L’HUMOUR : DEFINITION, FONCTIONS ET APPLICATIONS By Jessica Pimbert A THESIS Submitted to Michigan State University in partial fulfillment of the requirements for the degree of French — Master of Arts 2019 ABSTRACT ABSTRACT ABSTRACT ABSTRACT L’HUMOUR : DEFINITION, FONCTIONS ET APPLICATIONS By Jessica Pimbert Humor has been under study for years, centuries even. So much time as passed and so many people have tried to understand its purpose and its mechanisms that, in order to study comedies in future works we needed to find out what were the functions and apparatus of humor that most authors would agree on, although we weren’t able to look at all that has been produced on the subject. The two main theories on which we focused our study were Henri Bergson’s through his book Le rire which he wrote as early as 1900 and the theories of humor which have been offered by Viktor Raskin and Salvatore Attardo in the 1980’s and 2000’s. By mixing a theory based on comedies and a theory based on semantics and pragmatics, the social factor of humor, either as a mark of communion or not with society or a way to deal with somebody’s own feelings in society, as well as its need for duality, conflict and shifting nature were made obvious to us. TABLE OF CONTENTS TABLE OF CONTENTS TABLE OF CONTENTS TABLE OF CONTENTS L’humour : Définition, fonction et applications 1. Introduction Chapitre 1 : Définition(s) 1 Humour : définitions « officielles » 2 Humour : fonctions 2.1 Un facteur social 2.2 Un procédé libérateur 3 Un humour français ? (Demailly, 2009) Chapitre 2 : Mécanismes humoristiques 1 Volonté humoristique 2 Situations humoristiques 2.1 Relation triadique (Charaudeau, 2009) 2.2 Relations sémantiques et pragmatiques (Raskin, 1985) 3 Théories de l’humour 3.1 Supériorité, Incongruité et tension/détente 3.2 Décalage (Maisonneuve, 2009) et mécanismes lexico-syntaxico- sémantiques (Charaudeau, 2009) 3.3 Henri Bergson et Le rire (1900) 3.3.1 Comique de situation 3.3.2 Comique de mots, manipulations linguistiques 3.3.3 Comique de caractère 3.4 Théories sémantiques et pragmatiques de l’humour (Raskin, 1985, 2009 et Attardo, 1991) 3.4.1 Hypothèse générale 3.4.2 Opposition des scripts 3.4.3 L’origine du rire 3.4.4 Parties, « scripts » et interprétations 3.5 Les 6 paramètres de la General Theory of Verbal Humor (Attardo) 3.6 Alternatives et Twist Theory (Kitazume, 2010 dans Chlopicki & Brzozowska, 2017) 3.7 Quelques convergences théoriques Conclusion Bibliographie iii 1 1 3 3 5 6 8 9 12 12 13 14 15 16 17 18 20 21 22 26 27 27 29 30 32 32 33 36 39 42 L’humour L’humour :::: L’humour L’humour Définition, , , , fonctions et applications Définition fonctions et applications Définition Définition fonctions et applications fonctions et applications 1.1.1.1. Introduction Introduction Introduction Introduction « Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît. » (Les tontons flingueurs), « Les ordres sont les suivants : on courtise, on séduit, on enlève et en cas d'urgence on épouse. » (Les barbouzes), « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent. » (100 000 dollars au soleil), « Un pigeon, c'est plus con qu'un dauphin, d'accord, mais ça vole. » (Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages), « Mais pourquoi j'm'énerverais ? Monsieur joue les lointains ! D'ailleurs je peux très bien lui claquer la gueule sans m'énerver ! » (Le cave se rebiffe), « La justice c'est comme la Sainte Vierge. Si on la voit pas de temps en temps, le doute s'installe. » (Pile ou face). Il ne s’agit là que d’un échantillon des répliques les plus célèbres écrites par Michel Audiard et si, comme nous et ceux qui les partagent sur de nombreux sites internet (senscritique.com, linternaute.com, topito.com, cinetraffic.fr, lefigaro.fr, lemonde.fr, et même pinterest.fr pour n’en citer que quelques-uns), elles vous ont fait rire, peut-être serez-vous aussi curieux.se.s que nous de savoir pourquoi elles nous font rire ou plutôt de savoir pourquoi on rit, de manière plus générale ? Si c’est à partir de ces citations de Michel Audiard que notre intérêt pour l’humour s’est révélé dans un premier temps, nous essaierons de comprendre ce phénomène dans un cadre plus général, tout du moins dans ce premier travail que nous proposons sur ce sujet. Qu’est-ce qui fait rire ? De quelle manière quelque chose peut-elle nous faire rire ? C’est à ces questions, dans une 1 certaine mesure, que nous essaierons de répondre dans notre étude présente. Notre premier réflexe, pour cela sera de nous tourner, tout simplement, vers des dictionnaires pour connaître la définition que l’on y donne à l’humour afin de la comparer avec celle(s) proposée(s) par des académiciens. Nous déterminerons également, à partir de nos lectures, les fonctions que l’on attribue à l’humour. Enfin, nous déterminerons s’il existe un humour français avant de nous tourner, pour un second chapitre vers les théories de l’humour proposées afin de l’expliquer et d’en expliquer les mécanismes. En un mot, notre objectif pour ce travail, est de comprendre à quoi sert l’humour et la manière dont il se manifeste pour, dans une prochaine recherche, pouvoir analyser la manière dont il s’applique dans des médias, écrits, cinématographiques ou autres, ou tout simplement au cours de conversations. Notre première cible de recherche serait alors les travaux de Michel Audiard, mais nous reviendrons sur nos projets futurs en conclusion de ce papier. 2 Chapitre 1 : Définition(s) Chapitre 1 : Définition(s) Chapitre 1 Chapitre 1 : Définition(s) : Définition(s) définitionssss «««« officielle umour :::: définition 1111 HHHHumour officiellessss »»»» officielle définition umour umour définition officielle Le premier réflexe qui nous vient, lorsque l’on s’attaque à quelque chose d’aussi vaste que l’humour, est de se tourner vers les dictionnaires. Avant de regarder ce qu’ils nous disent, nous devons cependant nous accorder avec les auteurs que nous avons lus afin de déterminer quelle est la place du terme « humour » parmi tous ceux qui visent à désigner les actes humoristiques qui existent, sous toutes leurs formes. En effet, par exemple, certains auteurs différencient « humour » et « comédie ». C’est le cas de Sibony (2009). D’autres, « humour » et « ironie », comme Poizat (2002). D’autres, encore, ne voient que des nuances entre ces types d’humour. C’est ainsi que pour Noguez (1996), comme le rapporte Maisonneuve (2009 : 28), ironie, parodie, satire, burlesque, absurde et autres seraient comme « les couleurs de l’arc-en-ciel », et que pour Poizat (2002), la distance que l’on met entre nous et ce dont on rit (dont on parlera plus longuement dans la prochaine partie) sera le critère qui permettra de différencier entre les différents types d’humour, allant de la « farce grotesque » au « cynisme cruel » en passant par « l’humour tendre » et « l’ironie subtile » (Poizat, 2002 : 5), tel un continuum humoristique. Si Charaudeau (2009), lui aussi, explique qu’il est possible de voir « ironie » et « humour » comme deux entités différentes, la première comme quelque chose qui fait rire et la seconde comme quelque chose qui fait sourire, il indique que la distinction entre ces deux termes reste floue. Pour certains auteurs, ils font tous deux parties d’un tout commun, pour d’autres, tous deux s’enchâssent l’un dans l’autre, l’un n’étant qu’une partie de l’autre (Charaudeau, 2009 : 1). Cette 3 confusion des sens entre chacun de ces termes nous est aussi présentée par Maisonneuve selon qui les sens de « humour », de « trait d’esprit », de « ironie », de « satire », de « paradoxe » et bien d’autres s’entremêlent. Il en va de même avec Charaudeau pour ce qui est des termes « humour », « ironie, « sarcasme », « parodie » et autres. Puisque les distinctions proposées diffèrent toutes les unes des autres et puisque tous semblent s’accorder à dire que chacun de ces termes fait référence à quelque chose qui appartient au domaine du rire nous adopterons la vision de Charaudeau selon qui « humour » est « une notion générique qui ensuite peut faire l’objet de diverses catégorisations. » (Charaudeau, 2009 : 2). Voici donc les définitions suivantes de « humour », proposées, dans un premier temps, par le Larousse, puis, par le CNTRL, reprenant la définition du Trésor de la Langue Française informatisé. Selon le Larousse, l’humour est une « forme d’esprit qui s’attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité ; marque de cet esprit dans un discours, un texte, un dessin, etc. ». Il est également le « caractère d’une situation d’un événement qui, bien que comportant un inconvénient, peut prêter à rire ». Dans le CNTRL, il est une « forme d’esprit railleuse qui attire l’attention, avec détachement, sur les aspects plaisants ou insolites de la réalité. ». La liste des synonymes proposés par ces deux dictionnaires en ligne semble confirmer la vision de Charaudeau puisque, dans l’ordre du plus proche sémantiquement au plus éloigné, les termes qui sont proposés dans le CNTRL sont les suivants : « esprit », « ironie », « raillerie », « plaisanterie », « humeur », « gaieté », « dérision », « sel », « fantaisie », « sarcasme », « la satire » et, finalement, « verve ». « esprit », « ironie » et « sel » sont également proposés par le Larousse en ligne. 