Africa Media Review Vol. 2 No. 2. 1988 © African Council on Communication Education Democratisation des medias, democratie par les medias une imperieuse necessite par Hugues Kone* Resume L'article suivant est une reflexion sur le renforcement et l'elargissement du processus d€mocratique par le biais de la communication. Partant du postulat que la communication est un des piliers du fonctionnement des socie'tes democratiques et du cas specifique de la Cote d'lvoire, il tente de montrer: — dans quelle mesure les medias peuvent etre des outils de la decentralisation politique et administrative. — de quelle maniere Us peuvent contribuer a l'expansion d'une culture de la democratie et soutenir le processus democratique. Apr£s une description du contexte socio-econom;que, l'auteur analyse les besoins en communication suscites par les exigences de la democratie. Enfin, il fait une serie de propositions susceptibles de safisfaire ces besoins. *Dr. Hugues Kone est ledirecteurdu Centre d'Enseignementetde Recherche Audio-Visuals, Universite d'Abidjan, Cote d'lvoire. LOO Democratisation of the media, democracy through the media: An urgent necessity Abstract This article discusses the role of communication in the strengthening of the democratic process in Africa. The author postulates that communication is the basis for a proper running of democratic societies. From that assumption and with special reference to the situation of Cote DTvoire, he attempts to show: a) how the media can be useful tools for political and administrative decentralisation; and b) the extent to which they can contribute to the expansion of the democratic process. The author gives a brief description of the prevailing socio-economic conditions in Cote D'lvoire, analyses some requirements in the field of communication for the emergence of democratic and finally makes a series of proposals which could contribute to meet these requirements. 101 Introduction Pour beaucoup de gens, l'Afrique e'voque le continent de tous les maux: pauvrete', famine, se'cheresse, refugie's, analphabe'tisme, instabilite', Sida, non respect des droits de rhomme, absence de democratic Ce tableau est sans nul doute caricatural mais il faut admettre que la situation n'est pas reluisante. Precisons tout de suite que l'objet de notre propos n'est pas de faire un diagnostic de l'etat general de l'Afrique. Nous voulons simplement apporter une petite contribution a la reflexion sur l'elargissement et le renforcement du processus democratique par la communication. le biais de En effet, la communication en tant qu'elle suppose mise en commun, partage, participation, echange, est l'un des piliers du fonctionnement des soci6t6s democratiques ou la volonte ge'nerale est censee supplanter les inte're'ts particuliers, ou le consensus est prefere a la repression et a la contrainte, ou tous les citoyens sont egaux devant la loi, ou il existe une reelle responsabilisation et une participation effective des citoyens aux affaires collectives, enfin, ou les citoyens disposent de la liberte de choix de leurs dirigeants. Pour cela, nous allons partir du cas de la Cote d'lvoire ou se deroule une experience democratique sui generis et montrer: — dans quelle mesure les medias peuvent etre des outils de la decentrali- sation politique et administrative. — de quelle maniere ils peuvent contribuer a l'expansion d'une culture de la democratic et soutenir le processus democratique. Apres un survol du contexte socio-historique, nous analyserons les besoins en communication suscites par les exigences de la democratic, enfin, nous listerons quelques propositions susceptibles de satisfaire ces besoins. Le contexte socio-economique C'est le 7 Aout 1960 que la Cote d'lvoire est devenue un Etat independent. La constitution qu'elle s'est alors donnee et qui est toujours en vigueur (loi n° 60-356 du 3 novembre 1960) enonce dans son preambule que: "Le peuple de C6te d'lvoire proclame son attachement aux principes de la Democratic et des droits de l'homme, tels qu'ils ont ete definis par la declaration des Droits de l'homme et du Citoyen de 1789, par la declaration universelle de 1948 et tels qu'ils sont garantis par la presente Constitution". L'article 2 stipule quej "La Republique de C&te d'lvoire est une, indivisible, laique,democratique 102 et sociale. Son principe est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple". Pourtant, jusqu'en 1980, la vie politique nationale se caracterise par une legislation d6mocratique et un fonctionnement autoritaire de facto. C'est la conclusion de nombreux politologues, de ZOLBERG (1964) a FAURE et MEDARD (1982) en passant par POTHOLM (1981), SYLLA (1973) et autres (1). Pendant la periode coloniale, plusieurs partis £taient en activite: c'est le cas du P.D.C.I.