrage de Jacques Ehrmann: Dn Eanadia naaasner . le 82 roman d'Honore d'Urfe constitua un "modele qui inspira un style de vie et de passion."20 rien de tres surprenant a ce que les maximes deja contenues dans Liaatnaa aient impregne la litterature du temps at se soient transmises au classicisme d'un Corneille ou d'une Mme de Lafayette qui s'efforcera d'assurer definitivement a la raison la primaute sur la passion. Pourtant. mEme si l'on tient generalement cet element coma l'une des principales caracteristiques du classicisme. il est toutefois a relever que l'auteur du Din et celui de La Eninaaaaa da Diayaa continuent d'admettre que l'amour. du moins en ce qui concerne ses premieres manifestations. demaura involontaire et mysterieux.21 Ecoutons. par exemple. Creuse. cet autra personnage de Corneille: Creuse Souvent je ne sais quoi qu'on ne paut exprimer Nous surprend. nous emporte. et nous force d'aimer. Et souvent. sans raison. les objets de nos flames Frappent nos yeux ensemble at saisissant nos ames. (manta. II. v) Ce n'est. par consequent. que par la jeu subtil d'une fine dialectique que l'on parviendra a effacer 1a contradiction previsible qui resulte necessairement de l'utilisation simultanee de ce "je ne sais quoi" qui commande que l'on aime. et l'affirmation qui enonce que l'amour se fonda sur l'estime. c'est-e-dire sur une evaluation raisonnee des qualites de la personne aimee.22 Rotrou. méme en supposant qu'il en efit l'intention. ne pouvait se permettre d'aller a l'encontre de cette influence dans la mesure 00 11 etait contraint de se plier a deux exigences fondamentales: celle de son public. mais aussi celle des comedians a qui il donnait ses pieces at qui. sans nul doute. n'auraient pas assume les risques 83 inherents a la mise en scene d'une oeuvre dont le texte se serait trop radicalement ecarte du modele tant prise des spectateurs de l'epoque. Le dramaturge de Dreux qui. notons-le au passage. situe l'action de La Einnimnnna. une "comedia (...) tout a fait dans le genre des premieres pieces de Rotrou."23 sur les bords mémes du Lignon. semble de prime abord sacrifier a l'usage; at si ses personnages se montrent. en general. peu enclins a formuler de longues theories sur la passion amoureuse. il s'en trouve toutefbis un qui. en la personne du roi de Hongrie de Liflannanaa Danatanaa. paraIt tout droit sorti du roman de d'Urfe et offre une sorte de resume theorique des differentes manifestations de l'amour tel qu'il se dessine. sinon tout au long des pieces de notre dramaturge. du moins tel qu'il apparait dans les representations litteraires de l'epoque. Riche d'une experience amoureuse des plus variees. le monarque hongrois peut maintenant pretendre au titre d'expert en la matiere et. tout en esperant convaincre Roselie qu'elle n'a d'autre possibilite que celle de tomber dans ses bras. il avance une theorie voisine de l'argumentation de d'Urfe en conferant a la nature un dessein precis et irremediable. Lorsque celle-c1 cree un individu qu'elle destine a Etre aime. la nature bienvaillante pourvoit cette personne des qualites et du pouvoir d'attraction capables de susciter la passion amoureuse: Le Roi Nature en nous formant travaille avec dessein. Et seule aux-passions nous dispose le sein; Ce qui doit etre aime. son soin le rend aimable. Les Etres destines a ne pas recevoir d'amour sont concus par la 84 nature de maniere 5 ca qu'ils soient incapables de produire cette passion: Ce que l'on doit hair. 11 est desagreable; Elle met an voix. aux yeux. au port. au pas; L'ordonnance d'aimer ou bien de n'aimer pas. Pour parfaire les choses. ceux qui sont predestines a devenir des objets d'amour sont dotes de la capacite d'aimer: Et toujours elle rend. cette ouvriere supréme. Susceptible d'amour. ce qu'elle veut qu'on aime. Enfin. les Etres incapables d'aimer ou de susciter l'amour echappent au desespoir car ils demeurant etrangers au monde de l'amour et impermeables a des lois qui ne les concernent pas: Ces difformas objets qu'elle fait par mepris Ne peuvent jamais prendre. et ne sont jamais pris; A leur grossiere humeur leurs ames obeissent; Ils suivant leur justice. on les hait. ils haissant. Sans trouver toutefbis leur destin rigoureux. Car la 101 de l'amour n'est pas faite pour aux. (Minuteman Constance. III. 1) On 1e constate. c'est an definitive une Nature comparable a celle que nous presente LiAatnaa qui mene la danse en ordonnant un spectacle dans lequel il semblerait que l'initiative de l'homme se trouve reduite a sa plus simple expression at se borne exclusivement a celle d'un acteur obeissant qui ne saurait s'ecarter du r61e imparti par "cette ouvriere supréme.“ Pourtant. 1a 00 d'Urfe comme Corneille s'effbrcent de parvenir a une parfaite harmonie entre les affaires hunaines et les desseins secrets de la Providence. Rotrou parait quant a lui s'attacher beaucoup plus a suggerer. an depit de la longue tirade de seduction qu'il place dans la bouche de son monarque hongrois. que si la passion amoureuse est bien envoyee par les dieux elle est loin cependant de pouvoir pretendre a une quelconque justification rationnelle de l'homme. A une epoque cu deje 85 s'affirme. comme nous l'avons vu. la volonte de donner a l'homme les moyens efficaces de contraler sa destinee amoureuse. les textes dramatiques de Rotrou restent par contra fideles a cette vue traditionnelle de l'omnipotence de l'amour qui. depuis au moins la traduction de l'Aninta du Tasse en 1584. avait connu dans le genre pastoral un eclatant succes sur la scene francaise du premier tiers du XVIIeme siecle. 2“ En retard sur son temps. a moins qu'il ne soit en avance sur les theories qui s'imposeront aux generations d'apres 1650 at qui mettront quelque peu en question la philosophie heroique de Descartes et l'illustration qu'avait pu en donner Corneille.25 Rotrou presente. quoi qu'il en soit. l‘image d'un amour pas plus intellectual que moral dans sa substance. refusant de se plier aux exigences d'une raison qui. d'ailleurs. ne se manifeste guere. Ainsi que le soulignent les quelques examples mentionnes dans la section precedente. la representation de l'amour que propose 1e theatre de Rotrou n'offre certainement pas l'image d'une admiration consciente des qualites superieures reconnues a l'étre aime; ou. moins encore celle d'un fruit engendre par les preceptes de l'honneur. Bien au contraire. l'image qui s'impose est celle d'un amour passif. involontaire. inconscient et parfbis amoral dont la seule justification pourrait Etre ce méme "je ne sais quoi" qu'evoquait Creuse dans la piece de Corneille. 26 at qu'il nous faut a present examiner pour essayer de definir l'utilisation dramatique qu'a su en faire Rotrou. 86 II. La representation de l'amour Si. 5 1a difference de Corneille. Rotrou ne tente pas de minimiser le r51e du "je ne sais quoi" en dotant ses personnages d'une volonte souveraine. et s'il se plaIt au contraire a faire agir ses heros dans la dependance la plus totale de cet element exterieur at. par consequent. difficilement contrBlable. il nous parait judicieux de considerer le processus au cours duquel se produit l'enchantement dont se declarent victimes les amoureux du theatre de Rotrou afin de mieux comprendre l'essence d'une passion trop vite attribuee aux imperatifs mysterieux d'un vague "je ne sais quoi". A. La puissance du regard Ton regard dans le coeur. dans le sang m'est entre Comma un eclat de feudre alors qu'il fend la nue. (Ronsard. Sannata nann Helena. I. x) Tout en soulignant l'origine divine de l'amour. Philenie precisait egalement le cheminement de celui-c1: ”Un savoureux poison qui se boit par les yeux" (Delimene. I. i). C'est en des termes pratiquement similaires que la princesse Valerie du Manitania Saint Ganaat exprime sa soudaine joie en apercevant Maximin. 1e futur epoux que lui destine son pere. l'empereur Diocletian: "O ciel! qu'un doux travail m'entre au coeur par les yeux!" (I. ii). Cette description du processus demeurerait pourtant incomplete si nous n'y ajoutions un element capital que les propos de ces deux heroines laissent dans l'ombre: la rapidite fulgurante avec laquelle se transmet generalement la passion amoureuse. Cette notion. par ailleurs 87 capitale. que l'expression populaire "coup de feudre" traduit a la perfection. est en grande partie estompee ici par la presence des deux adjectifs: "savoureux" at "doux" qui. respectivement. qualifient la teneur du sentiment au detriment d'une mobilite que les verbes: "boire" at "entrer" ne soulignent pas suffisamment. En general. Rotrou he permet pas a ses victimes de l'amour de porter un jugement qualitatif sur une metamorphose qui les affecte et dont. parfbis méme. ils ignorant l'origine. C'est ainsi. par example. que le jeune Acaste de La Dalia Alannaga est oblige d'avoir recours a sa soeur afin de connaitre les causes d'un mal dont il ne peut que depeindre les symptomes: Acaste Ecoute: au meme instant que parut a ma vue Cette jeune beaute de tant d'attraits pourvue. D'un desordre soudain mes sens furent troubles. Mon esprit interdit. mas yeux comme aveugles. Et je ne voyais rien qu'une douce lumiere Qui m'avait ebloui de sa clarte premiere. (IV. 1) Si Acaste exprime moins bien. peut-étre. l'emotion que lui a procuree. sa rencontre avec Isabelle que ne le fera. quelques annees plus tard. 27 la Phedre de Racine a la vue d'Hippolyte: Phedre Je le vis. je rougis. je palis a sa vue; Un trouble s'eleva dans mon ame eperdue; Mes yeux ne voyaient plus. je ne pouvais parler; Je sentis tout mon corps at transir et bruler; (We It 111) la personnage de Rotrou traduit. a sa maniere. cette meme fascination qu'exerce sur lui la vision de l'etre que l'on ne pourra s'empécher d'aimer. Ecoutons le temoignage que Celiane rapporte a sa nourrice au sujet des alterations dont fut victima Florimant a la vue de Nise: 88 Celiane Sa bouche s'entr'ouvrit et demaura muette. D'abord il ne pouvoit supporter ses appas; Sans couleur at sans geste. il recula deux pas. Apres ce long respect on vit cet infidele. Begayant. proferer trois fois le nom de belle; Mais. a quelques efforts que sa voix eut recours. 11 se tut et ne put achever son discours. Tant que nous pumes voir cette jeune affrontee. Il eut toujours la vue en ses yeux arretee. (La Deliana. III. 1) La.temoignage concorde avec les faits. et le discours de Celiane a propos de la modification de Florimant pourrait aisement souligner les aveux d'Acaste aussi bien. d'ailleurs. que definir la comportement de tous les amoureux qui. pour s'en tenir au tout premier amour mis en scene par notre dramaturge dans Liflynaaannnianna. s'accordent a conferer a leur passion la soudainete de l'effet visual. tout autant que le caractere instantane de l'evenement: Cleonice Un trait d'oeil m'alluma ce brasier dans le-sein. Un instant me vainquit. un instant m'ota l'ame. (V.i) Saisissement immediat. aimantation irresistible. capture a laquelle on n'echappera plus. ainsi se definit ce "coup de feudre" dont sont attaints des la premiere rencontre. ou. mieux encore. des la premiere vue. le premier regard. les amoureux de Rotrou: Leocadie <...> il me vit. je le vis. Et d'un coup mutual nos coeurs furent ravis. Substitut ou realite. l'effet produit est en tout point similaire comme permet de le constater la tragi-comedie Ageaiian na Daianaa dans laquelle. en l'espace d'une meme scene. la vue d'un simple medaillon 89 suffit a aneantir les pretendues capacites d'Agesilan a dejouer les pieges de l'amour: Agesilan Enfin. char Darinel. il reste de te dire Que de tous les sujets de l'amoureux empire Je suis ou le plus vain ou le plus fortune; Qu'ayant le moins d'amour j'en ai le plus donne. (I. ii) La declaration se voit presque immediatement infirmee car 11 suffit. en effet. que le malheureux Bruneo fasse cadeau a Agesilan du portrait de Diane pour que la metamorphose s'accomplissa at que l'insensible se matte a elever des stances en l'honneur de celle dont il ne contemple pourtant qu'une modeste representation: Agesilan O rare at divine merveille! Telle n'est la mere d'Amour Quand a l'univers qui sommeille Elle vient annoncer le jour Telle ne vient. ni si brillante. Au son du cor et de la voix Du jeune chasseur qui l'enchante. L'illustre courriere des mois. Et telle n'est au ciel l'amante De cet homicide innocent. Que la mort de Procris tourmente Autant que l'amour qu'il ressant. (I. ii) Une vingtaine d'annees avant la publication de La Enatinna an theatna. Rotrou obeit parfaitement ici a l'amendement de d'Aubignac qui autorise les stances si la personnage qui les dit est en proie a 28 une "fievre chaude". Bouleverse par le portrait d'une inconnue. Agesilan oublie ses declarations de principe du debut de la scene at ne peut que se plier a la diffusion du "mal": 9O Agesilan Je me sens consumer d'une invisible ardeur. Qui tout d'un coup attaque et consune mon coeur. (0..) De quel effort. 6 dieux! est mon ame agitee? Par quel sort est sitot ma raison enchantee? Cessez. dedains. froideurs. repos. orgueil. plaisirs. Et cedez a l'ardeur de mes nouveaux desirs. (I. ii) L'art se montre ainsi capable d‘egaler la nature puisque la representation peinte de Diane est a meme de produire un effet similaire a celui qu'aurait tres probablement engendre la presence reelle de celle-c1. A ce propos. il convient de noter que la portrait acquiert ici une parfaite autonomie vis-a-vis de son referent at que l'emotion qu'il declenche chez celui qui le contemple demaura limitee a la relation immediate qui vient de s'instaurer entre le spectateur at la representation. MEma s'il est permis de penser que la portrait en question soutient un rapport de ressemblance avec l'objet qu'il denote. il n'en demaura pas moins qu'Agesilan opera. bien avant Saussure. la distinction theorique entre un signifiant et un signifie. et que sa passion pour le signifiant ne se reporters sur la signifie qu'a 1a seule condition que le modele s'adapte a l'image: Agesilan Si l'art de la nature imite cet ouvrage. Et si cette merveille egale son image. Quel dieu peut justement lui rerser l'honneur D'etablir en ses voeux sa gloire et son bonheur. (I. ii) Ce n'est plus a l'art d'imiter la nature mais bien davantage a cette derniere de s'efforcer de se montrer fidele a l'imitation. Puisque le regard semble n'etablir aucune distinction entre l'objet et son reflet. et que l'imitation du reel est en mesure de produire un effet que ce meme reel ne sera pent-etre pas en mesure de soutenir. le risque est 91 grand que la passion amoureuse ne se declare an faveur d'une simple chimera. d'une simple illusion ou. mieux encore. au profit exclusif de l'un de ces personnages-acteurs qui. a la suite de la Florante de La Daiinana ou de la Julie de La Daliana. se montreront en mesure de susciter l'amour chez l'un de ces personnages-spectateurs qui. a l'image d'Agesilan dans l'episode que nous venons d'evoquer. s'averent totalement fascines par le spectacle qui s'offre a leurs regards. C'est ainsi que. de crainte de se laisser subjuguer par un portrait trop eloigne de l'original. Cleanthe. le prince d'Epire de Liflannanx Naninaga exige que sa soeur. Lysanor. contienne ses talents de conteuse at lui fasse oralemant une peinture de Salmacis que la realite ne viendra point dementir: Cleanthe Mais sans trop exalter les traits de son visage. Sans faire d'une fame une imortelle image. Sans peindre 1e soleil ebloui de ses yeux. Sans lui dresser un temple at l'egaler aux dieux. Fais-moi da sa beaute la naive peinture. Et ne fais point a l'art surpasser la nature. ' (V9 1) Une fais ces precautions prises. Cleanthe peut des lors s'abandonner au spectacle que lui procure le discours de Lysanor. Spectacle dont l'effet ne tarde pas a se manifester: Cleanthe Il suffit. et. qu'elle ait ou n'ait point de pareille. J'adore aveuglement cette rare merveille; Et si son coeur consent au dessein que je fais. Un hymen entre nous retablira la paix. (V. 1) Il est essentiel de relever ici l'emploi de l'adverbe "aveuglement" qui. a la fais. traduit bien la fait que la prince d'Epire est dispose a aimer la reine da Dalmatia sans meme l'avoir vue. mais egalement 92 suggere une raison obscurcie. un discernement trouble. un profond bouleversement proche de l'état de folie dont nous avons deja parle et que Rotrou ne pouvait mieux presenter a ses contemporains qu'en utilisant l'analogie avec le merveilleux magique. Avant. toutefbis. d'examiner la nature at la fonction du merveilleux magique dans la dramaturgie rotrouesque. nous aimerions maintenant faire quelques remarques sur les procedes dramatiques utilises par Rotrou pour transmettre a son lecteur-spectateur l'image de la passion amoureuse qui s'est imposee a nous. B. Amour at dramaturgie A la difference du roman at de l'innanananantn de la poesie lyrique oD l'auteur est a méme d'intervenir pour permettre a ses lecteurs d'assister en direct a una rencontre amoureuse et leur donner ainsi l'occasion de participer a l'emotion des personnages a l'instant cu celle-oi se manifeste. le texte dramatique quant a lui se 29 préte bien moins facilement 5 ca genre de chose. L'auteur dramatique se trouve. le plus souvent. contraint de renvoyer au passe un tel evenement afin de pouvoir en transcrire toute la teneur amoureuse: "Je la vis. je rougis. je palis a sa vue." C'est la retrospectif qui donne ici a Racine le moyen d'infbrmer son lecteur sur une passion qui affecte si profondement Phedre qu'il efit ete. bien entendu. contraire a toute logique qu'elle nous rende compte de la brusque eclosion de son amour a l'instant mEme cu celle-c1 se produit. Pour le metteur en scene. au contraire. la representation est en mesure de lever la necessite du recours au retrospectif qui frappe l'auteur dramatique. Gréce a un travail scenographique approprie. la 93 representation s'avere en effet capable de remedier au probleme inherent a l'ecriture dramatique en offrant au spectateur tout un systeme de signes extra-linguistiques charges de guider son interpretation sans. pour autant. nuire a la vraisemblance de la passion amoureuse.3o Si. comme nous le croyons. le theme de l'amour est au coeur de la dramaturgie rotrouesque; et. ainsi que nous l'avons observe. un simple regard suffit a declencher la processus amoureux. il nous parait opportun de passer brievement en revue les procedes dramatiques que Rotrou a employes pour convier son spectateur-lecteur a partager les impressions qui se sont imposees a nous. De quelle maniere Rotrou a- t-il ete en mesure de centrer sa dramaturgie sur un sentiment dont la naissance fulgurante resulte d'une scene de rencontre dans laquelle l'auteur dramatique ne peut s'immiscer. les personnages eux-mamas ne sauraient se prononcer sous peine de rompra l'illusion theatrale; et qui. malgre tout. permettra a l'amour d'acquerir les caracteristiques que nous lui avons reconnues? Deux possibilites s'offraient en principe a Rotrou: soit. comme dans le cas de Racine que nous citions plus haut. le dramaturge pouvait avoir recours au retrospectif; soit. il laissait au metteur en scene le soin de renseigner le public. Cette seconde solution. de toute evidence. ne pouvait seule suffire at. ainsi que le prouvent les nombreux examples mentionnes. Rotrou fait un usage abondant du retrospectif: Leocadie <...> 11 me vit. je le vis Et d'un coup mutual nos coeurs furent ravis. (LaS Danx Euaallaa. III. viii) 94 Si l'usage du passe simple ainsi que la repetition du verbe voir suggere bien la naissance fulgurante d'un amour induit par la regard. l'utilisation du retrospectif prive tout de méme 1e lecteur-spectateur de sa participation 5 l'evenement. A c8te. pourtant. du retrospectif qui. de par sa frequence d'utilisation. represente la procede dramatique majeur dont se sert Rotrou. il est a relever quelques tentatives de la part du dramaturge pour offrir a son public une scene au cours de laquelle l'amour fait sa subite apparition. Representatif. soume toute. de l'ensemble de la production dramatique de Rotrou. le corpus constitue par les quelques extraits de piece que nous avons cites devrait permettre d'illustrer les deux procedes dramatiques qui ont guide la reception de l'image de l'amour tel que nous l'avons defini: 1. La parole en direct: c'est-a-dire. l'infbrmation directement transmise par un personnage au moyen d'un signe verbal at. par consequent. facilement reperable par le lecteur: "O ciel! qu'un doux travail m'entre au coeur par les yeux!" Permettant au lecteur de participer en direct a l'emotion de Valerie lorsque celle-ci apercoit Maximin. ce procede dramatique ne peut Etre. comme nous le remarquions precedemmant. qu'incomplet car 11 doit necessairement se borner a un minimum d'infbrmations afin de conserver a la scene toute sa verite. A la seule exception d'iggaiian da Cnianaa ou un personnage se trouve capable de figurer directement au lecteur 1a naissance de la passion amoureuse grace a l'accessoire du medaillon qui represente Diane en meme temps qu'il annule la presence reelle de celle-ci de maniere a ce que les stances d'Agesilan ne soient pas hors de propos. la parole en direct chargee de vehicular la naissance 95 de l'amour semble. de prime abord. laissee entierement a l'appreciation du metteur en scene ou a l'interpretation du lecteur. Le metteur en scene. dans le cas de Saint Qanaat. est en effet en mesure de doter 1e signe verbal transmis par son personnage d'une charge semantique supplementaire en demandant. par example. a l'actrice jouant Valerie de developper. par une rhetorique gestuelle. les informations donnees par la parole discursive.31 2. La parole en differe: s'il est exact que le procede dramatique precedent peut offrir au spectateur da Saint Qanaat un surcroit d'informations inaccessibles au lecteur de la piece. il serait pourtant errone d'eriger ce principe en regle absolue puisque la representation a laquelle le spectateur participe. a pour origine la lecture prealable du texte dramatique de Rotrou par le metteur en scene.32 Suivant sa propre lecture de Saint Qanaat. et selon son appreciation de l'importance a accorder au theme de l'amour dans l'oeuvre de Rotrou. la metteur en scene. second scripteur en quelque sorte du texte dramatique. accentuera ou au contraire gommera l'information potentialle inscrite dans: "O ciel! qu'un doux travail 1n'entre au coeur par les yeux!" La parole retrospective. nous l'avons dit. confere a l'auteur dramatique la possibilite d'offrir a son lecteur toutes les informations pertinentes et necessaires a celui-c1 pour apprecier a sa justa valeur le deroulement et les consequences d'une scene de rencontre passee. C'est ainsi. par exemple. que les propos de Philenie nous ont permis da mesurer toute l'importance de sa rencontre avec Tyndare; que ceux d'Acaste nous ont convaincus de sa subite metamorphose amoureuse consecutive au regard porte sur Isabelle. Largement sollicite par Rotrou. ce procede dramatique ne se 96 borne pourtant pas a pallier l'absence de la representation en donnant au lecteur une plethora d'infbrmations. il contribue egalement a orienter. voire imposer. un certain traitement a ce qu'Anne Ubersfeld nomme la "representation comma texte".33 Si l'expression de parole retrospective que nous avons employee jusqu'e present est convenable du fait que les infermations tranSmises renvoient a une scene de rencontre preliminaire. il est cependant a noter que tres souvent. comme dans Laa Dantita. cette premiere rencontre ne figure pas dans le texte dramatique lui-mEme. Davantage. par consequent. que d'aider le lecteur a interpreter une scene que Rotrou n'inscrit pas dans son texte. les propos retrospectifs de Philenie (I. i) constituant en l'occurrence une somme d'informations dont le lecteur devra tenir compte lors d'une scene posterieure ou. pour la premiere fais. il pourra assister a la rencontre des deux amants (IV. v). En ce qui concerne par contra La Dalia Alannana. les propos d'Acaste (IV. 1) sont a meme. cette fois-ci de maniere pleinement retrospective. de donner l'occasion au lecteur de revenir sur l'episode de la rencontre avec Isabelle (III. viii). Au cours de cette scene. Rotrou ne pouvait que tres difficilement intervenir pour suggerer au lecteur la profbnde metamorphose en train de s'accomplir chez un personnage dont l'unique intervention lors de sa rencontre avec Isabelle ne depasse guere le ton de la mondanite: Acaste La beaute du sujet honore la victoire; Et vous avoir sarvie est pour nous trop de gloire. En quelques interets qui vous puissant toucher. Croyez que cet emploi nous sera toujours char. (III. viii) Le retrospectif de la scene suivante permet toutefois de revenir sur 97 cette premiere interpretation et de mesurer l'ecart qui separe 1e simple badinage de la ferte emotion que connait le personnage: Acaste <...> au méme instant que parut a ma vue Cette jeune beaute de tant d'attraits pourvue D'un desordre soudain mes sens furent troubles. Mon esprit interdit. mes yeux come aveugles. Et je ne voyois rien qu'une douce lumiere Qui m'avoit ebloui de sa clarte premiere. (IV. 1) En mesure de modifier l'interpretation du spectateur quant a la teneur amoureuse d'une scene de rencontre preliminaire. ainsi que de souligner l'importance d'une rencontre ulterieure. la parole retrospective fenctionne en fait comme un commentaire en differe dont l'auteur dramatique se sert pour envelopper un evenement passe aussi bien qu'a venir. veritable didascalie inscrite au coeur méme du texte de La Dalia Ainnnana at. par consequent. accessible au spectateur aussi bien qu'au lecteur de la piece. la parole en differe d'Acaste est ainsi illocutoire pour le metteur en scene.3u La scene de rencontre entre Acaste at Isabelle devra necessairement contenir des signes extra-linguistiques dont le spectateur sera invite a mesurer la pertinence grace aux infbrmations en differe que lui offre la scene suivante. Pour le metteur an scene. le passage de la parole en differe a la scene represente. da ce fait. moins une traduction qu'une execution imperative des directives de l'auteur dramatique. Le message verbal d'Acaste (III. viii) devrait. en consequence. vehicular deux especas de signes: les signes composant 1e message linguistique traduisant la mondanite du personnage telle qu'elle apparait au lecteur. et les signes acoustiques proprement dits: voix. expression. rythme. hauteur. timbre; qui. avec tous les autres signes non verbaux 98 perceptibles par le spectateur. illustreraient les infermations de la 35 scene suivante (IV. 1). En jouant sur la necessite d'inscrire simultanement dans la scene de rencontre les informations en differe que contient le texte dramatique. le metteur en scene est ainsi en mesure d'etablir une equivalence entre l'emotion de son personnage et la reception de son public. Place devant un double systeme de signes dont le code ne lui sera delivre qu'ulterieurement. le spectateur n'est pas. pour l'instant. en mesure de decoder la totalite des signes qu'il percoit; tout comme Acaste. le spectateur se verra. par consequent. oblige de s'adresser a Alphrede pour que celle-c1 leve l'ambiguite inherente a la presence simultanee de plusieurs signes en apparence antinomiques: Alphrede L'Amour surprend. frappe. entre et se loge an méme heure: Entreprenant un coeur qu'il ne veut pas faillir. Tout son dessein depend de le bien assaillir. (IV. 1) L'exemple de la parole en differe telle que nous venons d'en examiner brievement les implications sur le travail d'un eventual metteur en scene de La Daiia Ainnnana devrait suffire a illustrer l'affirmation de Patrice Pavis relative aux effets du passage du texte dramatique a la scene: 11 serait faux de croire que le texte dramatique produit des actes sceniques at s'annule en eux. des qu'il est profere en scene: ce texte reste audible comme structure verbale at malgre l'evenement scenique avec lequel son emission coincide.36 Nous aimerions etendre cette notion de "structure verbale" a l'acte de lecture at suggerer que par l'utilisation abondante d'une parole en differe renvoyant inlassablement le mEme message. Rotrou est ainsi en 99 mesure d'instaurer un "metatexte" visant a reduire a un minimum toute possibilite de polysemie.37 Si le theatre actuel semble attache a offrir plusieurs nivaaux de lecture. 