4 Si dans chacune de ces définitions, on fait mention d’une forme d’esprit qui vise à mettre en évidence un aspect plaisant, insolite, ridicule ou comique de la réalité, notamment avec détachement selon le CNTRL, nous allons à présent voir quelles sont les définitions de l’humour que nous proposent quelques académiciens. Humour : fonctions 2222 Humour : fonctions Humour Humour : fonctions : fonctions Qui n’a jamais entendu ou lu la citation suivante de François Rabelais : « rire est le propre de l’homme » (préface de Gargantua, 1534) ? Le rire et l’humour sont souvent perçus comme des aspects universels à l’ensemble de l’humanité (Monro, 1963 ; Berlyne, 1969 ; Sternthal & Craig, 1973, d’après Guidi dans Attardo, 2017) faisant d’eux des éléments de définition à l’humain comme l’écrit Bergson (1991 : 2) : « Il n’y a pas de comique en dehors de ce qui est proprement humain ». Ces deux termes (« humour » et « rire ») sont également liés par la définition qui est régulièrement donnée de l’humour. Bergson, à nouveau, va même jusqu’à choisir le terme « rire » pour titre de son œuvre visant à expliquer le fonctionnement de la comédie. Si l’humour est parfois défini comme « something that makes a person laugh or smile » (Kitazume dans Chlopicki et Brzozowska, 2017), tous ne s’accordent pas sur cette définition. Charaudeau (2009), tout comme Kitazume (dans Chlopicki et Brzozowska, 2017) expliquent que si le rire est parfois une conséquence de l’acte humoristique, il n’en découle pas toujours automatiquement. La définition sur laquelle Charaudeau s’arrête est alors la suivante : « le fait humoristique est un acte d’énonciation « pour faire rire » car s’il peut faire rire ou sourire, bien souvent ce n’est pas le cas. » (Charaudeau, 2009 : 1). 5 Cet acte « pour faire rire » a, en réalité, bien d’autres fonctions. Nous nous arrêterons sur celles que nous avons retrouvées à plusieurs reprises au cours de nos lectures. La première des fonctions sur laquelle nous nous arrêterons un instant est « la fonction sociale » de l’humour ». Nous nous intéresserons ensuite à une fonction de l’humour que nous appellerons « fonction de libération ». 2.1 Un facteur social L’humour est perçu, à la fois, comme un moyen de se sociabiliser, s’il est utilisé volontairement par un locuteur qui cherche à faire rire, et comme un témoin des règles qui forment la société. Le rire serait un moyen de se sociabiliser selon Ajavon (2002). Rire, nous dit Alvarez (1981), est le signe de l’acquisition de compétences linguistiques et, avec elles, les codes de la société qui parle cette langue. On est capable de rire de ce qui est dit parce que l’on a intégré les « prérequis socio-culturels » qui la forment (Alavrez, 1981 : 27). En effet, c’est la société qui détermine ce dont on peut rire ou pas. Le rire fonctionne dans un cadre sociétal et doit répondre aux codes qui y sont instaurés. Un sujet perçu comme tabou dans une société, n’aura que très peu de chances de faire rire. Les codes et les réflexes d’une société participent eux aussi au rire (Raskin, 1985 : 17 ; Poizat, 2002 : 5). Si le rire dépend de la société parce que c’est elle qui détermine ce dont il est possible de rire, il dépend également d’elle du fait de la langue qui les lie et des individus qui la forment. Certains traits d’humour basés sur la langue ne sont pas traduisibles d’une langue à l’autre (Bergson, 1991) et, nous explique Poizat (2002 : 4), l’humour permet d’entrer en lien avec le monde qui nous 6 entoure et les hommes qui l’habitent. Selon Bergson également (1991 : 5), l’humour est une affaire de groupe et détermine notre rapport au monde et à ses habitants. Il nécessite un « écho » et ne peut fonctionner que s’il y a une bonne entente entre les personnes qui le produisent et celles à qui il est destiné. Il doit répondre à « certaines exigences de la vie en commun ». Il est le témoignage d’une cohésion de groupe, rire avec des personnes c’est appartenir au même groupe social que ces personnes. L’humour est perçu comme accessible uniquement à l’humanité, et, plus précisément encore, comme lui étant accessible totalement et ce de manière innée, avant même que la langue ne soit acquise (Ruch, 1993 ; Ruch & Ekman, 2001 d’après Guidi dans Attardo, 2017). Le rire ne semble cependant pas avoir la même valeur dans toutes les parties du monde. Lorsqu’il semble l’avoir, néanmoins, c’est seulement autour de l’humour non-verbal que l’universalité se produit (Boxman- Shabtai & Shifman, 2013 d’après Guidi dans Attardo, 2017), quand l’humour n’est lié ni à la linguistique, ni à des éléments culturels (Jabbari & Ravizi, 2012 d’après Guidi dans Attardo, 2017). On ne peut pas dire, de manière certaine que le rire et le sourire ont la même signification dans toutes les civilisations puisqu’aucune expression faciale n’a réellement pu être déterminée comme un signe de perceptions de l’humour (LeBarre, 1947 ; Mead, 1975 d’après Guidi dans Attardo, 2017), et que les manières de l’exprimer, les sujets qui le constituent et les manières de l’apprécier peuvent varier d’une culture à l’autre (Guidi dans Attardo, 2017). Paradoxalement, nous venons de voir qu’une fonction du rire est de rapprocher les êtres entre eux alors même que, nous allons le voir à présent, sa deuxième fonction est de permettre à celui qui le produit de s’échapper, de se libérer de certaines situations, parfois difficiles. 7 2.2 Un procédé libérateur Une chose permise, voire même rendue obligatoire, pour permettre le rire est le détachement. Ce détachement est soit indispensable pour permettre le rire, soit salutaire en aidant celui qui le prononce, et peut-être avec lui ou elle, ceux et celles qui l’entendent, à surmonter une situation difficile. A cette dernière fonction, Raskin donne le nom de « release theory » (Raskin, 1985 : 38). « La condition de possibilité du rire est le détachement » (Robert, 2002 : 100). Freud, déjà, avançait cette idée : « le gain de plaisir humoristique émane d’une économie de dépense affective », « c’est cette économie de dépense affective qui donne lieu chez l’auditeur [chez nous] au plaisir humoristique » (Sibony, 2009 : 32). Descartes et Kant, avant lui, proposaient des idées similaires également (Avanessian, 2002 : 35, 40). Nous sommes incapables de rire de quelque chose lorsque nous sommes trop engagés émotionnellement dans la situation en question. Nous devons donc créer une distance entre nos émotions et la situation dont on parle pour pouvoir en rire. « Le rire libère » (Robert, 2002 : 101). Il libère même parfois d’un conflit. Avanessian rappelle que Cicéron lui-même proposait « d’utiliser le rire pour l’apaisement de son adversaire » (2002 : 31). L’humour retire à toute problématique son caractère inquiétant, Ajavon (2002) nous dit, puisque par un bon-mot ou une moquerie il permet de relativiser. Il serait comme un « médicament » qui peut « calmer les douleurs du réel » (Ajavon, 2002 : 93) et les faiblesses individuelles. « Qui veut protéger sa médiocrité ou sa bassesse n’a qu’à faire un calembour, le plus minable, le premier venu à l’esprit. » (Ajavon, 2002 : 93). La dernière fonction libératrice que nous avons trouvé concernant l’humour est celle qui permet à toute personne de gérer ses émotions. Lorsqu’un sujet que l’on considère comme tabou, 8 tel le sexe, la mort, la religion ou encore la maladie, est abordé et que nous ressentons une gêne, le rire peut être un moyen pour nous de gérer l’embarras que nous ressentons. L’humour a donc pour fonction, également, de nous aider à contrôler des émotions qui nous sont extrêmes et qui peuvent parfois nous submerger. On attribue, en définitive, à l’humour un « aspect conjuratoire » par l’intermédiaire du « rire partagé » (2009 : 31). « Je ris plutôt que d’en pleurer » (Poizat, 2002 : 4). Ces quelques fonctions que nous venons d’exposer ici font notamment l’objet de théories du comique (Chabanne, 2002) sur lesquelles nous reviendrons par la suite, dans une partie dédiée aux théories de l’humour (3.). Avant de s’intéresser aux mécanismes et théories de l’humour, toutefois, nous nous arrêterons un instant sur la possibilité de l’existence d’un humour spécifiquement français qui serait en lien avec le persiflage (Demailly, 2009). Un humour français ???? (Demailly, 2009) 3333 Un humour français (Demailly, 2009) Un humour français Un humour français (Demailly, 2009) (Demailly, 2009) La notion d’humour pourtant bien issue d’un terme français, le mot « humeur » pour être précise, est en réalité anglaise. Les termes « humour » et « persiflage » n’apparaissent dans la langue française qu’en 1725 quand l’humour existait déjà en Angleterre au siècle précédent (Demailly, 2009 : 40). Apparus au même moment dans le vocabulaire français, « humour » et « persiflages » sont liés, notamment parce que