- R D A cree en 1946 par Felix HOUPHOUET BOIGNY, du PPCI (1946) de la section Ivoirienne de la S.F.I.O., de l'E.D.I.C.I. 1949 et du B.D.E. (1949)*. •PDCI: Parti Democratique de Cote d'lvoire; PPCI: Parti Progressite de Cote d'lvoire; E.D.I.C.I.: Entente des Independants de Cote d'lvoire; B.D.E.: Bloc Democratique Eburneen; SFIO: Section Franjaise de l'lnternationale Ouvriere. De parti dominant dans les annees 1950, le P.D.C.I. est devenu parti unique de fait a la veille de ['independence grace a 1'integration dans les rouages du pouvoir des principaux dirigeants des autres partis, ainsi conduits a se saborder. L'elimination des opposants reels ou potentiels en 1963-64 et la mise en place d'un systeme monolithique, au nom de l'union sacree pour le developpement du pays, avec: — la concentration des pouvoirs entre les mains du Chef de l'Etat, la constitution d'une assemblee nationale composee de deputes elus tous les cinq ans sur la base d'une liste nationale unique dressee par le sommet du parti, la mise en place d'un Conseil Economique et Social compose de personnalites designees par le Chef de l'Etat; — — la creation, autour du parti unique, d'une centrale syndicale unique des travailleurs, d'une association des femmes unique, d'un mouvement des eleves et etudiants unique (malgre plusieurs greves scolaires) charges chacune d'encadrer sa population cible; la quasi-inexistence du fait communal puisqu'il n'existait que deux communes de plein exercise, fonctionnant de surcroit sans elections municipales; l'absence de contre-pouvoirs organises; la non participation de la population a la prise des decisions ayant un impact sur son devenir: c'est le cas pour les projets de developpement comme la realisation du barrage hydroelectrique de KOSSOU qui a necessite le deplacement d'environ 100.000 personnes sur des terroirs appartenant a d'autres ethnies, et surtout comme la television a l'ecole primaire lancee en 1971 malgre les reticences des enseignants et des parents d'eleves, elle fut abandonnee en 1982 en raison de son cout — — 103 (plus de 62 milliards de F CFA de depenses cumulees), des mauvais resultats obtenus, de l'hostilite ouverte de la population et de la resistance passive ou active des enseignants (2). On reconnait la un processus et une situation socio-politique ordinaires en Afrique avec au moins deux exceptions de taille: Fexceptionnelle stabilite du regime et le style de gouverement du Chef de l'Etat. Cela a fait dire a MEDARD (1982) que "le regime ivoirien realise une etrange combinaison d'autoritarisme liberalisme, d'autorite et de bienveillance, de fermete et de moderation: en bref, c'est un regime "parternaliste" (3). et de Cette monolithisation du regime a largement contribue a creer une disaffection de la population et surtout des cadres et intellectuels vis-a-vis du parti et de l'activite politique officielle ce qui a terme, pouvait s'averer dangereux pour la survie dudit regime. C'est alors que, entre 1978 et 1980, le Chef de l'Etat fait une autocritque et prend les decisions qu'il juge necessaires: ''Le train de la democratic s'est arrete quelque part et il faut le remettre sur les rails" (Conseil National du 12 juin 1980). ."A mesure que se developpait le progres economique et social, s'affadissait l'ardeur combative des militants et des militantes et surtout des cadres . . . . Le peuple ne se sentait plus concerne par l'action des dirigeants, ne participait pas reellement a leur choix." (4) L'activite' politique regoit une nouvelle impulsion baptisee par ses defenseurs "democratiie a l'ivoirienne" et dont les caracteristiques sont les uivantes: — lancement de la vie municipale au niveau de 37 communes dans un premier temps (1980), de 135 dans un second temps (1985)*; — elections libres a tous les niveaux. Desormais plusieurs candidats ayant chacun son programme pourront briguer un meme poste a la tete des sections locales du parti, au niveau des communes (Conseils municipaux et sieges de maires) et des circonscriptions legislatives (sieges de deputes). Les electeurs sont libres de leur choix. Ainsi, en 1980, on denombra 649 candidats pour 147 sieges de deputes 81% des elus furent des nouveaux venus. La campagne suscita un engouement populaire, renouvele en 1985; — maintien du parti