1a dramaturgie rotrouesque parait. du moins en ce qui concerne la representation de l'amour. parfaitement adaptee pour un public qui. a l'image des spectateurs-acteurs de Saint Danaat. se satisfait de la reconnaissance de ce qu'il connait deje. Cependant. ainsi que nous l'examinerons dans le chapitre suivant. Rotrou parvient a integrer a cette image traditionnelle d'un amour idealise dont la peinture rappelle les tendancas exprimees par les poetes da la Renaissance at les romanciers de son epoque. une seconde interpretation de l'amour qui se revelers. quant a elle. compatible avec les opinions professees par les detracteurs de la passion idealisee. Avant que d'aborder ce probleme. nous aimerions conclure ca chapitre en nous penchant maintenant sur l'analogie utilisee par Rotrou entre l'amour et la merveilleux magique; analogie qui. nous 1e verrons. se combine au procede dramatique evoque dans cette section an invitant constamment le lecteur-spectateur a parachever cette image de l'amour que reflete at repercute la parole en differe. C. Nature et function du merveilleux magique Vos charmes ravissans ont mon coeur enchante. Et vos premiers regards ont pris ma liberte; (Les mamas. v. v11) Qu'il se porte sur l'"aimable" objet ou sur la representation de celui-c1. le regard engendre immediatement une profbnde modification que Rotrou rend sensible au spectateur par le recours a la parole en 100 differe dont 1e denominateur commun consiste. le plus souvent. a l'assimilation de la metamorphose amoureuse au phenomena magique de l'envofitement. L'amour. "Ce redoutable trait qui va si droit au coeur." comme le depeint metaphoriquement la Leocadie des Danx Enaaiiaa (III. viii). presente a bien des egards. en effet. toutes les caracteristiques d'un charme veritable que les personnages subissent chmme»un "ouragan et une rupture."38 et qu'ils eprouvent. invariablement. comme un engagement qui les entraine malgre eux. La passion qui. brusquement. s'empare de l'insensible heros d'igaaiian da Daianaa a la vue d'un simple medaillon. ne surprend guere 1e malheureux possesseur du portrait qui. attribuant des pouvoirs particuliers a cat objet. ne fait aucune difficulte a s'en dessaisir au profit d'Agesilan: Bruneo Il est a vous. adieu; mais en ce don funeste Vous pranez un serpent. un poison. une paste; Encore deux regards vous enchantent les sens. Et vous font adorer ces maurtriers innocens. (I. ii) La metamorphose d'Agesilan intervient a propos pour confirmer Bruneo dans son intuition at permettre. de ce fait. au medaillon de se hisser au rang de ces quelques elements de nature magique qu'utilise Rotrou dans Hanania nannant. ou la tunique impregneedu sang de Nessus est a l'origine des terribles souffrances de l'infidele epoux de Dejanire; dans La Dagna da llQflhli et dans Liinnaaanta infidelite cu un anneau enchante est respectivement responsable des pertes de memoire du roi de Sicile. Alfonse. at de la conduite surprenante de Felismond qui. a peine marie a Parthenie. delaisse celle-c1 pour rejoindre Hermante. sa premiere maitresse. A ces donnees fendamentalement magiques qui 101 influent directement sur l'intrigue des pieces dans lesquelles elles se manifestent. il convient d'ajouter certains elements secondaires qui. n'ayant pas un impact decisif sur l'action. se rattachent neanmoins au domaine du merveilleux magique. Il s'agit en premier lieu de toutes les premonitions qui s'averent soit heureuses dans Liflannanx Nanfnaga (II. iv). mama: (III. 1). Les Cant-ifs (II. 111). Saint Genest (I. 11); soit au contraire fUnestes dans Liinnaaanta infidelite (IV. vi). Bangui: mannant (III. 1). Antiflflnfi (I. iv). (III. v). (V. vi). Inhigenia (I. v). (III. 1). Daanaas (III. 1); et enfin de deux elements de moindre importance: l'intervention d'une chiromancienne dans Liflxnaaandnianna (III. iv). et le filtre mysterieux qui. dans Agaaiian na Daianaa. donne a Darinel les moyens de ressusciter l'infortune Bruneo: Darinel Voyez le changement Que produit sur un mort ce nectar si charmant; Voyez comme a ses yeux le ciel rend la lumiere. Et lui fait entr'ouvrir sa debile paupiere. (I. ii) A une epoque ou. ainsi qu'en temoignent. par exemple. les etudes de Lebegue at da Rousset.39 il ne fait aucun doute que le gofit du public se préte admirablement a l'utilisation du merveilleux magique dans la mesure ou la croyance au surnaturel est commune au peuple. aux nobles. mais aussi aux juges de la Galigai. de Gaufridi. d'Urbain Grandier. at d'innombrables autres victimes. rien de tres surprenant a ce que Rotrou. credule ou sceptique en la matiere. ait recours. pour parfaire la representation qu'il antend donner des effets de l'amour. a un element qui possede l'avantage d'offrir un point de 40 reference ancre dans l'imaginaire collectif de ses spectateurs. Si. 102 comme l'affinme le Pere Rapin: "Le merveilleux est tout ce qui est contre la cours ordinaire de la nature." at immediatament apres: "Le vray-semblable est tout ce qui est conforma a l'opinion du public."u1 il suffit que Rotrou fasse coincider ces deux assertions pour que sa representation des effets de la passion amoureuse soit a méme de surprendre. mais aussi d'emouvoir dans la mesure ou elle est admise par le spectateur.”2 S'inscrivant dans une logique qui accepte comme "vray-semblable" le fatal effet de la tunique de Nessus sur la destinee d'Hercule. la portrait de Diane est a son tour susceptible d'entrainer certains effets sur Agesilan qu'il appartiendra au spectateur d'elaborer a partir des informations textuelles dont il dispose et. egalement. du systeme qui regit son univers de reference. A c8te d'un "guidage de reception"ll3 inscrit dans le texte mEme d'Ageaiian da Daianaa sous la forme de l'avertissement de Bruneo. s'ajoute le renvoi a un merveilleux ludique mis en scene dans Hanania mannant. et au dale. dans n'importe quel autre texte dramatique de l'epoque que la spectateur pouvait connaitre. Peu nombreux. at n'intervenant pleinement que dans les intrigues d'flanania mannant. de La Danna da igannii. at de LLInnncant: Infidélite. les elements relevant directement du merveilleux magique sont neanmoins capables de constituer un corpus referential sensible qui. tout en reaffirmant la validite da l'imaginaire des spectateurs. offrent une structure complementaire a toutes les informations textuelles chargees de caracteriser les transformations. induites par le regard. qui s‘accomplissent chez l'étre subitement amoureux. Nous avons signale l'apport semantique que na manquait pas de constituer la connaissance d'Hanania nannant pour le spectateur. ou le 103 lecteur. du texte dramatique d'Agaaiian da Daianaa; mais c'est bien davantage Liinnaaanta infidelite qui. sur la mode magique. nous parait Etre le moule archetype d'oD procede l'ensemble des metamorphoses amoureuses dont les personnages de Rotrou sont victimes. C'est ainsi. par exemple que dans Liflannanaa Dnnatanaa. Timandre. ne pouvant trouver d'autres explications a la surprenante conduite de son roi qui. des le premier regard. tombe eperdument amoureux de Roselie au detriment de sa future epousa. invite 1e spectateur a parachever le spectacle en attribuant un pouvoir magique a la jeune fille: Timandre Il faut qu'elle ait use d'une secrete amorce; Elle porte sur soi quelque charme cache Dont elle a votre coeur si promptement touche. (I. iii) A l'information textuelle contenue dans les propos de Timandre et renfbrcee par l'expression verbale: "Il faut". correspond l'intrigue de Lilnnaaanta Infidelite dans laquelle la sorciere Harmante exerce effectivement un pouvoir secret sur l'esprit de Felismond. Si toutes les pieces de Rotrou n'obeissent pas aussi systematiquement. bien entendu. au canevas de Liinnaaanta Intinaiite que ne 1e fait Liflannanaa Dnnatanaa. toutes cependant entretiennent un certain rapport analogique avec celle-la lorsqu'il est question de la fascination qu'exerce un personnage sur un autre. Méme dans une tragedie come Daanaaa 01) 1e theme de l'amour demaura. pour beaucoup de critiques. tout a fait secondaire.uu il est interessant de noter que la conduite de Cosroes s'eclaire d'un jour nouveau si nous lui appliquons notre grille de lecture at tenons pour essentielle la fascination exercee par Syra sur le personnage qui donne son nom au 1021 titre de la piece. Ecoutons Pharnace nous faire la portrait de son roi: Pharnace Quoique l'on dissimule. on ne peut voir sans peine Le roi deferer tant a l'orgueil de la reine. Passer pour son sujet. et laisser lachement Reposer sur ses soins tout le gouvernement. <...> Toujours ou sa furie ou Sira le possede. Quel progres feroit-il. furieux ou charme. Par l'une hors du sens. par l'autre desarme? (Io 1V) Le pouvoir malefique que detient une femme sur l'esprit d'un homme dispose a sacrifier son fils pour plaira a son epouse se trouve ainsi renforce par Narsee qui. persuadee Etre la propre fille de Syra. se propose d'employer contra Siroes les mEmes armes que as mere utilisa contra Cosroes: Narsee Nous ne sommes qu'un sang et qu'un coeur separe; Je pourrois achever ce qu'elle a prepare. (0..) Si ces yeux vous ont plu. gardez que de leurs charmes Contra votre pouvoir je ne fasse des armes. Et n'en achete lioffre at d'un coeur et d'un bras Qui m'osent imoler vos jours et vos etats. (1119 V) Ces quelques observations permettent de nuancer l'affirmation de Jacques Morel selon laquelle: "Rotrou (...) ne joue guere des effets de 45 la magie. comme Corneille le fait dans Manta." Il nous paraIt. au contraire. que l'auteur de Liinnaaanta Infidelite a su tirar un excellent parti d'un usage modere du merveilleux magique en donnant a son spectateur la cle qui lui permetta d'assimiler at de tenir pour vraisemblable ce qui se deroule sur la scene. C'est la public qui. finalement. acheve l'acte magique amorce en la douant d'existence. On 105 apporte au spectateur une grammaire dont il detient 1a syntaxe et avec laquelle il sera an mesure d'organiser son propre spectacle. Pour completer le schema de perception que nous venons d'esquisser en ce qui concerne la representation des rapports qui s'etablissent entre un sujet amoureux at l'objet de son desir. nous ne saurions passer sous silence la dichotomie relevee par welfgang Leiner dans son article: "Deux aspects de l'amour dans le theatre de Jean Rotrou: le romanesque et le realisme."u6 Si notre interpretation integre aisement les elements que‘w. Leiner classe sous la rubrique du romanesque. force nous est a present d'examiner ceux qui s'apparentent au realisma afin de savoir dans quelle mesure ils s'adaptent ou. au contraire. echappent a la peinture d'une passion amoureuse qui. pour l'instant du moins. a toutes les chances de se voir agreee par les partisans de l'amour idealise. Chapitre IV L'amour de la representation I. Une double image da l'amour: l'amour realiste? Si. dans leur grande majorite. les textes dramatiques da Rotrou offrent matiere a soutenir une vision de l'amour tout a fait an accord avec celle que nous avons presentee jusqu'ici. il est cependant a noter qua sous ce discours d'ensemble qui s'etend de Liflynaaangniagna a Vanaaaiaa. nous pouvons discerner un discours fragmente capable neanmoins de se constituer en guidage de reception tout a fait contraire a celui que nous avons precedemment evoque. Ainsi que le remarque Wolfgang Leiner dans son article consacre a l'amour chez Rotrou: A toutes ces melodies suaves qui enchantent les ames romanesques. les nombreuses infractions aux regles de la bienseance servant de contra-point.1 Ces "nombreuses infractions aux regles" n'ont pas manque d'attirer le regard des critiques. at 11 serait vain de pretendre a l'inexistence de ces "tableaux trop peu chastes". par exemple. dont parle Viollet-le- Duc dans sa notice historique at litteraire qui accompagne 2 Liflynaaandniagna. Sans prendre toutefois l'exception pour la regle. 11 106 107 est indeniable que Rotrou ait glisse dans ses textes dramatiques des sentences dont la portee trahit le tableau d'ensemble at suggerent une peinture de l'amour tout a fait contraire a celle dont nous venons de rendre compte. Davantaga que de reproduire les citations utilisees par Leiner pour illustrer sa these. nous aimerions completer les remarques du critique allemand par quelques elements passes sous silence et qui. pourtant. s'inscrivent parfaitement dans la perspective de cet amour realiste que Rotrou a mis en scene aux cates de sa fresque idealiste. A. La raillerie des valets Si. comme nous l'avons vu. l'amour se moque generalement des barrieres sociales en rapprochant des etres appartenant a des rangs differents. Rotrou presente malgre tout des situations propres a attenuer le phenomena at a meme d'apporter quelques nuances a l'idealisme ambiant. La piece qui. sans aucun doute. illustre le mieux cela est La Diana 00 nous assistons aux aventures d'un Lysimant resolu a oublier une paysanne desargentee pour pouvoir epouser la riche Orante. et se soumettre ainsi a l'avarice paternalle.3 Dans le mama ordre d'idee. le pere d'Amelie ordonne a celle-oi d'epouser Eraste plut6t que Dionis qui n'est: Qu'un simple citoyen. sans honneur. sans fortune. D'un sort 31 different. d'une race commune. (Amalia. IV. iii) A l'avarice paternalle qui. un instant. se montre susceptible d'interferer avec la toute puissance de l'amour correspond le discours dissident de ces quelques personnages subalternes qui accompagnent les 108 amoureux. et dont la presence ne semble motivee que par le desir du dramaturge de temperer. sinon d'invalider. la comportement de ces derniers. Dans Dianiaa. c'est Alphonse qui invite le spectateur a na pas se laisser abuser par la conduite amoureuse da Leandra: Alphonse C'est la style ordinaire. et. pour peu que l'on aime. On souffre. on brule. on meurt: tous disent da meme. (I. ii) Le confident de Leandra ne reprend ici que ce que nous savions deja grace aux reproches qu'Hermante adressait a Felismond dans Humanism: Hermante Tels sont des amoureux les discours ordinaires; Ils reclament toujours ces morts imaginaires: Mais tel qui nous paroit la souhaiter le plus Ne la demande point qu'assure du refus. (III. 1) Nous signalions dans la chapitre precedent l'emprunt de l'intrigue des gantita a la comedia de Plaute. at remarquions que Rotrou avait greffe deux intrigues amoureuses sur un canevas qui. initialement. se voyait ampute de toute ingerence feminine.” A la relation amoureuse qui s'instaure entre Philenie at Tyndare. Rotrou fait en effet correspondre les amours de Pseudole. le geBlier de Tyndare. pour Celia. la servante d'Hegee et la confidante de Philenie. Ne jouant absolument aucun r51e determinant dans le deroulement de l'intrigue principale. cette seconde relation amoureuse imaginee par Rotrou permet neanmoins aux Qantifa de rompra quelque peu avec les traditionnelles comedies d'intrigues cheres au dramaturge et de se rapprocher des comedies de moeurs qui s'imposeront au cours de la seconde partie du 5 siecle. Le comique des Qantita ne reside pas. en effet. dans la mise 109 an scene de toute une serie d'imbroglios ou regnent 1e quiproquo at la deguisement. mais bien davantage dans la juxtaposition de ces deux intrigues amoureuses ou la seconde. Pseudole-Celia. offre sur la mode ironique la reflet parodie des amours dessines dans la premiere. Philenie-Tyndare. Adoptant une tactique de seduction qui oblige 1e parfait amant a se faire poete pour s'adresser a une maitresse convoitee. Pseudole souligne ironiquement toute la difficulte inherente a la realisation d'une entraprise qui. trop souvent. est presentee comme allant de soi: Pseudole Mais ce mechant metier trouble bien la cervelle: Je me laisse emporter jusqu'e suer parfois. M'arracher les cheveux at me ronger les doigts; Et quand j'ai tant rave que ma veine en est lasse. Je deteste la Muse et maudis le Parnasse. (III. iii) Pseudole ne se decourage pourtant pas et voici finalement 1a piece de vars que l'amant est a méme de declamer: Pseudole (il lit) - "A Celia. galimatias. "Geoliere des geoliers. adorable Celia. "J'en mats d'autres aux fers. at ta beaute me lie; "J'emprisonne le monde. et suis ton prisonnier; "Possedant les plaisirs ou l'Amour nous convie. "Et sans cueillir les fruits de l'amoureuse vie. "Ne laisse pas couler ton age printanier." (IV. ii) Ces vars s'apparentent suffisamment. pour Etre percus en tant que tel. au langage precieux constituant la mode d'expression oblige du parfait amant. et possedent. en outre. toute la platitude necessaire pour s'eriger en caricature du discours amoureux et entrainer ainsi 1e rire du public. Dans Laa Qaaaaiana nangnaa. c'est au tour de Lysis. le valet 110 de Clorimand. de brosser la caricature d'un art d'aimer qui lui demaura incomprehensible: Lysis 0 la parfaite amour que l'amour des laquais! Ils ne s'amusent point a de si longs caquets; Jamais les envieux sur leurs desseins ne mordent: Deux mots ruinent tout. ou deux mots les accordant; Sans autres compliments. tel de telle a joui. Qui n'avoit dit encor que le seul mot d'oui; Jamais tant de mania en leur cerveau n'habite; De meme que leurs piads. leur passion va vite. Pour moi. je tiens pour fou qui prend tant de souci. Qui pense bien aimer. et n'aime pas ainsi. Qu'e son gre cependant se comporte mon maitre; Dusse-je mille fois ouir le nom de traitre. Fallfit-il eprouver combien pese sa main. Mon oeil cede au sommeil. je lui resiste en vain. (Il s'endort) (III. ii) L'ecart manifeste qui separe l'art d'aimer des maitres da celui das valets pourrait Etre interprete. aujourd'hui. a la faveur de ces derniers at 11 serait. sans doute. tentant de se ranger aux cates du Pseudole des Dantifa ou du Lysis des Qaaaaiana nannnaa afin de se gausser d'une attitude galante qui n'est plus de mise. Rotrou. cependant. parait eviter de prendre franchement parti. et 11 nous semble tout aussi legitime de rire avec Lysis que de rire d'un personnage qui. si l'on se souvient des theories pranees par le Roi de Hongrie de Liflannanaa Danatanaa. appartient visiblement a cette categorie d'individus obeissant a une "grossiere humeur" les exemptant de la loi da l'amour: Ces difformes objets qu'elle fait par mepris Ne peuvent jamais prendre at he sont jamais pris; A leur grossiere humeur leurs ames obeissent; Ils suivant leur justice. on les hait. ils haissent. Sans trouver toutefois leur destin rigoureux. Car la loi de l'amour n'est pas faite pour eux. (III. 1) 111 La campagne de demystification ironique lancee par Lysis et Pseudole contra un idealisma amoureux qu'ils jugent perime rencontrera probablement une certaine sympathie dans une partie du public. trouvera un certain echo chez das personnages appartenant a la classe des laquais. elle ne sera pourtant pas encore an mesure d'entamer l'idealisme des maitres ni d'ebranler celui d'une autre partie du public. Comment un simple valet pourrait-i1. en effet. demeler les subtiles detours de l'attitude galante. discourir sur une chose qui ne le concerne pas? B. Inconstance et concupiscence Dans la lignee de Pseudole et de Lysis. d'autres personnages se montrent extrémement sceptiques quant a la realite d'une vertu amoureuse dont on parle beaucoup mais qui ne se rencontre guere. Ecoutons. par exemple. le Filidan de La Delanina amannanaa: Filidan On se rit aujourd'hui des maris amoureux: Si leur femme est parfaite. elle n'est pas pour eux. (II. ii) Partant de ce theoreme de base. le valet de Lucidor poursuit sa demonstration at parvient a des conclusions qui remettent an cause les principes mémes de la constance chars a tous les amoureux: Filidan Ces discours etoient bons au siecle d'Orianne; <...> Mais ses lois aujourd'hui passent pour r5verie. <...> La resolution de ne changer jamais N'est plus que la vertu des hommes imparfaits; On meprise leurs voeux. et cette resistance Qu'on fait a leurs desseins etablit leur constance; 112 D'amans ils sont censeurs. at par des titres faux Vantent une vertu qui nait da leurs defauts. (II. 1V) A ce scepticisme affiche par certains s'ajoute. tres souvent. toute la serie des lieux communs empruntes a la veine anti-feministe issue du Moyen Age. S'appuyant vraisemblablement sur une philosophie proche de celle soutenue par Filidan. le Due de La Dagna na 1192211 ne se fait aucune illusion sur la conduite amoureuse de la belle Liliane: Le Duc Je sais qu'elle est facile. et que l'honnétete S'accorde rarement avecque la beaute. (Io 1V) Nous retrouvons cette mEme peinture de la nature feminine dans les propos caustiques du docte medecin de gianiaa: Hippocrasse C'est un etrange sexe. il est comme une ville. Difficile a garder quand sa prise est facile. (IV. iii) Dans Liinnaaanta infidelite. c'est au tour de Clarimond de porter un jugement acerbe sur la gent feminine qu'il accuse de se complaire sous la masque de l'hypocrisie: Clarimond Et la possession du veritable honneur. Ce n'est pas ou la femme etablit son bonheur; Elle veut sambler chaste et n'aime pas a l'etre. C'est assez de bien feindre at de la bien paroitre; Ce titre avec l'effet lui seroit importun: Seule elle en a le nom. mais la vice et commun. (II. iii) Pourquoi. d'autre part. Amphitryon davrait-il se plaindre de la conduite de son epouse lorsque l'on sait. avec Sosie. qu'en ce qui concerne l'infidelité: 113 Sosie Ce mal est si commun que ce n'est plus un mal; Le plus fin aujourd'hui le souffre par coutume. Et le fou seulement de regret s'en consume? (Laa Saaiaa. II. iii) A ce portrait peu flatteur de la nature feminine s'ajoute enfin la toute puissance de l'argent dont les "traits dores" menacent d'evincer ceux du veritable amour:6 Ergaste L'amour ne fait plus rien qu'avec des traits dores; Et de quelque beaute que la vertu se vante. L'or a bien plus d'effet sur l'esprit d'une amante. (m W. I: 11) En ce qui concerne le choix d'une epouse. l'homme averti recherchera une femme richement dotee tout an sachant qu'il ne manque pas de maitresses capables de pallier les carences physiques et intellectualles de l'elue: Filidan Pensez-y murement; folle ou sage. qu'importe? Il faut considerer ce qu'elle vous apporte: Les plus fins. en ca temps. epousent les tresors. Et n'examinent point ni l'esprit ni 1e corps. L'ayant. n'aurez-vous pas quelque objet qui vous plaise Une femme enrichit. et la maitresse baise La femme est neanmoins en droit d'agir de méme puisque. dans Dianiaa. c'est Emile qui reitere 1e judicieux conseil de Filidan en proposant a sa maitrasse un compromis susceptible de rendre acceptable le futur mariage decide par un pere autoritaire. L'Ege avance at les richesses d'Hippocrasse. le pretendant impose par Horace. sont deux factaurs de prime importance car. avec un peu de patience. le temps ameliorera considerablement 1a situation en se chargeant de supprimer 114 les inconvenients du premier tout en conservant a Clarice les benefices du second: Emilie Mais c'est un grand parti qu'une riche vieillesse; De miment en moment vous n'attendrez que l'heure Que le facheux s'en aille et le plaisant demaura. (III. 11) C. Verdict Voila qui ajoute une toucha surprenante au tableau idealiste presente dans la premiere partie de notre etude. Pourtant. ces quelques examples. soigneusement choisis et degages de tout contexte. ne doivent pas faire illusion at. si leur presence ne peut Etre contestee. il nous parait toutefois discutable de les eriger en guidage de reception seul capable de nous devoiler. comme le pretend Wolfgang Leiner. les intentions veritables de Rotrou. La critique s'est trop souvent concentree sur les maximes que nous venons de citer pour affirmer ensuite avec Wolfgang Leiner qu'"elles temoignent d'une experience vecue de leur auteur." Ces conclusions nous semblent quelque peu arbitraires dans la mesure 0D. premierement. nous retrouvons. comme dans les interpretations proposees pour La Manitania Saint Qanaat. la trop grande influence de cette biographie aleatoire du dramaturge que chacun est enclin a accommoder selon ses besoins; et. d'autre part. du fait que l'on a jamais remarque que les personnages secondaires qui exposent une vision de l'amour ancree dans un realisme pessimiste et peu favorable aux femmes s'averent en fin de compte vaincus par les amoureux dont la conduite est inscrite dans les voies de la passion idealisee. C'est ainsi. par exemple. que Clarice. 115 apres avoir ecoute la solution envisagee par Emilie. exprime clairement la decision de ne rien changer a ses projets. at desapprouve totalement les suggestions de sa confidante: Clarice C'est ton raisonnement. mais ce n'est pas le mien. <...> Epouser Hippocrasse! 6 l'outrageux effort Qui feroit l'union d'un-corps vif et d'un mort! N'epouser pas Leandra! 