l’humour français découle du persiflage. Si l’on pense à l’humour en France, on pense très vite au persiflage, notamment en repensant aux discussions, et plus particulièrement aux joutes verbales, qui se tenaient dans les salons des 9 17ème et 18ème siècles. Un exemple de cette France est dépeint dans le film Ridicule de Patrice Leconte (1996), quand bien même cette œuvre reste une fiction (Demailly, 2009 : 39). Ainsi, le persiflage, à l’origine de l’humour en France, est défini de la manière suivante par l’abbé Prévost (1745) : « l’art de railler agréablement un sot par des raisonnements et des figures qu’il n’entend pas, ou qu’il prend dans un autre sens » (Demailly, 2009 : 39). Demailly, quant à lui, choisit d’en garder la définition suivante : « briller par de bons mots, incisifs et cruels, aux dépens de plus faible que soi et plus grand plaisir des autres convives » (Demailly, 2009 : 39). C’est aussi parce qu’il emploie « la mystification et les jeux de mots (sous forme de fables, de comédies ou de néologismes) » qu’on voit, dans le persiflage, « les germes d’un « humour à la française » (Demailly, 2009 : 39). Alors que le persiflage avait pour fonction, de manière paradoxale, de déterminer une certaine hiérarchie sociale pour certains, tout en la mettant à mal pour d’autres, il permettait aussi de promouvoir la raison et la science, en accordance avec la vision des Lumières, d’où sa célébrité, au point de lui attribuer le nom de « mal français » (Demailly, 2009 : 40). L’humour, pour sa part, s’affranchit, selon Demailly, du « manichéisme » et de la « catégorisation », de la « vulgarité » et de la « grossièreté », et de la « facilité des saillies spontanées à l’encontre des particuliers » (Demailly, 2009 : 41). Ainsi, le persiflage fait partie des procédés spécifiques français visant à faire rire, quand bien même il utilise pour cela une victime dont il devra s’affranchir pour devenir humour. Pourtant, comme nous le verrons à présent, l’humour n’est pas toujours dénué d’une victime. Il a même parfois besoin d’elle pour faire rire. Ce serait donc davantage dans la manipulation des mots, par 10 la création de bons-mots ou de jeux de mots « sous forme de fables, de comédies ou de néologismes » que la spécificité française réside. Elle découle alors directement de ses origines dans le persiflage. 11 Mécanismes humoristiques Chapitre 2 : : : : Mécanismes Chapitre 2 humoristiques Mécanismes Chapitre 2 Chapitre 2 Mécanismes humoristiques humoristiques 1111 Volonté humoristique Volonté humoristique Volonté humoristique Volonté humoristique Une dichotomie récurrente parmi les livres et articles que nous avons parcourus concerne le choix volontaire ou non de faire un acte humoristique. Le plus souvent, seuls les termes choisis pour désigner ces deux types d’humour diffèrent. Chez Maisonneuve (2009 : 29) on choisit de distinguer « humour d’émotion » et « humour intellectuel ». Le premier se réfère à un humour qui n’est pas recherché volontairement par celui qui le produit. On le qualifie de « spontané », d’appartenant à « la vie quotidienne ». Contrairement à lui, l’« humour intellectuel » sera la résultante d’un « calcul » voulu et pensé qui prendra la forme « d’ordre critique au ton acerbe ou feutré » associé à l’ironie, la parodie ou la satire dont Voltaire et Gustave Flaubert, entre autres, se sont fait les ambassadeurs. L’humour « intellectuel » peut aussi prendre la forme du paradoxe ou du non-sens, de l’absurde. Chez Sibony (2009 : 31) l’acte humoristique involontaire est celui qui « prête à rire malgré lui » et l’humour volontaire, celui qui « fait exprès d’être risible ». Chez Alvarez (1982), l’humour involontaire est appelé « référentiel » puisqu’il se réfère à l’humour directement issu du réel que le langage ne fait que décrire. Le lapsus serait un exemple de ce type d’humour. Raskin (1985), pour sa part retranscrit les distinctions que Viktoroff ( 1953 : 60-61) et Fry (1963 : 43) font entre différents types d’humour. Le premier distingue « risible artificiel » et « risible naturel ». Le « risible artificiel » sera, entre les deux, celui qui sera volontairement produit. Une seconde dichotomie similaire est employée par le même auteur. Les termes utilisés seront alors « rire 12 stéréotypique et « rire spontané ». Chez Fry, le terme « canned jokes » se réfère à l’humour volontaire, et le terme « situation jokes » à l’humour involontaire. 2222 Situations humoristiques Situations humoristiques Situations humoristiques Situations humoristiques Volontaire ou non, à travers nos lectures, nous avons vu que seul Sigmund Freud soutiendrait l’humour seul (Maisonneuve, 2009 : 27). C’est donc aux situations d’énonciations que nous nous intéresserons ici et, tout particulièrement, aux relations entre leurs acteurs. Comme nous le disions dans le premier chapitre, l’humour possède une fonction sociale. Il nous est donc nécessaire de définir les parties qui y participent et leurs rôles. Ces parties, néanmoins, rappelons-le, se mouvent, se parlent ou s’écrivent dans un contexte social précis qui permettra ou non à l’acte, au moins voulu, humoristique de faire rire. L’acte humoristique « s’inscrit dans une situation de communication » (Charaudeau, 2009 : 2). On le pratique « en quête de connivence » (Maisonneuve, 2009 : 27-28). Il s’exprime par les réactions « verbales, mimiques ou sonores » (Maisonneuve, 2009 : 16), de l’interlocuteur, auditeur ou lecteur de la personne qui le créé. L’objectif de l’acte humoristique est de faire du destinataire de cet acte le « complice » de celui qui le produit. Un acte humoristique fonctionnerait, en réalité, de la même manière que tout autre type de communication. Dans ce cadre, Charaudeau et Maingueneau (2002) se sont accordé à dire que « l’acte humoristique est la résultante du jeu qui s’établit entre les partenaires de la situation de communication et les protagonistes de la situation d’énonciation. » (Charaudeau, 2009 : 2). 13 Charaudeau (2009) propose de décrire la situation d’énonciation d’un acte humoristique à partir de ce qu’il appelle la « relation triadique ». Raskin (1985), quant à lui, ne s’est pas tant intéressé aux participants de l’acte humoristique que des lois sémantiques et pragmatiques qui les lient. 2.1 Relation triadique (Charaudeau, 2009) Comme son nom l’indique, la relation triadique avancée par Charaudeau (2009) met en scène trois protagonistes participants à la situation d’énonciation humoristique. Ces trois protagonistes sont le locuteur, le destinataire et la cible. Le locuteur est alors celui qui produit l’acte humoristique. Se faisant, il fera de son destinataire soit un complice, soit une victime de son acte. S’il en fait une victime, ce dernier ou cette dernière sera aussi la cible du locuteur et de son acte d’énonciation. Pour fonctionner, le locuteur de l’acte humoristique doit être considéré comme légitime. Il peut être un humoriste, un dessinateur, un publicitaire, une personne quelconque et même un cinéaste (auteur, comme réalisateur). Face au trait d’humour du locuteur, on attendra du destinataire, s’il lui est complice, qu’il adopte la vision du locuteur et le jugement que ce dernier porte sur la cible. S’il est sa victime, il sera lui-même la cible de l’acte humoristique, qu’il percevra comme une agression. Ses seuls choix possibles de défense seront alors soit d’ignorer le locuteur, soit de rire avec lui, soit de rire avant lui ou de lui. L’exemple de Charaudeau avancé pour illustrer ceci est celui d’un enfant se mettant le doigt dans le nez auquel un parent dit « Tu veux que je t’aide ?! ». Les choix qui se présentent à l’enfant sont soit d’ignorer ce que son parent lui dit, soit 14 changer son comportement , soit lui répondre, notamment avec un « Oui. ». C’est dans ce dernier cas que le rire sera possible. Si la cible et le destinataire diffèrent, la cible sera une tierce personne ou un groupe de personnes. Ce seront les défauts de cette ou de ces personne(s), que ce soient leurs comportements psychologiques ou sociaux ou leurs illogismes, qui seront visée(s). Dans cette optique, c’est un jugement social qui s’opère, signe du rapport qui existe entre humour et vision de la société. C’est sur ces éléments jugés comme négatifs par les codes sociaux que porte l’humour noir. Les sujets de prédilections de ce type d’humour seront la mort, la vieillesse, la maladie, le physique ou encore la pauvreté, entre autres. 