Recherche d'Action, Communication Participative: Pourquoi les Governements ne Font pas Attention Par Keyan G. Tomaselli Introduction a ce Numero de la Revue La recherche (faction participative et les pratiques participatives de communication, tout comme la communication de soutien au developpement, ne sont pas des idees nouvelles auxacademiciens africains (Servaes et al 1996; White et al 1994). En effet, bon nombre de departements dans les universites africaines ont tendance a souligner ce dernier, tout en travaillant en etroite collaboration avec des organisations d'education a distance (Ansu-Kyermeh 1991, 1994). Cette approche developpementale reflete, sans doute, la nature rurale du developpement, dans la majorite des pays africains, par rapport a ceux du Premier et Deuxieme Mondes. C'est aussi un bon indicateur de l'urgence dans laquelle se trouvent ceux qui s'efforcent de resoudre les problemes poses par le sous-developpement. Pour se faire, il ne faudrait jamais oublier d'impliquer les citoyens aux interactions avec ceux qui prennent les decisions, ainsi qu'avec les responsables a Durban, qui travaillent au Centre de la Culture et des Etudes des Medias (Legakane 1997; Kasongo 1996). Ce qui est extra-ordinaire, comme le savent bien ceux qui travaillent dans le "paradigme participator plus elargi, c'est Prof Tomaseli est le Directeur du Centre des Etudes de la Culture et des Medias, Universite de Natal, Durban, Afrique du Sud. 10 l'impatience que manifestent les departements des gouvernements, les economistes, l'industrie incorporee des medias et certains educateurs. envers les academiciens/ praticiens. On demmande aux academiciens de tacher d'etre realiste et terre a terre. Ceux-ci se trouvent frustres, agaces et alienes, a chaque fois que les projets, qui ne tiennent pas compte des aspects culturels, essuyent l'echec (Klitgaard 1993:49). Mon experience, en tant que specialiste en medias en Afrique du Sud, Departement du Comite des Conseils sur la Sante, le SIDA et les STD, n'a pas ete differente. Les bureaucrates, et meme certains secteurs de la fraternite medicale, se sont montres incapables de comprendre que l'approche qui consiste a imposer des consignes au public cible, risque de se faire aliener d'avance. Car les personnes interessees ne se sentent pas directement concernees. Elles ne voient pas en quoi cela leur concerne, puisque les responsables des projets ne tiennent pas compte de leur experience. Cette situation cree des attitudes qui empechent le bon accueil des messages importants qui auraient pu ameliorer le niveau de vie. Cela en depit de l'abondence des moyens budgetaires et de l'efflcacite de la technologie deployee. Les politiciens montrent beaucoup d'ignorance a l'egard des strategies de communication et responsibilite en communication. On se fixe vite des projets, sans jamais se soucier du public cible, sans faire aucune etude de faisabilite, sans tenir compte des differences culturelles, sans meme determiner la possibility d'interation et la coherence conceptuelle. On se presse de baser des projets encore plus importants sur d'autres qui sont mal concus, depuis les niveaux les plus fondamentaux. Ces projets vite-faits rassurent provisoirement les bureaucrates, en leur dormant le sentiment de faire quelque chose. Au fond, ils cherchent a dormer l'impression fausse aux electeurs, qu'ils sont en train de faire quelque chose de positive et d'urgent. Cela en depit de nombreux temoignages qui devraient decourager cette facon impromptue d'agir. 11 La panique prend la place des strategies; la confusion s'installe, on ne fait plus reference aux populations cibles (voir Parkie: Problems of Billboard Communication). Pendant tout ce fiasco, l'epidemie HIV continue de ravager les economies des pays du continent africain. Comme a dit racademicien/economiste et Conseiller, Robert Klitgaard (1992:49), "Les echecs constants des projets de developpent... se sont soldes en serie de rappels qu'il faudrait tenir davantage compte des cultures africaines". Quelles sont ces cultures africaines, et comment faire pour les mobiliser et les incorporer aux formes expressives, qui soient authentiques, trans-culturelles, tout en etant comprehensibles aux populations ? Comment faire pour y parvenir et mobiliser les valeurs et les connaissances indigenes? Ce sont la les preoccupations qui semblent avoir inspire l'etude de Donald Guambe et Arnold Shepperson dans ce numero de la revue des medias. Leur constitution des concepts sur les politiques culturelles dans le contexte africain sert d'encadrement aux exposes centres sur la communication proprement dites, qui suivent. La contradiction majeure dans ce domaine demeure le fait que les banques ainsi que d'autres institutions financieres, les gouvemements et les agences de developpement, les specialistes locaux et etrangers, tous cherchent a imposer des theories non veriflees du Premier Monde aux contextes totament differents du Tiers Monde. Toutes les etudes dans ce volume s'adressent, chacune de sa propre maniere, a la question de Klitgaard. Tout en centrant leurs exposes moins sur les politiques que la communication de Klitgaard, les auteurs decette collection d'articles discutent les problemes contextuels de la communication et l'education en