9 l‘impossible-envie Qu'un corps perdit son ame et conservat sa vie! Fuis. malheureuse. fuis ca funeste sejour: Montre a ton lache amant un genereux amour. (Eianiaa. III. 11) La suite de la piece etablira. sans aucun doute. le bien-fonde de l'attitude intransigeante revendiquee par Clarice et permettra. dans une certaine mesure. d'assimiler retrospectivemant le discours d'Emilie a celui tenu par tous ces personnages qui. comme nous l'avons vu precedemment. se revelent tout a fait incapables de concilier leurs pretentions anti-amoureuses avec la conduite qu'ils adoptent a l'instant mEme OD ils se trouvent confrontes a un spectacle qui les charme. Davantaga. par consequent. que d'attenuer una vision idealiste de l'amour en proposant a ses spectateurs une seconde grille de lecture divergenta de celle que nous avons soulignee. il semblerait au contraire que Rotrou ait voulu renforcer celle-oi an donnant a ses heros passionnes la possibilite de combattre victorieusement une ideologie qui leur est opposee at de reaffirmer ainsi la toute puissance de l'amour. En introduisant sur la scene une categorie de personnages charges de professer un discours voue a l'echec. Rotrou permet au spectateur attentif at favorable a une vision idealisee de l'amour. d'etablir un rapprochement entre ces personnages et les 116 "matamoras" du theatre de l'epoque dont l'un des interEts dramatiques residait dans le comique inherent a la profonde dichotomie entre paroles at actions. Les formulas desobligeantes a l'encontre de l'amour s'apparentent en effet aux professions de fOi du matamore dans la mesure oD elles ne depassent jamais le stade d'une enonciation gratuite qui se voit toujours immediatement infirmee a l'instant mEme oD elle trouve l'occasion d'étre verifiee. Si le schema comique issu d'un tel rapprochement demaura sousjacent dans la majorite des cas. il apparaIt toutefois avec un relief parfait dans Ageaiian aa Daianaa 00 la brusque changement d'attitude d'Agesilan lors da la scene du portrait: Agesilan Cessez. dedains. froideurs. repos. orgueil. plaisirs. Et cedez a l'ardeur de mes nouveaux desirs; (I. ii) se trouve presque immediatement parodie par la conduite de l'extravagant Rosaran qui. apres avoir realise qu'il se trouve en presence de Florisel. oublie subitement ses courageuses resolutions et accomplit une metamorphose rappelant. sur la mode inverse. celle d'Agesilan: Rosaran Tyran de libertes. Amour. paste des ames. Je brisefitous tas fers. j'eteins toutes tes flammes; Et. plutot que jamais relever de tes lois. Je romprai ton bandeau. ton are at ton carquois. (II. ii) Si. par analogie avec Rosaran. Agesilan tombe retrospectivemant dans la categorie des matamores. ce n'est certainement pas du fait de la conduite amoureuse qu'il fera sienna a partir de la fin du premier 117 acte. mais bien au contraire a cause de sa pretention initiale a se situer hors d'atteinte des fleches de l'amour: Agesilan Enfin. char Darinel. il reste de te dire Que de tous les sujets de l'amoureux empire Je suis ou le plus vain ou le plus fortune; Qu'ayant 1e moins d'amour j'en ai la plus donne; Qu'aux plus heureux amans j'ai cause de l'envie. Et puis etre avec droit satisfait de ma vie. (I. ii) Tout en conferant posterieurement au discours initial d'Agesilan un caractere ridicule et presomptueux. le comique consecutif a l'entree en scene du matamore Rosaran (II. ii) se trouva a son tour accentue par la declaration finale de celui-oi qui rappelle la position d'Agesilan avant l'episoda du portrait. position que le spectateur ne saurait maintenant tenir pour plausible apres avoir assiste a la surprenante metamorphose d'un Agesilan qui. lui aussi. affirmait Etre capable de rompra 1e bandeau de l'amour. Si notre raisonnement est justa. nous devons maintenant admettre que l'attachement de certains protagonistes a presenter une image de l'amour ancree dans une realite trop prosaique fasse fonction d'illusion et que. paradoxalement. la representation d'un amour dont la toute puissance se trouve rehaussee par le recours au merveilleux magique. fonction de realite. Quelles que fussent les convictions intimes de Rotrou en la matiere. il est evident que le dramaturge ne pouvait se permettre de s'aliener une partie du public qui risquait de se montrer refractaire at hostile a une telle representation de l'amour. Les maximes empreintes d'un realisme parfois vulgaire pouvaient a la rigueur satisfaire aux exigences des spectateurs que commancaient a lasser les 118 peintures traditionnelles d'un amour quintessencie. mais c'est surtout par les nombreuses scenes qui accordant une grande place aux "ardeurs lascives" at aux desirs des sens qua Rotrou parvient a sa concilier l'ensemble de son public.9 Les detracteurs de cet amour sublime ne voient dans ces "tableaux trop peu chastas" que la concretisation scenique de leurs aspirations. les partisans de l'amour idealise se doivent. de leur c5te. d'excuser ces scenes que "l'honnétete" serait pourtant an droit de condamner. dans la mesure ob elles repondent parfaitement a la logique de cette passion incontrBlable qui. des la premiere vue. subjugue l'étre amoureux at justifie ainsi les actes les plus reprehensibles.1o Il est a regretter que la critique. dans son ensemble. n'ait retenu que la premiere interpretation at. avec Sainte-Beuve. se soit trop facilement persuadee que Rotrou fut "l'un des derniers Gaulois."11 Si. dans son etude consacree a la comedia rotrouesque. Harold C. Knutson parvient aisement a demontrer l'erreur d'appreciation de Gustave Attinguer pour qui: "Les belles pieces rocambolesques de Rotrou n'ont de comedia que le nom (...). La rire en est absent (...)."12 nous aimerions conclure cette section an suggerant que l'une des facettes comiques du theatre de Rotrou consiste egalement dans la brusque volte-face qui s'opere chez des personnages si sfirs d'eux-mémes et de leurs positions concernent l'amour. Eros triomphe finalement de tous les raisonnements at de toutes les declarations de principe presomptueusement affichees: c'est dire de sa force irresistible. 119 II. L'amour de la representation Et. par une soudaine et sensible merveille. Jette la joie au coeur par l'oeil ou par l'oreilla. (Saint fianaat. I. iv) A. Raison d'étre d'un episode superflu Si l'on a trop souvent fait grief a Rotrou de compliquer a l'extréme l'intrigue de ses pieces par toute una serie de peripeties se rattachant bien difficilement a l'action principale. il est toutefois curieux que les detractaurs d'une telle dramaturgie n'ait jamais fait mention de la seule scene qui. beaucoup mieux que tout autre exemple evoque. se prétait incontestablement a l'illustration parfaite de leurs critiques. Il s'agit de l'episode marquant la fin du quatrieme acte de LLHEDQQQDQEIEQH§= Aliaste. sous l'habit de Perside. s'entretient avec les parents de celle-ci qui s'inquietent de voir leur fille en proie a la morosite et qui attribuant a la maladie d'amour certains sympthes manifestes: Oronte A la voir tous les jours pensive at retiree. Ses yeux a demi clos. sa couleur alteree. Je juge. conferant le present au passe. Que son esprit n'est pas comme son front glace; Et que. lorsqu'on la croit oisive at solitaire. C'est lorsqu'elle est moins seule. et qu'alle a plus d'affaire. L'amour est absolu dessus ces jeunes coeurs. Et. comme en notre temps. il a des traits vainqueurs. (IV. 1V) La seule justification que Rotrou accorde a un episode qui souligne. une fois encore. la toute puissance d'un amour "absolu dessus ces jeunes coeurs." reside dans le stratageme concu par Perside afin de fausser compagnie a ses parents: 120 Aliaste <...> Mais comment vous soustraire Aux yeux de vos parents? leur soin vous est contraire. Et quoi qu'on vous epie avec peu de raison. Seule. vous ne pourrez sortir da la maison. Perside J'en concois 1e moyen. (IIIo 1V) Tout comme Aliaste. 1e spectateur est. pour l'instant. laisse dans l'ignorance du moyen envisage at ca n'est qu'a la fin de l'acte suivant que nous pouvons mesurer toute l'ineptie de l'entreprise at juger ainsi du caractere superfetatoire de l'episode en question. 11 est. en effet. difficile d'admettre que le moyen le plus efficace qu'ait trouve Perside pour se soustraire aux yeux de ses parents fut un deguisement que l'on abandonnera presque immediatement apres l'avoir endosse. avant le prochain retour sur scene. Entierement libre de ses allees at venues. comme le confirme l'entretien avec Cloridan au debut de la piece ou encore celui avec la page (II. iv) et avec Aliaste (III. iv). Perside aurait tres bien pu profiter de l'une de ses promenades champétres pour se lancer a la recherche de son amant. Si la petite mascarade orchestree par Aliaste procure un plaisir certain au pere de la jeune fille: Oronte Aliaste. est-ca vous? Dieux! cette ressemblance Me charme. et tient encor mon esprit en balance. Ma fille a meme poil. memes yeux. meme taint: L'agreable transport dont je me sens atteint! Qu'en ce deguisement mon esprit se recree. Et que le souvenir de mon erreur m'agreel (IV. 1V) elle est loin. toutefbis. da lui arracher un assentiment sur une aventure qui lui demaura totalement etrangere: 121 Aliaste Ah! que. si tu savais quel sujet nous y porte. Ce jeu ne t'aurait pas agree de la sorte: Un pareil passe-temps n'eut pas ete si doux! Sous mes habits. Perside. attend au rendez-vous. Amour. guide nos pas. et fais que ce voyage‘~ Soit la fin de nos maux. ou celle de notre age. (IV. iv) Pour Etre plausible. 1e parfait stratageme aurait evidemment demande 5 ca qu'Aliasta ne laisse pas tomber le masque a la fin de la scene at qu'il puisse continuer a jouar la rBle de Perside pendant l'absence de celle—c1. Si Rotrou avait choisi cette option 11 efit ete dans l'obligation de rompra l'equilibre de la piece en retranchant l'intrigue amoureuse entre Cleonice et Aliaste qui exige le depart de ce dernier an compagnie de Perside. En conservant intacte la structure de sa piece. Rotrou donne ainsi a Aliaste la possibilite de laisser tomber le masque et de recueillir les louanges d'Oronte; plus important. l'episode ne requiert pas de ce fait que les deux parents se laissent abuser par la deguisement du jeune homme. Immediatement apres l'entree en scene d'Aliaste. les didascalies indiquent que "la mere reconnait que ce n'est pas sa fille. at Aliaste lui fait signe que c'est un jeu;" Clarinde sera ainsi en mesure d'intervenir regulierement au cours de l'episode pour. d'une part. induire chez le spectateur l'emotion d'Oronte at. d'autre part. souligner constamment la presence d'Aliaste sous la deguisement de Perside ce qui oblige. par consequent. le spectateur a ne pas perdre de vue. come dans la scene de La Deiimana dont nous avons deja parle. la maitrise parfaite de l'acteur et gofiter le plaisir de l'illusion dont est victima Oronte: 122 Clarinde Que l'un est abuse. que l'autre sait bien feindre! Ah! le doux passe-temps! dieux! coment se contraindre? (IV. iv) Le deguisement est ensuite definitivement abandonne puisqu'il s'avere evident que Perside at Aliaste ont recouvre leur identite respective des leur prochain retour sur scene: la page reconnait Perside at s'excuse immediatement de la fausse mouvelle transmise a Cloridan (V. iii); Cleonice. de méme. n'hesite pas un seul instant pour se jeter dans les bras d'Aliaste et le couvrir de baisers (V. v). L'affirmation de Knutson selon laquelle le deguisement de Perside et d'Aliaste "will allow them to observe their former lovers without being recognized." se voit ainsi infirme par le texte de la piece. mais aussi par l'illogisme qui conduirait deux individus a echanger mutuallement d'apparence en esperant de la sorte pouvoir Etre en mesure d'observer sans Etre reconnus.13 Bien moins encore rattache a l'intrigue principale de Liflxnaaannnianna. que ne la sera l'episode de Pseudole-Celia qui presente tout de méme l'avantage. ainsi que nous le disions. de marquer un contraste avec l'amour de Philenie pour Tyndare dans Laa Dantiia. le bref intermede d'Aliaste ne trouve sa raison d'étre que dans la mesure on 11 peut s'interpreter comme la mise a l'epreuve d'un procede dramatique que Rotrou reprendra at amplifiera dans ses pieces a venir. L'analyse de Knutson quant a la teneur ironique de ce meme episode est suffisamment convaincante pour qu'il nous soit penmis de conjecturer le succes de cette scene at de penser que Rotrou ait. par consequent. decide de faire du procede du deguisement un 14 element capital de sa dramaturgie. Si l'episode d'Aliaste offre un 123 excellent point de depart capable de mettre an evidence la presence de l'ironie dans le theatre comique de Rotrou. il s'integre d'autre part a notre etude dans la mesure 00 11 souligne cette fascination pour le spectacle que nourrissent les personnages amoureux dont nous avons deje parle. B. La fascination du spectacle Ce spectacle anime de grace et de beaute Aux plus indifferens ravit la liberte. (Dalia. I. i) Dans la lignee de Petrarque et de la grande majorite des poetes de la fin du XVIeme siecle et du debut du XVIIeme. le personnage amoureux mis en scene par Rotrou est essentiellement un regard. C'est par les yeux. ces "vrais espions at portes de l'ame."15 que les traits d'amour sont entres dans son coeur pour y infliger une blessure sans remede qui s'exteriorise par une metamorphose du comportement: Crisante Et pour guerir le coeur. commancez par les yeux: Par ces portes des coeurs l'amour fait la blessure. Et par elles l'amant doit commencer sa cure. (Eniaanta. II. iv) Amants. mais aussi amantas. restent conquis en premier lieu par le spectacle qui s'offre a leurs regards. ou s'organise dans leur imagination. Spectacle qui agit assez fortement Sur les sens pour creer l'amorce d'un desordre physiologique que traduit la montee incoercible de la passion amoureuse. Ces brusques metamorphoses qui affectent les protagonistes au moment méme cu ils s'y attendant 1a moins. sont induites par la vision d'un spectacle dont l'impact reside dans une 124 mise en scene permettant l'effet de surprise at l'enchantement des sens. Afin de contempler a loisir l'original d'un portrait dont. l'on s'en souvient. Agesilan etait tombe amoureux. celui-oi se presente a la cour de la reine de Guindaye sous la deguisement feminin de Daraide. La seduction de Diane obeira au judicieux conseil de Darinel qui suggere a son maitre d'organiser un veritable spectacle dans le but de charmer la jeune fille: Darinel Au lieu de vous offrir faites qu'on vous desire. Diane. de ce pas ou sa chambre regarde. géééia peut-étre ouir les aimables accens Dont votre belle voix sait enchanter les sens; Ses accords maries a ceux de la guiterre. Peuvent. si vous voulez. charmer toute la terre. (W (1: M: II. 111) Le stratageme propose par Darinel s'avere excellent 5 plus d'un titre puisque non seulement Diane est immediatement conquise par la beaute du spectacle qu'elle a surpris du haut d'une galerie: Diane Jamais de 81 douce harmonie Mes sens furent enchantes. Outre la voix. sa grace est infinie. Et son visage a d'extremas beautes: Elle a des qualites a charmer tous les sens. Un mot. belle etrangere; attendez. je descends. (II. iv) mais. egalement. c'est au tour d'Ardenie. la cousine de Diane. de tomber litteralement amoureuse de Daraide. Sans insister ici sur le plaisir possible que cette partie du public refractaire a une peinture idealisee de l'amour pouvait tirar des nombreux elans de tendrasses equivoques auxquels se livre le trio feminin. l'on remarquera simplement que Diane. una fois renseignee sur la veritable identite 125 de la "belle etrangere" (IV. ii). refuse neanmoins de mettre un terme au spectacle qui l'a initialement conquise et continue. jusqu'e la fin de la piece. de se préter au jeu lui permettant d'aimer 1e prince de Colchos sous les traits de Daraide. Si la representation peinte de Diane avait ete a méme de faire naItre la passion amoureuse chez Agesilan et 31 la realite de la jeune fille s'etait montree en mesure de se substituer favorablement a la fiction du portrait. il reste a savoir si Agesilan parviendra a imposer 5 Diane une realite capable d'effacer Daraide. ce personnage illusoira dont les charmes mysterieux mettent encore en emoi l'entourage de la reine Sidonie. Realite at illusion demeurant si etroitement liees au cours de la piece que le spectateur est. en effet. en droit d'hesiter quant a la profonde authenticite d'une passion qui. a l'evidence. naIt et se perpetue moins selon les saules exigences du dieu Amour que selon l'engouement manifeste pour les pieges de l'illusion: Diane Madame. pranez part en ces douces merveilles; Laissez a ces doux airs enchanter vos oreilles; Donnez-vous le plaisir de l'entendre un moment. Et vous estimerez ce divertissement. (Gleasemm at Mates. III. 1) C'est ici au tour de la Diane de Cleagannn at Daniatea d'encourager Dorante a se laisser seduire par Doristee travesti en page qui aura. quant a elle. bien des difficultes pour echapper aux avances pressantes. non seulement. de Diane et de Dorante. mais aussi a celles du mari de cette derniere. Comment. en effet. pourrait-on resister a un spectacle qui. si l'on en croit les eloges de Diane. serait mEme capable d'emouvoir la nature puisque Philemond. bien avant l'acteur 126 Genest. semblerait en mesure d'eriger en verite tangible une "fable ancienne": Diane Son entretien est rare. at celui dont la voix Anima des rochers at fit danser des bois. N'eut rien de comparable aux charmes de la sienna. Il fait des verites de la fable ancienne; Et par des airs si doux il enchante nos sens. Que l'oreille est ravie a ses moindres accens. Mais la guitare. jointe a sa voix delectable. Est en ses belles mains un charme inevitable. (III. 1) L'allusion a la legende d'Orphee ne se borne pas simplement a souligner les charmes reconnus a Philemond. elle permet egalement au spectateur au courant de l'identite d'emprunt de Doristee de voir a quel point Diane se laisse prendre au piege d'une illusion qu'elle accentue elle-meme du fait du surcroit de theatralite qu'elle confere a Philemond en l'assimilant a un acteur capable de faire "des verites de la fable ancienne." Si les spectacles organises par ces nouveaux personnages-acteurs que sont Agesilan-Daraide ou Doristee-Philemond. s'entourent de chants at de musique pour parfaire leur impact sur la destinataire. ca sera le plus souvent une note de tristesse ou de melancolie qui. tout en rehaussant 1e charme de celui ou de celle que. brusquement. l'on decouvre au detour d'un chemin. echoue sur une plage. ou. mieux encore. paisiblement endormi a l'ombre d'une ferEt. sera a méme de declencher la passion amoureuse: Alexandre L'etat ou vous etiez n'a pu tromper mes yeux. Et je vous ai jugee un chefed'oeuvre des cieux: Il est certain qu'alors vos soupirs at vos larmas Aidoient pour me toucher le pouvoir de vos charmes. <...> D'une grande beaute la puissance est si grande 127 Qu'elle surprend. ravit. lie. oblige. commande. Trouve partout entree. at de ses spectateurs Se fait des partisans et des adorateurs. (Les Deux Melisa. IV. 11) Le soudain amour qu'Alexandre porte a Leocadie est induit par le méme type de spectacle qui. dans Liflannanx Nantnaga a frappe la vue de la reine de Dalmatia: Salmacis O que d'un trait fatal mon ame fUt touchee. Quand sur ton corps mourant j'eus 1a vue attachee! Tout souille du limon dont tu fus emporte. Tu me ravis les sens. le coeur. la liberte; Ton visage tout pale eut d'invincibles charmes; Je crus qu'un dieu mouroit. at je versai des larmas. (III. ii) L'emotion que suscitent ici les "invincibles charmes" de Cleandre. rescape d'un naufrage. confirme parfaitement les propos d'Alexandre soulignant le pouvoir d'envofitement que possede la beaute d'un 16 spectacle sur ceux qui 1e contemplent. Des lors. comme nous l'avons observe dans le chapitre precedent. nul n'est an mesure de s'opposer victorieusement 5 ca dieu Amour dont la puissance incontestable ne saurait Etre diminuee. ainsi que le remarque Cassie. par l'emploi d'un euphemisme rassurant: Cassie Et je resiste en vain a ce dieu triomphant A qui vous ne donnez que le titre d'enfant. (Eniaanta. I. 11) Vaincu par les charmes de sa prisonniere. Cassie se laissera emporter jusqu'aux dernieres extremites dont la faute sera imputee aux imperatifs de l'amour: "Les crimes sont legers quand l'amour est extréme" (II. iv). De la méme maniere. Hercule rejette sur la beaute d'Iola la responsabilite de la guerre contra Oechalie (Hanania mannant I. iii). at 11 suffit que le heros d'Ageaiian da Daianaa contemple le 128 portrait de Diane pour qu'il en devienne subitement amoureux (I. ii). La simple evocation des beautes d'une reine suffit au prince qui l'entend pour qu'il s'en eprenne sur le champ (Laa Qaaaaiana nandnaa. IV. 1; Liflannanx Nanfnaga. V. i). at c'est apres avoir entendu les merites reconnus a Roselie que la reine de Dalmatia de Liflannanaa Danatanaa entreprend un pelerinaga pour juger de visu la puissance des attraits de la jeune fille: La reine Passant pour visiter les saints lieux d'Italie. Nous avons entendu le nom de Roselie; D'avoir l'honneur de voir sa divine beaute; Et certes le bonheur d'avoir vu ce visage Me fait infiniment estimer mon voyage. (V9 1V) Si 1e deguisement de Roselie. au debut de la piece. avait ete a l'origine de la passion du roi de Hongrie pour une personne qui n'interessait jusque-1e qu'Alcandre. le frere du monarque. at Paris. l'amoureux econduit; un autre deguisement. celui cette fais revétu par Arthemise. la reine de Dalmatia. est a son tour capable de produire suffisamment d'effet a la fin de la piece sur ce méma monarque pour que celui-oi consente d'epouser celle qu'il avait initialement congediéo. En retablissant. in extremis. un equilibre compromis precisement par le recours a un deguisement. la petite comedia jouee par Arthemise permet un denouement heureux au cours duquel. come par exemple dams W. La W. La Bane (1: 1.1213211. Man 11: Celebs: pour ne citer que quelques pieces. mais aussi. comme nous le verrons plus loin. dans La Menitania Saint Qanaat. se trouve reaffirme. une fois encore. l'engouement manifeste des personnages-spectateurs a l'egard des pieges de l'illusion dramatique que leur tendent tous ces personnages-acteurs dont Rotrou 129 peuple son theatre et qui. peut-étre. doivent beaucoup au personnage d'Aliaste tel que nous l'avons vu a l'oeuvre dans la scene deje mentionnee de Liflynaaannnianna: Timandre O l'agreable jour! que ce deguisement Nous comble tous d'honneur et de contentement! (Llama Constance. V: iv) L'attrait de l'illusion ou. plus generalemant. 1e pouvoir de seduction qu'exerce la beaute d'un spectacle sur ceux ou celles qui. volontairement ou non. y sont exposes se manifeste encore dans Dalia ou le spectacle de la beaute de deux jeunes filles se jouera dans un decor deje empreint de theatralite at d'illusion. veritable spectacle dans le spectacle. la presence de Celia et d'Ismene eclipse en effet les "pompeux ornaments" des jeux du carnaval. et la beaute des deux jeunes filles subjugue l'ensemble des spectateurs: Don Alvare Mais entre autres deux soeurs. vives sources de flammes. Deux vivantes prisons des libertes des ames. D'un offusquant eclair. de rayons eclatans. Eblouirent les yeux de tous les assistans. <...> Mais toutes deux enfin n'ont rien que de celeste. Et. soit en leurs discours. en leur rire. en leur geste. Jamais rien de 31 beau ni de si gracieux Ne satisfit l'oreille at n'enchanta les yeux; Chacun se souhaite tout d'yeux at tout d'oreilles Pour mieux ouir at voir ces charmantes merveillas. Ce spectacle anime de grace at de beaute Aux plus indifferens ravit la liberte. Dans les coeurs les plus froids mit des flammes secretes. Interdit les esprits. tint les langues muettes. Et fit a tous les yeux perdre 1e mouvement. Pour les laisser ouverts en ce ravissement. (Eéiia. I. i) Ici le merveilleux chretien sert admirablement le merveilleux magique et le spectacle que constitue la presence des deux soeurs se voit dote 130 d'une origine divine. Nous retrouvons le meme procede dans innigania ou c'est au tour d'Agamemnon d'evoquer le spectacle de la beaute an l'assimilant a un "tableau de l'essence divine" qui ne saurait Etre qu'un "present des cieux" (II. ii); un "chefhd'oeuvre des cieux" affirme Roselie dans Liflannanaa Danatanaa (V. iv). Tous ces elements auxquels il convient d'ajouter les references constantes a ces "mouvements secrets" ou encore ce "charme aux libertes fatal" (Dam Dannand da Dannana. III. 1). tendent. on le constate. a appuyer la declaration de Philenie selon laquelle les hommes ne peuvent pretendre a aucune initiative devant cet amour que "les dieux ont envoye pour le repos des hommes" (Laa Cantiia. I. i). Ainsi. progressivement. s'impose la vision d'ensemble d'un univers livre aux mains d'une divinite toute puissante qui. pour son propre compte. organise un spectacle en chargeant le dieu Amour dont nous avons mesure l'immense pouvoir de semer la perturbation parmi les hommes. C. La tentation du desespoir "Seremos. yo el Autor en un instante. t6 e1 Teatro. y el hombre e1 recitante." (Calderen. Ei Gnan Iaatna dai Mnndn.) Jouant sur la scene du monde un r61e qu'ils n'ont pas choisi. les personnages de Rotrou semblent. de prime abord. ne posseder aucun moyen de prevoir at surtout d'influer le denouement d'une piece dont ils sont. a la fois. les acteurs involontaires et les spectateurs impuissants a resister a la ferte influence qu'exerce sur aux la presence d'un spectacle qui s'offre a leurs yeux. La premiere 131 constatation qui emane de ce que nous avons dit au sujet de l'amour rotrouesque serait certainement la penurie de liberte et de responsabilite dont fent preuve les heros mis an scene par Rotrou: facilement victorieux d'une "timide" raison. l'amour nait de la volonte des dieux. La passion amoureuse est systematiquement _presentee soit comme le produit d'une infernala machination. soit encore comme l'image d'une eternalle beatitude que l'on recoit bien plus que l'on ne provoque: Philenie Et c'est en ce transport. dont mon ame est ravie. Que veritablement ja sais gouter la vie. Et que j'apprends qu'on peut posseder en ces lieux Un repos aussi pur qu'on 1e promet aux cieux. (Laa Qantifa. II. iii) Place constamment sous la regard d'un Spectateur divin. ainsi que l'illustre par exemple la remarque de Florimant s'apercevant de la presence inopportune de Pamphile. son ami at rival en amour: Florimant Quelle fatalite vous cachoit en ces lieux. Au point que je croyais n'etre vu que des cieux? l'homme-acteur se trouve non seulement reduit a la simple recitation du r61e qui lui incombe. 11 se voit d'autre part prive du recul necessaira lui permettant de dechiffrer un univers qui souvent semble se derober sous ses pas et ne lui donne ainsi d'autre alternative que de douter de tout. y compris de lui-mEme. L'univers des manaanmaa ne saurait Etre convenablement apprehende par des personnages qui. tout en multipliant les points de vue sur le monde on ils se meuvant. s'averent dans l'impossibilite flagrante d'etablir la primaute de leur perspective sur celle des autres. Le jeu de cache-cache 132 involontaire de Menechme Sosicle et de son juneau Menechme Ravi deconcerta l'ensemble des protagonistes de la piece qui en viennent a ne plus savoir qui ils sont dans un monde ou l'illusion et la realite paraissent indiscernables: Messenie Que voyez-vous. mes yeux? 5 prodige! 