2.2 Relations sémantiques et pragmatiques (Raskin, 1985) Alors que Charaudeau, dans la partie précédente, cherchait à connaître les participants d’un acte humoristique et leurs rôles dans la situation d’énonciation, dans celle-ci, nous nous intéresserons au rapport que Raskin entretient avec la théorie pragmatique de Grice (1975) et à la manière dont il parvient à l’appliquer aux actes humoristiques. Lorsque l’on cherche à faire rire, on peut le faire de plusieurs façons, Raskin en donne quatre. Le locuteur peut ne pas savoir qu’il fait une blague ou il peut la faire volontairement. Le destinataire peut s’attendre à une blague à venir ou elle peut être une surprise pour lui (Raskin, 1985 : 100). Les célèbres maximes de Grice (1) ont été revues par Raskin pour pouvoir les appliquer aux actes humoristiques (2). Les maximes de Grice suivantes ont dû être modifiées par Raskin, sans 15 quoi, la part de tromperie nécessaire à une blague inattendue n’aurait pas pu être rendue dans la théorie pragmatique et sémantique proposée ici. (1) (i) Maxim of Quantity: Give exactly as much information as required (ii) Maxim of Quality: Say only what you believe to be true (iii) Maxim of Relation: Be relevant (iv) Maxim of Manner: Be succinct » (Grice, 1975 : 45-47 dans Raskin, 1985 : 102-103) (2) (i) Maxim of Quantity: Give exactly as much information as is necessary for the joke (ii) Maxim of Quality: Say only what is compatible with the world of the joke (iii) Maxim of Relation: Say only what is relevant to the joke (iv) Maxim of Manner: Tell the joke efficiently » Raskin (1985 : 103) 3333 Théories de l’humour Théories de l’humour Théories de l’humour Théories de l’humour Beaucoup s’accordent à dire que l’humour est rendu possible par un décalage ou un contraste qui est à l’origine d’un effet de surprise chez le destinataire duquel le rire découle. Nous verrons que c’est un sentiment que nous retrouverons chez plusieurs des auteurs dont nous allons exposer 16 les idées dans nos prochaines lignes, quand bien même leurs termes ne seraient pas exactement les mêmes que ceux que nous venons d’employer. 3.1 Supériorité, Incongruité et tension/détente En lien avec les fonctions que nous déterminions en 2.1 et 2.2, nous verrons ici que ces fonctions font, en réalité, l’objet de trois théories : le comique comme sentiment de supériorité, comme sentiment de tension ou de détente, comme sentiment d’incongruité. La théorie du comique comme sentiment de supériorité appartient aux « théories psycho- sociales » (Chabanne, 2002 : 1). Thomas Hobbes (1588-1679), la définit ainsi : “ la passion du rire est un mouvement subit de vanité produit par une conception soudaine de quelque avantage personnel, comparé à une faiblesse que nous remarquons actuellement dans les autres ou que nous avions auparavant. ” (De la nature humaine, IX, 13 dans Chabanne, 2002 : 1) Le rire, dans ces conditions, découle soit d’une moquerie visant à s’élever par rapport à sa cible pour le rieur, soit d’une critique de la société envers une cible spécifique. Le rire vise, dans ce second cas à viser « des défauts, des irrégularités, des erreurs dans les choses mais surtout dans les actions des hommes » (Chabanne, 2002 : 1). Rire de cette personne serait un moyen de défense, par l’« exclusion de ce qui apparaît comme négatif ou condamnable dans un groupe social, tout en mettant en évidence, par contraste, les valeurs du groupe » (Chabanne, 2002 : 1). Il s’agit là d’une vision que nous retrouverons dans quelques lignes avec Bergson. 17 La seconde théorie que nous présentions déjà en 2. est la théorie du comique comme sentiment de tension ou de détente. Il s’agit là d’une théorie « psycho affective » qui correspond à la Release Theory proposée par Raskin (1985 : 38). On la définit ainsi : « Le rieur verrait se relâcher en lui une tension, une attente, une énergie psychique préalablement mobilisée et devenue soudainement inutile ou excessive » (Chabanne, 2002 : 3). La troisième et dernière est la théorie du comique comme sentiment d’incongruité. Pour fonctionner, cette « théori[e] psycho-cognitiv[e] » Son fonctionnement passe par « une rupture entre des attentes intellectuelles, fondées sur des habitudes ou des routines mentales, et l’étrangeté du stimulus comique produit un effet particulier, au dosage délicat, que les psychologues anglo-saxons appellent une incongruité » (Chabanne, 2002 : 4). 3.2 Décalage (Maisonneuve, 2009) et mécanismes lexico-syntaxico-sémantiques (Charaudeau, 2009) Après s’être intéressées à trois théories en lien avec les fonctions de l’humour que nous présentions précédemment et avant de nous intéresser à deux nouvelles théories sur l’humour, nous nous arrêterons quelques instants sur deux auteurs, dont les théories font écho avec nos deux grandes œuvres présentées comme incontournables pour traiter de la question de l’humour. Maisonneuve (2009), tout d’abord, propose de lister les différents niveaux auxquels un décalage peut intervenir dans l’acte d’énonciation afin de provoquer le rire de celui ou de celle qu’on essaie d’amuser. Voici donc la liste proposée par Maisonneuve : « 18 • entre le ton du locuteur (détaché ou badin) et les propos qu’il tient (graves ou bizarres); • entre la tristesse et la drôlerie de la situation (ou encore dans un registre moins trivial); • entre le défensif, l’agressif et le gratifiant; • dans l’assemblage d’un signifiant avec un autre signifié ou vice versa » Maisonneuve (2009 : 27) Charaudeau (2009), dans un second temps, s’intéresse aux procédés linguistiques et discursifs. Pour ce qui est des procédés linguistiques, ils relèvent « d’un mécanisme lexico-syntaxico- sémantique qui concerne l’explicite des signes, leur forme et leur sens, ainsi que les rapports forme-sens. » (Charaudeau, 2009 : 4). Parfois, ce sera le signifiant (la forme du mot écrite ou prononcée) seul, parfois le rapport entre le signifiant et le signifié (le sens derrière le mot) qui seront employés pour faire rire. S’il s’agit du premier procédé nous aurons des calembours, des palindromes ou encore des mots-valises. S’il s’agit du second, ce sera l’homonymie ou la polysémie qui seront mis en œuvre. Pour ce qui est des procédés discursifs, ce sont les mécanismes d’énonciations dans leur ensemble qui seront pris en compte. Nous chercherons à savoir qui sont les personnes qui parlent, à qui, de quoi, dans quel contexte, notamment social puisque, comme nous l’avons dit précédemment, par ses codes, il influence l’acte humoristique. Ainsi, une occurrence qui présenterait un décalage avec la bienséance serait, selon Charaudeau, une forme de sarcasme. Par l’intermédiaire de ce procédé humoristique, on se permet de dire ce qu’on ne devrait pas dire. 19 On produit alors un sentiment d’inconfort chez le destinataire de cette parole. La satire est similaire au sarcasme. Pour la créer, les traits sont grossis afin de pouvoir les détourner et les rendre grotesques. La parodie, enfin se construit à partir de deux scènes qui s’alimentent l’une l’autre, la seconde étant une imitation de la première que l’on a transformé quelque peu dans l’objectif de pouvoir se moquer de la première. Enfin, pour ce qui est des procédés humoristiques sémantiques, on joue avec la polysémie des mots. Elle permet plusieurs niveaux de lectures et, notamment, de mettre en parallèle « deux univers différents l’un de l’autre » que le procédé humoristique visera à associer en un « incohérence loufoque » (Charaudeau, 2009 : 7). 3.3 Henri Bergson et Le rire (1900) Henri Bergson est un auteur incontournable, lorsque l’on s’intéresse à l’humour et à son fonctionnement, avec son ouvrage Le rire : Essai sur la signification du comique qui, malgré les années et même le siècle passé, continue à être vu comme une référence sur le sujet, en témoignent son apparition dans les bibliographies d’écrits, même récents. Robert le décrit comme « l’ouvrage de référence sur la question du rire » (Robert, 2002 : 97) C’est ainsi que Charaudeau, en 2009, rapporte les trois types de comiques que proposait Bergson dès 1900 : un comique de situation, un comique de mots et un comique de caractère. La théorie centrale de Bergson pour expliquer le caractère humoristique d’une situation repose sur l’automatisme, le mécanisme, en opposition avec la souplesse naturelle. Selon lui, une « nature truquée mécaniquement » (Bergson, 1991 : 33), « un mécanisme inséré dans la nature » 20 ou « une réglementation automatique de la société (Bergson, 1991 : 36) amuseront le destinataire de cet acte d’énonciation. Pour parvenir à cette conclusion, il s’est intéressé tout particulièrement au théâtre et aux comédies. Puisque le théâtre est « un grossissement et une simplification de la vie », il nous donne « plus d’instruction que la vie réelle » sur le sujet de l’humour (Bergson, 1991 : 51). 