unique; — respect du critere geographique dans la constitution du gouvernement. libres, communalisation) ne peut atteindre son plein effet que si les moyens de communication jouent leur r6le de facilitateurs. Cette nouvelle approche de la vie politique (elections 104 Les besoins en matiere de communication Nous les avons identifie's a partir d'une enquete par questionnaire realisee aupres de 450 citadins des 5 grandes regions du pays, d'entretiens semi- directifs et d'une documentation. (5) *"La vie communale qui permet a nos populations de participer concretement a la gestion des affaires qui les concernent au premier chef, offre egalement a notre jeunesse une ecole de civisme et donne a nos cadres qui auraient quelquefois tendance a oublier leurs parents, l'occasion de garder ou de retrouver le contact avec le pays profond et ses preoccupations quotidiennes". C'est ainsi que le Chef de l'Etat a justifie l'experience communale (8e Congres du PDCI, Octobre 1985). Le besoin d'information Avoir des nouvelles sur leur environnement constitue pour les Ivoiriens une necessity 63% des enquetes attribuent a la radio l'information comme fonction principale; 43, 8% en font de meme pour la television. Malheureusement, leur deception est grande devant ce que les stations nationales leur proposent comme information. Cette deception croit avec le niveaux d'instruction. Us se rabattent alors sur les radios etrangeres, Radio-France Internationale en tete, et/ou sur la rumeur, la nature ayant horreur du vide. Des e'venements tels que le rapt d'un ministre en fonction, le limogeage subit de deux ministres, l'explosion d'une bomb e dans la chambre reservee a un president entranger etc. . ne peuvent etre passes sous silence par les medias officiels sans que l'opinion publique ne cherche a s'informer autrement. Face a ce pourrissement de la situation, le president de l'Assemblee nationale, a lance l'appel suivant lors de la seance solennelle d'ouverture de la premiere session ordinaire 1988. "Comme il peut etre affligeant d'entendre des "montages" extravagants tenir lieu d'opinion publique. Mieux que d'accorder le moindre interet a de tels fantasmes, efforcons-nous de favoriser l'eclosion d'une opinion publique veritable, produit d'une culture civique democratisee et diffusee grace a nos ecoles, a nos organes politiques et grace surtout a nos medias responsables". Que veulent les Ivoiriens? • une information complete, diversifiee, exacte, a jour et commentee • une information sur leur region d'origine ou d'appartenance, sur leur famille et sur leur village (interet pour les avis et communiques). D'un autre point de vue, nous avons pu apprecier un besoin chez les Ivoiriens d'etre correctement informes par et sur les organismes d'interet 105 public, qui fournissent des prestations gratuites ou onereuses au grand public. II s'agit des services ministeriels, la Fonction Publique et les Finances en particulier, des services de transport public, des banques, des services de securite' sociale, etc. . . Les procedures administratives sont si complexes ou si floues que des individus font desormais profession d'intermediares entre les usagers et les organismes publics: ainsi, pour acceder a une prestation, sans trop de tracesserie, l'usager a recours aux services d'un intermediate exterieur a l'organisme qu'il devra remunerer. Cette situation est bien evidemment propice a tous les services publics sans que le public en soit correctement informe. Bref, les rapports entre les deux parties sont plutot crispes. (6) Le besoin de participation En dehors des hommes politiques, des hommes d'affaires des hommes de religion ou des artistes qui ont besoin des mass media pour leur propre propagande ou publicite', il nous est apparu que l'lvoirien souhaite utiliser ces medias pour s'exprimer et ne plus se contenter du role de simple r6cepteur comme ce fut le cas dans les premieres annees de la radio et de la television: • il veut atteindre des parents, des amis ou le public par le canal des avis et communiques ainsi qu'a travers les espaces reserves aux informations- services; • il veut exister aux yeux des autres, 6tre parmi ceux qui comptent, accroitre son prestige personnel; • il veut faire parvenir ses doleances aux autorites competentes, en particulier au chef de l'Etat (les paysans par exemple); • il veut exprimer son point de vue, faire connaitre sa region, son village, sa culture. Or, il ressort de l'enquete que plus d'une personne interrogee sur deux estime que la radio et la