5 merveille! Je doute si je vis. je doute si je veille. (V. vii) En voyant surgir Menechme Ravi qu'il prend evidemment pour son maitre Menechme Sosicle qu'il sait. au méma moment. an compagnie d'Erotie qui. de son c6te. est persuadee Etre courtisee par Menechme Ravi. Messenie est logiquement amene a se poser la question des frontieres incertaines du réve et de la realite. de la contamination de la vie par le songe. Comma dans £1 Dnan Iaatna aai Mnnna du dramaturge espagnol. l'univers mis en scene par Rotrou semble. en effet. s'étre metamorphose en theatre soumis aux ordres d'un Createur du monde assumant les fonctions de directeur de troupe et se divertissant d'un spectacle dont il est seul. avec les veritablas spectateurs. a posseder le code:17 Clorimand Dieux! Quand finirez-vous ce dedales d'erreurs? Lysis. puis-je Etre ici. chez elle. et chez la reine? Helas! quel Jupiter baise mon Alquemene? (LES Occasions DEERHES. V. ix) Protagoniste d'un drama dans lequel illusion at realite se mEIent. identite at apparence se confbndent. Clorimand grossit le rang des nombreuses victimes du meme type d'illusion qui frappait les personnages des menaannaa. En etablissant un parallele entre sa situation at celle d'Amphytrion. Clorimand rapproche egalement l'univers des Qaaaaiana nannnaa de celui des Saaiaa ou la constat 133 etabli par les deux personnages de la piece pourrait constituer le leitmotiv de la grande majorite des heros de Rotrou: Sosie Ouelque savant demon. en la magie expert. Fait qu'ainsi tout se change. at se double et se perd. (II: 1V) Amphytrion Je trouve tout change. tout ici est confus; On s'y perd. on s'y double. on ne s'y connoit plus. Cet importun destin. qui brouille toutes choses. Aura male Naucrate en ces metamorphoses: Nous sommes deux doubles; celui-la s'est perdu. (IV. 1) Sosie et Amphytrion. sachant pertinement qu'ils sont bel et bien eux- mémes. il faut par consequent qu'ils soient victimes d'une imposture ou "doubles" a cause d'un charme mysterieux qui s'exerce a leurs depens. De la méme maniere. en entendant une voix lui enjoignant de poursuivre son personnage. l'acteur Genest ne sait pas s'il est directement inspire par le Ciel ou. tout simplement. victima de la plaisanterie de l'un de ses camarades: Genest Mais. 5 vaine creance et frivoleapensee. Que du ciel cette voix me doive etre adressee! Quelqu'un s'apercevant du caprice ou j'etois. S'est voulu divertir par cette feinte voix. (W M! II. 11) Ces quelques examples tendraient a confirmer la remarque de Jacques Morel selon laquelle l'univers dramatique cu evoluent les heros mis en scene par Rotrou serait bien la royaume de l'illusion. impermeable a la connaissance: Les yeux du corps ni ceux de la raison n'en peuvent saisir les significations. Tout s'y transforme. tout y semble fluent et caduc.18 134 L'histoire de l'amour apparait des lors come extrémement problematique dans la mesure ou. s'inscrivant dans un tel univers. elle en subit les contraintes et se trouva assujettie elle aussi aux engagements du hasard et de l'apparence. Subitement epris d'un Etre que l'on ne devrait pas aimer ou. plus souvent encore. victimes de . l'apparence de celui ou de celle qui cache sa veritable identite sous un deguisement de l'autre sexe. les personnages de Rotrou seraient tres certainement en droit de revendiquer pour eux-mamas la question deux fois enoncee au cours de la premiere replique du roi de Hongrie de mamas Constance: Comment pourra l'Amour finir heureusement Ce que nous commencons par un deguisemant? (I. 1) La question depasse assurement le cadre de la piece at s'avere pertinente pour completer 1e tableau que nous avons propose de l'amour rotrouesque. S'inspirant largement. de ce lieu comun de l'hunanisme qui marque la comparaison de l'homme a un acteur et du monde a un theétre. Rotrou complete le theme traditionnel du tnaatnnn nnnni en ne se bornant pas a faire de Dieu un spectateur et un juge mais. comme chez Calderen. en accordant a la divinite un r51e d'auteur et de directeur de theatre.19 Maitre decorateur. le Dieu chretien du Henitania Saint Ganaat a apporte 1a lumiere au monde. a rendu visible ce qui se passait sur la scene du monde et. en quelque sorte. a elabore puis contrele 1e decor de l'univers: Adrian C'est lui qui du neant a tire l'univers. Lui qui dessus la terre a repandu les mars. Qui de l'air etendit les humides contrees. 135 Qui sema de brillans les vofites azurees. Qui fit naitre la guerre entre les elemens. Et qui regla des cieux les divers mouvemens; <00.) 11 est maItre de tout. come 11 an et la source. (III. ii) De la mEme maniere. ce ne peut Etre que la Providence qui. une fois satisfaite. semble-t-il. de toutes les peripeties at de tous les imbroglios dans lesquels elle a plonge les victimes de la passion amoureuse. intervient. a l'image de Diane dans inniggnia (V. iii). d'Hercule descendant du ciel dans Hanania nannant (V. iv). an encore de Jupiter des Snaiaa (V. vi). pour reconcilier les amants et denouer une intrigue apparemment sans issue: Alphrede Cher Cleandre. enfin les dieux propices Du milieu de nos maux ont tire nos delices. Adressons mille voeux at dressons mille autels A ces sacres auteurs du destin des mortals. (La Efillfi Alphrede. V. xi) Dans un monde regi par les desseins. souvent impenetrables. d'un metteur en scene divin. il est inevitable que l'homme-acteur ne puisse avoir qu'une perception defectueuse des choses at. comme nous le disions plus haut. qu'il ait souvent bien des difficultes a discerner le vrai du faux. l'illusion de la realite. "J'ai pris sa mort pour vraie at ca n'etait qua feinte." s'ecrie le Pridamant de Corneille lorsqu'il apprend que ce qu'il croyait Etre les funestes aventures de son fils n'est en fait que "la triste fin d'une piece tragique." (Liiiinaian aaminna. V. v); chez Rotrou les examples abondant ou. telle Orante contrainte d'avouer sa defaite: Ce feu. que je crus de nature A ne nous bruler qu'en peinture. Et n'avoir pour flambeau qu'un pinceau seulement. Je sens qu'il ma devore. et qu'il est en mon ame 136 Une‘si vive flamme. Qu'Etna ne brule pas d'un feu si vehement (La Belle Alumina» IV: 11) devant l'amour que lui inspire Cleomene qui n'est autre qu'Alphrede deguisee an jeune cavalier; l'on assiste a la meprise de personnages trompes par l'apparence objective des choses et confirmes dans l'erreur par l'aveuglemant de la passion amoureuse.20 L'ignorance de certains details ou des changements intervenus dans le coeur de l'interlocuteur entraine. dans tous les genres dramatiques pratiques par Rotrou. des erreurs que favorise la nature de la passion amoureuse telle que l'exploite le dramaturge: Alidor. entendant Celimene soupirer pour Floridan. croit qu'elle est finalement amoureuse de lui. Deux raisons sont a l'origine de la meprise du malheureux Floridan: une passion qui se voudrait recompensee et les encouragements naguere prodigues (Delinena. III. 1); la reine de Naples des Qaaaaiana nananaa. an affirmant en presence de son soupirant Cleonte qu'elle ne paut se resoudre a epouser le roi de Sicile at prefere se montrer "indulgente a [ses] jeunes desirs" (IV. vi). persuade facilement l'amoureux econduit qu'il est enfin aime: Cleonte Le ciel est favorable a ma fidelegflamme. Enfin ma passion triomphe de son ame. C'est enfin dessus moi qu'elle a jete les yeux. (IV. vi) Les apparences sont. une fois encore. decevantes puisque c'est Clorimand et non Cleonte qui occupe les pensees de la souveraine. Dans Dianiaa. c'est au tour de Leandra. se faisant passer pour le fidele serviteur du pere de l'heroine. de se laisser abuser par une interpretation inadequate des propos d'Alexis. Ayant accepte d'aider son ami Hortense-Leandra a empécher le mariage farce de Clarice avec 137 la debile Hipprocrasse. Alexis ajoute qu'il y prendra lui-méma "un intérét extréme" (II. iv); 11 veut ainsi laisser entendre qu'il aime Clarice. ce que le spectateur n'ignore pas. mais son interlocuteur. lui- méme amoureux de la jeune fille. n'hesite pas un instant a croire que la replique d'Alexis est inspiree par la seule amitie: Hortense Obligeant ses amis on s'oblige soi-méme. Ne differons donc point. menageons bien le temps. (II. iv) Dans la méme scene. apprenant enfin qu'Alexis aime Clarice. Leandra a un malaise qu'il explique par une maladie de coeur; le mot est bien evidemment a double entente pour Leandra et le spectateur. mais Alexis le comprend au propre et. pour distraire son ami. ne trouve rien de mieux que de l'entretenir precisement de cet amour qui est a l'origine du malaise d'Hortense: Alexis Reprends. reprends courage. Hortense. et t'evertue; Et pour te divertir parlons un peu d'amour: Tu sais que mon espoir finit avec le jour. Si tu n'es favorable a l'ardeur qui me presse. (II. iv) Les malheurs de Dom Lope de Luna. dans la tragi-comedie de Dan Dannann da Dannana. resultant pour une grande part de quiproquos analogues (IV. iii). (IV. iv). (V. ii. iii et iv); dans Daliaaina (II. iii). ignorant que la froideur des propos d'Antonie n'est motivee que par la presence cachee de l'imperatrice. Belisaire imagine tout de suite que ce n'est autre qu'Antonie qui met ses jours en peril; de méme. abuse par le r61e impose par la reine de Naples a sa demoiselle de compagnie. l'amoureux de celle-oi pense qu'Isabelle s'est detachee de lui (Laa Qaaaaiana nandnaa. IV. iii). Enfin. pour mettre un terme a une 138 liste qui est loin d'Etre exhaustive. mentionnons encore la piece interiaure de Saint Ganaat 00 Natalie. voyant apparaItre "seul at sans fers" Adrian qui vient d'étre emprisonne pour avoir professe le christianisme. conclue immediatement que son mari a abjure sa religion pour sauver sa vie. alors qu'Adrian a tout simplement obtenu un instant de liberte pour dire adieu a sa femme (IV. ii at iii).21 Si. comme nous l'avons suffisamant souligne. toute apparence peut s'averer trompeuse dans un monde regi par l'Amour qui. a l'image du cercueil de L'Hxnaaannnianna. ne renferme jamais tout a fait ce qu'il parait. il est toutefbis a remarquer que Rotrou semble attacher une tres grande importance a preserver son public des nombreuses erreurs d'appreciations commises par les personnages de ses pieces. Harold Knutson. pour l'ensemble du theatre de Rotrou et. plus recemment. Georges Forestier. pour la Salinena. se sont attaches a rendre compte da l'ironie subsequente a un procede dramatique utilise par un dramaturge qui. pour reprendre les mots de Knutson. s'affirme 22 "reluctant to mystify his audience for any length of time." En instaurant. comme par exemple dans Laa flanaannaa ou Laa Saaiaa. une difference de savoir entre l'observateur at la victima: 1e public infbrme et le personnage aveugle. Rotrou confere au spectateur un don surhumain d'ubiquite qui assimile celui-c1 au Spectateur divin en lui permettant de jouir d'un point de vue sur le monde identique au sien. Soumis. de leur cate. aux desseins impenetrables d'un metteur en scene divin. les personnages de Rotrou paraissent. dans cette perspective. totalement impuissants a porter sur le monde dans lequel ils vivent un jugement satisfaisant. 139 Ainsi que le souligne a propos la personnage du decorateur que Rotrou met an scene dans Saint Qanaat (II. 1). il est tout a fait normal que les decors dessines pour la piece semblent inadequats aux yeux de Genest puisqu'ils ont ete concus pour un spectacle qui ne s'adresse pas aux acteurs. mais au contraire a un spectateur qui n'aura. quant a lui. aucune difficulte pour organiser en un tout coherent les apparences trompeuses de la toile peinte. De meme que la presence de l'empereur Diocletian pour qui la piece va Etre jouee sera en mesure de doter les decors d'une magnificence jusque 1a insoupconnee. la presence du Spectateur divin est. elle aussi. en mesure de conferer un sens a la comedia humaine. Devant l'Oeil divin qui justifie. qui communique une valeur sfire et unique parce que situe hors de la scene du monde et preserve. de ce fait. des erreurs d'appreciations inherentes a celle-oi. l'homme est desormais a meme de faire face a l'illusion qui l'entoure at 23 s'avere capable de l'assumer. Dans La Manitania Saint Qanaat. la prise de conscience de l'illusion va conduire l'acteur a s'efforcer d'echapper au r81e qui lui incombe en choisissant. tout simplement. de devenir veritablement ce qu'il etait. malgre tout. appele a jouar: Genest Ce monde perissable et sa gloire frivole Est une comedia ou j'ignorais mon r61e; <...> J'ai souhaite longtemps d'agreer a vos yeux; Aujourd'hui je veux plaira a l'empereur des Cieux; Je vous ai divertis. j'ai chante vos louanges; Il est temps maintenant de rejouir les Anges. (m W! No V11) Pourtant. mEme si Genest peut. en se depouillant du rBle d'Adrian. revendiquer l'affirmation d'un destin personnel que lui garantit 140 maintenant la presence de Dieu. l'acteur ne fera cependant autre chose que de se plier. comme nous le verrons. aux exigences d'un nouveau metteur en scene. Par contra. en s'appriopriant le rBle de demiurge et en etablissant. par la méme. un lien de complicite avec les spectateurs. le personnage-acteur de la dramaturgie rotrouesque trouvera. quant a lui. le moyen infaillible pour echapper au monde incertain at fluctuant dans lequel il evolue. Ainsi que le suggere non seulement l'ensemble du theatre de Rotrou mais aussi l'art baroque de la premiere moitie du XVIIeme siecle. il semblerait qu'accepter l'apparence trompeuse des choses soit. an definitive. une etape necessaire dans le drama de l'experience spirituelle. tout come assuner 1e paraitre l'est certainement au niveau profane. dans l'aventure de la comedia humaine. De la mEme maniere que l'apparence defectueuse des decors ne saurait condamner l'acteur a la passivite et au refus de jouar. dans le cadre des contraintes ineluctables qui president la destinea de l'homme. celui-ci possede neanmoins la possibilite de s'eriger lui-mEme en organisateur de spectacle dont 1a fonction premiere sera. a l'echelle humaine. d'imiter l'action divine an s'arrogeant le privilege d'imposer a la grande scene du monde un theatre supplementaire ou pourra finalement s'exercer la maitrise de l'individu; de recreer un univers qu'il pourra dominer at qui ne se derobera plus.2n Si. en effet. l'univers mis en scene par Rotrou correspond parfaitement a la conception que le monde est un theatre sur lequel les hommes sont acteurs at spectateurs d'une comedia a laquelle tous se laissent prendre. seuls ceux qui auront conscience de prendre part at d'assister a un spectacle illusoira seront en mesure d'assumer 141 convenablement leur r51e. Jouer. mais en sachant cette fois pertinemment que l'on joue. reviendra a transformer l'incertitude radicale d'une destinee soumise aux caprices d'un metteur en scene muet en une certitude interieure at. tout en se donnent ainsi un moyen d'echapper au desespoir. pourra en outre permettre a l'homme de se passer de la presence d'un observateur externe et divin; mieux encore. d'en occuper la place. Chapitre V Theatre du monde: un example a suivra Au-seuil de l'age classique. le signe cesse d'etre une figure du monde; at 11 cesse d'étre lie 3 ca qu'il marque par les liens solides et secrets de la ressemblance ou de l'affinite. Michel Foucault. Laa Mata at iaa anaaaa 1 <...> car 11 vous a plu. 6 grand architecte. qu'on ne vit la beaute de votre edifice qu'apres que vous y aurez mis la derniere main; et votre prophete a predit que "ce serait seulement au dernier jour qu'on entendrait le mystere de votre conseil: In novissimis diebus intelligetis consilium ejus." Bossueto Semen sur la W 2 Tout en presentant de cet etat de fait une peinture fidele. Rotrou parait s'accommoder fart bien de la situation at. a travers l'ensemble de ses textes dramatiques. se dessine l'immense tentation capable de seduire un homme ayant l'assurance de se savoir place an permanence sous la regard d'une divinite dont 1e recent eloignement se fait moins sentir an tant que manque que comme invitation a assumer une place laissee vacante. Justifie par la presence cachee d'une providence divine que l'on mettra a contribution salon ses besoins. 142 143 mais a qui l'on refusera. comme nous le verrons. toute ingerence par trop precise dans les affaires humaines. l'homme sera des lors en mesure de se consacrer exclusivement a sa propre personne; ou. plus exactement. consacrer sa propre personne: jouar a etre Dieu. I. Les artisans de l'illusion Les critiques qui ont examine La Manitania Saint Ganaat ont ete suffisamment sensibles a la structure de la piece pour qu'il nous soit permis de rappeler simplement le bilan general qui se degage de ces etudes. Inspiree a l'evidence par les travaux de J.D. Hubert.3 1a critique se montre unanime a reconnaitre que la duplication constitue. tant au niveau du spectacle qu'a celui des situations. des personnages at des r61es. le processus fondamental de l'ossature structurale de Saint Cianaat.‘l En ce qui concerne les situations. la piece interieure du "Martyre d'Adrian" genera l'apres-piece qui la redouble; au niveau des personnages. Diocletian. l'unite du pouvoir. se donne un second: Maximin; Genest represente Adrian qui. a son tour. genera le "veritable" Genest. En ce qui concerne les r51es. celui du Maximin de la piece interieure se voit repris par Maximin et Diocletian dans l'apres-piece; enfin. le r81e de protecteur de l'empereur dans la piece cadre se reflete dans la rBle joue par Dieu vis-e-vis d'Adrian et de Genest dans le reste de la piece. Nous pourrions egalement souligner la duplication au nivaau psychologique: Genest. comedian et personnage. acteur et martyr; au nivaau stylistique. on non seulement les mEmes termes pris au sens propre sont repetes comme elements metaphoriques ou vice versa. mais encore ou des vars 1111: de structure identique se reproduisent tout au long du texte. Ainsi que la resument globalement les propos de Jacques Morel: La tragedie de Saint Sanaat est constituee par deux metamorphoses. celle de Maximin et celle de Genest. au cours desquelles chacun des personnages passe de la figure a la realite figuree. l'une de ces metamorphoses. celle du berger devenu ampereur. etant pas surcroit image de la seconde. Le mariage de Valerie et de Maximin. c'est un "songe" dont la volonte de Diocletian a su "enfin faire une verite" (I. i); la martyre de Genest. c'est une "feinte" dont le heros a voulu "en mourant faire une verite" (V. vi): les deux expressions encadrent et resument la tragedie.5 Pour pertinentes que soient ces remarques. il n'en demaura pas moins que les conclusions. par ailleurs tres convaincantas. de Morel et d'Hubert qui presentent le premier acte du Manitania Saint Qanaat. dans lequel Maximin representerait le Christ et Diocletian Dieu. comme un systeme d'analogies avec le martyre de l'acteur Genest. posent quelques problemes. En effet. comme la remarque trop brievement J.S. Street dans une note de son ouvrage: Enanan Saanad Dnama tnam Data ta Qannaiiia. rien ne permet au public da la piece de Rotrou de se livrer a ces recoupements analogiques puisque. jusqu'a la fin du premier acte. le spectateur ne saurait encore deviner qu'il va assister au 6 nartyre de l'acteur Genest. D'autre part. an insistent sur le fait que Maximin represente le Christ at que Diocletian epouse la figure de Dieu. l'on a ensuite quelques difficultes a poursuivre l'analogie at a expliquer pourquoi. dans ces conditions. ces deux personnages en arrivent a la persecution de Genest. Sans nier l'interEt des observations et des analyses de tous les critiques qui. tels Hubert ou Morel. nous ont precede et guide dans l'examen de la tragedie de Saint fianaat. nous nous proposions. au debut de notre etude. d'interpreter la piece a la lumiere de 1115 l'ensemble des textes dramatiques de Rotrou ou. nous en avions l'intuition. elle devait s'inscrire. En precisant maintenant la concomitance relevee entre l'evocation du sentiment amoureux et la passion pour l'illusion theatrale. nous sarons amene a mieux comprendre en quoi l'election d'un theme qui. deje. nous a permis de penetrer au coeur de l'univers dramatique de Rotrou s'avere egalement pertinente pour aborder La Ianitania Saint Qanaat. A. Un theatre dans le theatre du monde ' Si. comme nous l'affirmions en conclusion a notre precedent chapitre. l'univers mis en scene par Rotrou correspond bien a la conception contemporaine qui assimile le monde a un theatre sur lequel les hommes sont spectateurs et acteurs d'une comedia a laquelle tous se laissent prendre. il convient maintenant de signaler la nouvelle dimension que notre dramaturge parait conferer au theme traditionnel du tnaatnnm nnndi. Selon qu'il est envisage d'un point de vua religieux ou sceptique. l'on s'accorde en general a reconnaitre avec Yves Bonnefoy que le tnaatnnn nnndi revele deux types d'attituda: <...> on peut avoir tendance a se leurrer toujours plus. dans l'etourdissement d'une fete. dont le lendemain sera. soit la contrition ascetique. soit ce redoublement de la mise. cet heroisme du pur paraitra qui est le "courage" de Don Juan. Et ainsi nous retrouvons face a face l'ascete et le libertin.7 La premiere de ces deux attitudes considere que le monde est un theatre sous la regard d'un Dieu qui. tel "el Autor" de Calderen. joue le triple r81e d'auteur. de metteur en scene at de spectateur. et qui. par sa seule presence hors du monde assure une homogeneite a l'ensemble; 1a seconde. celle qui prevaudra surtout a la fin du 146 siecle. considere toujours que le monde est un theatre mais sur lequel s'agitent des hommes qui ne sont. cette fois. que les acteurs d‘un jeu absurde et gratuit. Comma le souligne l'Iphigenie de Rotrou d'une maniere qui n'est pas sans rappeler l'une des affirmations de l'art baroque. cette comedia absurde et gratuite ne saurait Etre denouee que par la mort des protagonistes:8 La mort est un ecueil fatal 5 tous les hommes; Nous y sommes sujets des l'instant que nous sommes. Oui. seigneur. la premiere at derniere des lois. Est la necessite de mourir une fois. (Innigania. IV. iii) Tout en coexistant inevitablement dans un theatre dont les personnages sont sans arrét amenes a faire l'experience de l'illusion et de la desillusion. ces deux facons de reagir a une realite mouvante et qui. sans cesse. parait se derober. laissent toutefois 1e champ libre a une troisieme attitude qui realise. en quelque sorte. une fusion entre les deux tendancas antinomiques que nous venons d'evoquer. B. Amour et mise en scene Si. dans un premier temps. nous avions pose le verdict de la Philenie des Dantiia (I. i) an tant que denominateur commun permettant de saisir 1e tableau d'ensemble que brosse Rotrou de la nature et des manifestations de la passion amoureuse que "les dieux ont envoyele] pour le repos des hommes." nous devons maintenant nous montrer plus nuances. A y regarder de plus pres. il apparait que le dramaturge. au contraire de laisser ses heros se resigner au neant ou s'abImer dans le desespoir que risquait d'engendrer la prise de conscience que tout 1117 n'est que leurre et fausse apparence. leur ait donne la possibilite de maitriser. en fin de compte. un amour et une existence qui. de prime abord. ne semblaient resulter que d'un jeu de forces aveugles et incomprehensibles. Plut6t que de sombrer dans un desespoir inherent a l'impuissance d'agir sur un phenomena qui le depasse. 1e heros rotrouesque va. en effet. tirar une lecon de l'univers qui l'entoure et parviendra ainsi a contrer la Providence en utilisant les mémes armes que celle-c1 utilise pour se jouar de lui. Victime. par exemple. du hasard qui autorisa que son futur epoux tombe eperdument amoureux de Roselie travestie en villageoise. la reine de Dalmatia de Liflannanaa Danatanaa. inspiree en cela par les prestiges de l'illusion dramatique que nous avons deja pu observer a l'oeuvre at dont nous avons note les resultats dans La Delimena at Agaaiian na Daianaa. n'aura d'autre alternative que de recourir au deguisement et a l'artifice pour recuperer son trop volage amant. Le deguisement endosse ici par l'heroine de Liflannanaa Danatanaa permet a celle-c1 de venir grossir les rangs de tous ces personnages qui. pour tromper leurs adversaires ou. le plus souvent. pour s'attirer les bonnes graces de la personne aimee choisiront d'assumer une identite d'emprunt. Sans dresser une liste exhaustive at. sans doute. fastidieuse des nombreux deguisements qu'offre la dramaturgie rotrouesque. nous aimerions cependant remarquer qu'a l'exception du premier echange d'identite mis en scene par Rotrou dans Liflynaaandnianna (IV. iv) et celui d'Agesilan-Daraide a partir de la scene iii du deuxieme acte d'Agaaiian na Daianaa. il semblerait que le dramaturge ne tienne pas a ce que ses personnages masculins revetent un accoutrement de l'autre sexe. Les heroines de comedies et de tragi-comedies ne se priveront 148 pas. quant a elles. de dissimuler leurs charmes sous des travestis masculins leur permettant de voyager impunement. de s'attirer parfois des aventures galantes inattendues. mais. surtout. de conquerir un futur amant ou de recuperer un infidele. A l'image du Lucidor- Leandre de La Delanina anannanaa et du Leandra-Hortense de Dianiaa. les personnages masculins devront pour leur part se satisfaire en general d'une simple identite d'emprunt incapable de deguiser leur sexe. Le stratageme s'avere neanmoins probant et ces personnages. tout comme leurs homologues feminins. parviendront finalement aux resultats escomptes: Lucidor convolera an justes noces avec Celia; Leandra pourra laisser tomber le masque et obtenir le consentement du pere de Clarice ainsi que les eloges de son rival: Alexis Je demaura interdit en cet etonnement. Hortense aime Clarice at me sert aupres d'elle! iéééi. apres cet exemple incroyable aux neveux. Tréve 5 nos differens aussi-bien qu'a nos voeux; Achevez cet accord. pressez ce mariage. (Qianiaa. V. iii) L'on constate. par consequent. que dans le cadre des contraintes ineluctables qui president la destinee de l'homme et que le dramaturge rend sensibles au spectateur en lui peignant une passion amoureuse dont la toute puissance parait. a premiere vua. totalement incontralable. Rotrou accorde toutefois a l'home la capacite d'organiser a son avantage les elements jusqu'alors mal interpretes du theatre du monde.9 Partageant sa distribution entre personnages- acteurs jouant abondamment du deguisement at de la feinte et personnages-spectateurs autant fascines par le spectacle qui s'impose 149 a leur regard qu'emerveilles par l'illlusion dont ils decouvrent avoir ete les premieres victimes: Isabelle Quel heur inespere! Quelles metamorphoses! Que cette obscure nuit fait voir de belles choses! Pardonnez. Clorimand. a mon esprit decu: Ce que je vous donnois. Adraste l'a recu; (Les Occasions amines. 1!. ix) il semblerait. en effet. que Rotrou ait voulu donner a ces premiers la possibilite de creer sur le theatre du monde un theatre second 0D pourrait finalement s'exercer 1a parfaite maitrise d'un individu ayant endosse. pour les besoins de la cause. 1e r81e de metteur en scene. En plus de la feinte et du deguisemant que mettent a contribution tous les personnages-acteurs du theatre rotrouesque pour s'assurer 1e contrBle de la scene. la dramaturge fait beneficier ce type de personnages du regard complice d'un spectateur a qui l'on vient sans cesse rappeler qu'il est en train d'assister a un spectacle dans le spectacle. Comma dans la scene de Liflxnaaannnianna evoquee dans le chapitre precedent ou. encore. dans l'admirable mise en scene orchestree par Julie au cours du dernier acte de La Deiiana. il n'est pas rare de voir un acteur quitter son r51e un bref moment afin de contraindre le spectateur a ne pas perdre de vua le caractere illusoira de ce qu'il contemple. Rendu conscient de la nature theatrale de la scene: Melite Bons Dieux! come elle ment d'une facon hardie! On diroit que ces jeux sont une comedia. (La BERN: d: licuhli. III. v) le spectateur est ainsi amene a se dissocier totalement des autres personnages et a entretenir un lien de complicite avec le personnage- 150 acteur jusqu'a ce que celui-oi soit demasque ou. mieux encore. 10 manipule a son tour par un second meneur de jeu. A la difference de ces personnages-spectateurs charmes at resignes qui. a la suite du Celiante de La Balanina amannanaa. acceptent come inevitables les mouvement: desordonnes de l'amour: J'aime sans desespoir at sans melancolie; Le ciel ordonnera des faveurs de Celia; Il doit seul disposer du destin des humains; Tout hymen qui prospere est un noeud de ses mains. Il veille dessus nous; et l'extréme prudence Git a n'attendre rien que de sa providence; (I. i) ces "artisans de l'illusion". pour reprendre ici une expression de 11 Jacques Morel. feront montre d'une plus grande lucidite et ne sauraient se resoudra a attendre que les dieux decident de leur destinee amoureuse. Ainsi que l'affirme le rival de Celiante. les dieux sont trop occupes a des taches plus nobles pour s'interesser encore a ce qu'ils ont envoye a "l'appetit des hommes": Lucidor Quel abus. Celiante. egale ta folie. Et quel soin ont les dieux de toi ni de Celia? <...