3.3.1 Comique de situation Pour permettre le comique de situation, Bergson met en avant trois procédés : la répétition, l’inversion et l’interférence des séries. Pour ce qui fait rire dans la répétition c’est qu’ « il y a généralement deux termes en présence, un sentiment comprimé qui se détend comme un ressort, et une idée qui s’amuse à comprimer de nouveau le sentiment » (Bergson, 1991 : 55). Pour imager cette loi qu’il propose, Bergson nous invite à penser à l’enfant qui joue avec son diable à ressort et qui encore et encore enfermera ce diable dans sa boîte pour l’en libérer quelques secondes plus tard. La répétition, néanmoins, au sens de Bergson, ne fait pas obligatoirement référence à une répétition stricte. Il peut s’agir de situations qui se reproduisent régulièrement, adoptant ainsi un effet mécanique qui va entrer en conflit avec le caractère fluide et changeant de la vie, comme d’une même scène qui se répète mais avec des personnages différents, notamment de classes sociales différentes. Après la répétition vient l’inversion. Il s’agit tout simplement d’inverser les rôles des personnages dans une situation particulière. Dans ce cas, Bergson nous dit, la situation finit toujours par se retourner contre celui qui la créé. Enfin, vient l’interférence des séries que Bergson 21 illustre par le quiproquo. La définition exacte qu’en donne Bergson est la suivante : « Une situation est toujours comique quand elle appartient en même temps à deux séries d’événements absolument indépendantes, et qu’elle peut s’interpréter à la fois dans deux sens tout différents. » (Bergson, 1985 : 73-74). Dans une comédie, par exemple, deux sens existent : un « sens possible » et un « sens réel ». Alors que le spectateur a accès aux deux sens, un seul d’entre eux, le « sens possible » est accessible au(x) personnage(s) vivant(s) de la situation jouée. Dans le quiproquo, « c’est ce balancement de notre esprit entre deux interprétations opposées qui apparaît d’abord dans l’amusement » (Bergson, 1991 : 74). Pour le faire fonctionner, on ramène constamment l’attention du spectateur sur la dualité des sens et la tension porte sur la possibilité de voir ce rapport entre les deux sens exploser. « A chaque instant tout va craquer, et tout se raccommode : c’est ce jeu qui fait rire » (Bergson, 1991 : 75). Les deux sens présentées dans un quiproquo peuvent être simultanées ou appartenir à deux temporalités différentes, et même s’inscrire l’une dans l’autre ou découler d’une entente entre les personnages eux-mêmes. Plusieurs personnages peuvent s’entendre entre eux et jouer une comédie entre eux qui sera cachée des autres personnages. A nouveau, l’humour de la situation résidera dans la possibilité qu’à tout moment le secret puisse être révélé. 3.3.2 Comique de mots, manipulations linguistiques Les mots, Bergson rappelle, sont, le plus souvent, au cœur de l’humour, le permettant. L’humour qui repose sur eux est divisible, d’une part, entre humour traductible et humour intraductible, mais aussi entre humour exprimé par la langue et humour créé à partir de la langue. Ce dernier type repose sur les choix de constructions de phrases ou des mots employés : « Il 22 souligne les distractions du langage lui-même. ». Avec lui, « c’est le langage lui-même […] qui devient comique » (Bergson, 1991 : 78). Bergson associe la notion d’ « esprit » avec l’humour par les mots. Il rapproche l’ « esprit » de la « pensée » du fait qu’il s’agisse d’un type d’humour discret, léger et rapide, à tel point que, parfois, on ne s’en aperçoit qu’après qu’il soit passé. L’homme d’esprit, selon Bergson, tourne « au paradoxe une idée courante » ou utilise « un tour de phrase accepté, en parodiant une citation ou un proverbe. » (Bergson, 1991 : 81). Son trait d’esprit « saisit une métaphore, une phrase, un raisonnement, et […] les retourne contre celui qui les fait ou qui pourrait les faire, de manière qu’il ait dit ce qu’il ne voulait pas dire et qu’il vienne lui-même, en quelque sorte, se faire prendre au piège du langage » (Bergson, 1991 : 82). Selon Bergson, « le comique du langage doit correspondre, point par point, au comique des actions et des situations et […] il n’en est, si l’on peut s’exprimer ainsi, que la projection sur le plan des mots. » (Bergson, 1991 : 84-85). C’est pour cela qu’il revient sur les procédés que nous avons vus précédemment (répétition, inversion et interférence des séries) et en propose une analyse humoristique ne reposant, cette fois-ci que sur les mots et l’usage que celui qui cherche à faire rire en fait. Avant de s’intéresser à chacun de ces trois procédés individuellement, toutefois, il s’intéresse un instant aux effets de la prosodie, de la polysémie, et bien entendu, puisqu’il s’agit là de la source principale d’humour à ses yeux, de la raideur, de l’automatisme et du mécanisme sur le rire. C’est donc avec la prosodie que Bergson débute son exposé sur le comique des mots. Les intonations ou le débit de parole peuvent jouer un rôle sur l’amusement. C’est ainsi que Bergson 23 nous que « se laisser aller, par un effet de raideur ou de vitesse acquise, à dire ce qu’on ne voulait pas dire ou à faire ce qu’on ne voulait pas faire, voilà, nous le savons, une des grandes sources du comique. » (Bergson, 1991 : 84). Il appelle cela un effet de « distraction », qu’il dit être « extrêmement risible ». La prosodie utilisée peut participer à un style de langage spécifique à un personnage. L’utilisation continuelle de ce style par un personnage participerait au comique, notamment par son caractère rigide, mécanique. A ce sujet, la règle avancée par Bergson est alors la suivante : « On obtiendra un mot comique en insérant une idée absurde dans un moule de phrase consacré » (Bergson, 1991 : 86). Des phrases ou expressions toutes faites dans lesquelles viendrait se glisser une absurdité serait un exemple de ce procédé humoristique. De même si c’était une autre expression toute faite qui viendrait s’enchâsser dans la première. Ce serait la rigidité de ses phrases défiée qui serait à l’origine du rire. Pensez à ces expressions mal reprises par des candidats de téléréalité qui, amusant un grand nombre, ont été listées dans des vidéos sur YouTube ou sur des sites internet. En voici un exemple que vous pourrez retrouver dans viepratique.fr, accompagné de bien d’autre : « C’est une fille qui n’a pas sa langue dans sa bouche » (Stéphanie, Secret Story, 2010). Accompagnant la prosodie dans la formation d’un style langagier, on retrouve le choix des mots du locuteur. La polysémie en est un ressort. Sens propre et sens figuré ont un rôle à jouer dans le rire. Voici les lois que Bergson propose à leur sujet : « On obtient un effet comique quand on affecte d’entendre une expression au propre, alors qu’elle était employée au figuré. Ou encore : Dès que notre attention se concentre sur la matérialité d’une métaphore, l’idée exprimée devient comique. » (Bergson, 1991 : 87-88). 24 Trois « lois fondamentales » sont proposées par Bergson pour expliquer « la transformation comique des propositions ». Ainsi, « une phrase deviendra (91) comique si elle donne encore un sens en se retournant, ou si elle exprime indifféremment deux systèmes d’idées tout à fait indépendants, ou enfin si on l’a obtenue en transposant une idée dans un ton qui n’est pas le sien » (Bergson, 1991 : 90-91). C’est après avoir développé ces trois lois que Bergson choisit de revenir sur les trois procédés qu’il présentait pour expliquer les processus du comique de situation. Ainsi, pour ce qui est de l’inversion, c’est un échange entre sujet et objet qui pourra conduire au rire. On retrouve un exemple relativement récent similaire et largement connu de ce procédé dans le huitième épisode de la troisième saison de Scrubs où le personnage de Carla dit à son compagnon « Why is there a pancake in the silverware drawer ? ». Question à laquelle ce dernier répond « Why is there silveware in the pancake drawer ? ». Si l’inversion, dans le cadre du comique de mots, tient à un échange de place entre sujet et objet, l’interférence découle de deux « systèmes d’idées » qui se retrouvent au sein d’une même occurrence. Ces deux sens peuvent se superposer ou s’opposer. C’est là que le calembour ou le jeu de mot prennent leurs origines, notamment grâce à des ressemblances phonétiques. Le calembour émane de deux phrases qui se confondent entre elles dans une seule, contrairement au jeu de mot qui n’en est qu’une. La transposition dans le comique de mots, enfin, est l’équivalent de la répétition dans le comique de situation. Il s’agit ici de répéter une scène en utilisant des tons et des registres de mots différents. La règle dictée par Bergson à ce sujet est la suivante : « On obtiendra un effet comique en transposant l’expression naturelle d’une idée dans un autre ton. » (Bergson, 1991 : 94). Selon les tons utilisés, on pourra obtenir un effet d’exagération ou de dégradation (Bergson, 1991 25 : 95). On peut choisir d’adopter un ton solennel à la place d’un ton familier, voici un exemple d’exagération. L’échange des tons inverse entraînerait un effet de dégradation. Les échanges de ton peuvent se faire au niveau du registre employé, de la grandeur ou encore de la valeur des objets. Un tel procédé pourra engendrer l’ironie. Elle se forme, selon Bergson lorsqu’on énonce « ce qui devrait être en feignant de croire que c’est précisément ce qui est », […] en décrivant « minutieusement et méticuleusement ce qui est, en affectant de croire que c’est bien là ce que les choses devraient être » (Bergson, 1991 : 97). 