television nationales ne lui sont pas aisement accessibles si elle veut s'y exprimer car il y a une selection pre"alable, on ne peut pas tout dire, il faut avoir des relations ou des moyens, il faut bien s'exprimer en francais. . . . L'inaccessibilite est plus importante aux yeux des membres de la couche sociale inferieure: 70,5%, jugent les medias hors de leur portee contre seulement 36,4% des membres de la couche superieure. Figure 1. Possibilites d'acces aux chaines nationales de radio etde television. TV Radio [ 42.4 10 20 30 40 106 50 52.0 53.8 60 NonLJ Frequences les chatnes nationales ne paraissent done pas particulierement democratiques d'acces aux citadins ivoiriens, a fortiori aux ruraux. Le besoin d'equite II concerne ainsi bien l'equipement que le contenu. L 'equipement: Un sondage national realise en 1987 par l'lnstitut Ivoirien d'Opinion Publique revele que si les citadins Ivoiriens sont assez bien pourvus en recepteurs (radio et television), ce n'est pas le casdes ruraux, en particulier au niveau de la television. (7) Figure 2. Taux d 'equipement des menages •ivoiriens en recepteurs selon le milieu. Frequences 91.8 78.2 2.0 22.0 Radio Television Rural LJ Urban I On observe par consequent une forte demande sociale pour la television en milieu rural, pour la television couleur et mSme pour la video un milieu urbain. Mais e'est au point de vue de la couverture du territoire que les revendications se font plus nettes. En effet, la radio et la television couvrent theoriquement 85 a 90% du territoire mais la reception confortable ne depasse pas 60%, malgre l'existence d'un emetteur de 500 kw ondes courtes pour la radio. Les coupures d'emissions de quelques heures a quelques semaines ne sont pas rares a l'interieur du pays. Le courrier des lecteurs rend regulierement compte de la frustration des populations concernees et 107 leiir souhait de ne pas etre des laisses-pour-compte. Par ailleurs, la 2e chaine de television n'est recue que dans un rayon de 50 km autour de la capitale, ajoutant a la frustration des Ivoiriens de l'lnterieur. Tout cela explique que l'extension de la 2e chame, la decentralisation des stations et l'amelioration des equipements techniques figurent en bonne place parmi les suggestions exprimees par nos enquetes. En ce qui concerne la presse ecrite, il ressort d'un sondages de 1'IIOP qu'un exemplaire d'l.D. (magazine hebdomadaire) est lu par environ 13 personnes. Toutefois, le faible niveau d'alphabetisation de la population et la contrainte que constitue l'achat quotidienou hebdomadaire d'un journal limitent la pression de la demande sociale en la matiere. La presence des acteurs a Vantenne Nos enquetes ont fait etat d'un desequilibre flagrant dans la presence des differents acteurs sociaux sur les antennes. Les hommes politiques (le sommet de l'Etat en particulier) et les "grands" en general sont considered comme les principales vedettes mediatiques pour pres de 2/3 des repondants. Us sont suivis des artistes, des cadres- et des sportifs. En revanche, les paysans, la masse en general et les travailleurs sont les moins en vue, nonobstant le fait-signale par certains — que l'economie nationale repose sur l'agriculture. Pour la plupart des enquetes, ce desequilibre s'explique par le poids relatif de chacune des categories sociales, par l'orientation politique du pays qui privilege certaines categories, l'importance relative des activites et l'interet manifeste par le public. Ce desequilibre n'est pas juge" satisfaisant et la suppression des 6ditions speciales *constitue la revendication n° 6 de nos enquetes. La couverture mediatique des regions Les regions les plus couvertes sont Abidjan, Yamoussoukro (ville natale du Chef de l'Etat, siege de plusieurs activites officielles nationales) et dans une moindre mesure le Centre du pays ou se trouve la 2e ville du pays (avec la seule station regionale de radio) et Yamoussoukro. A l'oppose, le Nord, le Nord-Est, l'Est, l'Ouest, le Sud-Ouest, et les regions frontalieres sont quasiment negliges. La situation des stations (32 a 35%), la faiblesse des moyens mis a la disposition des medias (26 a 31%), l'importance relative des activites (26 a 28%) et l'origine du Chef de l'Etat sont les principales raisons avancees pour expliquer le desequilibre regional. D'une maniere generate, chacun estime que les medias parlent peu ou pas du tout de la re'gion dont il se reclame et souhaite que cela change. 