> Tout ce qu'ils ont cree sur la terre ou nous sommes. Tout ce qu'ils ont soumis a l'appetit des hommes. N'est plus considere de leurs divinites; C'est a nous de pourvoir 5 nos necessites: <...> Entretenir la guerre entre les elemens. Et disposer des prix comme des chatimens. C'est la noble exercice ou leur pouvoir s'applique; Et non pas de regir les voeux d'un frenetique. D'offrir a Celiante ou Celia ou Cloris. Qui veulent de leur main se choisir un mari. (I. 1) La suite de la piece confirmera la justesse de l'observation puisque. sans attendre aucune intervention de la Providence. 1e deguisement et la feinte vont permettre. une fois encore. a trois personnages-acteurs 151 de mener a bien leur projet amoureux. Sous un deguisement de peintre Lucidor-Leandra sera a méme de courtiser Celia; se faisant passer pour une pelerine Angelique retrouvera son amant disparu; at. surtout. 1a folie feinte de Celia debarrassera celle-c1 des pretendants que voulait lui imposer son pere: La nourrice Dieux! que vous feignez bien! J'admire votre esprit. D'observer de tout point ce qui vous est prescrit. Celui de qui feignant vous suivez la priere Rencontre en sa maitresse une docte ecoliere: Vos gestes m'etonnoient. et vous ne pouvez mieux Passer pour insensee en l'estime des yeux. Voyant votre action 31 facile at $1 nue. J'ai doute que. feignant. vous l'etiez devenue. (19 1V) Confrontes a une passion amoureuse capable de renverser toutes les certitudes et les conventions de la scene du monde. les personnages-acteurs de la dramaturgie rotrouesque sont tres loin. toutefois. de faire preuve de fatalisme et paraissent en Etre arrives a la conclusion que. puisque l'amour est vain ou irreel. il n'y a que la feinte qui puisse s'averer reelle: Julie. a Pamphile at a Florimant. Voyez si mon esprit merite des louanges. Etant le seul auteur da ces effets etranges. <...> j'ai concu cette feinte Pour bannir d'entre nous la tristesse et la plainte. <...> Leurs crimes supposes. et leurs feintes caresses. Donnent a trois amans leurs premieres maitresses. (La Deliana. V. viii) Qu'il reussisse ou non dans son projet d'imposer sa volonte a cette seconde scene du monde qu'il va s'efforcer d'eriger sur la premiere. 1e heros rotrouesque va accepter l'illusion comme telle et en faire la donnee fendamentale avec quoi il s'agira non de se 152 resigner au neant et au desespoir mais. au contraire. ainsi que la suggere Julie avec tous les personnages-acteurs qui peuplent la theatre da Rotrou. de produire de l'étre; de s'assimiler a un Dieu qui. lui aussi. a ete en mesure de creer de l'étre a partir du neant. Pour que cette assimilation puisse se realiser pleinement il importe cependant de croire en la validite du modele que l'on se propose d'imiter. mais. egalement. il convient que la presence de ce modele demeure suffisamment eloignee pour qu'il ne lui soit pas possible d'interferer dans un spectacle qui. ainsi que le souligne le Lucidor de La Eeianina amannanaa. ne 1e concerne plus: 113 donnent aux mortals. aveque la clarte. Un pouvoir absolu dessus leur volonte: Tout ce qu'ils ont cree sur la terre ou nous sommes. Tout ce qu'ils ont soumis a l'appetit des hommes. N'est plus considere de leurs divinites. (I. i) Nous avons precedemment souligne que le dramaturge conviait son spectateur-lecteur a enragistrer la teneur de la passion amoureuse en utilisant le procede dramatique de la parole en differe ainsi qu'en 12 presentant une analogie avec le merveilleux magique. A la lumiere da ce qui precede. nous aimerions maintenant completer nos remarques at ajouter aux elements magiques deja releves tous les moyens de persuasion que la personnage-acteur deploie dans le but de s'attacher la personne desiree. Suggere. au depart. par le recours au merveilleux magique. l'amour rotrouesque en arrive finalement a acquerir toutes les caracteristiques de la magie et le personnage-acteur les qualites d'un 13 veritable magician. Par tous ses gestes. paroles. services at 153 metamorphoses. le personnage-acteur n'a d'autre but que celui da creer un reseau magique autour de la personne que l'on se propose de charmer: Florante Madame. agreerez-vous ces divertissemens? Que Filandre m'envoie un de ses vétemens; Vous rirez de la feinte. et je suis assez vaine Pour esperer l'honneur de toucher Celimene. Sous le titre d'amant et d'un de vos neveux. Croyez qu'en peu de jours j'obtiendrai de ses voeux. <...> Il m'est aise de feindre et de tromper sa vue. (La amans 1: v) A proprement parler. la personnage-acteur et le magician font tous deux la méme chose: ils lancent leurs charmes. leurs filets. pour s'emparer de certains objets. pour les attirer et les ramener ainsi vars eux- mémes. De la meme maniere que le magician est tenu d'accumuler la connaissance parfaite des filets et des appats qu'il lui faut tendre pour atteindre l'effet desire.1u le personnage-acteur doit. quant a lui. faire preuve de tous 1e rudiments necessaires a une bonne mise en scene: La reine Feins de brfiler pour lui d'une ardeur sans seconde; C'est l'unique remede 00 mon espoir se fonde. Ecris. pleura. languis. fais parler tes attraits; Fais tirer a l'Amour les plus doux de ses traits; Tu peux. 51 ton esprit tous ces moyens essaie. Par une fausse ardeur en creer une vraie. (Les occasions amines. II. 11) L'exces de bonne volonte manifeste par Isabelle a l'egard de ce que lui commande la reine oblige celle-c1 a preciser les regles d'un jeu qu'il s'agit de respecter: J'entends que tu feindras de te sentir atteinte. Mais non pas de passer les bornes de la feinte. (II. ii) 11 convient. en effet. que le personnage-acteur ne se laisse pas prendre 154 au piege de l'illusion at qu'il soit an mesure de regler at de contreler ses emotions pour que. croyant Etre leur maitre. il ne subisse. au contraire leur maitrise: Isabelle Cat etranger a mis tant d'appas en sa plainte. Que l'effet pourroit bien succeder a la feinte. (IV. v) A la difference d'Isabelle des Qaaaaiana nannnaa qui ne parviendra pas a dominer le jeu dont elle etait pourtant l'instigatrice. nous avons deja mentionne que les talents d'actrice dont fera preuve Florante dans La Delimena lui permettront non seulement de seduire Celimene et Felicia mais. egalement. lui rendront son infidele amant. L'art deploye par l'actrice dans une mise en scene impeccable merite assurement l'eloge de tous: Florante Eh bien! esperiez-vous un changement pareil? Et quand vous songerez a ces effets etranges. Me refuserez-vous d'eternelles louanges? (V. xi) Si les talents appropries d'acteur permettent a un personnage de disposer a volonte d'une passion amoureuse dont le dramaturge prend soin de signifier constamment la toute puissance. il est certainement logique de supposer que ces mEmes talents permettraient a quiconque les possede de realiser le r5ve de Maitre universal. Dans un theétra du monde 00 la divinite ne s'interesse qu'episodiquement 3 ca qu'elle a "soumis a l'appetit des hommes." le metteur en scene at l'acteur ont ainsi la possibilite de disposer a volonte non seulement de la passion amoureuse mais. egalement. de la nature at de la société humaine. 155 B. Que la fEte commence En depit de ces quelques apparitions divines que nous avons deje rencontrees sur la scene d'innigania an Aniida (V. iii). d'flanania nannant (V. iv). des Saaiaa (V. vi); et de ces nombreuses references aux divinites qui emaillent sans cesse les propos de l'ensemble des personnages du theatre de Rotrou. il ne fait cependant aucun doute que. conformement a l'esprit du siecle que tentera vainement de modifier Bossuet. la voix de Dieu ne parle plus d'une maniere imediate a l'home. Si. come s'efforcera de le faire entendre l'évéque de Meaux dans plusieurs passages de ses sermons et oraisons funebres. le desordre du monde n'est qu'apparent at aisement "demeslable" dans l'ordre superieur de Dieu: Ne parlons plus de hasard ni de fortune. ou parlons-en seulement comme d'un nom dont nous couvrons notre ignorance. Ce qui est hasard a l'egard de nos conseils incertains est un dessein concerte dans un conseil plus haut. c'est-a-dire dans ce conseil eternal quihrenferma toutes les causes at tous les effets dans un meme ordre. De cette sorte tout concourt a la meme fin; et c'est faute d'entendre 1e tout. que nous trouvons du hasard ou de l'irregularite dans les rencontres particulieres;15 il n'en demaura pas moins que le dialogue entre la divinite et l'homme est. temporairement en tout cas. suspendu. Comma la suggerait parfaitement la tirade deja evoquee du Lucidor de La Balanina amannanaa. si la divorce n'a pas encore ete irremediablemant prononce. la relation entre l'homme et Dieu a déa atteint le stade de la separation des corps. Qu'un ange se presente dans la coulisse. qu'il transmette a Genest repetant son r61e un message divin dont le texte se voit denue de toute trace d'ambiguite: 156 Poursuis. Genest. ton personnage; Tu n'imiteras point an vain Ton salut ne dependaque d'un peu de courage. Et Dieu t'y pretera la main; at l'acteur. un instant deconcerte. ne peut qu'en toute logique interpreter 1e phenomena en concluant a la plaisanterie d'un camarade: Mais. 8 vaine creance at frivole‘pensee. Que du ciel cette voix me doive etre adressee! Quelqu'un s'apercevant du caprice ofi j'etois. S'est voulu divertir par cette feinte voix. (Saint Qanaat. II. ii) L'esperance chretienne de se voir gratifier. pour reprendre encore les mots de Bossuet. de ce "secret regard d'une Providence misericordieuse."16 n'est certes pas detruita. ainsi que pourrait 1e laisser supposer l'etuda existentialiste realisee par Jacqueline Van Baelen.17 mais un dieu malgre tout est mort. le Christ pythagoricien de l'univers medieval. L'antique sens. celui que l'homme du moyen age savait reconnaitre dans toutes choses. perd. chez Rotrou et bon nombre de ses contemporains. de son univocite et. comme nous l'avons maintes fois constate. se fragmente a un tel point qu'il ne se trouve en fait aucun personnage rotrouesque qui. tout au long des cinq actes de la piece on 11 evolue. puisse se targuer d'étre en mesure de posseder un point de vua adequat sur le monde qui l'entoure. Bien moins tourmentes cependant que ne le sera Pascal. les heros de Rotrou seraient tout de méme an droit de porter sur le monde un jugement similaire a celui enonce par l'auteur des Banaeaa: Je regarde de toutes parts. et je ne vois partout qu'obscurite. La nature ne m'offre rien qui ne soit matiere de doute et d'inquietude. Si je n'y voyais rien qui marquat une Divinite. je me determinerais a la negative; 51 je voyais partout les marques d'un Createur. je reposerais en paix dans la foi. Mais. voyant trop pour nier et trop peu pour m'assurer. je suis 157 dans un etat a plaindre. et 0D j'ai souhaite cent fois que. si un Dieu la soutient. elle la marquat sans equivoque; at que. si les marques qu'elle en donne sont trompeuses. elle les supprimat tout a fait; qu'elle dit tout ou rien. afin que je visse quel parti je dois suivre.18' 0n peut réver encore d'une harmonie. d'un ordra. de la presence d'une forme divine dans la sensible. mais tous ces elements ne sont plus perceptibles dans l'experience concrete qui tendrait. au contraire. a signifier impitoyablement aux heros de l'ensemble du theatre de Rotrou la liquidation de l'idee méme d'un ordre aussi bien dans l'homme que dans l'univers dans lequel il vit. Dans La Manitania Saint Ganaat. nous comprenons mieux. de ce fait. les reactions emerveillees de valerie. de Camille et de Maximin devant l'art des acteurs en mesure d'assurer un ordre a la representation en faisant surgir un "31 plaisant spectacle" du desordre de la troupe observee dans les coulisses: Valerie Quel trouble! quel desordre! et comment sans miracle Nous peuvent-ils produire aucun plaisant spectacle? Camille Certas. a voir entre eux cette confusion. L'ordre de leur recit semble une illusion. Maximin L'art en est merveilleux. il faut que je l'avoue. (Saint Ganaat. III. 1) A l'image de ces "curieux" dont nous parle Bossuet dans son Sannan ann ia Enayinanaa qui. apres n'avoir percu que "traits infbrmes et un melange confus de couleurs" devant l'un de ces tableaux jouant des effets de la perspective. se doivent d'admettre. qu'envisagee sous un certain angle. toute la confusion se demEIa et qu'apparait: "un 158 visage avec ses lineaments at ses proportions. 0D 11 n'y avait auparavant aucune apparence de forma humaine;"19 les spectateurs royaux de la piece representee par Genest at sa troupe se hissent ainsi au rang de ces quelques privilegies seuls en mesure de beneficier de ce "point par 0D il faut regarder les choses." a partir duquel toutes les inegalites se resorbent au profit de l'ordre.2o Discourant sur la difference entre le desordre des coulisses et l'ordre instaure sur la scene. 1a princesse valerie ne craint pas de parler d'un "miracle" at Maximin de son c5te avoue que "l'art en est merveilleux." Empruntant une phraseologie du lexique religieux. les deux personnages evoques se situent d'emblee a un nivaau qui les distingue tout a fait de cette "feule importune" qui n'assiste au spectacle que pour suivra l'empereur Diocletian et qui. de toute evidence. ne s'interesse nullement a la piece jouee par Genest. empéchant méme la representation de se poursuivre: Genest. a Diocletian Seigneur. le bruit confus d'une feule importune. De gens qu'a votre suite attache la fortune. Par le trouble on nous mat cette incommodite. Altere les plaisirs de votre majeste: - Et nos acteurs. confus de ce desordre extreme <...>. (III. vi) Ce qui attire ces courtisans n'est. comme le pretend Diocletian. que "la jeune et courtoise beaute" des actrices de la troupe de Genest (III. viii). Pour Valerie. spectatrice serieuse at attentive. ces jeunes courtisans ne sont rien moins que des "irreverents" (IV. 1) incapables de gouter les delices du spectacle et osant introduire le desordre la 00 l'art du comedian faisait regner l'ordre. Ainsi. a l'indifference ou a l'irreverence d'une certaine categorie de spectateurs s'oppose l'attitude respectueuse empreinte d'un langage 159 religieux de ceux qui. tout en se donnant les moyens de jouir d'un point de vue privilegie sur le spectacle en train de se derouler. ne sauraient admettre la profanation d'un ordre dont ils sont. en fin de compte. les seuls architectes.21 Incapables de discerner les beautes de l'art des comedians et se suffisant de la chasse aux actrices dans les coulisses du theatre. ces jeunes seigneurs de la cour. pour qui ni la piece ni encore moins les acteurs ne sont dignes d'interEt ou de respect. prefigurent d'une certaine maniere ces adversaires privilegies de Bossuet. ces "libertins inconsideres" pour qui les "affaires humaines vont au hasard et a l'aventure":22 Que je meprise ces philosophes. qui. mesurant les conseils de Dieu a leurs pensees. ne le font auteur que d'un certain ordre general d'ou le reste se developpe come 11 peut123 Poursuivant notre analogie. faudrait-11 conclure que la categorie des spectateurs royaux capables de s'extasier devant un ordre que ne laisserait pas soupconner l'univers des coulisses. et possedant. en outre. ce point de vua ideal sur les decors d'une piece dont l'acteur principal lui-méme se trouve dans l'incapacite physique autant qu'intellectuelle d'apprecier les beautes (II. 1). doivent figurer ces quelques privilegies an mesure de discerner. dans l'apparente confusion du monde. un ordre superieur impose par les desseins secrets de la divine Providence? Certainement pas. Il est clair que ce n'est point la manna divine que l'on respecte et admire tout au long du Ignitania Saint Qanaat mais. bien au contraire. l'ordre souverain d'un Diocletian qui. non seulement est le principal instigateur du spectacle donne par Genest et sa troupe: 160 Genest. ton soin m'oblige. et la ceremonie Du beau jour cu ma fille 5 ca prince est unie. <...> Sans un trait de ton art aurait quelque defaut; (I: V) mais. egalement. s'avere le garant du bon deroulement de la representation. Aussi bien de la representation du "Martyre d'Adrian" dans le domaine de la fiction que. peut-étre. celle de la piece de ‘ Rotrou dans celui de la realite. C'est a Diocletian que s'adresse Genest lors des incidents provoques par le chahut des courtisans manacant l'ordre de la representation qui. nous pouvons le conjecturer. reflete la probable perturbation occasionnee par les veritables spectateurs de la piece juches a méme la scene du 24 ' theatre: Diocletian. se levant. avec toute la Cour. 11 y faut donner ordre. at l'y porter nous.mEme. De vos dames la jeune et courtoise beaute Vous attire toujours cette importunite. (III. viii) Au debut de l'acte suivant. nous apprenons qu'au nom de l'ordre. Diocletian a retabli 1e silence; que la representation peut ainsi se poursuivre: Valerie. a Diocletian Votre ordre a mis le calme. et dedans le silence De ces irreverents contiendra l'insolence. (IV. 1) De facon plus significative encore. lors de l'episode de la visite des coulisses que nous evoquions plus haut. l'empereur Diocletian. bien que present sur la scene. demaura silencieux at. a la difference de Camille. de Valerie et de Maximin. ne manifeste aucun signe de surprise ni d'emerveillement. Comment. en effet. ce monarque 161 25 dont la puissance a ete affirmee des le debut de la piece. pourrait-11 s'etonner d'un ordre qui. 11 en a pertinemment conscience. ne depend que de son bon vouloir? II. La maitrise de la scene A l'encontre de la perspective existentialiste adoptee par Jacqueline Van Baelen. nous affirmions plus haut qu'en depit d'une experience concrete en passe de signifier a l'homme la vacuite de toute chose. celui-c1 refuse malgre tout de se dessaisir du r5ve at de porter sur le monde un regard sans complaisance. Confrontes a des situations qui les depassent. les personnages de Rotrou esquivent l'angoisse existentielle en se refugiant derriere une explication rationnelle que leur fournit la finalite. d'ailleurs souvent obscure comme en temoigne le r5ve premonitoire de Valerie (Saint Qanaat. I. i) on encore l'oracle dementi de Calchas (Inhizénia. I. v). de la Providence. L'on s'accorde a reconnaitre qu'ici-bas. tout est livre aux caprices du hasard ou. du moins. qu'entre les causes et les effets. il existe un telle disproportion que toutes les explications que l'on pourrait avancer paraissent totalement derisoires. Cette maniere de voir les choses trouve une parfaite illustration dans la celebre boutade de Pascal a propos du nez de Cleopetre qui. "s'il efit ete plus court. toute la face de la terre aurait ete changee."26 Tout le monde sait. bien entendu. que la longueur de ce royal appendice a determine le sort de l'empire romain. Méme pour ceux qui refusent d'admettre. comme la janseniste Pascal. le fervent catholique Bossuet 162 ou. encore. le fataliste Celiante de La Balanina anannanaa. que la volonte divine n'intervienne pas dans les affaires du monde: Celiante Crains les dieux. Lucidor. at crois l‘experience Si claire et 31 contraire a ta vaine science. (I. i) les desseins de la Providence demeurant neanmoins si secrets que. la plupart du temps. rien ne permet de les comprendre et de les reconnaitre. Ainsi que le note le Cardinal de Ratz dans ses Mémninaa: "La providence de Dieu. par des ressorts inconnue a ceux-mEmes qu'elle 27 . fait agir. dispose les moyens pour leur fin." Cette difficulte a saisir. sans ambiguite aucune. la voix divine est perceptible a l'interieur méme des propos de la princesse Valerie de Saint Qanaat: Valerie Le Ciel. comme il lui plait. nous parle sans obstacle; S'il veut. la voix d'un songe est celle d'un oracle. Et les songes. surtout tant de fois repetes. Ou toujours. ou souvent. disent des verites. (I. 1) Le message en principe adresse a Camille: "les songes ... toujours disent ... des verites" se trouve curieusement infirme tout au long de son enonciation par "come 11 lui plait". "s'il veut". "ou toujours. ou souvent". Si pour Camille le songe est sans aucun doute mensonge: Quoi! vous ne sauriez vaincre une frayeur si vaine? Un songe. une vapeur vous causent de la peine! (I. i) pour Valerie. 1e songe est signe. vehicule d'une realite a venir. Ou. plus exactement. le songe possede 1a potentialite de s'eriger en signe. sa qualite de signe demeurant contingente at attribuee seulement par le bon plaisir des dieux. Position intermediaire entre 163 l'attitude d'incredulite affichee par Camille et l'optimisme demesure dont fera preuve plus tard Bossuet en relatant la vie d'Anne de Gonzague de Cleves: Ce fut un songe admirable. de ceux que Dieu méme fait venir du ciel par le ministere des anges; dont les images sont si nettes et 31 demelees. ou l'on voit je ne sais quoi de celeste. <...> Dieu la change par une lumiere soudaine. at par un songe qui tient de l'extase; 28 la reaction ambigue de Valerie a l'egard d'un r5ve qui lui annoncait sa future mesalliance avec un berger traduit tres precisement les rapports qu'entretiennent en general les heros de Rotrou avec la Providence. De la méma facon que nous avons pu observer comment les pretentions de tous ceux qui s'estimaient au-dessus des lois de l'amour etaient mal fendees. l'incredulite de Camille se voit presque imediatement condamnee puisque. an effet. 1e songe de Valerie s'avere en partie verifie dans la mesure ou la princesse epousera bel at bien un berger. S'imaginer. d'autre part. que la voix du Ciel "nous parle sans obstacle" serait egalement une erreur car. 31 Valerie epouse un berger. ce berger n'est autre que Maximin. co-empereur de Rome. Ce sera finalement a Camille que Rotrou donnera la parole pour porter sur la situation un jugement qui. pour l'instant au moins. semble approprie pour schematiser les rapports entre l'homme et Dieu: Ainsi souvent le Ciel conduit tout a tel point Que ce qu'on craint arrive. at qu'il n'afflige point. Et que ce qu'on redoute est enfin ce qu'on aime. (Io 1V) A la difference du moyen age. Dieu n'est plus percu comme etant place au centre de l'univers. en contact plus ou moins immediat avec l'homme. mais bien davantage. ainsi que le suggere l'"auto sacramental" 164 allegorique de Calderen. comme un Etre distant. retire dans un espace surplombant d'ou son oeil observe et organise le monde a la maniere d'un metteur en scene dirigeant un spectacle theétral qu'il aurait lui-méme concu pour son propre et exclusif divertissement. "Con manto de estrellas y potencias en el sombrero." Dieu ne s'adresse plus a l'homme dans son individualite. mais seulement au Monde dans sa 29 generalite pour l'encourager a lui donner la comedia: Autor Una comedia sea la que hoy el cielo en tu Teatro vea; si soy Autor. y si la fiesta es mia. por fuerza la ha de hacer mi Compafiia. y puas que yo escogi de los primeros. los Hombres. y ellos son mis compafieros. ellos en el Teatro del Mundo. que contiene partes cuatro. con estilo oportuno han de representar; <...> <...> Seremos. yo el Autor en un instante tfi el Teatro. y el hombre el recitante. (Calderbn. El Gran Teatro del Manda) Cette distance entre l'homme at Dieu. somme toute deje assez considerable chez Calderen. ira se creusant encore lorsque se repandra l'idee que la matiere est universelle; que les astres les plus lointains at consideres jusque-la comme "divins" s'avereront en tout point comparables a la terre. Comma l'ecrit Yves Bonnefby: <...> si les spheres celestes sont corruptibles comme la nature terrestre. voici ferme a jamais le plus superbe chemin par lequel l'exercice des sens ait jamais approche des dieux et le divin doit etre charche desormais comme transcendance pure. dans une experience interieure.30 Ainsi que nous la notions a la fin du chapitre precedent. l'univers mis en scene par Rotrou s'apparente encore a la vision calderonienne du monde. Bien que difficilement perceptible par l'homme. la voix divine 165 n'a pas encore ete totalement obliteree par le triomphe de la causalite mecaniste de Descartes. Plut6t. en effet. que de souscrire a l'evidence de la corruption du Ciel comme tendrait a le prouver. sinon les decouvertes telescopiques de Galilee rendues publiques en 1610. du moins 1e constat d'une destinee soumise aux caprices du hasard. les personnages de Rotrou preferent conclure a la presence I d'une divinite eloignee certes. mais neanmoins garante d'un certain ordre des choses. protegeant l'homogeneite du systeme: Lucidor Faire mouvoir les cieux et soutenir la terre. Entretenir la guerre entre les elemens. Et disposer des prix comme des chatimens. C'est la noble exercice ou leur pouvoir s'applique. (BWWL 1) A l'exception de ces quelques personnages de second rang qui. a l'image du valet de Menechme Sosicle. se plaignent de l'aveuglement de la manna celeste incapable de reconnaitre leurs merites: Messenie Sous quel astre inclement 1e ciel m'a-t-il fait naitre? Que n'est-11 en ma place. at que ne suis-je maitre? Que le ciel eut pour moi d'aveugle aversion. De ne me tirar pas d'une autre extraction! (Les m. V: 111) cu encore de la princesse Antigone qui. dans un long monologue en stances. fait le proces de l'absurdite de la fertune: Inconstante reine du monde. Qui fait tout par aveuglemant. Sans dessein et sans fondement. Et sur qui toutefbis toute chose se fonde. Pousse ta roue et ne te lasse pas; <...