3.3.3 Comique de caractère Nous avons donc vu le comique de situation et le comique de mots. Si le comique de situation passe parfois par le comique de mots, le comique de caractère regroupe ces deux comiques en son sein. Dans le comique de caractère, à nouveau c’est la rigidité qui fera rire. C’est parce qu’un personnage aura un comportement mécanique, sera rigide dans sa conduite ou peut-être même dans son allure ou son maintien, qu’il sera sujet au rire des spectateurs. Un défaut, comme une qualité, peut être à l’origine du comique tant que cela poussera le personnage à poursuivre son dessein sans jamais plier, sans jamais modifier son comportement, sans jamais montrer aucune flexibilité. C’est alors cette attitude mécanique du personnage moqué qui, rentrant en conflit avec la souplesse naturelle humaine provoquera le rire. C’est aussi parce que sa rigidité est une preuve de son inadaptation à la société qu’il pourra, d’après la théorie avancée par Charaudeau que nous relations en 2.1, être une cible, victime de l’acte humoristique. 26 Ces personnages inadaptés à la société du fait de leur psychorigidité, deviennent eux-mêmes des stéréotypes dont on peut se servir, parfois, pour critiquer la société. On va même jusqu’à donner à la comédie le nom du caractère critiqué dans la pièce, par la pièce. Les pièces de Molière en sont un bon exemple. On retrouve ainsi Le Misanthrope, L’Avare ou Les Précieuses ridicules, parmi toutes les pièces listées par Bergson. Comme nous le disions, à nouveau, ce qui fait rire dans ces pièces, à travers ce type de comique, et en réalité, des deux autres aussi, c’est un certain automatisme. Dans le comique de caractère, le personnage ciblé persistera dans ses défauts et qualités vers son dessein sans jamais en démordre, quand bien même les évènements essaieront continuellement de l’en empêcher. 3.4 Théories sémantiques et pragmatiques de l’humour (Raskin, 1985, 2009 et Attardo, 1991) 3.4.1 Hypothèse générale Si Bergson est souvent le premier auteur cité pour ce qui est de la question du rire, Raskin le suit de près, accompagné d’Attardo. Ces deux auteurs sont considérés comme ceux qui ont développé la théorie sémantique la plus développée sur l’humour. C’est une théorie qui, globalement, consiste à dire que toute blague se construit à partir de deux « scripts » qui s’opposent et se voient rassemblés au sein d’un même énoncé. Entre 1985 et 2009, trois théories ont été avancées par ses deux auteurs, parfois seuls, parfois ensemble, pour expliquer les mécanismes sémantiques humoristiques. Chacune de ces théories se base sur la précédente et en offre un approfondissement. Raskin fût le premier à proposer la Script-Based Semantic Theory of Humor en 1985, suivie de la General Theory of Verbal Humor 27 pensée par Raskin à nouveau, cette fois aidé d’Attardo de 1991 à 1994, puis l’Ontological Semantic Theory of Humor, pensée par Raskin, accompagné d’autres auteurs en 2009 (Chlopicki et Brzozowska, 2017). Nous nous concentrerons sur la théorie de Raskin présentée en 1985 puis nous exposerons les ajouts proposés par Attardo dans sa General Theory of Verbal Humor. Comme nous le disions précédemment, en 2.2, les théories de l’humour sémantiques de Raskin et Attardo découlent notamment de la théorie pragmatique de Grice portant sur les rapports discursifs entre les locuteurs et leurs colocuteurs. Les quatre maximes de Grice ont alors été légèrement modifiées par Raskin pour les adapter au système de communication humoristique. Chaque discours porte une part d’ambiguïté qui se voit levée par notre rapport au monde ou aux autres, en un mot, par le contexte. C’est ce contexte et les implicatures (terme emprunté à Grice lui-même), qui en découlent et qui, manipulées par le locuteur peuvent conduire au rire de son ou ses colocuteur(s). On appelle « implicature » les informations qui ne sont pas données directement à l’interlocuteur, les informations qu’il ou elle retrouvera seul.e à partir des mots employés par le locuteur et le contexte de la situation d’énonciation, porteurs d’indications. C’est donc à partir de la théorie de Grice, revue, et des implicatures qu’elle entraîne, que la blague se créé dans les théories de Raskin et Attardo. En effet, chacune des trois théories imaginées par Raskin et Attardo s’accordent sur une hypothèse centrale : un acte humoristique comprend deux « scripts » qui s’opposent entre eux. Le premier des deux est le premier envisagé, jusqu’à ce qu’une « punch line » retourne la situation, au profit du second script, jusqu’alors non perçu par le colocuteur (Chlopicki et Brzozowska, 2017). Le « script » en question ici est définit comme « a large chunk of semantic information surrounding the word or evoked by it. The script is a cognitive structure internalized by the native speaker and it represents the native speaker’s 28 knowledge of a small part of the world. » par Raskin (Raskin, 1985 : 81). Pour passer d’un script à l’autre, on utilisera un mécanisme appelé « trigger » qui sera à l’origine du rire (Raskin, 1985 ; Chlopicki et Brzozowska, 2017 ; Attardo, 2017). L’hypothèse centrale de la théorie de Raskin est la suivante : « A text can be characterized as a single-joke carrying text if both of the following conditions are justified : (i) The text is compatible, fully or in part, with two different scripts (ii) The two scripts with which some text is compatible are opposite in a special sense » Raskin nous dit que ces deux conditions présentées sont « necessary and sufficient conditions Raskin (1985 : 99) for a text to be funny » Raskin (1985 : 99). 3.4.2 Opposition des scripts Produire le rire, demande donc, selon les théories de Raskin et d’Attardo, deux « scripts » en opposition au sein de la même occurrence. Le contexte et les implicatures poussent le destinataire de l’acte humoristique à interpréter un premier « script », un premier sens, jusqu’à ce que ce que l’on appelle « trigger » interviennent dans l’acte énonciatif. Le rôle du « trigger » sera de permettre une nouvelle lecture de ce qui le précède. Selon Raskin et Attardo, les deux sens qui viennent prendre la place l’un de l’autre doivent s’opposer. On considère que dans chaque acte 29 humoristique l’un de ces scripts se réfère à la situation « réelle » décrite, et l’autre à une situation « irréelle » (Raskin, 1985 : 111). On propose alors trois types d’opposition possibles. La première de ces oppositions intervient entre une situation « véritable » et une situation fictive, qui n’existe pas. Pour diagnostiquer ce type d’opposition, Raskin propose la construction « It is the case that _ and it is not the case that_” (Raskin, 1985 : 111). Le second type d’opposition se fait entre ce qui est attendu », « normal » et l’ « anormal », l’ « inattendu ». Enfin, vient le troisième type d’opposition selon lequel on une distinction entre ce qui est « possible » ou simplement « plausible » et ce qui est complètement ou partiellement « impossible » ou simplement beaucoup moins « plausible ». Sans aucune forme d’opposition, l’acte humoristique serait impossible selon Raskin. Ces oppositions peuvent alors porter sur le réel et l’irréel, l’existant et l’inexistant, le vrai et le faux, le bien et le mal, la mort et la vie, l’obscène et le chaste ou encore l’argent et la pauvreté, pour n’en citer que quelques-unes. 3.4.3 L’origine du rire Si l’opposition entre deux scénarios au sein d’une même phrase est essentielle pour construire le rire, c’est du retournement de situation (le « switch ») qu’il découlera. « Many jokes contain an element which triggers the switch from the one script evoked by the text of the joke to the opposed script, the switch which makes up the joke », Raskin, 1985 : 114). Le déclencheur de ce retournement de situation, le « semantic script-switch trigger » ou « trigger » (Raskin, 1985 : 114) peut être de deux types : issu soit d’une ambigüité, soit d’une contradiction. 30 Si le « trigger » appartient au registre de l’ambigüité, le second script sera, pour le destinataire, une nouvelle « interprétation » de la première partie de l’acte d’énonciation humoristique. Cette ambigüité qui, introduite par le « trigger », viendra modifier l’interprétation faite du premier « script » pour lui faire prendre le sens du second peut être la conséquence d’une polysémie ou d’une homonymie (Raskin, 1985 : 115). Si, habituellement, une seule interprétation est voulue par le locuteur et entendue par le destinataire. L’ambigüité, lorsqu’elle est employée dans un acte humoristique volontaire, est voulue par le locuteur pour donner au destinataire le choix entre deux interprétations, dont une seule de ces interprétations sera perçue par le destinataire dans un premier temps. L’ambigüité ainsi créée peut être de type syntaxique ou situationnelle. Elle donne, dans ces deux cas, lieu à des jeux de mots ou à d’autres blagues de types similaires. Elle peut également être de type phonétique. Dans ce dernier cas, on parlera plutôt de quasi-ambiguïté. L’ambiguïté n’est pas le seul type de relation possible entre les deux « script » mise en évidence par le « trigger ». Il peut aussi s’agir d’une relation de contradiction entre les deux « scripts » portés par la blague. De la même manière que l’ambigüité fonctionne, la contradiction sera portée par le « trigger » qui poussera le destinataire à réinterpréter la partie de l’occurrence prononcée avant son intervention. Dans chacune de ces situations, le destinataire peut être plus ou moins préparé au retournement de situation à venir. Il peut percevoir le sens porté par le deuxième « script » ou même être prévenu de la blague à venir. 