108 *Les editions spSciales sont des tranches d'emissions variant de 15 a 90 minutes consacrees apres le journal de 20H0O aux activites du couple presidentiel, a des manages et obseques concernant la bourgeoisie politique et d'affaires etc. . . Le besoin de diversification Les Ivoiriens sont-ils suffisamment combles par leurs stations nationales de radio et de television pour ne pas souhaiter d'autres formules? Apparemment non puisque pres de trois enquetes sur quatre souhaitent la mise en place de stations regionales (15% seulement sont contre) et un sur deux celle de stations privees (34% sont toutefois contre). L'interet pour les medias regionaux est ainsi etabli sans ambiguite. Les besoins des collectivites locales La Cote d'lvoire est une mosaique d'ethnies. Certes, elles peuvent 6tre • regroupees en 4 ou 5 grands groupes culturels et ethnolinguistiques mais les langues parl6es sont variees — une soixantaine — certaines ayant moins de 10.000 locuteurs (krobou: 5000; 6ga: 4000 par exemple). Cela ne va pas sans poser des problemes de politique au niveau des medias. Par ailleurs, les Ivoiriens sont attaches a leur village, terroir ou region d'origine. Cela se traduit par des sejours frequents (visites, ceremonies, reunions etc. .) la construction de maisons, la creation dissociations de ressortissants, des cotisations en vue de faire des realisations socio- gconomiques, le transfert des depouilles aupres de l'administration, des ambassades ou des ONG en vue de favoriser le developpement du terroir d'origine etc. . . Cet attachement a la region a ete renforce par l'avenement des communes puisque les differents conseils municipaux comportent une forte proportion de cadres de la region residant ailleurs, a Abidjan en particulier et que les maires sont en majorite des personnalites residant dans la capitale. Celle-ci abrite, il faut le rappeler 22 a 23% de la population totale et environ 50% de la population urbaine. Cette realite cree un certain nombre d'exigences en matiere de communication: • • l'existence de moyens de deplacement rapides et peu c6(iteux permettant aux elus, aux cadres, aux emigres en general de se rendre plus souvent dans leur region; l'existence d'un reseau tel6phonique capable d'assurer une liaison r6guliere et de bonne qualite entre toutes les regions, en particulier avec la capitale ou sont concentres les services centraux, y compris le service de tutelle des communes; • l'acces a des medias, electroniques ou imprimes, pouvant permettre aux equipes municipales d'etablir le dialogue avec leurs administres et 109 fournir toute l'information institutionnelle n£cessaire a une gestion harmonieuse, efficace et participative de la chose municipale. En effet, avec l'avenement des communes, les mass media nationaux sont submerges de demandes de reportages 6manant de celles-ci et de personnalites politiques locales en vue de rendre compte des evenements locaux (competitions sportives, journees culturelles, reunions de conseil municipal, c6remonies d'inauguration etc). "Les pressions en provenance des politiciens locaux sont nombreuses" nous a confie un responsable de la radio nationale. • La popularisation des activites communales sur l'ensemble du territoire national afin de favoriser le partage des experiences, la concurrence intercommunale, les jumelages, la connaissance des droits et des devoirs du citoyen vis-a-vis de sa commune etc.. II existe d'ailleurs l'Union des Villes et Communes de Cote d'lvoire (UVICOCI) ou tous les maires se retrouvent pour s'entrichir les uns les autres et entreprendre des actions communes en vue de renforcer l'autonomie d'action des communes par rapport a l'Etat. • La necessity d'assurer l'animation et le rayonnement culturel des differentes communes et regions car, comme chacun le sait, qui dit culture dit communication et vice-versa (HALL, 1966). L'existence de competitions intercommunales dans le domaine de la musique, du theatre, des ballets . . . (Vacances-culture, Radio-vacances par exemple) est tout a fait significative. La revalorisation de la culture locale preoccupe les communes. II ressort done de tout ce qui precede que tant au niveaux individuel que collectif, la demande sociale vis-a-vis des moyens de communication sociale en Cote d'lvoire est de plus en plus grande, en particulier apres 1980. Quelles sont quelques-unes des r6ponses que Ton peut apporter a ces besoins? Esquisse de solutions La situation actuelle des medias ne peut permettre de satisfaire les besoins ci-dessus identifies. En effet, nonobstant des declarations politiques fermes, le paysage mediatique du pays parait plutot etrique, jurant avec le choix du liberalisme en matiere economique. • La presse ecrite est dominee par l'Etat qui controle les deux quotidiens et le plus grand hebdomadaire du point de vue de l'orientation, d'autant plus qu'il d6tient 79,43% du capital de la societe que les edite (la SPECI): il s'agit de Fraternite Matin (60.000 exemplaires en moyenne), d'lvoir'soir (45000 a 50000 exemplaires) et de l'hebdomadaire I.D. (70 000) exemplaires). Le parti unique dispose de son organe Fraternite-Hebdo (40.000 exemplaires). Partout, l'information regionale dispose de la portion congrue. 