> Tu caresses. tu frappes. Tu viens a nous. tu nous echappes. Et tu ne t'arrétes jamais. Mais pourquoi. trompeuse deesse. S'il est vrai que tu n'as point d'yeux. Est-ca p1ut6t a de hauts lieux 166 Qu'e des toits de bergers que ta rigueur s'adresse? Tu ne peux voir sur la tete d'un roi L'eclat que tu lui donnes; Et qui tient de toi des couronnes A toujours guerre avecque toi; (W. 1119 1) le heros rotrouesque se montre. en general. dispose a accorder une signification providentielle aux aleas de la fortune at a raconnaItre - humblement que ce qu'il considere. au premier abord. comme les caprices gratuite du plus simple hasard ne sont. en definitive. que les desseins concertes de la divinite. Comma l'affirme Jacques Morel: Les caprices ne sont tels que parce que les desseins ultimes de la divinite echappent a l'home. Aussi voit-on les personnages de Rotrou utiliser indifferannent les mots de {antnna. aant. aatna et daatin.31 Esquivant de la sorte un verdict qui etablirait que l'existence de l'homme n'est le fait que d'un jeu de forces aveugles et incomprehensibles. les heros de Rotrou refusent toutefois de pousser jusque dans ses extrémes limites la logique de leur conviction at semblent parfaitement se suffire d'une condition que nous n'hesitons pas a qualifier d'ideale puisque. dans le meme temps. elle beneficie. d'une part. de toute la caution qu'offre la presence affirmee de Dieu at. d'autre part. echappe a la contrainte que pourrait engendrer cette presence en maintenant une distance suffisante entre l'homme at son createur. Nous avons precedement souligne l'incredulite affichee par Genest devant une possible intrusion de la divinite dans les affaires humaines (II. iv); nous retrouvons dans la tragedie de Daannaa cette méme attitude paradoxale d'un homme qui. d'une part. revendique le regard de la Providence pour apporter une solution : ses problemes: 167 Syroes Celestes protecteurs des puissances suprémes. Vous. Dieux qui presidez au sort de diademes. Souverains partisans des interets des rois. Soutenez aujourd'hui l'autorite des lois Et d'un tyran naissant detruisant l'insolence. Affermissez l'appui d'un trone qui balance; (I. iii) at. d'autre part. se montre peu enclin a reconnaitre le bien-fonde de ' l'intervention initialement souhaitee lorsque celle-oi se manifeste en 32 lui rendant la couronne et en punissant son pere: Syroes Que votre faste est vain. 6 grandeurs souveraines. S'il peut sitot changer des scaptres en des chaines! Il faut que ce soit Sardarigue qui tente de lui ouvrir les yeux sur l'interpretation a accorder a un evenement trop Vite qualifie d'arbitraire: Sardarigue Gofitez mieux la faveur d'un changement si prompt; N'en soyez pas ingrat aux Dieux. qui vous la fent. (IV. ii) Cette propension a nier les manifestations tangibles de la divinite lorsque celle-c1 consent finalement a adresser a l'homme un clin d'oeil sans equivoque trouve un autre echo dans la tragedie de Saint Ganaat 00. a la difference des veritables spectateurs de la piece contrainte d'enregistrer la refus de Genest de poursuivre son r6le. les spectateurs royaux de la piece cadre refusent l'evidence et continuent. tant que faire ce peut. a croire a l'art du comedian: Valerie Pour tromper l'auditeur. abuser l'acteur meme. De son metier. sans doute. est l'adresse supréme. (IV. V1) 168 Si l'explication de Valerie est ingenieuse. elle ne suffit pourtant pas a masquer la mauvaise foi dont semblent faire preuve tous les personnages qui viennent d'etre temoins du phenomena. En effet. si l'on considere que Saint Ganaat se distingue assez nettement du theatre rotrouesque par la quasi equivalence de savoir que le dramaturge prend soin de menager tout au long de sa piece entre ses veritables spectateurs-lecteurs et les personnages-spectateurs de la piece cadre. l'on est par consequent en droit de s'etonner que les interpretations proposees par Marcelle. Lentule. Diocletian at Valerie different 31 profbndement de l'evidence qui s'impose au spectateur-lecteur. En plus de la proclamation deux fais enoncee qui marque definitivement l'abandon du personnage d'Adrian: Adrian a parle. Genest parle a son tour! Ce n'est plus Adrian. c'est Genest qui respire; Genest avait prealablement annonce cette rupture lorsque. dans les trois vers qui precedent. la tirade du comedian n'etait plus destinee au personnagee d'Anthyme mais. au contraire. adressee directement a l'acteur Lentule: “Adrian. regardant le ciel at revant un peu longtemps. dit enfin Ah. Lentulel en l'ardeur dont mon Ema est pressee Il faut lever la masque at t'ouvrir ma pensee; Le Dieu que j'ai hai m'inspire son amour; Adrian a parle; Genest parle a son tour! Ce n'est plus Adrian. c'est Genest qui respire La gr6ce du baptéme et l'honneur du martyre; Mais Christ n'a point commis a vos profanes mains Ce sceau mysterieux dont il marque ses Saints; Regardant au ciel. dont l'on jette quelques flammes. Un ministre celeste. avec une eau sacree. Pour laver mes forfaits fend la vofite azuree; Sa clarte m'environne. et l'air de toutes parts Resonne de concerts. at brille a mes regards. "Descends. celeste acteur; tu m'attends! tu m'appelles! 169 Attends. mon zele ardent me fournira des ailes; Du Dieu qui t'a commis depars-moi les bontes. (IV. vi) La seule ambiguite inherente a cat episode tiendrait a l'origine precise de ces "flammes" qui viennent ponctuer la profession de foi de l'acteur. Sont-elles le fait d'un nechiniste distrait ne s'etant pas rendu compte que les propos de Genest ne correspondaient plus an texte du scenario? Sont-elles le signe superfetatoire de la grace de Dieu qui vient de se manifester? L'imprecision que le pronom indefini "on" confere a la didascalie ne permet pas de trancher en faveur de l'une ou de l'autre de ces deux possibilites. Mais. en tout cas. ce qu'il convient de souligner ici c'est. comme nous la disions plus haut. l'attitude surprenante de l'ensemble des personnages presents sur la scene qui. chacun a sa maniere: Marcelle Ma replique a manque; ces vers sont ajoutes. Lentule Il les fait sur-le-champ. et. sans suivre l'histoire. Croit couvrir en rentrant son defaut da memoire. Diocletian Voyez avec quel art Genest sait aujourd'hui Passer de la figure aux sentiments d'autrui. Valerie Pour tromper l'auditeur. abuser l'acteur mEme. De son metier. sans doute. est l'adresse supreme; (IV. vii) va s'efforcer da nier l'evidence qui s'impose au spectateur: la communication entre le ciel et les hommes. bien que tres souvent difficilement perceptible. est loin toutefois d'8tre definitivement intarrompue. 170 L'intervention divine a laquelle nous assistons dans Saint Qanaat et Daannaa pourrait. m6me si elle n'en possede pas le m6me caractere spectaculaire. venir se ranger au c6te de celles deja enragistrees dans innigania. Hanania nannant et Laa Saaiaa. Mais. alors que dans ces trois dernieres pieces. le message divin ne pose . aucun probleme pour se voir ratifier en tant que tel par les heros respectifs qui. en l'occurrence. vont s'en servir pour faciliter le denouement de l'intrigue. il semblerait maintenant que la divinite se voie interdire tous droits de cite lorsqu'elle s'avise. comme dans Saint Danaat ou finanaaa. de se m61er un peu trop pres d'affaires que l'homme a. seul. resolu de mener a bien. Une fais rassure par la conviction d'une presence divine dont le simple regard s'avere capable de conferer au monde sa valeur et sa consistance. 1e heros rotrouesque devra ensuite s'efforcer de maintenir 1a distance qui le separe de Dieu. distance qu'il semble percevoir comme possibilite de s'affranchir de toute instance supreme. Dans un univers ou la presence du divin ne parait acceptee que tout autant qu'elle se montre discrete. toutes les tromperies deviennent possibles; tous les coups sont permis pour relever Dieu de ses fenctions. en usurper la place at. ainsi. s'assurer la naitrise de la scene. 171 III. Le Prince at le The6tre Le secret est de ne faire que les representations qui peuvent tromper. qua quand la prince propose. il faut que l'ingenieur sache choisir ce qui peut mieux reussir que c'est en cela que consiste l'excellence. 33 Bernini Trop preoccupes. semble-t-il. par l'analogie discutable entre Rotrou et l'un de ses personnages. les critiques qui ont envisage La Henitania Saint Ganaat. tout en s'interessant presque exclusivement a la piece interieure du "Martyre d'Adrian" on an se montrant sensibles au caractere speculaire de la tragedie. ont mal saisi jusqu'ici l'importance feconde que suggere la piece pour la dramaturgie de l'epoque: celle du Prince at du Theatre. Come l'ont suffisamant demontre Jean Duvignaud at. plus recement. Jean-Marie Apostolides. c'est sans aucun doute un ensemble de causes. complexe at coherent. qui a permis l'instauration de cette dramaturgie.3u Mais. au premier rang. il faut compter sans nul doute ce qui apparait evident dans la tragedie de Rotrou: cette dramaturgie est faite avant tout pour un spectateur unique at privilegie. pour celui qui a releve Dieu de ses fonctions en se faisant lui-m6me la source de toute magnificence at de toute munificence qui. imitant encore en cela une prerogative divine. s'est jadis montre capable. sans pour autant s'abaisser. d'elever jusqu'e lui les plus simples de ses creatures: Camille Quand Diocletian eleva votre mere Au degre le plus haut que l'univers revere. 172 Son rang qu'il partageait n'en devint point plus bas. En l'y faisant monter. il n'en descendit pas. (I. 1) Par son bon vouloir l'empereur Diocletian a epouse et eleve a l'empire une fame qui lui avait donne quelques pains lorsqu'il n'etait que simple soldat; par son bon vouloir encore. il fait monter sur la tr6ne un simple berger. Maximin. Davantage. par consequent. de suivra J.H. Hubert lorsque celui-ci ne voit en Diocletian qu'une "image 35 affaiblie de la toute puissance divine." nous aimerions. au contraire. avancer que la puissance temporalle du Prince a relegue au second plan. voire totalement efface. les pretentions qu'oseraient nourrir les dieux en ce qui toucha a la conduite de la destinee humaine. L'ordre de la Nature etant sinon faillible du moins susceptible de modifications. 11 ne fait aucun doute que la mise en scene du monde puisse echoir a la toute puissance du Pouvoir: Diocletian Suffit que c'est mon choix. et que j'ai connaissance Et de votre personne et de votre naissance. Et que si l'une enfin n'admat un rang si haut. L'autre par sa vertu repare son defaut. Supplee a la Nature. eleve sa bassesse. Se reproduit sci-meme at forma sa noblesse. (I. iii) A l'image d'un thefitre du monde dont l'ultima mise en scene se voit deja revendiquee par Diocletian grace a la perspective historique par laquelle il apprehende le»monde et justifie son r6le: A combien de bergers les Grecs et les Romains Ont-ils pour leur vertu vu des scaptres aux mains? L'Histoire. des grands coeurs la plus chere esperance. <0. 0) N'a-t-elle pas cent fais publie la louange Des gens que leur merite a tire de la fange. Qui par leur industrie ont leurs noms eclaircis. Et sont montes au rang ou nous sommes assis? 173 Cyrus. Semiramis. sa fameuse adversaire. <...> Lycaste. Parrasie. et mille autres divers. Qui dans les premiers temps ont regi l'univers; Et recemment encor dans Rome. Vitellie. Gordian. Pertinax. Macrin. Probe. Aurelie. N'y sont-ils pas montes? et fait de memes Mains Des regles aux troupeaux at des lois aux humains? Et moi-meme enfin. moi. qui de naissance obscure Dois mon sceptre a moi-meme at rien a la Nature. (I. iii) ' la piece que va jouar la troupe de Genest a la demande de l'empereur sera toute entiere destinee a ce spectateur unique dont la puissance considerable ne doit rien a personne sinon a sa propre industrie. En effet. comme 1e souligne clairement la scene entre Genest et son decorateur (II. 1). c'est pour Diocletian seul qu'est elaboree l'illusion. C'est pour l'oeil de l'empereur. et non plus pour celui d'un spectateur divin. que le decorateur de la troupe a mis au point pour le theatre les lois de la perspective qui avaient trouve leur premiere 36 manifestation esthetique dans la peinture du Quattrocento italien. Tous les elements du decor at. par voie de consequence. tout ce qui se deroulera devant ces mEmes decors n'a ete construit que pour 6tre percu d'un point de vue unique que ne possedent ni l'acteur Genest ni les probables "petis marquis" qui. ainsi que l'atteste le ‘livret ecrit par Rotrou pour sa Naiaaanaa niflanania jouee au Marais en 1649. ne manquaient pas d'encombrer le plateau de toutes les salles de 37 spectacle du Paris de l'epoque. En imaginant une scene peu vraisemblable dans la mesure oh la professionnel de la scene qu'est cense 6tre Genest devrait aisement pouvoir se dispenser de la lecon sur les lois de la perspective que lui donne son decorateur. Rotrou est ainsi a m6me de souligner la primaute totale du point de vue que va occuper Diocletian. aussi bien sur le plan de la fiction par rapport 174 aux autres personnages de la piece que sur celui de la realite par rapport a ces veritables spectateurs qui. juches sur la scene m6me du theatre. ne peuvent. tout come l'acteur Genest. qu'etre trompes par le desordre apparent de la toile peinte at. tres probablement aussi. se confbndre avec cette "foule importune". ces "irreverents" que nous avons deja rencontres at a qui l'empereur se devra d'imposer silence. Comma le suggere peut-étre le r6ve nal interprete de Valerie au debut de la piece. l'elite choisie qui flanque Diocletian et que completent "les gardes assis" et "la suite de soldats" qu'evoque la didascalie de la scene ii de l'acte II ne peut deje jouir que d'une vision defermee des choses qui deviendra incoherence et aveuglemant a mesure que l'on s'eloignera du point focal. de l'oeil de l'empereur. Ainsi. le Theatre et le Prince formant-ils sur la grande scene du theatre du monde un systeme indissociable et clos qui. tout en s'inspirant du modele existant entre le Spectateur divin et la comedia humaine. est en mesure de lancer un defi au reel at a la divinite qui 1e met an scene. Diocletian et sa cour equilibrent et justifient un dispositif scenique qui les justifie en retour et grace auquel ils vont pouvoir se construire un univers sur mesure qui ne se derobera plus et ah. par l'intermediaire d'un acteur choisi precisement pour ses dons eprouves de la feinte: Diocletian Avec confusion j'ai vu cent fois tes feintes Me livrer malgre moi de sensibles atteintes; En cent sujets divers. suivant tes mouvements. J'ai recu de tas feux de vrais ressentiments; <...> 175 Valerie Mais on vante surtout l'inimitable adresse Dont tu feins d'un chretien le zele et l'allegresse. Quand. le voyant marcher du bapteme au trepas. Il semble que les feux soient des fleurs sous tas pas. (Io V) l'empereur Diocletian peut devenir "maitre de mille rois" (I. v) dans la meme temps que Maximin peut s'attirer plus de gloire encore en justifiant. a posteriori. son action de justicier: Maximin Oui. crois qu'avec plaisir je serai spectateur En la meme action dont je serai l'acteur. Va. prepare un effort digne de la journee OD le Ciel. m'honorant d'un si justa hymenee. Met. par une aventure incroyable aux neveux. Mon bonheur et ma gloire au-dessus de mas voeux. (I! V) Si. d'autre part. l'on considere maintenant le jugement negatif porte par Genest a l'encontre de ces dieux paiens "de pierre et de metal" qui president l'ordre humain instaure par Diocletian. l'on mesure aisement l'ecart manifeste qui les separe d'une scene du monde qu'ils ne parviennent m6me plus a eclairer: Sept d'entre eux ne sont plus que des lumieres sombres Dont la faible clarte parce a peine les ombres. <...> Et des autres le nom a peine en est reste. (IV. V11) Plongeant le the6tre du monde dans une penombre qui en facilite l'exploitation. les dieux reveres par Diocletian s'opposent ainsi irremediablement au Dieu chretien qui "sema de brillants les vofites azurees" (III. ii) avant d'elaborer puis de contr6ler le decor du monde: 176 Adrian La nouveaute. Seigneur. de ce Maitre des Maitres Est devant tous les temps. et devant tous les 6tres; C'est lui qui du neant a tire l'univers. (0..) Les rois sont ses sujets. le monde est son partage; Si l'onde est agitee. 11 la peut affermir; S'il querelle les vents. ils n 'osent plus fremir; S'il commande au soleil. il arr6te sa course; Il est maitre de tout. comme 11 en est la source. (III. ii) La longue plaidoirie d'Adrian an faveur d'un dieu qui acquiert ici toutes les caracteristiques du magician-metteur en scene que Corneille nous presente dans son iiinaian anninna: Dorante Ne traitez pas Alcandre en honme du coumun; <...> Je ne vous dirai point qu'il commande au tonnerre. Qu'il fait enfler les mars. qu'il fait enfler la terre. Que de l'air. qu'il mutine en mille tourbillons. Contra ses ennemis il fait des bataillons. Due de ses mots savants les farces inconnues Transportent les rochers. fent descendre les nues. Et briller dans la nuit leclat de deux soleils; (I. i) ne saurait. bien entendu. 6tre agreee par Diocletian dans la mesure 0D risque maintenant de lui echapper le contr6le de la scene au profit de ce machiniste particulierement brillant auquel Genest va desormais decider d'offrir ses services. En introduisant son spectacle sous la seule autorite de son nouveau metteur en scene: l'Empereur des Cieux. Genest s'avere. en effet. capable d'ebranler un instant l'ordre humain que l'empereur de Rome a ete a m6ma d'instaurer en beneficiant de la complicite d'une divinite peu exigeante: Genest Ce monde perissable et sa gloire frivole Est une comedia ou j'ignorais mon r6le; <...> 177 J'ai corrige mon r6le. <...> J'ai souhaite longtemps d'agreer a vos yeux. Aujourd'hui je veux plaira a l'Empereur des Cieux; Je vous ai divertis. j'ai chante vos louanges; Il est temps maintenant de rejouir les Anges; (IV. vii) L'ordre humain ne sera cependant pas renverse puisque. a la difference du Polyeucte de Corneille. le Genest de Rotrou ne fera pas d'emules: Plancien Son audace est coupable autant que son erreur; <...> Et vous. qui sous m6me art courez m6me fortune. Sa foi. comme son art. vous est-elle commune? Et comme un mal. souvent. deviant contagieux ... Marcelle Le Ciel m'en garde. helas! Octave M'en preservent les Dieux! Sergeste Que plut6t mille morts ... Lentule Que plut6t mille flammas ... (IV. 1X) La defection de ce chef de troupe renomme au profit d'un metteur en scene concurrent va. certainement. poser un grave probleme a la compagnie des comedians: Valerie <...> il est a leur vie un 31 puissant secours Qu'ils la perdront du coup qui tranchera ses jours; (V9 V1) mais ceux-oi refuseront neanmoins de suivra Genest sur la nouvelle 178 scene 00. pour la derniere fois. viennent de s'exercer les talents de l'acteur: Plancien Par votre ordre. Seigneur. ce glorieux acteur. Des plus fameux heros fameux imitateur. Du theatre romain la splendeur et la gloire. <...> A du courroux des Dieux contre sa perfidie Par un acte sanglant ferme la tragedie. (V9 Vii) D'autre part. loin de perturber la mariage annonce au premier acte. la decapitation de l'acteur infidele donnera au contraire a Maximin l'occasion de prouver a sa future epouse son sens de l'e- propos: Maximin. emmenant Valerie. Ne plaignez point. Madame. un malheur volontaire. Puisqu'il l'a pu franchir at s'etre salutaire. Et qu'il a bien voulu. par son impiete. D'une feinte. en mourant. faire une verite. (V9 Vii) Dans un univers ou. pour parler comme Genest. i1 ne fait aucun doute que c'est en definitive un metteur en scene divin qui "tient la piece" (IV. vii). l'home ne parait avoir d'autre initiative que celle de reconnaitre sa plus totale soumission a l'egard de l‘Amour. cette "puissance absolue sur tout ce qui respire." (Dan Lana da Qanfiana. II. 1). Poursuivi. en effet. par la fatalite d'une passion amoureuse qui se manifeste sans la moindre intervention de la volonte humaine. le personnage rotrouesque se montre initialement tout a fait incapable de s'opposer victorieusement a ces forces instinctives at irresistibles 179 qui lui conmandent d'aimer et l'entrainent dans un monde oD l'illusion at la realite se confondent. Pourtant. ainsi que le suggere La Manitania Saint Qanaat. mais aussi l'ensemble des textes dramatiques de Rotrou. dans le the6tre du monde 00 11 evolue l'homme est cependant en mesure d'echapper a l'illusion. Il peut. comme l'acteur Genest. essayer de se retrouver en acceptant de plein gre ce qui lui est impose par le metteur en scene; soit. au contraire. a l'image de Diocletian et de tous les personnages-acteurs qui l'ont precede. ou. encore. des cardinaux Richelieu et Mazarin a qui Rotrou dedie la majorite de ses oeuvres. il peut egalement s'inspirer du modele et se l'approprier a ses propres fins. an faire un example a suivre. Conclusion Au terme d'une etude qui s'est efforcee de degager les aspects fondamentaux du theme de l'amour tel qu'il se presente dans la dramaturgie rotrouesque. nous sommes parvenu a une lecture du Ianitania Saint Ganaat qui s'ecarte radicalement des traditionnelles analyses de la piece qui. a l'unanimite. valorisent l'action de Genest: Dans le Saint Ganaat de Rotrou. la prise de conscience at la realisation de l'illusion deviennent le noeud du anama. l'acteur Genest fait de son role de martyr une realite triomphante at deviant ce qu'il etait appele a jouer.1 Envisagee cependant a la lumiere de l'ensemble des textes dramatiques de Rotrou at liberee de l'influence exercee par l'idee preconcue de l'hypothetique conversion du poete de Dreux. la tragedie du Danitania Saint Qanaat nous paraIt. au contraire. contenir une lecon moins a la gloire de l'acteur Genest qu'a celle de l'empereur Diocletian. Fortement influencee. nous l'avons dit. par l'aspect religieux de la tragedie. la critique a generalement fait 1a distinction. a la suite de Jacques Morel. entre la conversion de Genest et celle d'Adrian: Adrien est solidement et sereinement thomiste. Genest est plut6t augustinien. <...> On croirait. avec les personnages confondus d'Adrian at de Genest. que Rotrou ait voulu 180 181 reconcilier les deux formes fondamentales de la spiritualite de son epoque.2 Comma parait vouloir 1e souligner 1e dramaturge en faisant repeter par trois fois ces m6mes propos a Adrian: J'ai vu. Ciel. tu le sais par le nombre des ames Que j'osai t'anvoyer par le chemin des flames. Dessus les grills ardents et dedans les taureaux. Chanter les condamnes at trembler les bourreaux; il repete ces quatre vars (II. iv et vii) la conversion du general romain semble resulter d'un examen attentif des conclusions qu'Adrian a su tirar de son experience: les martyrs se revelent superieurs a leurs bourreaux. L'acteur Genest. par contra. plus proche des anciens martyrs. recoit la gr6ce comme par accident at laisse les dieux se disputer son ame: Genest Et toi contre les Dieux. 6 Christ. prends ta defense. Puisque a tas lois ce coeur fait encore resistance; Et dans l'onde agitee ou flottent mes esprits. Terminez votre guerre. et m'en faites 1e prix. (I19 V) Quoi qu'il en soit. qu'Adrian ait volontairement choisi sa conversion ou que Genest l'ait subie. il ne saurait s'agir ni pour l'un ni pour l'autre d'un depassement heroique en mesure de s'eriger an example. Au contraire d'echapper a une contrainte. l'un comme l'autre se retrouve place sous la dependance d'un maitre. Au pouvoir de l'empereur de Rome se substituent les directives de "l'Empereur des Cieux". Lorsque Genest abandonne son r6le. c'est. des lors. un ange qui "tient la piece". 1e "conduit". le "radresse". lui "apprend [sa] replique" (IV. vii). C'est Dieu. lui-m6me. qui determine le script et qui. directement. met le texte de la piece dans la bouche de l'acteur: "Dieu m'apprend sur—le—champ ce que je vous recite." (IV. vii). 182 De recitant du Pouvoir. Genest est devenu. on le constate. recitant de Dieu. De la m6me maniere que l'empereur Diocletian avait fait de Maximin son Cesar et son fils et de la troupe de Genest ses acteurs favoris. c'est maintenant Dieu qui adopte Genest et lui impose son nouveau r6le: Genest J'ai pleure mes peches. le Ciel a vu mes larmas. Dedans cette action 11 a treuve des charmes. Ma departi sa grace. est mon approbateur. Me propose des prix. et m'a fait son acteur. (IV. VII) En reliant. surtout dans un personnage bien sfir. mais aussi d'une maniere generale. le theme du theatre a celui de la conversion. Rotrou a ete en mesure de donner au Ianitania Saint Qanaat un denouement tout a fait original qui s'explique beaucoup plus par l'economie interne de la piece et la dramaturgie d'oD elle est issue que par la volonte. trop souvent evoquee. de se distinguer ainsi du Eainanata de Corneille. En envisageant la tragedie de Rotrou dans la perspective que suggere la mise an equation du theme de l'amour at celui de l'illusion the6trale. l'on peut affirmer que l'acteur Genest passe d'un theatre a l'autre. qu'il se laisse prendre a la mise en scene de Dieu comme il s'etait laisse prendre a celle de Diocletian. Une difference cependant: les contraintes imposees par l'empereur de Rome permettent d'acceder a la gloire immediate. celles imposees par l'Emperaur des Cieux donnent "la mort pour recompense." (V. ii). L'on comprend des lors que l'exemple de Genest ne soit pas suivi et que sa defection demaura. c'est la cas da 1e dire. lettre morte. NOTES Avant propos 1 Raymond Lebegue. "Rotrou dramaturge baroque." Danna difliatnina Littenaire da ia Enanaa 50 (1950): 379. 2 Propos de Jean Rousset cite par Bartolome Bennassar. "Introduction au temps des troubles." Bananna 11 (1983): 47. 3 Deja lors des Journees Internationales d'Etude du Baroque qui se deroulerant a Montauban en septembre 1966. Jean Jacquot. pourtant peu enclin a l'epoque. selon ses propos m6mes. a accorder "une trop grande extension a la notion de baroque." ne pouvait malgre tout que constater: "Il semble <...> qu' on ne puisse eviter d'employer cette notion de baroque. m6me lorsqu' on met beaucoup d'application a l'eluder." La Dananna an theatre at ia theatralite an (Montauban: Centre National de Recherches du Baroque. 1967) 5. Present a ce m6me colloque. Raymond Lebegue donna lecture d'un rapport dont le titre seul est evocateur du chemin parcouru: "Origines et caracteres du the6tre baroque francais.” La Dannana an theatre. 23-29. Si aujourd'hui le terme est en general admis. il n'en demaura pas moins que les realites qu'il recouvre sont toutefois loin de faire l'unanimite. Le concept m6me de "baroque." apres s'etre finalement impose. court le risque de ne presenter pour la critique qu'un outil de travail aussi fragile que le sont devenues les autres designations historiques qui ne coincident jamais parfaitement avec les categories esthetiques qu'elles pretendent parfois circonscrire. Pour une discussion recente du probleme nous renvoyons aux articles de Robert N. Nicolich. "Mannerism and Baroque: Further Notes on the Problems in the Transfer of these Concepts from the Visual Arts to Literature." Banana en Ereneh Saxenteenih Ganinzx Literature 10.19 (1983): 441-57. et de Giovanni Dotoli. "Unite plurielle du XVIIeme siecle." Eanana at Litanatnna 10.19 (1983): 459-96. Voir egalement Felix Castan. "Les structures de la civilisation baroque." texte inaugural des Journees Internationales d'Etude du Baroque. les 26. 27 et 28 septembre 1985; et. tout dernierement. Wblfgang Leiner."Theophile reedite." Banana an Enanan Dantnnx Litanatnna 8.25 (1986:: 67-70. A titre d'exemple qu'il nous suffise de mentionner les etudes de Philip Butler. Glassiaisna at Damon: dens 13.1mm: d: Racine (Paris: 183 184 Nizet. 1959); Jean Rousset. "Entre baroque et romantisme: Dan inan ou les metamorphoses d'une structure." L'Interieur at i'exterieur. Eaaaia ann 1a ngesie at ann ia the6tre an XVIIeme siecle (Paris: Corti. 1976) 127-50. Jean Rousset souligne parfaitement les elements baroques contenus dans le the6tre de Moliere: "Il existait. entre Moliere et un theme recu du baroque. sinon une affinite totale. du moins une zone de contact: la the6tralite. le gout du jeu dans le jeu. le deguisement. le masque." 103. Pour terminer. citons enfin l'etude de Leo Spitzer. "The 'Recit de Theramene'." Lingniatina and Litananx Hiatnnx; Banana in Stxiiatiaa (1948; New York: Russel A Russel. 1962) 87-134. Pour Leo Spitzer. "... it is evident that Enanna is the ~ ideal type of a baroque tragedy. not only by its style. but by its basic conception ... ." 119. Ces travaux ont permis de mettre en relief de nombreux aspects jusque-la ignores at. ca faisant. ont largement contribue. selon nous. a ouvrir de nouvelles perspectives quant a l'approche de ces textes dramatiques. Vbir Jacques Scherer. Baaina atlnn ia ceremonie (Paris: Presses Universitaires de France. 1982); Jean Prophéte. Les Banaznensnnnases dans les tnaaégias dc Racine (Paris: Nizet. 1981); Susan W. Tiefenbrun. "Moliere's Iantntta: A play within a plaY-g Signs of the Hidden; Sadistic Studies (Amsterdam: Rodopi. 