Afrique du Sud, au Zimbabwe, au Botswana et au Malawi. Leurs analyses se basent sur des experiences approfondies, acquises sur le terrain, en travaillant avec les populations interessees, sur des realites quotidiennes. Ces auteurs se sont heurtes contre nombreux obstacles, et connaissent bien les problemes du developpemnt des regions rurales des pays africains. On peut 12 peut-etre pretendre que ces specialistes font partie de la "tour d'ivoire". Cependant la nature et les exigences de leur profession leur obligent d'oeuvrer pour la realisation des theories, des changements effectifs en face des forces structurelles extremement puissantes. Le theatre, la recherche d'action, rimprimerie et autres formes d'expression centrees sur le suj et sont vues comme une approche plus efficace, en ce qui concerne la modification des attitudes sociales, quant il s'agit des communautes et des groupes specifiques. En effet cette strategic est beaucoup mieux que celle qui est souvent adoptee par les technocrates, qui s'est revelee, jusque-la, incapable de transmettre les messages des medias destines au public cible. Celle-ci est basee sur le modele de Shannon et Weaver (1949), derive par les academiciens en communication. Ce modele suppose que tous les membres du public vise partagent les memes conditions de reception et reagissent de la raerae maniere. Felix Fandyroy Moyo a raison dans son affirmation que "Le dramatique pourrait enlever le "stigmate" de "masse" du concept de communication", pour le re-orienter de la conception "d'une manipulation organisee", vers "une interaction spontanee et naturelle". Cette communication de base devrait se reveler difficile a detourner dans le but de satisfaire des interets personnels, car les politiciens, ayant peu de contact avec les realites locales, comprennent mal les besoins rudimentaires. Cependant, Kerr signale qu'il faudrait toutefois faire tres attention. L'analyse faite par Lynn Dalrymple de rutilisation des activites dramatiques dans l'education du public sur l'epidemie SIDA (Projet DramAidE), montre une modification importante de l'identite feminine chez les membres de l'ethnie Zulu, qui se manifeste par la diminution regressive du regime social patriarcal. Ce changement est lie au processus politique plus global, qui caracterise le nouveau Etat de rAfrique du Sud. L'origine de la methodologie DramAidE fut la critique de Dalrymple (1987) des notions du theatre, empruntees de l'Occident, qui montra d'une 13 maniere sans equivoque l'incoherence de celles-ci dans une situation rurale en Afrique. Sa notion alternative "du theatre communautaire" fut Tune des facons de revaloriser et de re- dynamiser la "Culture Africalne" dans l'education de la sante et d'autres aspects sociaux. La recherche des medias de l'action. qui laisse les populations cibles concevoir leurs propres messages, a l'aide d'un specialiste des medias, est definie par Warren Parker (1994), qui fut l'un de ceux qui ont etabli le Departement des Medias de Campagne contre le SIDA. Tout comme Dalrymple, celui-ci s'inspire des experiences et connaissances d'academicien/praticien, pour formuler le noyau du programme national de renseignements sur le SIDA. Celui-ci fonctionne en collaboration etroite avec les beneficiaires potentiels de la societe civile, ainsi qu'avec les ONGs de Sante. Au contraire du projet DramAidE, et malgre le soutien d'un Forum National de Medias sur le SIDA, les recommendations de Parker, ne fussent pas realisees avec coherence. Le gouvernement prefera gaspiller une bonne partie du budget de 1995 sur une piece de theatre de haut niveau, Sarafina 2. Celle-ci fut catastrophique non seulement sur le plan des medias, mais aussi en ce qui concerne la diffusion des renseignements sur le SIDA. On crea des malentendus, aussi bien chez les membres bien portants des communautes cibles, que chez les malades. Sarafina 2 etait vu par plusieurs milHers de spectateurs. DramAidE influa sur la vie des millions de participants, et couta une fraction des depenses inutilement consacrees a l'Expravagance de Mbongemi Ngema. En effet Sarafina 2 constitue un bon exemple de l'anti- communication caracterisee par l'imposition des renseignements inappropries par des autorites incompetentes. David Kerr remarque que ce genre d'intervention peut s'ameliorer en incalquant ce qu'il appelle "theories brutes" des formes culturelles. Son avis est que celles-ci constituent une distraction pour les spectateurs, qui facilite l'assimilation de l'aspect didactique du message du developpement. 