110 La presse privee se rgduit a" quelques periodiques specialises: santc, sports, 6conomie, petites annonces, syndicale ou d'entreprise. . . La presse communale commence a se developper. Cependant, l'elite peut acc6der & plus de 700 journaux etrangers regulierement distribues, a l'exception notable de Jeune-Afrique interdit depuis novembre 1987 a la suite d'un article evoquant l'implication du president ivoirien dans la chute et l'assassinat du President Thomas SANKARA. information La presse ecrite est distribuee a travers 1200 points de vente concentres a Abidjan (83,3%). 2/3 des ventes de Fraternite-Matin et 3/5 de celles d'lD se font a Abidjan. L'Etat exerce un monopole absolu sur la radio et la television. II existe une station nationale de television installee a Abidjan; elle offre deux chaines dependant d'une meme direction centrale. Une equipe permanente est installee a Bouake d'oii elle est cens6e rayonner sur l'interieur du pays pour la collecte d'information; elle ne dispose que d'une heure par semaine d'emission propre, diffusee sur le r6seau national. La television ivoirienne propose 74 heures de programmes par semaine dont 59 sur la chaine 1. Les langues nationales n'occupent que 6,7% du temps d'antenne. La radio dispose d'une station nationale a deux chaines installee a Abidjan; elle propose 154 heures de programmes par semaine. II existe par ailleurs une station regionale a Bouake couvrant une aire de 150 km de rayon, ayant des programmes propres (30 heures par semaine); elle assure une heure d'information regionale par semaine sur le re'seau national. • Le reseau routier est constitue de 67000 km dont 5000 km bitumes. Toutefois, de nombreux villages demeurent difficiles d'acces. • La telematique fait se premieres armes (cf Tamtel et Port Autonomed' d'Abidjan). On peut retenir que le systeme de communication en Cote d'lvoire est inegalitaire, peu diversifie et insuffisant pour prendre en charge les besoins de communication que nous avons identifies. II faut done innover. Developpement d'un veritable service public Un service public est un organisme institue par l'Etat en vue de satisfaire un besoin public, d'exercer une activitejugee suffissament importante pour le groupe social pour e*tre soumise au controle d'une collectivite publique. De ce point de vue, les madias doivent tenir compte davantage ge de l'interet du public et se premunir contre la mainmise de certains groupes ou individus, ce qui suppose des moyens accrus et le respect d'une certaine ethique. C'est ce qu'un directeur de la television ivoirienne admettait avec beaucoup de franchise et de regret: "II y a des gens qui posent des actes qui ne sont pas des actes d'ordre 111 nationale que nous sommes obliges de couvrir et ceux qui nous offrent les moyens de couvrir ininte"ressants finissent par occuper l'antenne. . . Nous n'avons pratiquement pas le choix des reportages, ils nous sont imposes par ceux qui paient. . ." (8) les actes Redefinition de la notion d'information Ce ne sont pas les professionnels qui s61ectionnent les evenements a couvrir mais plutot leurs auteurs. Les medias sont ainsi envahis par de pseudo- <§venements n'interessant qu'une minorite. II est done urgent de definir les criteres de l'information et de les hierarchiser afin que les professionnels disposent d'un guide (pas d'un breviaire). Par ailleurs, un trop grand nombre d'informations sont occultees par la volonte des hommes politiques ou des decideurs sans pour autant qu'elles soient dangereuses pour l'ordre social. II faut pouvoir faire la part des choses entre un secret d'Etat (a caractere strategique ou susceptible de provoquer des reactions incontrol&s) et un secret politique (sans influence sur Involution de la societe ou entrant dans le jeu de la politique politicienne). Mise en application du droit a la communication II a ete defini par Particle 19 de la Declaration des Droits de l'Homrae de 1948: il suppose le