31 3.4.4 Parties, « scripts » et interprétations Si l’opposition de deux scripts dans un discours, soit par ambiguïté, soit par contradiction, est obligatoire, la relation entre les parties qui participent à ce discours a également un rôle à jouer dans la possibilité ou non au rire de se manifester. L’expérience personnelle et l’expérience collective forment les « scripts » qu’il est possible d’utiliser et d’opposer pour construire l’humour. Selon Raskin, la langue native donne accès à un certain nombre de « scripts » ancrés dans le lexique que la langue rend accessible. L’expérience individuelle, ou partagée par un groupe de personnes réduit le nombre de « scripts » accessibles. La société, elle aussi, déterminera les « scripts » qui seront plus facilement adoptés. Il en va de même pour ce qui est de l’influence de la société et de la psychologie des participants à l’acte humoristique en ce qui concerne les mécanismes de retournements de situation choisis et compris par tous. 3.5 Les 6 paramètres de la General Theory of Verbal Humor (Attardo) Pour approfondir la théorie de Raskin, Attardo propose d’expliquer la formation des actes humoristiques à partir de 6 paramètres. Il s’agit d’une « Script Opposition », d’un « Logical Mechanism », d’une « Situation », d’une « Target », d’une « Narrative Stategy » et d’un « Language » (Attardo, 2017 : 128). Voici donc ce à quoi chacun de ces éléments correspond : Dans le « Language », on retrouve les aspects phonologiques, morphologiques, syntaxique et lexicaux qui sont à l’origine de tous textes (Attardo, 2017 : 128). C’est ce paramètre qui permet les jeux de mots. 32 Vient ensuite la « Narrative Strategy » qui décrit la manière dont on organise les parties du texte et le choix de la place de l’humour en son sein. Souvent, des blagues se forment à partir d’une narration qui se fait dans un dialogue contenant une « punch line » (Attardo, 2017 : 130). Le paramètre « Target » concerne les actes humoristiques agressifs. En leur sein, ce(ux) qu’on appelle « target » sera ou seront l’objet de cet acte. Le plus souvent les cibles seront des personnes ou, rattachées à des activités humaines. Ce paramètre reste néanmoins optionnel pour que l’acte humoristique soit un succès (Attardo, 2017 : 131) La « Situation » comprend le « background » dans lequel les évènements du texte et de la blague prennent vie (Attardo, 2017 : 131). Le « Logical Mechanism » est lui aussi optionnel. Il s’agit d’une tentative de la part du texte d’expliquer une absurdité en la justifiant (Attardo, 2017 : 133). Cette absurdité est décrite par Attardo comme une « surprise » qui reste cachée jusqu’à la « punch line » (Attardo, 2017 : 186). Le « Script Opposition », enfin, correspond à ce qui est central aux théories avancées par Attardo et Raskin. L’ayant décrit précédemment et voulant préserver un peu de votre temps, nous ne reviendrons pas dessus ici. 3.6 Alternatives et Twist Theory (Kitazume, 2010 dans Chlopicki & Brzozowska, 2017) Bergson, déjà, nous faisait part , dans son œuvre de 1900 d’une théorie visant à imaginer deux « jugements » qui se superposeraient ou qui entreraient en conflit (Bergson, 1991 : 74) ; une théorie similaire à celle que Raskin et Attardo ont choisi d’adopter et de développer depuis les 33 trois dernières décennies. Cette théorie, cependant, quand il était celui qui l’imaginait, ne semblait pas le satisfaire. Il l’accuse de ne pas prendre en compte toutes les situations humoristiques possibles, ou de ne rien faire de plus que traduire une conséquence du comique, plutôt que d’en décrire un procédé. D’autres, et notamment Kitazume, remettent en doute l’opposition stricte des deux « scripts » avancée par Raskin et Attardo. Plutôt qu’une opposition, Kitazume propose un « twist » entre ces deux « scripts ». L’exemple emblématique de la théorie de Raskin est « the doctor joke » comme nous le rappelle Kitazume (Chlopicki & Brzozowska, 2017 : 79, Raskin, 1985 : 100). Cette blague se présente de la manière suivante : « “Is the doctor at home?” the patient asked in his bronchial whisper. “No,” the doctor’s young and pretty wife whispered in reply. “Come right in” » L’interprétation qu’en donne Raskin (1985 : 100), nous rappelle Kitazume (Chlopicki & Brzozowska, 2017 : 79) met en œuvre deux scripts. Le premier, Raskin note, est « DOCTOR » et le second « LOVER ». C’est le script « DOCTOR » qui est impliqué dans un premier temps à travers les termes « doctor », « patient » et « bronchial », mais l’invitation de la femme faite au patient d’entrer change cette interprétation. C’est donc le script « LOVER » qui va prendre le dessus sur le premier envisagé. Si Raskin explique ce trait d’humour par une opposition entre les deux scripts employés, Kitazume (Chlopicki & Brzozowska, 2017 : 81), pour sa part, suggère que l’humour dans cette situation tient davantage à un changement rapide et soudain qui fait passer d’un premier sens à un second sens, complètement différent du second. Ce changement de sens se fait par 34 l’intermédiaire d’une punch line qui joue un rôle de « twist » : « The punch line « Come right in » while the doctor is absent works as a « twist » which alters the precedingly interpreted utterance meaning into a completely different one » (Chlopicki & Brzozowska, 2017 : 81). À partir de deux caricatures également, Kitazume définit l’humour de la manière suivante : « The essence of “humor” is a “twist”. » (Chlopicki & Brzozowska, 2017 : 86). Ce « twist » constitue une légère altération et pourra transformer une scène « prototypique » en une scène absurde. C’est cette absurdité qui fera rire. Il peut également découler d’un changement dans l’ordre des mots d’une occurrence. Dans ce cadre, Kitazume rappelle que les « Incongruity theorists » imaginent le rire comme la conséquence de l’absurdité qui découle de deux sens incompatibles que l’on associe (Chlopicki & Brzozowska, 2017 : 87). C’est ainsi que Kitazume en vient à développer une nouvelle théorie : la « Twist Theory ». C’est ce twist, central à cette nouvelle théorie, intervenant le plus souvent en fin d’occurrence qui vient changer l’interprétation faite de l’occurrence. Cette interprétation dépend d’un contexte spécifique que l’on appelle « frame » dans lequel le « twist » intervient de manière soudaine et de sorte que la scène devienne absurde. Ainsi, le rôle de l’humoriste serait aussi de se libérer, lui et ses interlocuteurs des normes qui contraignent la langue et la société. On retrouve une idée similaire à celle de Kitazume chez Sibony, et ce dès 2009. Selon lui, l’humour passe par un retournement, permis par un remplacement. C’est le fait d’insérer un nouvel élément qui sort de l’ordinaire qui créé l’amusement. Ce ne sera cependant pas le nouvel élément en soi qui fera rire mais le remplacement. Voici donc, finalement, la manière dont Kitazume définit sa « Twist theory » : 35 « The essence of humor is a twist. The twist is a minor alteration, which, in effect, transforms a “prototypical” scene into a “ludicrous” one. The dynamics of this drastic change triggered by a minor alteration produce laughter. » (Kitazume in Chlopicki & Brzozowska, 2017 : 87) 3.7 Quelques convergences théoriques Parmi les théories que nous avons rencontré à travers nos lectures, deux éléments n écessaires au rire reviennent souvent : le caractère social de l’humour et l’idée d’un changement entre plusieurs interprétations, informations, registres ou autres surprenant et soudain. Chaque fois, le rire passe par un décalage, une opposition ou un retournement de situation inattendus entre deux éléments de l’énoncé produit par le locuteur. Si ce n’est Freud, chacun des auteurs sur lesquels nous nous sommes penchées semblent s’accorder sur une fonction centrale à l’humour : une fonction sociale. Pour tous, l’humour se pratique dans un contexte spécifique, avec des interlocuteurs qui doivent, pour comprendre un acte humoristique volontaire, partager les mêmes codes sociaux que nous. C’est-à-dire parler la même langue et partager la même culture. Bergson et Raskin s’entendent pour dire que la langue et la culture déterminent les codes sociaux et avec eux ce dont il est possible de rire ou non et ceux qui sont ou ce qui est susceptible à la moquerie et qui ne l’est pas. Chez Raskin, pour qui la théorie de Grice est primordiale, les codes sociaux et la langue permettent aussi de déterminer les implicites d’un groupe social. Si nous connaissons les réflexes de nos interlocuteurs pour 36 remplir les éléments manquants de l’énoncé, habituellement comblés par des implicatures, il nous est possible de les manipuler et ainsi conserver la surprise nécessaire au rire. Charaudeau, également, insiste sur le caractère social de l’acte