14 Ces commentaires pourraient decourager le lecteur. En effet, Kerr anticipe cet effet negatif sur les lecteurs de son article. C'est peut-etre pourquoi il propose des remedes possibles au probleme. La societe civile et les academiciens experimentes disposent des theories et des techniques, des methodes et de l'experience, des temoignages et des politiques. Cependant les gouvernements detiennent le dernier mot quant a la generalisation des projets qui se sont systematiquement verifies. Cela peut-etre en raison de remprise universelle du modele de communication de Shan- non Weaver sur ceux qui continuent a penser conventionnellement. Mais aussi en partie a cause du manque du soutien politique a ce niveau fondamental, qui semble attirer peu d'attention des autorites au pouvoir. Ces pejuges contre les activites de petite envergure, par ceux a la recherche de la gloire, sont a la base des difficulte que rencontrent les tenants des theories de communication participative et ceux qui s'impliquent directement dans les projets de developpement. Kerr remaque que dans le cas des modeles de communication plus sophistiques, les formes culturelles fournissent les canaux de communication, par l'intermediaire desquels negocient les cornmunautes subalternes avec les institutions qui cherchent a effectuer des changments innovateurs, dans la societe. Le projet DramAidE constitue un exemple excellent de ce genre d'experience, ainsi que le remarque Daliymple dans son article. Cela se trouve etre le contraire de l'exemple pessimiste de Kerr, dans certaines regions de l'Afrique du Sud. Le cas de DramAidE est exceptionnel, en ce qui concerne ses rapports avec le gouvernement provincial et les politiciens, ainsi que sur le plan de la rentabilite. II s'agit d'un projet, qui fut initie par l'ancien Departement de la Sante de Kwazulu, qui fut generalise au niveau national en 1996. Dans la region de Kwazulu-Natal, DramAidE negocia une guerre civile et des contextes sociaux qui favorisaient les infections de HIV. Celui-ci mobilisa aussi les formes culturelles et traditionnelles, afin d'incorporer le developpement des deux messages, ainsi que des strategies 15 destinees au changements des comportements, dans le but de combattre les problemes de HIV et les infections des STD. C'est de ces origines modestes que DramAidE s'est developpe, pour englober de nombreux aspects de la vie des populations cibles, en Afrique du Sud. Soit, celui-ci n'echappe pas a tout scepticisme. Neanmoins son succes a vue se reunir des equipes des specialistes dont: des anthropologues, des praticiens para- medicaux, des statisticiens, des psychologues, des chercheurs du secteur du SIDA, ainsi que d'autres specialistes en science sociales. Ceux-ci se reunissent pour constituer un corps comprehensible de connaissance, qui cherche a allier la recherche d'action participative, les pratiques participatives de commu- nication et les questions de la sante. En meme temps, le plan national des medias sur le SIDA de 1997, semble enfln gagner l'attention du Conseil d'administration du SIDA qu'il merite. Ce plan souligne l'integration des medias de toute envergure, aux pratiques participatives, ainsi qu'aux messages relatifs a la sante, sans pour autant oublier le role que peut jouer les programmes tel que DramAidE, ainsi que la contribution des specialistes devoues comme Parker, Kerr et Moyo. II faut toutefois avouer que la philosophic participative continue a etre sapee, par la concurrence des projets a court terme (qui attirent davantage l'attention des politiciens), en depit de leurs effets qui vont souvent a l'encontre des objectifs communicationnels a long terme. II faudrait neanmoins soutenir les plaidoyers en faveur de la democratisation des pratiques communicationnelles, car celles-ci s'averent aussi importantes que le combat lui- meme. En Afrique, les projets de developpement se trouvent souvent pris entre les contradictions, creees par les interets de l'elite dans les centres urbains, et ceux de la masse populaire, qui habite encore dans les regions rurales. Ce dernier groupe survie tant mal que bien, parfois grace au soutien des ONGs locales. Comme l'affirme Kerr, quelques-unes de ces organisations sont 16 devouees aux principes de participation, d'autres ne le sont pas. Ainsi cette edition de African Media Review se consacre a une analyse des problemes et des perspectives de l'approche par- ticipative de recherche d'action. Elle s'efiforce de montrer com- ment les gouvemements peuvent faciliter ou gener les efforts de developpement. Ce volume est compose de quatre articles, tires du projet de DESCOM (Communication de Soutien au Developpement). Ce projet fut initie par le Conseil de Recherche des Sciences Humaines (HSRC), Pretoria, Afrique du Sud (Nyamnjoh 1997). Ces communications fussent presentees lors du Colloque de la Culture, la Communication et le Developpement (HSRC) de 1996. Celui-ci etait organise par le Departement de Communi- cation, de 1'Universite de l'Afrique du Sud, en collaboration avec l'UNESCO et le Centre des Etudes de la Culture et des Medias, de 1'Universite de Natal. Le DESCOM symbolise les efforts d'allier la theorie a la pratique et de reformuler la notion "des produc- tions artistiques" et la "culture" dans les contextes de developpement. Cette strategic participative reserve une consideration privilegiee aux beneficiaires des projets, avec qui on doit discuter les besoins, les strategies de recherche, les solutions appropriees, ainsi que leur conception des programmes de developpement. II est tout a fait possible que le dramatique devienne une partie composante des etudes de developpement, notamment dans les departements des universites africaines. Cependant Klitgaard, economiste de renommee dans le secteur du developpement, nous rappelle que la cle aux solutions recherchees demeure dans les connaissances approfondies de la culture. Malheureusement, peu d'economistes prennent le temps d'apprecier ce facteur incontournable a sa juste valeur... 17