droit de recevoir et de transmettre l'information sans entraves. Cela suppose que chaque citoyen ait une chance non nulle de s'exprimer, puisse acceder a des sources d'information plurielles, donne son point de vue sur la programmation. Cela contribuera surement a" rompre la fameuse spirale du silence generee par les medias (NODELLE- NEOUMANN, 1974) Rappelons que selon cette theorie, les mass media empSchent l'expression de la veritable opinion publique. (9) Promotion d'une veritable culture de la democratic le president de l'Assemblee nationale "Le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple", la democratic, suppose une competence, une maturite et une culture politique" affirmait redemment ivoirienne. (10) Les medias doivent contribuer, avec l'ecole entre autres, a1 propager une> culture de la democratic: — faire connaitre ses concepts et ses principes fondamentaux; — rendre compte des pratiques et experiences de"mocratiques telles que les debats d'idees, les elections, les altemances d6mocratiques et d6noncer la monStarisation des elections etc; les pratiques dictatoriales et autocratiques, •—- combattre la rumeur en la rendant sans objet. 112 Rapprochement des structures des medias des populations Une station de television, deux stations de radio, c'est bien peu pour un pays de 322 000 km2, de 11 millions d'habitants, subdivise en 49 prefectures et 163 sous-prefectures. La cr6ation de stations re"gionales et de stations rurales s'avere necessaire. La technologie actuelle le permet. Deja, plusieurs communes se sont donnSes un periodique d'information mais les medias 61ectroniques demeurent solidement sous monopole d'Etat. L'extension du reseau de collecte est absolument necessaire. Par ailleurs, les grandes communes peuvent gtre dotees de systeme te"lematique (videotex ou teletexte) que Ton pourra consulter dans certains lieux d'acces public dans un premier temps. Les structures de l'Etat devraient d'ailleurs donner l'exemple car, il est etabli que l'un des freins a la participation populaire en Afrique reside dans la complexite et l'( ipacite de l'Etat. La communication doit passer par la. Ces re"seaux telematiques communaux permettraient l'acces a des donnees relatives: — aux formalites administratives diverses — aux taxes — aux services sociaux (enseignement, sante, logement etc) — aux loisirs et aux services touristiques — aux transports — aux cultes — aux richesses culturelles locales etc. . . Tout cela doit s'accompagner: • d'une politique permettant l'acc&s generalise aux r6cepteurs, en particulier en faveur du monde rural; • d'une politique de formation de personnel. Ainsi, les professionels des mass m6dia devront 6tre formes a faire parler la population, a permettre l'expression du savoir populaire et non & privilggier les hommes politiques, les intellectuels . . .et eux-memes. • d'une politique linguistique favorable aux langues nationales. Au terme de notre propos, il ressort que le renforcement du processus dSmocratique dans un pays comme la C6te d'lvoire passe par des changements au miveau du systeme de communication. Certains changements necessitent des investissements financiers. D'autres sont d'ordre structurels et ce sont toujours les plus difficiles a operer. Une question demeure: jusqu'ou peut-on aller dans la democratisation des madias tant que subsiste le systeme du parti unique? Notes (1) Z O L B E R CJ (A) — One-Party Government in the Ivory Coast. — Princeton University Press, 1964, (Ph.D.) 113 POTHOLM (C). — La polilique africaine: Theories et Pratiques. — Paris: Economica/N.H., 1981. (Y-A), J.F. MEDARD (Eds). — Etat et bourgeoisie en Cote d'lvoire. — PARIS KARTHALA 1982. — p. 62. (2) KONE (H). — La planification de la communication: le cas du PETV de Cote d'lvoire. ABIDJAN: Universite' Nationale, 1985. — p. 58. (4) Discours du Chef de l'Etat au 7e Congres du PDCI, septembre 1980. (5) KONE (H). — La dynamique des medias dans les socie'te's en mutation. — Abidjan: (non publie). p. 873. (6) KONE (H). — Ecologie de /'information du public par les services. — d'interet public, Abidjan: CERAV, 1985. — p. 27. (7) HOP. — Audience des medias en Cote d'lvoire. — Abidjan: HOP, 1987. (8) Mamadou BEN SOUMAHORO, Directeur Central de la RTI in Fraternite-Matin du 15 septembre 1983. — p. 13. (9) NOELLE-NEUMANN. — Spiral of silence: a theory of public opinion. — Journal of Communications, Vol. 24, 1974. (10) H. KONAN BEDIE. — Discours d'ouverture de la premiere session ordinaire 1988 de rAssemble'e Nationale. — avril 1988. 114