1980) 165-7 0 5 Le dernier ouvrage an date traitant de la dramaturgie baroque est celui de Colette Scherer. Samedia at anciete anus Louis XIII Qannaiiia. Rntnan at iaa antnaa (Paris: Nizet. 1983). Mentionnons aussi Georges Forestier. La TnEatna nan: ia theatre ann 1a acene franaaise an Xflllémc $12913 (Geneva: Droz. 1981). at Alexandre Cioranescu. Le Masque at 1: sleaze. Du harness annasnnl an classicisme francais (Geneva: Droz. 1983). Dans le domaine de l'histoire. completant merveilleusement l‘etude de Victor L. Tapie. La Enanaa d: LOUIS XIII at da Binhaiian (Paris: Flammarion. 1967). citons les recents ouvrages de Michel Carmona aux editions Fayard. Mania da Medici: (1981). Richelieu: liamhiiinn at I: nenxnin (1983). La Ensues da Biahaiian (1984). qui. avec 1' ouvrage de Pierre Chevalier. Lani: XIII m.annnaiian (Paris: Fayard. 1979). presentent l'exact contexte dans lequel s'elaborerent les formes dramatiques qui nous occupent aujourd'hui. 6 La piece de Rotrou qui assurement rencontra la plus de succes fut Xanaaaiaa. voir chapitre II. 32-33. Le developpemant remarquable du the6tre entre 1630 at 1640 se situe entre deux decisions significatives de Richelieu. En 1630. la Cardinal transforme une piece de son palais en une salle de the6tre de six cents places; an 1641. i1 inaugura avec la Minana de Desmarets de Saint-Sorlin. le luxueux the6tre du Palais-Cardinal qui. tout au long du siecle. restera la plus vaste et la plus belle salle de spectacle de Paris. Voir Colette Scherer. "Les conditions de la vie the6trale at leurs consequences pour la comedia." Dameniafi aaaiete aana Lani: XIII 17-51; ‘Wilma Deierkauf-Holsboer. La Theatna da lifl_tal da Banngagna (Paris: Nizet. 1968-70). Via diAlaxannna Hanan; na_ta an nni (Paris: Nizet. 1972); Jacques Scherer. "Popularite des divers genres du the6tre aux differentes epoques du XVIIe siecle." La dnanatnngia aiaaaiana an Enanaa (Paris: Nizet. 1962) 457-9. 185 7 Jacques Lemarchand. "Saint Ganaat de Rotrou. La Earn: de Vahe Katchg." Le Eigann Litteraire 27 avril 1963: 18. Lemarchand 18. 9 Publie en 1647. La Y§nitatlg Saint Sanaat fut represente pour la premiere £613 a I'Hotel de Bourgogne en 1645. ou 1646. La date demeure imprecise. Dans l'etat actuel des connaissances. il semblerait qu'il faille attendre 1e 17 novembre 1845 pour que Bocage. nouveau directeur de l'Odeon. monte la piece de Rotrou recemment "deterree" ..par Emile Deschanel. Voir a ce propos Deschanel. La Bamantiame flea giaaaiguas (Paris: Calmann Levy. 1883) 275. En ce qui concerne cette premiere reprise. dans laquelle Bocage tenait lui-meme 1e role de Genest. nous renvoyons a Theophile Gautier. Hiataine d: liait dramatinne en Enanee depuis xinetceinn ans» 6 vols. (1858-9; Genéve: Slatkine Reprints. 1968) 4: 45. Pour etablir notre chronologie. nous nous sommes base sur l'ouvrage de Christian Genty. fiiatnina du Théatre National de 1' QIéen (Journal ne tend) 1282:1282 (Paris: Librairie Fischbacher. 1981). Notons egalement une reprise Qanlagpiepe en 1874 par Ballande pour les matinees litteraires au theatre~oe;}a Porte Saint-Martin; voir Felix Hemon. ed.. Ine6tre GhQISIfl Entnnu (1885; Paris: Garnier. 1915) 280. Signalons encore l'ianuangee g 4%; tragedie de Rotrou sur celle d' Henri Gheon: La Camegien D§I§;§;§QD Ian qui. en 1941. fut finalement acceptee a l'Odeon; voir e.ce sujet. "Henry Ghéon et Saint Genest" Revue dlfliatnire du.Ihé6tneo 3— (1950) 285-6. et F. T. Dubois. La Ignita_la Saint fianaat. 47-8. Un autre echo de la piece de Rotrou se trouve bien entendu dans 1e titre adopte par Jean-Paul Sartre pour son ouvrage consacre a l'homonyme u. personnage de Rotrou: Saint Ganat agnggian at mantxn (Paris: Gallimard. 1952). Deux autres pieces de Rotrou a l'Odeon: . Ie 29 aoufia 1885 et le 23 novembre 1920; La Scann. 1e 2 dec mbre 1 ~5. 1H0; 10 L'edition du Y§£1£§_I§W magnaat que nous avons.adoptee pour notre etude est celle de Jacques Scherer. ed.. La 6 ‘} Saint Qanaat dans Ine6tne an XVIIeme siecle (Paris: GaIIimand.- ;: Bibliotheque de la Pleiade. 1975) 943-1005. En oe qui concerne les autres pieces de Rotrou. nous renvoyons a l'edition de:VioIiet-Ie- Due. Qaugnaa da Jaan Rattan. 5 vols. (Paris: Desoer. 1829}. Les 3 references a ces deux editions seront dans le texte. ,r:2 ire ;uu: 11 ’ I . '3 L'une des deux rues flanquant 1e The6tre de l'odepn a Pari_ ;'. est dediee a Corneille. l'autre porte le nom de Rotrou. pnusImpIe +3 sondage realise parmi les passants de cette petite ruetpermet a; mesurer combien le nom du dramaturge de Dreux est absenfijbegIgegprit.du grand public. La premiere partie de notre premier chapttrpfitenhgna.d§ combler cette lacune. - 2 2:11;; 2+ior 12 w .’Etv' Ba Cite par P.T. Dubois. ed. Saint Genest 47- I~ rerenf ga , 13 s 1 =r‘ Robert J. Nelson. "Art and Salvation in Rotrou‘s fit vgczgablé" Saint Genest" Eneneb Bexieu 30 (1957): 451. BO [WK-1‘1" "Imbrie Bufom. "A Baroque Tragedy: Saint Ganaat.:h in ED: Sansone from Montaigne to Bataan (New Haven: Yale Univérs y Press. 1957) 212. 186 15 Voir chapitre II. 50-5". 16 Jacques Morel. Jaan Batzaa QEEEELHCKB a: l'ambiguité (Paris: Armand Colin. 1968) 131. 17 Scherer. Theatre aa XVIIgme siecle 1297. 18 ’ Wilfried Floeck. Di: Liggparasthetik aaaqgraaggaiaanaa Bangk: . Eataiaklaag. Auflbsung (Berlin: Erich Schmidt Verlag. 1979). 19 Rousset. L'Intérieur a; l'aztéziaar 2&9. Si dans La Littézatane :1: lie: Damn: en Exam (1954; Paris: Corti. 1972)- Jean Rousset etait enclin a définir 1e baroque comme 1'"éclatement des structures." 173. dans Lglaagaiaa; at 1;:xaéaiaa: ans. il semble tout a fait convaincu que "toute métamorphose désigne une permanence." L'on consultera a ce sujet l'article déja mentionne de Robert N. Nicolich. "Mannerism and Baroque." ##7-51. 20 Jacqueline Van Baelen. Bataaa: lthgnaa Laagiaa: a; La révolte (Paris: Nizet. 1965). Nous expliquons plus loin. II. fl7-fl9 et V. 161-7O les raisons pour lesquelles nous ne partageons pas les vues de Madame Van Baelen. 21 Voir Rousset. "Formes baroques (Du Baroque dans les beaux-arts)." La Litténatum d: LE3: Damn: 161-80; Anthony Blunt. Same Uses and Mifinfiflfi at the Iezma Banana: and 892929 a: 5221129 to Architecture (London: Oxford University Press. 1973); Heinrich Hblfflin. Banaiaaana: and Bazaaaa. trad. Kathrin Simon (1966; Ithaca: Cornell University Press. 1968). 22 Bernini. Gianlorenzo. Bataaa a: aaiaa: Ihécgaa. Santa Maria della Vittoria. Rome. Dans le meme ordre d'idée nous pourrions evoquer egalement la statue équestre de Constantin de l'Escalier Royal du Vatican. 1a EaaLaa: dfii Qaaataa Eiami de la Piazza Navona. ou. encore. 1a facade des églises de Santa Maria della Pace (Pietro da Cortona). Santa Maria in Campitelli (Rainaldi). San Carlo alle Quattro Fontane (Borromini). Si. dans sa Litagzataa: a: 1;;:: Banana: 168-9 Rousset affirmait encore l'autonomie totale de la facade baroque. de plus récentes etudes montrent au contraire les relations qu'il convient de noter entre l'extérieur et l'intérieur des églises romaines que nous avons mentionnées. Voir en particulier Anthony Blunt. flammas k We; musician: and Damnation (New York: Harper 8: Row. Publishers. 1978) 20-53. Gala: ta Banana: Ban: (New York: Harper & Row. Publishers. 1982); John Rupert Martin. Banana: (New York: Harper & Row. Publishers. 1977) 188-96. 23 Voir Chapitres I. 15-17 et II. 50-5fl. 187 Chapitre I: De l'évanescence d'une vie a la permanence d'un theme: approche méthodologique 1 Pour les principaux biographes qui se sont penchés sur la vie de Jean Rotrou. nous renvoyons a l'ouvrage d'Henri Chardon. La 21: a: mummmummmnwmnm tamaa :t 1a Qaaaalla da Bid (1880; Genéve: Slatkine Reprints. 1970) 1- 25. Outre l'ouvrage de Chardon. mentionnons ici 1'étude de Jules Jarry. Baalmleseemsminuesdemm (1868; Genéve: Slatkine Reprints. 1970); et celle de Léonce Curnier. Stan: an: Jaaa RELIED (Paris: A. Hennuyer. 1885). 2 Cette légende des fagots se retrouve sous la plume de tous les critiques qui se sont interesses a Rotrou. Chardon #5. suggere que c'est peut-etre pour excuser la fréquentation des comédiens que la famille du poete favorisa l'image d'un Rotrou "Joueur endurci et endetté." Le jeu. a la différence du theatre. était une défaillance admise. celle-la. par les moeurs de l'époque. Voir chapitre II. note 7. 3 A ce sujet nous renvoyons a la critique fermulée par Jacqueline Van Baelen. Mm; le béms We et la melt: 9-10. u Jarry 9. 5 La date précise de la naissance de Rotrou. tout-comme celle de son aIné Alexandre Hardy. demeure inconnue. La date meme de son bapteme souleva quelques objections; voir Frederic 0. Musser. "The Dramas of Rotrou: a Revaluation." Diss. Yale U. 1955. 13-u. 6 Chardon 38: propose 163M pour l'entrée de Rotrou au service des comédiens de 1'Hotel de Bourgogne. Les travaux plus récents de‘Wilma Deierkauf-Holsboér suggerent 1629. Llfliataiza de la Iii: en scene can: .1: tbéém item .a Paris d: 1600.3. .1623 (Paris: Nizet. 1960) no. Quant a la date de 163R que nous adoptons ici pour marquer 1e depart de Rotrou de 1'H6tel de Bourgogne. c'est celle avancée par Scherer. Inéatre aa XXIIEE? aiaala 1296. Dans l'imprécision flagrante qui marque l'existence de Rotrou. nous aurions tout aussi bien pu nous en tenir a l'affirmation de Chardon 67: "l'année 1635 va mettre enfin Rotrou 'hors de pages'. 11 fera desormais partie d'une facon definitive de la cour dramatique du palais Cardinal. et sera enralé au nombre des Cinq auteurs." 7 Celui a qui Rotrou fut surtout redevable de sa bonne fertune fut. semble-t-il. Chapelain dont l'appui contribue a sa renommee et a son introguction aupres de Richelieu. Chardon 38-82. 145473. 9 Contrairement a l'idée généralement acceptée. Rotrou n'aurait pas immédiatement succédé a Hardy qui. selon W. Deierkaufh Holsboér. "avait déJa rompu en 1626 avec Bellerose et les Comédiens du Roi." Ii: dfiAlaxaadz: Hanna (Paris: Nizet. 1972) 130. 188 10 Tallemant des Réaux. Riaaaniattaa. éd. A. Adam. 2 vols. (Paris: Gallimard. 1960-1) 2: 885. 11 Antoine Adam. Biataica a: la littécature granaaise aa lelga: siéala. 5 vols. (Paris: Domat. 19fl9-56) 1: 570. 12 Voir Robert Garapon. "Rotrou et Corneille." Raga: dgfliatain: Liaagzaina a: la Ezaaa: 50 (1950): 385-39u. 13 Tires d'un recueil d'anecdotes. Managiaaa (Paris. 1715). 3: 306. ces propos de Corneille a l'égard de Rotrou sont les seuls qui nous soient parvenus. La lettre de Corneille a Rotrou reproduite par 'Charles Marty-Laveau dans son edition de 1862 des oeuvres de Corneille. est de toute evidence un faux. Voir a ce sujet Mae Mathieu. "The Literary Relations of Corneille and Rotrou." Mémoire de Maitrise. U of Hashington. 1921. 6-7. 1n Rotrou. "A Monsieur Corneille." piece liminaire de La I:aa:. dans Ba:a:;11:. Qaaacaa :amalgaaa. éd. G. Couton. 2 vols. (Paris: Gallimard. 1980) 1: 205-6. Toutes nos references au theatre de Corneille renverront a cette edition. 15 Jarry 167-8. 16 Chardon 105-31. 17 8Chardon. 127-30 . 1 Garapon. "Rotrou et Corneille." 386. 19 René Guerdan. Corneille en la vie.méoonnue an Shakespeare {raaaaia (Lausanne: Pierre-Marcel Favre. 198A) 176. 20 Chardon 152. Dans son ouvrage: Xhihflnfi :t lifl§i§l a: Ramaaaillat. 2 vols. (Paris: Editions Emile-Paul freres. 1929-30). Buile Magne ne fait aucune mention de Rotrou. 21 . Rotrou. "Ode a Monseigneur l'Eminentissime Cardinal Due de Richelieu." dans Viollet-le-Duc. 2: 5-11. 22 Guerdan 153. 23 Nous reproduisons tres exactement l'orthographe du texte imprimé dans Raga: a:a Rana: L1;;§aa1;:a 38 (1867): 54A. 2n Cité par Kosta Loukovitch. LLExalatian a: la tnagéaig :a Ezaaa: (Paris: Droz. 1933) 333. Voir egalement Hémon 31: "Dans ces élans de ferveur religieuse. [Rotrou] etait soutenu par un de ses compatriotes. Antoine Godeau. qu'il avait Jadis rencontre a l'HBtel de Rambouillet [...] Tous deux avaient connu les enivrements du monde; tous deux 3' en étaient lassés." 25 Victor Fournel. Curiosités tbéatrale_ sanciennes at monotone. franaaises at étzaaggnaa (Paris: Adolphe Delahays. 1859) 128.81 cet 189 episode etait vérifié. il troublerait quelque peu "l'atmosphere calme et sereine de [1'] existence de magistrat" évoquée par Chardon 27. a propos des années que Rotrou passa a Dreux. 26 Voir chapitre II. 31. 27 Cité par Chardon 29. Ces vers trouvent egalement un echo dans Hanaaalaa: "Ma flamme a consume ce qu'elle avait d'impur." (II. 11). 28 Pierre Larthomas. Le Lamaze W99. :9 nature. are anaaédés (Paris: Colin. 1972) 32. 29 Sainte-Beuve. Rant Raxal (Paris: Gallimard. 1953) 221. 30 Loukovitch 333. 31 Nelson. "Art and salvation." 451. 32 A l'assimilation entre Rotrou et son personnage s'ajoute. souvent. la non différenciation entre Genest et Adrian. Voir chapitre II. 52-53. 33 Curnier 2. Ce buste de Rotrou fut réalisé en 1783 par Jean Jacques Caffieri et servit de modele a Allasseur pour exécuter la statue qui se trouvait sur la place de Dreux. La statue de Jean-Jules Allasseur fut érigée au centre d'une place qui s'était d'abord appelée place Lafayette et qui a pris le nom de place Rotrou lorsque fut élevé 1e monument dont l'inauguration eut lieu le 30 juin 1867. En 19u2. pendant l'occupation. cette statue en bronze fUt enlevée sur l'ordre des autorités allemandes. mais elle fut remplacée. dés la fin de l'année suivante. par la copie en pierre qui existe actuellement. Nous aimerions exprimer ici notre gratitude a Monsieur Jean Leliévre. Conservateur du Musée d'Art et d'Histoire de Dreux. qui nous a permis de prendre connaissance du texte des discours prononcés par de Falloux et Legouvé. représentants de l'Académie francaise. lors de l'inauguration de la statue. 3n Paul Scarron. L: Ranan aaniaa:. éd. Robert Garapon (Paris: Lettres Francaises. 1980) H9. 35 Jean Duvinsaud. 5991919919 99 ____thé5tre. Kasai an: 199 mm: aall:at11:a (Paris: Presses Universitaires de France. 1965) 161. Voir egalement Emile Magne. "Les délices du cabaret." dans La: Blaiain: :; 1:: {etes :n Enana: an XXIIgm: algal: (Geneve: Editions de La Frégate. 19uu) 192-201. 36 Jean Rousset. Earn: at WWMM lignénainaa a: Qannaill: a C1aad:1 (1962; Paris: Corti. 1964) 9. 37 8801188813: E91109 91'. 91391119912199 15- 3 Sur les probables sources de Saint Q:n:an voir chapitre II. fl2-47. 39 Voir chapitre II. 34-36. 190 HO Jacques Truchet. "Introduction 5 la thématique théatrale." dans Beeneneneem «thematinue tnéatnele: liexennle 9e: eeneeillene a:: pain dana 1a tnagéaia alaaaiaaa (Paris: Editions Jean-Michel Place. 1981) 6-23. u1 Truchet 8. H2 Eugene Ionesco. Rana: at aantnagnataa (Paris: Gallimard. 1966) 57. u3 Octave Nadal. Le Sentiment 99 143999: 9995 lieenxne 99 Bienne Qannailla. Heme éd. (Paris: Gallimard. 19u8). uu ' Sainte-Beuve. "Mézeray." dans Canaaniaa an lanai. 3eme ed.. 16 vols. (Paris: Garnier freres. n.d.) 8: 197. 95 Wolfgang Leiner. "Deux aspects de l'amour dans le theatre de Jean Rotrou: le romanesque et le réalisme." Raga: dfifliataina an Théaan: 11 (1959): 179-20A. 6Morel. Betzeu dramatunee 9e lianbiznlt? 65- 47 Hadley Wood. "The Language of Love in Jean Rotrou's Comedies." Rananig Raglan 75.2 (198"): 188. n Ira David Dudley. "The Concept of’Love in the Dramatic Nbrks of Jean Rotrou." Diss. U of Southern Califbrnia. 195A. 155. #9 Dudley 171. 50 Dudley 161. Chapitre II: Le theatre de Rotrou devant 1a critique 1 Charles B. Osburn. "Introduction to Jean Rotrou: A Bibliography (1880-1965)." Stan; Enanaaai 36 (1968): #01-11. 2 Molly A. Bullard Howard. ”Jean Rotrou: A Critical Bibliography. 1701-197u." Diss. U of Georgia. 1976. 3 Voltaire. L: Sigcle a: Lani: XIX (Paris: Garnier freres. n.d.) 590. u Petit de Julleville. Hieteine de 19 199299 et de la litténetune {ranaaise (Paris: Armand Colin. 192A) u: 366. 5 "A Garnier succéda Alexandre Hardy. Parisien. l'Auteur le plus fécond qui ait Jamais travaillé en France pour le théatre." affirme Fontenelle. "Vie de M. Corneille. avec l'Histoire du Theatre Francois jusqu'a lui et Des Reflexions sur la Poétique." Banana: 9: flanaiaan d: Eantanalla. 11 vols. (Paris: chez Saillant et a1.. 17H?) 3: 72-3. 191 6 Nous respectons ici les categories etablies par Viollet-le-Duc; et reproduites par Petit de Julleville. La Inéatre an Enanaa.B1aaa1n: 99 la litt_nat999 9:999ti999 9999i9 999 enieinea 1999919 999 99999 (Paris: Librairie A. Colin. 1927) 131. Selon Pierre Sage. l'oeuvre de Rotrou se composerait de 17 tragi-comédies. 12 comedies et 6 tragedies. Sage. La Rnaalaaaiaian: (Paris: Editions Mondiales. 1962) 278. Ainsi que le remarque fOrt a propos Pierre Méleze. 1a denomination des oeuvres éditées dans les premieres annees du XVIIéme siecle est souvent le fait de l'éditeur et non pas du dramaturge. Méléze. Le Ibéétne et le 999119.9 Rania 9999 L9919 XI! (1652:1215; (Paris: Droz. 193”) 87-95. 7 Lettre de Chapelain a Godeau du 30 octobre 1632. De nombreux critiques rapportent cet element et 11 est a noter que la "servitude" dont parle Chapelain est parfbis interprétée comme faisant reference a la passion de Rotrou pour le Jeu. Rien ne permet de trancher le débat. mais nous pensons qu'il s 'agit bien plutot d'un coumentaire sur les fenctions de Rotrou auprés des comedians de l'Hotel de Bourgogne dans la mesure ou les moeurs de l'époque étaient bien moins séveres pour le joueur que pour le comédien. C'est ainsi par exemple que selon Henri Chardon. pour excuser la fréquentation des comédiens. la famille du poete favorisa l'image de "Rotrou Joueur endurci et endetté. défaillance admise celle-la par les moeurs de l'époque." Chardon. La 11: a: BQLCQH 95. Selon‘Wilma Deierkautholsboer: "(...) les historiens du theatre se sont tout a fait trompés quand ils supposaient que la vie théatrale et le métier de comédien étaient a cette époque considérés comme indignes; déja au début du XVIIéme siecle. ils commeneaient a prendre une certaine valeur." DeierkaufbHolsbber. L: Inaatn: d: llfl§tfil a: Baangagna. 2 vols. (Paris: Nizet. 1968-70) 1: 75. Mais si. comme le croit Deierkaufb Holsbber. la vie d'acteur était considérée avec une "certaine valeur". pourquoi dans ce cas Louis XIII. 1e 16 avril 1691. jugea-t-il utile de prendre des mesures en faveur des comediens? Le texte de la declaration de Louis XIII est rapporté par Petit de Julleville. La theatre en Enanee 139 8Voir par exemple Adam 1: 571-9. 9 Frederico del Valle Abad. Inflaanaia Eanafiala an la Literature 29999999. E99999 exitiee 99999 Juan Betn99 iléflazléfifll (Avila: Senén Martin. 19u6) 141. 10 Les pieces sélectionnées par Hémon: La: Baaiaa. Lanna 29:9999t99- La 3999:. Saint Geneat. Den 9929999 99 999:9:9- 299999199 et 9999999. 11 Voir bibliographic. 12 Jean Rotrou. Qaaanaa aamalétaa. 5 vols. (Genéve: Slatkine Reprints. n. d. ). Cette réimpression de l'édition due a Viollet-le-Duc ne oomporte aucune note. 13 Gustave Lanson. Riataina a: la litngnatan: {nanaaise (Paris: Hachette. 1951) nun. 192 1a Ianaaalaa est la seule piéce de Rotrou dont parle Voltaire: ”La premiere scene et une partie du quatrieme acte de Vanaaalaa sont des chefs-d'oeuvre." Voltaire. L: $1991: a: Lani: X1! 590. Plus récemment. le seul critique qui a notre connaissance ait remis en question la primauté de Ranaaalaa fut Lacy Lockert: "Ianaaalaa does not stand alone among the dramas of Rotrou. It does not. rightly appraised. even stand highest. That position belongs to Baanaaa (...)." Lockert. Staaiaa in an: Enanan Inagaax (Nashville: The Vanderbilt University Press. 1958) 187. ’ 15 Mélése. "Rannaa at Maliana." 259-63. 16 wolfzans Leiner. 89tr99=299999199-1r991999999i9. Editien anitinaa (Saarbrficken: Publications de l'Université de la Sarre. 1956) 29-30. 17 M. Guizot. C9r991119 at 999 t9999. Et999 litteraire (Paris: Libraigie Académique. 1866) 365. 1 Claude et Francois Parfaict. Bianain: an Ihgétn: Enanaaia (Paris: Mercier et Saillant. 1795) 145-6. 19 Guizot 369. 20 Guizot 371. 21 Guizot 371. 22 Guizot 379-5. 23 Fontenelle 75. an Emile F88uet. Hiat9ir9 99 19 1itt9r_t9re £r9999199e999919 19 XIIIame 919919 1999919 naa Janna (Paris: Librairie Plan. 1913) 82. 25 Faguet 80. 26 H. C. Lancaster. "The Pre-Classical Period 1610-1634." A Hiatanx 9i Ereneb Dranatie Literature in the Sexenteentb 999t9r9o 2 vols. (Baltimore: The Johns Hopkins University Press. 1929) 2: H91. 27 8Lancaster. "The Pre-Classical Period." 2: H97. 2 Hippolyte Parigot. Rania at Matiar (Paris: Colin. 1894) 89: "C'est-é-dire que du premier acte au dernier. le personnage n'a point fait un pas: Adrien prépare Genest. et Genest répéte Adrien." 29 H. C. Lancaster. "The Period of Corneille 1635-1651." A Hiatanx 9i Ereneb Dramatie Literature in the Sexenteentn Cent9rx 2 vols- (Baltimore: The Johns Hopkins University Press. 1932) 2: 591. C'est le meme reproche que nous retrouvons chez Sage 288: "On peut lui [Rotrou] reprocher d'avoir fait un peu trop longue la 'piéce intérieure'. " 30 Adam 2: 336. 193 31 Lancaster. "The Period of Corneille." 2: 541. 32 Viollet-le-Duc. Banana: 9: Ratnaa 5: 4. 33 Parigot 85. 34 Sainte-Beuve. Banthaxai 163. C'est ce méme jugement que reprendra N.M. Bernardin en qualifiant 9 son tour La Vanitani: Saint Qanaat de "(...) la plus romantique piéce qu'ait produite au XVIIe siecle notre théétre classique." Bernardin. "Le theatre de Rotrou: 'Le veritable Saint Genest'." Raga: aaa Saana at Santananaaa 11 (Janvier 1909): 496. 35 Sainte-Beuve. Banthaxai 151. 36 Emile Deschanel. La Ramantiama nan aiaaaiaaaa (Paris: Calman Lévy. 1883) 262. 37 Deschanel 287. 38 Félix Hémon. Ratnaa at nan aaaana (Paris: Sanchez. 1883) 39. 39 Garapon. "Rotrou et Corneille." 394. 40 Raymond Lebegue. "Jean Rotrou." XMIian: siécle. 1949-50: 193. 41 Roland Barthes. Snitinaa at Mérité (Paris: Seuil. 1966) 9. 42 Bufom 247. 43 Joseph Morello. Jaan Ratnaa (Boston: Tuayne Publishers. 1980) 133. 44 Morel. Jean 89tr99 dramaturee 9e 11999i99it9 131- 45 Garapon. "Rotrou et Corneille." 390. 46 Noél M. Valis. "Rotrou and Lope de Vega: Two Approaches to Saint 999995." 89999 9999919999 99 Littératnre 99999999. 1979: 359. 7 8Garapon. "Rotrou et Corneille." 391. u Auguste walras. £9991 99r L9 Iéritatle Saint 99999t 99 1999 Ratnaa (Evreux: Louis Tavernier et Cie. 1846) 95-103. 49 R.‘W. Ladborough. éd. La 29519991: Saint Ganaat (Cambridge: University Press. 1945) 14. 50 Lancaster. "The Period of Corneille." 2: 540. 51 Félix Gaiffe. "Quelques notes sur les sources du Saint Ganaat de Rotrou." Raga: Uniganaitain: (1929): 327-36. 52 Lancaster. "The Period of Corneille." 2: 536-8. 194 53 A ce propos nous renvoyons a l'ouvrage de Robert Nelson. Riax uitbin a £199: 199 9r999t19t19 999999t199 99 919 Art: Shake9999r9 (1958; New York: Da Capo Press. 1971). et a Forestier. L: lhéatre 9999 19 théétre. 59 - Cioranescu 253: "L'un des effets les plus désagréables du comparatisme littéraire a été l'apparition de l'idée de dette. qui ne devrait avoir aucun sens en littérature. (...) Pour un classique. la subordination des structures de son oeuvre a un modéle préexistant n'est pas une dette. c'est un devoir et l‘ABC de l'art d'écrire. C'est l'originalité qui scandalise et c'est a partir du moment on l'écrivain ne peut montrer du doigt l'oeuvre 9 laquelle il a pris sa 'matiére et qui est son 'autorité'. que les doutes commencent." Voir également les deux chapitres que C.J. Gossip consacre 9 la publication et aux sources des tragédies du XVIIe siécle. An 19tr9999t19n t9 Eren99 919991991 Erased! (Totowa: Barnes 9 Noble Books. 1981) 46.71. 55 Richard J. Melpigano. "La Saaan de Jean Rotrou devant la critéquet" £999r9 99.Er9999 Sexenteentb 999t9rx Literat9r9 9.16 (1982): 275 . 56 C'est ainsi qu'il convient de saisir les propos de Loukovitch 338-9: "Sans doute faut—il reconnaitre qu'en plus d'un endroit Rotrou s'est contenté de traduire le P. Cellot (...). Mais on 11 [Rotrou] a gardé son indépendance et affirmé son originalité. c'est en adaptant les situations et les caractéres au gofit de son époque. (...) En s'affranchissant de la légende hagiographique. Rotrou a soumis a la discipline classique un sujet de mystére. Mais en 1e dégageant de tout élément romanesque. 11 en garde pieusement et fidélement toute la substance religieuse." 57 Il convient également de citer ici un autre ouvrage adaptant la méme perspective que celui de Van Baelen: Micheline Sakharoff. L: 99:99. 99 1199rt§ at 999 9991999199. 99 Garnier é B9tr99 (Paris: Nizet. 1967). Ce second ouvrage n'examine qu'une seule piéce de Rotrou: Vanaaaiaa. mais ses conclusions rejoignent celles de Van Baelen; Sakharoff 180: "Rotrou. en dépit des apparences. semble continuer 9 tracer la ligne déja ébauchée par son prestigieux contemporain et qui nous mene graduellement vers le plus profbnd pessimisme de la seconde moitié du XVIIeme siécle." Voir également l'article de Micheline Besnard-Coursodon qui nous invite. au contraire. a la conclusion que "Genest profite de la scéne pour faire profession de foi et exercer sa liberté d'individu face au Pouvoir. (...) la piece de Rotrou est profondement politique. dans le conflit qui oppose une puissance contre-évolutive a la ferce dynamique du changement. de la Différence. dont la 'gréce' n'est ici qu'une figure. Au méme titre que le procés d'écriture." "De Circé a Pandore. Lecture politique du 'Véritgble Saint Genest'." Rafitiaaa 35 (1978): 351. 5 Van Baelen 206. 59 Van Baelen 212. 60 welfgang Leiner. rev. de Ratnaa: L: agnaa tnagiaa: at 1a néxaita. de J. Van Baelen. Staai Enanaaai 29 (1966): 346. Dans un autre 195 "Book Review" consacré toujours 9 cc meme ouvrage. Gaston Hall partage l'opinion de Leiner et ne se montre guére favorable a l'approche choisie par Van Baelen: "Some of the many who share the assumptions of the late Albert Camus. whose attitudes underlie the critical approach of this book. may be more satisfied with it than most of the few who read Rotrou (...)." Gaston Hall. rev. de Ratnaa: L: hér99 traeihue 9t 19 99991te. de J. Van Baelen» Ereneh 999199 4 (1967): 560. 61 Reprenant les critiques déla fermulées par H. C. Larrington. Scherer affirme: "0n ne saurait davantage trouver d'uniformité. sinon ‘au niveau le plus superficiel. dans les nombreux themes que Rotrou a utilisés." Scherer. Ihaatna na XXII: aiaaia 1297. 62 Edouard Morot-Sir. préface a l'ouvrage de Carlo Francois. La N9t199 99 119999r99 9999 19 littérature iraneaiae 99 11119 919919 (Paris: Klincksieck. 1973) 10. 63 Ionesco 145. 64 Voir en particulier Rousset. La Littanatana 6: 116g: bananaa. De récentes études tentent de préciser la démarcation entre baroque et maniérisme. voir Nicolich 441-57. 65 Morel. 1999 £9tr99 dramaturee 99 liahhieuité; Rousset. "Le comédien et son personnage. de Don Juan 9 Saint Genest." 151-64; Rousset. "Le déguisement et le trompe-l'oeil (La tragi-comedie)." 51- 78; Bufom- St99199 in the Bar9999 £r9m 99nt91999 t9 R9tr99 Voir également John D Lyons. A Iheatre 99 91999199 St99199 9n Ereneh Banana: Dnama (1639:1660) (Columbia: French Literature Publications Company. 1978). la seule piece de Rotrou dont il est question dans cet ouvragg est Qéliméne. "The woman as Man: Séliméne." 21-60. 6 Lebégue. "Rotrou dramaturge baroque." 384. 67 Giovanni Dotoli. "Unité plurielle du XVIIe siécle." Banana an Ereneh Seuenteenth 999t9rx Literature 10.19 (1983): 462. Déjé en 1971. Frank J. warnke qualifiait le concept de "baroque" de : "Chameleonlike adjective". warnke. Yer91999 91 99r9999. £9r99999 Literature in the Saxantganth Santana (New Haven: Yale University Press. 1972) 1. 6 Nelson. "Art and Salvation." 451. 69 Judd D. Hubert. "Le réel et l'illusoire dans le théétre de Corneille et de Rotrou." Raga: nan Saianaaa Ramainaa 91 (1958): 338. 