humoristique puisque, pour lui, trois rôles doivent être comblés pour qu’il soit efficace. Il faut un locuteur, celui qui parle, un destinataire, celui à qui le locuteur parle et une cible, celui de qui le locuteur parle. La cible et le destinataire peuvent néanmoins se confondre en une seule et même personnes. Parmi ces trois rôles, on retrouve le rôle de cible chez Attardo. Il y prend le nom de « target » parmi les 6 paramètres de sa General Theory of Verbal Humor. Le deuxième élément humoristique le plus souvent retrouvé au fur et à mesure de nos lectures consiste en des notions d’oppositions, de dualité, de décalage ou de retournement de situation visant à des éléments de surprise soudains, même s’ils prennent parfois des formes diverses. Chez Raskin et Attardo, l’opposition des interprétations est au cœur de leur théorie et en est même un élément indispensable. Chez Bergson, la dualité se fait davantage entre un monde mécanique d’une part et un monde naturel et vivant de l’autre. C’est l’application du premier sur le second qui fait rire. Si Kitazume, pour sa part, ne semble pas d’accord pour dire que les interprétations possibles doivent s’opposer, comme le disaient Raskin et Atttardo, on garde dans sa vision de l’humour, cette notion de dualité, seulement, au lieu d’une opposition entre les deux, c’est le passage brusque et surprenant de l’un à l’autre qui fait rire. Un effet de décalage entre deux éléments est répété également. Charaudeau propose de lister les éléments que l’on peut voir mis en relation, des idées que l’on retrouve chez Bergson aussi. 37 Notamment pour ce qui est du premier élément listé par Charaudeau : un décalage entre le ton du locuteur et ce qu’il dit. Chez Bergson, on propose un décalage entre le registre employé et la situation, par exemple. L’emploi d’un registre soutenu en lieu et place d’un registre familier, donne lieu à une exagération, et l’inverse à une dégradation. Charaudeau propose aussi un décalage entre « tristesse » et « drôlerie de la situation », ou encore entre le « défensif », « l’agressif » et le « gratifiant » et enfin, dans un mauvais assemblage entre signifiant et signifié. Attentes de la société, attentes dans le discours et surprise, souvent brutale, inattendue parce que mettant en œuvre un retournement de situation ou un décalage entre plusieurs éléments, voilà les deux éléments comiques centraux sur lesquels tous semblent vouloir se mettre en accord. 38 Conclusion Conclusion Conclusion Conclusion Nous proposions ici de déterminer quelles étaient les raisons du rire et de quelle manière était déclenché, de quelle manière pouvions-nous le provoquer. Bien entendu, la question du rire a été largement et longuement discuté et nous ne pouvions pas rendre, ici, compte de l’ensemble des travaux qui se sont intéressés à cette question. Nous avons néanmoins réussi à déterminer quelles étaient les fonctions de l’humour et quelques théories quant à son application. Pour ce qui est des fonctions du rire, nous apprenions qu’il n’est pas seulement une manifestation d’une joie, qu’il n’a parfois rien à voir avec un acte humoristique. Il peut n’être qu’un mécanisme de défense dans un instant de gêne, par exemple. Si le rire peut n’être qu’un réflexe du corps pour se libérer d’une situation, recourir volontairement à l’humour peut aussi participer à un mécanisme de défense. Plusieurs théories s’accordent sur cette fonction de l’humour. On retrouve ainsi la Relief Theory de Raskin (1985), mais aussi la théorie du comique de tension ou de détente. Au côté de cette fonction de libération on retrouve une fonction de socialisation. Rire ou pas à une blague, d’une personne ou d’une situation témoigne de notre rapport avec la société dans laquelle on vit. Par exemple, on aura tendance à rire des individus qui ne correspondent pas aux attendus de la société mais on s’interdira de rire de sujets considérés tabous par elle. Si le rire est un critère de socialisation, c’est aussi parce qu’il ne se fait seul, quand bien même Freud avançait le contraire. Le rire volontairement produit dans un acte humoristique se partage. Il demande un locuteur, un destinataire et une cible pour certains, des prérequis sociaux pour d’autres, les deux pour nous. Un locuteur créé un acte humoristique dans un contexte, 39 notamment social, particulier. Il ou elle dirige son acte vers un destinataire précis qui sera soit son complice, soit sa victime. Dans le second cas, la victime sera aussi la cible de l’acte. Le contexte et les acteurs une fois connus, des implicites se mettent en place. On joue avec ses implicites pour créer une blague. C’est sur eux que la théorie de Raskin, partagée avec Attardo se fonde. Selon Raskin (1985), pour former une blague on associe dans un énoncé deux interprétations possibles. Seulement, le contexte guidera l’interlocuteur vers une seule de ces interprétations. Tout du moins, jusqu’à ce qu’intervienne un retournement de situation. A cet instant, la première interprétation ne sera plus possible et le destinataire se retrouvera obligé de réinterpréter l’énoncé. Cette fois-ci, l’interprétation initialement cachée lui paraîtra claire. Attardo vient consolider cette théorie en listant 6 paramètres qui, selon lui, sont essentiels à la construction de la blague. Il s’agit de la langue, de la stratégie narrative, de la cible, de la situation, des mécanismes logiques et de l’opposition des interprétation, chère à Raskin mais remise en question par Kitazume. Selon cet auteur, ce n’est pas tant l’opposition des interprétations qui créé la comédie que la surprise et la soudaineté du changement d’interprétation. Nous nous sommes intéressées à une autre théorie, plus large, celle de Bergson. Portant son attention sur la comédie, un registre grossissant les traits de la vie, il propose trois types de comique : le comique de situation, le comique des mots et le comique de caractère. Pour chacun de ces types de comique, ce qui fait rire, selon lui, c’est l’application d’un mécanisme sur le vivant. La répétition, l’inversion ou l’interférence des séries feront rire dans le comique de situation ou le comique des mots. La manipulation des personnages par le scénario ou entre eux vient remplacer la fluidité naturelle du vivant. On fait répéter les mêmes situations ou mots aux mêmes personnages ou à des personnages différents. On inverse les situations ou les mots des 40 personnages. On fait vivre plusieurs scénarios aux personnages dans un même temps. Dans chacun de ces cas, la main de l’homme vient modifier la vie des personnages par une volonté externe ou interne à la diégèse. Parmi toutes les théories que nous venons de rappeler, très rapidement, deux semblent se répéter chez tous les auteurs ou presque : pour prendre vie, l’humour doit être pratiqué dans un cadre social. Il doit également opposer des éléments ou mettre en scène des éléments qui sont en décalage. Le passage de l’un à l’autre par un possible retournement de situation de manière surprenante et brutale provoquera le rire. Le choix de Bergson d’étudier les mécanismes humoristiques à partir de comédies résonne avec un projet qui sera la continuité de cet écrit et que nous ferons nôtre ultérieurement. Tout comme lui, nous aimerions analyser une ou plusieurs fictions. Notre souhait serait d’analyser le caractère humoristique du cinéma de Michel Audiard, mais plus encore, de ses dialogues à travers, notamment, des citations que nous faisions en introduction à ces quelques pages. Nous pourrions appliquer nos découvertes au cours de la recherche présente aux procédés utilisés par Audiard et voir dans quelles proportions ils coïncident ou diffèrent. Compte tenu de la filmographie du personnage, nous commencerions cependant avec un seul de ses films, Elle boit pas elle fume pas elle drague pas mais… elle cause ! Nous analyserions les choix de mise en scène fait par l’auteur, réalisateur et dialoguiste de cette œuvre, mais aussi et plus encore, ses choix linguistiques. Notre objectif sera pour ce (ou ces) prochain(s) travaux de déterminer quel est le style de Michel Audiard, ses mécanismes d’écritures et son inscription dans la tradition humoristique française, s’inscrit-il dans la tradition du persiflage ? 41 BIBLIOGRAPHIE 42 Articles Articles Articles Articles BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE • AJAVON, François-Xavier. « Pourquoi l'humour est une forme de cancer », Le Philosophoire, vol. 17, no. 2, 2002, pp. 89-95. • ALVAREZ, Gerardo. « Les mécanismes linguistiques de l’humour », Québec français, vol. 46, pp. 24–27 • AVANESSIAN, Armen. « Le rire comme Philosophoire, vol. 17, no. 2, 2002, pp. 29-45. impossibilité philosophique ? », Le • CHABANNE, Jean-Charles. « Bref survol des théories du comique ». Le comique, Gallimard, Bibliothèque Gallimard, ”Registres”, 2002, chap. 3 • CHARADEAU, Patrick. "Des catégories pour l’humour ?", Revue Questions de communication n°10, Presses Universitaires de Nancy, 2006. • DAVIES, Christie. 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