70 Francesco Orlando. 99tr991 99119 tr99199999919 9119 tr9999ia (Torino: Bottega d'Erasmo. 1963) 279. 71 Valle Abad. Inflaanaia Eaaafiaia 141. 72 Morel. 89tr99 9r999t9r99 99 lianhixulté 131- 196 73 Hubert. "Le réel et l'illusoire." 339. Dans cette perspective. voir également Morel. "0rdre humain et ordre divin dans Saint Ganaat de Rotrou." Rana: nan Saianaaa Banainaa 145 (1972): 91—4. ‘ 74 Rousset. Lilnterieur 9t liextérieur 156. 75 Anne Marie Poinsatte. "Naissance de l'illusionisme baroque: La 9911999 de Baro." L11919r99t199 Littéraire 4 (1974): 172- 76 Dubois. éd. Saint Qanaat 17. Dans le méme ordre d'idée voir encore Jean-Jacques Desmorest. "Une notion théatrale de l'existence." - Bathe t9 Er99999. St99199 in Ereneh 9199919199 in flanar 91 9.9.9 Bangannatf. numéro spécial de LiEaanit Snaateur 11.2 (1971): 78. 77 Ladborough. éd. Saint Ganaat xxiii. 78 E Ladborough. éd. Saint Qanaat viii et xii. : 79 8 Nelson. "Art and salvation." 456. 0 Rousset. Litt_natana n: iiaga Banana: 70: "D'abord. bien certainement il 3 'agit d'une prise de conscience; le thé5tre aprés 1630 atteint une sorte d'5ge adulte; il est naturel qu'il se regarde. qu'il se discute. se disculpe. se demande ce qu'il est; c 'est pourquoi le sujet de sa comédie. c 'est la comédie meme. " Ainsi pour Nelson. Riay aitnin a Biay 10: "(...) in a world in which all values are examined. it is inevitable that the instrument of evaluation be itself examined. " Ces pieces sont par ailleurs qualifiées de "self-conscious plays" par T. J. Reiss. Iaaann Dramatie 111991991 Iheatrieal 199991999 999 9999199 £99m Hand! tn RunnanaF (New Haven: Yale University Press. 1971) 127. 81 Larthomas 36. En ce qui concerne le public de l'HBtel de Bourgogne a l'époque de Rotrou. l'on consultera l'ouvrage de Maurice Descotes. L: Baaiia n: tnaétna at nan niatain: (Paris: Presses Universitaires de France. 1964). Voir également Barbara G. Mittman. S999t9t9r9 99 the Eari9 Staee in the Seuenteenth 999 Eighteenth Santaniaa (Ann Arbor. UMI Research Press. 1984) 1-37; John Lough. S9999t999t99999t9rx Ereneh Drama: the 99999r9999 (Oxford: Clarendon Press. 1979) 76-98; John Golder. "'L'Hypocondriaque' de Rotrou: un essai de reconstitution d'une des premieres mises en scéne a l'Hotel de Bourgggne." Rana: nifliatain: na Inaatna 31.3 (1979): 247-270. 2 8 Larthomas 35. 3 Paul Claudel. Ihéatna. éd. J. Madaule et J. Petit. 2 vols. (Paris: Gallimard. 1967) 1: 676-7. 9 Corneille. "Examen" de Ranagana. A ce sujet. nous renvoyons 9 l'article de Georges Forestier. "Illusion comique et illusion mimetique." 299999 99 Ereneh Sexenteenth Denturx Literature 11.21 (1984): 377-91. 197 Chapitre III: La représentation de l'amour dans la dramaturgie rotrouesque 1 Voir chapitre I. 25-27. 2 - A ce propos qu'il nous suffise de renvoyer aux attaques dont 1e théatre de Rotrou a été victime et dont nous avons parlé au cours de notre second chapitre. 3 Nous pensons ici tout particulierement a la remarque déjé mentionnée de Jacques Scherer: "0n ne saurait davantage trouver d'uniformité. sinon au niveau le plus superficiel. dans les nombreux themes que Rotrou a utilisés." Scherer. Inaatna an X11199? siecle 1297. u Morel. B9tr99 dramaturge 99 lianhieuité 131- 5 Viollet-le-Duc. Qaaana: n: Jaan Ratnaa 1: 365. 6 Madeleine Bertaud. La 19199919 9999 1a 11tt9rat9re 99 t9999 99 Lani: XIII (Genéve: Droz. 1981) 430. ll convient de signaler une erreur de "lecture" commise par Mme Bertaud dans le résumé qu'elle propose de Qléagénor at Bani:t_: ou nous apprenons que ce sont les voleurs qui habillent leur captive en homme. ce qui n 'aurait en fait aucun sens dans la mesure 00 c 'est justement gr5ce a son déguisement masculin que Doristée parvient a sauver son honneur et a fausser compagnie a ses ravisseurs. Il est évident que Madeleine Bertaud n'a pas pris la peine de lire le texte de Rotrou et qu 'elle s 'est contentée du résumé trés approximatif proposé par Viollet-le-Duc dans la notice qui accompagne la piéce (I: 176): "BientBt. travestie en homme par ces brigands. Doristée est forcée d'embrasser leur profession." En ce qui concerne le theme de la Jalousie dans l'oeuvre dramatique de Rotrou. l'on se reportera aux quelques pages que lui consacre Morel. "Les amours malheureuses." Ratnaa ananatanna n: iianniga_t§ 38-49; et surtout au chapitre III. "Jealousy." de la these de Ph. D. de Ira D. Dudley. 49-63. 7 8Ronsard. La: Anaana. éd. H. at C. Heber (Paris: Garnier. 1963) 10. Jarry 107. Sur l'adaptation réalisée par Rotrou des comedies de Plaute. l'on consultera Lancaster. part II. 1: 262-66 pour La: Saaia: et La: Gaatifa; Part II. 2: 622-25 pour La: ugnaannaa; Helje Porré. "'Sur les pas de cet illustre pere du comique'. Rotrou's adaptations of Plautus." Banana: Nata: 20 (1979): 94-102. Nous examinerons plus loin l'utilisation dramatique de ces deux intrigues amoureuses ajoutées par Rotrou a la comédie de Plaute. voir Chapitre IV. 108-10. 9 Dudley 67. 10 Voir 9 cc propos T.J. Reiss. "Madness. Love and Illusion." 1999n9 Dramatie 11199199 62472; Michel Foucault. Hiateire 99 19 19119 tag: ala::inaa (Paris: Plon. 1961) 131-6; G. J. Mallinson. tnflaaaitai 6:: fan: of Charles Beys: The Madman and the Actor." Enannh Stania: 36 (1982): 12-25. m: .-»a 3| 198 11 Honoré d'Urfé. Linatnaa. éd. Hugues Vaganay. 5 vols. (Lyon: Pierre Masson. 1925) 2.9: 389; dans un autre passage du roman (2.9: 311). Léonide parle de l'amour de Céladon comme de "quelque maladie de l'esprit". Le théme de la felie amoureuse est a peu pres constamment présent dans Linatnae. 12 D'Urfé 2.12: 503. 13 En plus des ouvrages déja cités. qui consacrent plusieurs pages au probleme de la représentation littéraire de l'amour. nous aimerions mentionnerm ici: Jean-Michel Pelous. Amaan an_aiaax: amaan salant 11999919191M99r 19 r99r_9entat19n 99 119999r 9999 1a iitt_natana at in :aaiaté nannaina: (Paris: Klincksieck. 1980); Octave Nadal. L9 Sentiment 99 119999r 9999 119999re 99 Eierre 99r991119 (Paris: Gallimard. 1948); Jacques Ehrmann. Un Banani: naaaaaané. LiAmaan at iiilianian nan: RLLAStngaF (Paris: Presses Universitaires de France. 1963). 14 D'Urfé. Linatnga 1.10: 387. 15 Voir Nadal. La Santinant n: iiamaan 87-101. 16 D'Urfé. Linatnae 2.9: 387. 17 8Cité par Nadal. La Santinant n: iianaan 88. 1 D'Urfé. LLAStnaa 2.9: 386. 19 Sage. Le Er991999191999 59. 20 Jean Starobinski. Préface de Jacques Ehrmann. Rn Ranani: nésesaaré 13. Vbir également Rousset. Litt_natan: n: iiaga Banana: 32-3; Hubert Gillot. "Le thé5tre d' imagination au XVIIéme siécle: Jean Rotrou." 89999 91999999119 999 999r9 9t 99919r99999 15 (1933): 579-80; et Robert Garapon. "L' Influence de l'A:tnée sur le thé5tre francais de la premiere moitié du XVIIe siécle." Inaaaax n: L199919t1999 9t 99 Littérature 6.2 (1968): 81-5. 21 Bien que l'héroine de La Rninaaaaa n: Clélfifi reste maItresse de ses actes. il n'en est pas moins évident que l'amour dans le roman de Mme de La Fayette est présenté comme une passion ou la liberté de l'homme n'intervient pas. A propos de ce roman. nous renvoyons 5 Adam 4: 197-209; et au chapitre que lui consacre Rousset. "La Princesse de Cléves." E9rne 9t 919911199t199 17-44. 22 Voir W. E. Thormann. "Again the 'je ne sais quoi'. " 1199.999 Language Nata: (1958): 351-5; P. H. Simon. "La raison classique devant 1e 'Je ne sais 9901'." 99919r9 99 111999919ti9n Internationale 999 Et9999 Enancaises 11 (1959): 104-17; at V. Cerny. "Le 'je ne sais quoi' de Trissotin." Rana: 9a: Saiannaa Ranainaa (1961): 367-78. 23 Viollet-le-Duc. Banana: n: Ratnaa 5: 411. 199 24 A titre d'exemple qu'il nous suffise de citer Didaa aa aaaa1£1aaa et L9 9999 919991119 de Hardy. 999 999999199 de Racan. Le E91999 aaguisé de Scudéry. et la Saahaaiaaa de Mairet. En ce qui concerne 1e genre pastoral. nous renvoyons a l'étude de Jules Harsan. La Eaatanala aaamaaiaaa an Eaaaaa (Paris: Hachette. 1905). 25 Pour illustrer les nouvelles tendances de la seconde partie du XVIIéme siécle A propos de la passion amoureuse. nous reléverons les paroles de Mme de Cornuel adressées a Mme d'Olonne: "(les débauchées] méritent assurément plus de compassion que de haine. parce qu'elles sont emportées par la force de leur tempérament. et qu'il faut une application presque impossible pour réformer la nature." cité par Adam 2: 13. 26 Ainsi que le constate Morel. Bataan daamaaucga da lgamaigugtg 32: "Quelque autre explication qu'on veuille donner a la naissance de l'amour. il faut toujours en revenir 9 ce 'je ne sais quoi'." Le grand spécialiste de Rotrou qu'est Jacques Morel n'a pas été sensible 9 l'utilisation dramatique que cet élément traditionnel de la passion amoureuse offrait a un homme de théétre. 27 Les citations empruntées au thgfitre de Racine renvoient a l'édition de Maurice Rat. Baainaa Ihaatza aamalaa (Paris: Garnier. 1960). 28 D'Aubignac. "Des stances." dans La Eaaaiaaa an thaéaaa. éd. Hans-Jbrg Neuschafer. (MOnchen: Wilhelm Fink Verlag. 1971) 3.10: 244. Rotrou sacrifia totalement a la mode des stances puisque treize de ses piéces. quatorze si l'on accepte Lilllaataa Amazaaa. en contiennent. A ce sujet nous renvoyons a l'ouvrage de Marie-France Hilgar. La mafia daa 9999999 9999 19 9999999 99991999 999999191 1919:1992 (Paris: Nizet. 1973). 29 En ce qui concerne le roman. voir Jean Rousset. Lanna [aux 9a 9999999999999. La 99999 99 99991999 299 9999 19 99999 (Paris: Corti. 1981). Aucune étude similaire n'existe encore pour le texte dramatique. 30 Le signe doit ici étre envisagé dans une acceptation beaucoup plus large que ne lui accorde Luis Prieto dans uaaaagaa at Signanx (Paris: Presses Universitaires de France. 1966). Davantage que de produire seulement des effets de reconnaissance et d'intellection. 1e signe peut Etre un stimulus capable de produire des réactions affectives et/ou physiques. Pour une discussion approfondie sur le probléme du signe théétral nous renvoyons a Keir Elam. Iha Samiatiaa at Ihaatra and Dzama (London and New York: Methuen. 1980) 5-31; Anne Ubersfeld. LLEaala an aaaatataua. Liza 1a angézzg 2 (Paris: Editions Sociales. 1981) 21-50. 31 Nous raisons abstraction ici de 19 double énonciation propre au personnage de théétre: est-ce Valérie ou la comédienne qui prononce la phrase? Dans le cas de Genest. nous verrons que l'énonciation devient triple. Voir F. Récani. La Icanaaaaanaa at 1399999199199 (Paris: Seuil. 1979) 120-60. 200 32 Le texte dramatique lui-meme procede d'une théatralité antérieure: on n'écrit pas pour 1e théatre sans ne rien savoir du theatre. D'une certaine facon. l'on pourrait soutenir que la "représentation". au sens large du terme. préexiste au texte. Voir a ce propos Ubersfeld. "La scéne et le texte" LLEaala 9n aaaataaaun 9-18. 33 Ubersfeld. 9199919 99 9999999999 27. 39 1 Sur la fonction des didascalies voir Anne Ubersfeld. Lina 1a thaatna (1977; Paris: Editions Sociales. 1982) 20-2. 35 L'on voit par 19 que toute modification sur l'axe paradigmatique entraIne non seulement un changement dans l'ordre des oppositions signifiantes. mais en meme temps se répercute sur l'axe syntagmatique et rend plus 09 moins pertinente la suite des unités du récit. Voir a ce sujet Ubersfeld. “La représentation comme texte." LLEaala 99 9999999999 27-37. 3 Patrice Pavis. "Production et réception au théfitre: la concrétisation du texte dramatique et spectaculaire." Ragga daa Salaaaaa flumainaa 189 (1983): 61. 37 Nous employons le terme de "metatexte" dans le sens que lui confére Pavis 87: "l'ensemble des textes déja connus par le spectateur et/ou 1e metteur en scéne et utilisés par eux pour lire le texte g lire ou a monter." 3 L'expression employée par Jean Rousset pour dépeindre les personnages du roman. nous paraIt appropriée pour décrire les amoureux rotrouesques. Rousset. Lanna xanx aa nanaantngnaat 8. 39 Raymond Lebégue. "Le merveilleux magique en France dans le théatre baroque." Ragga 9191999199 93 Ihaaana 15 (1963): 7-12; Rousset. La Liaaanaaanafl mannaana 34-39. Voir également Marie- Francoise Christouto Le 99999111999 99 19 19999999 99 91199991m Enaaaao a aanain an XXIIama 919a1a (La Haye: Editions Mouton. 1965). 0En ce qui concerne les nombreux procés de sorcellerie de l'époque. voir Henri Pensa. 99999119919 99 991191991 99 99999999 9999 199 9999199 99 9999 199 999999 991 19119 99 111119 9199199 (Paris: Librairie Félix Acan. 1933). Dans une perspective davantage historique. voir Robert Mandrau. 9991999999 99 99991999 99 E99999 99 1111999 919919 999 9991999 99 99999919919 9199991999 (Paris: Seuil. 1980): 919991199 Carmona. 91 R999 Rapin. 999 9991911999 999 19 99991999 99 99 99999 99 999 199 99999999 999 999999 9991999 99 99999999. éd. E.T. Dubois (Genéve: Droz. 1970) 33: 39. 42 Pour un panorama théorique touchant a l'utilisation du merveilleux au théatre. voir René Bray. La Eanmatian da la daatniaa 919991999 99 599999 (Paris: Nizet. 1951) 231-9. 43 Pavis 58. 201 an Telle est par exemple l'opinion d'Ira D. Dudley dans sa thése déja mentionnée. ou encore celle de Derek A. Watts dans la préface a son édition critique de Qaaaaaa (Exeter. Devon: Short Run Press Ltd.. 1983) xxiii. 95 Morel. B99999 9999999999 99 11999199199 28. n6 Leiner. "Deux aspects de l'amour." 179-209. Chapitre IV: L'amour de la représentation 1 Leiner. "Deux aspects de l'amour." 193. 2 "Ne nous étonnons donc plus si. dans le cours de l'axpaaandziaaua. la scene reste souvent vide. si l'auteur s'est permis d'y présenter des tableaux trop peu chastes. s'il y a rassemblé des personnages et des incidens inutiles a l'action; remarquons y seulement (...) 1e génie dramatique encore en son enfance." Viollet-le-Duc. Q9999§9 99 899999 1:5. A ce sujet. nous renvoyons aux remarques de Colette Scherer sur La D1999uet 999 9999119. dans 9999919 99 9991999 9999 99919 1111 97-101. Voir chapitre III. 65-66. 5 L'affirmation de Raymond LePage selon laquelle: "All of Rotrou's comedies are 'comédies d'intrigue'. a genre in which he excelled." demanderait a étre nuancée. LePage. "Jean Rotrou and the 'commedia erudita' in France." Kantuakx Bamanaa Quantazlx 22 (1975): 319. A propos du comique chez Rotrou. voir Harold C. Knutson. "The Ironic Game: A Study of Rotrou's Comic Theater." 9919999199 99 9911199919 999119991999 1n flagazn Ehilalaax 19 (1966): 1475. Rotrou. on le constate. ne fait guere preuve d'originalité dans la peinture négative de la nature fémdnine qu'esquissent certains de ses personnages. Pour compléter 1a liste de clichés que nous venons de citer. nous pourrions encore mentionner: Hippocrasse La femme est un beau mal. un naufrage de l'homme. Un soin qui 1e dévore. un feu qui le consomme. Un Joug qui le captive. une erreur. um défaut. Un vice de nature. et pourtant 11 en faut. (W9 Va V111) Adraste Que nature a donné peu de prudence aux homes; Qu'elle nous haissait. abusés que nous sommes. Quand. nous établissant en ce mortel séJour. 202 Elle fit qu'avec nous ce sexe vit le Jour! S'il a quelques appas. qu'il a de tyrannie! (Lfifi QEQEfiIQDfi Dfiidflfifiv IV. 111) Clorimand Ah dieux! comme ce sexe a son gré nous manic! Tout céde. tout défére a sa fOrce infinie. (mmm- Iv. v) Bélisaire Une ferme? ah! ce mot accroi't encor ma peine; Ce sexe en la vengeance est le plus obstiné. Et pouvant l'accomplir n'a Jamais pardonné. (221mm. 1. 11) 7 Leiner. "Deux aspects de l'amour." 186. A cote de Rosaran. 1e "cavalier extravagant" d'Agéfiilan d6 Colchos. qui constitue 1e type le plus poussé du personnage du matamore. il convient egalement de mentionner Darinel. 1e serviteur bouffon et ivrogne de cette méme piece. Signalons aussi 1e role bouffon du valet Ogier de Llflguzgnsg constance; Lysis des Qggasigns pengues; Emile. 1e "soldat fanfaron" d'Amélig. et Ferraude. sorte de Fier-a-Bras de La Belle Alphrede. et Rhinocéronte le capitan de 9132183. Voir. par exemple. la passion toute physique de la reine Salmacis pour la beauté de Cléandre (Heunenx Manfragg) et les avances pressantes qu'elle ne rougit pas de lui adresser. La fréquence des "ardeurs lascives" se remarque en particulier dans l'Hermante de Lfilnnggentg Infiidfilité. dont la passion sensuelle est partagée par Félismond; et dans Linguzgux flaufzagg. la scene entre Salmacis et Cléandre (IV. iv). Voir également dans Gléagéngz at Dacifitgg la scéne entre l'experte Dorante et Doristée qu'elle prend pour un jeune cavalier novice (IV. iv). Pour une liste plus complete des scenes qui ont parfois scandalisé la critique. nous renvoyons le lecteur a Hubert Gillot. "Le theatre d'imagination." 585-90; Jarry 70. 1O Sans aller peut-étre jusqu'a Justifier l'action de Cassie. l'amour de celui-oi pour sa prisonniere 1e conduit irremediablement au viol (Crisante). Il n'est pas rare d'autre part que. volontiers "lascif". l'amour n'ait pas attendu 1e mariage pour porter ses fruits: Célie de La Eglgzing amoureuse. Théodose des Deux Eugellgfi. la belle Alphrede. Sidonie d'Agésilan d: Colchos. Ainsi que l'observe d'autre part Jacques Morel. le désir physique peut étre la premiere étape susceptible de conduire a l'amour veritable: "Le desir est donc bien une dimension des plus parfaites amours. Mais 11 y a plus: réduit a lui seul. il peut etre la simple entree a l'amour veritable. auquel son élan instinctif ouvre la voie." Eggnog dramaturge de llambiguzté. 52-3 0 203 11 Sainte-Beuve. "Mézeray." Canaaciea an lanai. 3eme éd. (Paris: Garnier freres. n.d.) 8: 197. 12 Gustave Attinguer- W de la W delllante dane 1e HLééfllg {Lancaia (Neuchatel: n. p.. 1950) 911. 3Knutson 38. Comme en ce qui concerne l'intrigue de Elgaggna: a; Daniatga. 11 est encore une £613 a regretter que la critique se laisse parfbis aller a une lecture trop superficielle du texte dramatique. Voir chapitre III. note 6. Dans le meme ordre d'idée. il convient de citer l'affirmation de Jacques Scherer a propos de 1'épisode dont nous w avons souligne quant a nous 1e caractere superfétatoire: "Oronte parle avec Aliaste qui a pris les habits de Perside; leur entretien. capital pour l'intrigue. emplit quatre pages et roule sur 1e choix d'un mari." La dramaturgie elaaainua 376. Si cet episode est capital pour l'etude de la dramaturgie rotrouesque. il ne l'est certainement pas pour l'intrigue de la piece. 1n Knutson 53-“. Georges Forestier s'intéresse quant a lui a l'ironie que permet le déguisement dans LLHanzaux mantraga. "Ironie et déguisement chez Rotrou: une richesse de moyens exemplaire." Banana an Eneneh Seventeenth tentant Literatnne 9.17 (1982): 553-70. 15 André Du Laurens. 121mm dee maladie: nélaneeliauee (Paris: n.p. 1606). 16 Le theme romanesque du "beau Ténébreux" a déJa été relevé par Morel. Batten W de Wnité 33- 17 Pedro Calder6n de la Barca. £1 Gran Iaatng del Manda. éd. Domingo Yndurain (Madrid: Istmo. 197k). L'"Auteur". personnage principal "con manto de estrellas y potencias en el sombrero". voulant se donner une féte. ne voit pas d'autre spectacle a se faire presenter que le drame de la vie humaine. Le Monde va l'y aider en se transfbrmant en scene de theatre sur laquelle six hommes vont représenter une piéce intérieure ou ils Joueront leur propre role. et a l'issue de laquelle les meilleurs seront conviés a un banquet. A propos du thaatzum mundi. nous renvoyons en particulier 3 Ross Chambers. La Mean chateau W5 la mam thiatm (Paris: Corti. 1971); Jean Jacquot. "'Le theatre du monde' de Shakespeare a Calder6n." Ragga da Litt_:atuza Campa:_a 31. 3 (1957): 3u1-72. Frank J. ‘warnke. "The world as Theatre." Xazaiana at Bananas; Enzapaan Literature in the Sexenteentn Gentuu (New Haven & London: Yale Univergity Press. 1972) 66-89. 1 Morel. Batten W de uanbisulté 131. 19 L'"auto sacramental" de Calder6n. El Gran Ieatng del Manda. a été compose vers 1633. mais 1a premiere representation attestée date de 16u9. Voir Forestier. Le Ihéatze dang 1e thgatza 54. 20 Bien que l'amour ne soit pas nécessairement la cause immediate des erreurs d'appréciations commises par les personnages. 11 en est toujours un facteur important. Voir a ce propos T.J. Reiss. Iguana Deanatie Innaten 62-72. 20h 21 Jacques Scherer releve cet episode et dresse une liste des principaux quiproquos du theatre de l'époque; La Dnanatungia en Eranee 72-82 22 Knutson. 39; Forestier. "Ironie et déguisement." 553-70. 23 Voir par exemple Marian Hobson. "Du Theatrum Mundi au Theatrum Mentis." Reyna daa Seiannaa unnainaa 5n.167 (1977): 380-93; Forestier. Lehéétnedanelethéétnew‘l- 2“C'est dans cette perspective qu'il serait peut-étre envisageable ~~d'examiner l'étroite collaboration entre Bernini. comme d'ailleurs la plupart des artistes de son epoque. et les Papes Urbain VIII d'abord et. plus tard. Innocent x et Alexandre VII. Chapitre V: Theatre du monde: un exemple a suivre 1 Michel Foucault. "La representation du signe." Lea Mate et lee eneaee. une W1: dee eeieneee minee (Paris: Gallimard. 1966) 72. 2 Jacques-Bénigne Bossuet. Sannnn Sanmnn an; la Ennxinanna dans da Enaanet. éd. Velat et Champailler (Paris: Gallimard. 1961) 1067. Nos prochaines references aux oeuvres de Bossuet renverront a cette édition. 3 Le premier a avoir parfaitement mis en evidence 1a structure de Saint fianaan est J. D. Hubert. "Le reel et l'illusoire dans le theatre de Corneille et de Rotrou." Raina daa Science: Hunainaa 91 (1958): ass—nu. Voir chapitre II. fl9-50. u Voir Besnard-Coursodon. "De Circé a Pandore." 336. 5 Morel: Batten dnamatacae de llamhianlte 128- 6 Evoquant les travaux d'Hubert. "Le reel et 1' illusoira." 338-u0; :aeiniennez lee aeenete We (Paris: Nizet. 1956) men: 12-15; et ceux de Morel. Bntnnn anamatnngafl flléamnignitg 127-8. J. S Street affirme: "this approach is illuminating. if at all. only to the critic who is not bound like the spectator to take the acts in order." mmmmmmmmmmm Ennneaee in the Earl! undenn Ihaatan (Cambridge: Cambridge University Press. 1983) 325: n. 85. Il est domnage que le critique anglais n 'ait pas tente de corriger l'erreur imputée a Hubert et a Morel. 7 Yves Bonnefoy. am am. Lmenizen dn acme: bananne (Paris: Flammarion. 1970) 179. C'est egalement ce qui ressort de l'article de Jean Jacquot. "'Le Theatre du Monde' de Shakespeare a Calder6n.“ Remeade Litténatnne Cantatas: 31.3 (1957): Bin-72. Voir Forestier. La Inéétne dang la tngétna “0-2. 205 9 C'est ainsi que l'empereur Diocletian de Saint Senna; va utiliser une perspective historique pour se Justifier et organiser le monde en sa faveur; voir pages 172473. 10 Rotrou utilise ici un procédé dramatique largement répandu a son epoque. Voir T.J. Reiss. "1625-1635: The Spectator and the Theater of Doubto" Imam We Illneien 55-62- 11 Morel: Betcen ananatume de W 2111. 12 Voir chapitre III. 93-105. Si Rotrou utilise 1e procede . dramatique de la parole en differe pour rendre compte du sentiment amoureux. 1e dramaturge a recours a ce meme procede pour accentuer parfois les talents du personnage-acteur: Erasme On ne peut sans horreur voir ses dépéglements; Son geste et ses discours changent a tous momens; <...> Un instant fait revoir sa raison altérée: Lors son geste const. et l'horreur de ses cris. De crainte et de pitié saisissent les esprits: A la voir lloeil ardent. les cheveux en désordre. Tordre tantot un bras. et tantot 1e détordre. Se raccourcir le corps. meurtrir son sein de coups. Et sauter furieuse a la face de tous. (La Eélenine we 11. i) A la difference d'Erasme. 1e spectateur sait pertineument que Célie Joue la comédie. La description détaillée que donne ici 1e pere de la Jeune fille confirme et accentue les talents de l'actrice observes au cours de la scéne iii du premier acte et annonce la scene viii de l'acte II on nous retrouvons Célie utiliser a nouveau sa feinte pour se débarasser cette fois de Céliante. 13 La doctrine de l'identité de l'amour et de la magie. déja esquissée par Ficin. est portee a ses consequences extremes par Giordano Bruno dans "De vinculis in genere." cite et comenté par loan Peter Couliano. fine: at nagie a la Benaieeanee 1383 (Paris: Flammarion. 198”) 21-122. 135-53. Nous remarquerons a ce propos qu'Angélique. en plus de son déguisement de pélerine. s'attribue egalement des pouvoirs surnaturels de guérisseuse. La Eéienine amnnnenee (III. iv). 1n Couliano. Erna et magie 135-nu. 15 Bossuet. menace an: 1.1mm nnixeneelle 3.8: 1025- 16 Bossuet. Qnaieen mam Mane de Gonzague de M1119. 17 8Voir chapitre II. ”5—6. 1 Blaise Pascal. "De la nécessité du pari." Eenaéee. éd. Des Granges (Paris: Garnier. 196a) frg. 229: 133-u. 206 19 Bossuet. Seeend Seznnn en: la Ennxinenee 1061-2. L'on consultera a cet égard l'étude de Jurgis Baltrusaitis. Anannnnnnaee en nezaneetixee ennienaee (Paris: Olivier Perrin. n.d.). 20 Bossuet. Seennd Sennnn an: ia EnnxiQenee 1062: "Peut-étre que vous trouverez que ce qui semble confusion est un art cache; et 31 vous savez rencontrer 1e point par on 11 faut regarder les choses. toutes les inégalités se rectifieront. et vous ne verrez que sagesse on vous n'imaginiez que désordre." 21 Voir Alain Seznec. "Le Saint fieneet de Rotrou: un plaidoyer pour le theatre." Bamanie Bexieu 63 (1972): 172. 22 Bossuet: Menitatiena ear la britxeté de la lie 10"0. 23 Bossuet- Qraieen innenre de Mariezlhéréae dlAntriebe 110. quoir pages 173-7n et note 37. 25Voir section III. "Le Prince et le Theatre." 171-79. 26Blaise Pascal. Eenagea frg. 162: 118. 27Paul de Gondi. Cardinal de Retz. Henninea. éd. M. Allem (Paris: Galliggrd. 1956) 483. Bossuet. Qraiaen innenre diAnne Genzaene de Clexee 1&2-51. 29 Calderon de la Barca. Bi Gnan Ieatnn dei Mnndn 105-6. 30 Bonnefoy» Bone 1639. Liberizen an nrenier barenne 12. 32More1» Betrnn dranatnree de iiannienite 117. L'on consultera a cet egard l'interprétation de la piece que propose‘William O. Goode. "Nature and Fortune: A Tragic Dislocation of Values in Rotrou' s Entrees" Eanere en Erenen Sexenteentn Gentnrx Litenatnne 13.25 (1986): 93-112. 31 33Cite par Helene Leclerc. Lee Qniginee itaiiennea fig liareniteetnre tné_trale nederne (Paris: Droz. 1946) 170. 3“Jean DUVisnaud. Lee Wee enlieetiree. Seeinimie 111: mean: (Paris: Presses Universitaires de France. 1973); Jean-Marie Apostolidés. Le Beinnaenine. Sneetaele et nelitinne an tente de Lenin XIX (Paris: Minuit. 1981). 35 Hubert. "Le reel et l'illusoire." 339. 36 Voir a ce propos Arnauld BreJon de Lavergnée et Bernard Dorival. Baroque et elaeeieiene an XXIIe aieele en Eranee et en Italie (Genéve: Famot. 1979); M.E. Kronegger. "Games of Perspective in Baroque Arteand Poetry." Banana en Ereneb Serenteentn Gentnre Literature 8.15 (19 1): 269-93. 207 37 C'est. en effet. gr5ce au livret écrit pour La Naiaeanee diflenenie que nous pouvons deviner la possible aversion de Rotrou a l'encontre des spectateurs installés sur la scéne: "Il est un grand avantage que les pieces 2 machines aient chassé les courtisans de la scene." Nous renvoyons a l'étude de Barbara G. Mittman. Spectatena an tneEarieStaaeintneaerenteentnandEixnteentbcentnrieeunnArbor: UMI Research Press. 198R): 10. qui nous persuade aisément de la réalité du phenomene et nous invite a considérer que "In any case. it is against such a disruptive backdrop that all plays given at the time must be imagined." Conclusion 1 Hobson. "Theatrum Mundi." 383. 2 Morel. Betren dramaturge de M 131. Voir ésalement Besnard-Coursodon. "De Circe a Pandore." 34547. BIBLIOGRAPHIE Bibliographie Abirached. Robert. La Criee du nereennaee dane le theatre moderne. 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